Théma JOUETS

« J’en ai assez d’être une marionnette. Il serait temps que je redevienne un humain. »
(Carlo Collodi, Pinocchio)

A travers des films tels que Au Cœur de la Nuit d’Alberto Cavalcanti, Basil Dearden, Robert Hamer & Charles Crichton, Asylum de Roy Ward Baker, La Poupée de la Terreur de Dan Curtis ou Magic de Richard Attenborough, le motif de la poupée tueuse est très tôt devenu un classique du film d’horreur. Derrière l’aspect purement récréatif des visions surréalistes offertes par des jouets mués en machines de mort, ce thème récurent évoque la profonde rupture qui existe entre le monde cartésien des adultes et l’imaginaire fertile des enfants. Lorsque ces deux notions s’entrechoquent, le rêve bascule vers le cauchemar et le sourire des poupées inoffensives se mue en rictus effrayant… Cette récurrence est si prégnante que plusieurs séries de films, parfois très prolifiques, ont décliné à loisir la figure de la poupée assassine, les plus connues étant Chucky et Puppet Master. Mais le jouet n’est pas toujours meurtrier dans le cinéma fantastique. Il est parfois là pour éveiller la conscience du spectateur et l’interroger sur l’essence même de la vie. 

 

A ce titre, le personnage de Pinocchio, imaginé par Carlo Collodi et maintes fois décliné à l’écran, n’est pas très éloigné du mythe de Frankenstein. Lorsque l’homme crée un jouet à son image, ne joue-t-il pas à être Dieu ? Ne reproduit-il pas les abus de Prométhée en volant le feu céleste pour créer la vie ? La question de la paternité et de la relation filiale est clairement posée dans le célèbre conte toscan, comme en témoigne cette phrase lourde de sens : « Tous les pères sont les mêmes : vient toujours un moment où ils ne voudraient pas être regardés par leurs fils avec les yeux qu’ils leur ont faits ».  Et si les jouets étaient doués de conscience, comme les soldats et les monstres de Small Soldiers ? Cette fois, ce sont les questionnements métaphysiques d’Isaac Asimov sur l’intelligence artificielle qui affleurent, rapprochant le thème du jouet conscient de celui du robot penseur. Parfois même, le héros humain est réduit à la taille des jouets, en qui il trouve non seulement des confidents mais aussi son propre reflet. C’est ce qui arrive au minuscule protagoniste des Aventures de Tom Pouce de George Pal, inspiré du célèbre personnage folklorique des contes britanniques du 17ème siècle. Plus moderne mais tout autant universel, le cas de Ted est celui le d’un ours en peluche doté d’intelligence qui passe du statut de doudou à celui de compagnon de beuverie, reflétant sous sa bonhommie apparente le passage de l’adolescence à l’âge adulte, et la part d’enfance que chacun est capable – ou non – de conserver. 

 

© Gilles Penso

FILMS CHRONIQUÉS
1934: La Marche des soldats de bois de Gus Meins et Charles Rogers

1945: Au Cœur de la Nuit de Cavalcanti, Dearden, Hamer et Crichton

1958: Les Aventures de Tom Pouce de George Pal
1972: Asylum de Roy Ward Baker

1972: Les Aventures de Pinocchio de Luigi Comencini
1975: La Poupée de la Terreur de Dan Curtis
1978: Magic de Richard Attenborough
1982: Poltergeist de Tobe Hooper

1982: X-Tro de Harry Bromley Davenport

1983: En plein cauchemar de Joseph Sargent
1984: Le Singe du Diable de Kenneth J. Berton
1986: Dolls, les poupées de Stuart Gordon
1988: Jeu d’Enfant de Tom Holland
1989: Puppet Master de David Schmoeller
1990: Chucky la Poupée de Sang de John Laffia

1990: Puppet Master II de David Allen
1991: Chucky 3 de Jack Bender

1991: Douce nuit sanglante nuit : les jouets de la mort de Martin Kritosser
1991: Puppet Master III : la revanche de Toulon de David DeCoteau

1992: Demonic Toys de Peter Manoogian
1992: Toys de Barry Levinson

1993: Dollman vs. Demonic Toys de Charles Band

1993: Puppet Master IV de Jeff Burr

1994: Puppet Master V de Jeff Burr 

1995: Jumanji de Joe Johnston

1995: L’Indien du placard de Frank Oz

1996: Josh Kirby… Time Warrior! chapitre 3: Trapped on Toyworld de Frank Arnold

1996: Pinocchio de Steve Barron

1998: Le retour des Puppet Master de David DeCoteau 
1998: Small Soldiers de Joe Dante
1998: La Fiancée de Chucky de Ronny Yu

1999: Blood Dolls de Charles Band

1999: Ragdoll : magie noire de Ted Nicolaou

1999: Retro Puppet Master de David DeCoteau

2002: Pinocchio de Roberto Benigni

2003: Puppet Master : The Legacy de Charles Band 
2004: Le Fils de Chucky de Don Mancini

2004: Puppet Master vs Demonic Toys de Ted Nicolaou

2005: Zathura, une aventure spatiale de Jon Favreau

2007: Dead Silence de James Wan

2010: Demonic Toys 2 de William Butler

2010: Puppet Master : Axis of Evil de David DeCoteau

2012: Puppet Master X : Axis Rising de Charles Band

2012: Ted de Seth MacFarlane

2013: La Malédiction de Chucky de Don Mancini

2014: Annabelle de John R. Leonetti
2015: Ted 2 de Seth MacFarlane

2016: The Boy de William Brent Bell
2017: Le Retour de Chucky de Don Mancini

2017: Annabelle 2 : La Création du mal de David F. Sandberg

2017: Puppet Master : Axis Termination de Charles Band

2018: Bienvenue à Marwen de Robert Zemeckis

2018: Puppet Master : The Littlest Reich de Sonny Laguna et Tommy Wiklund

2019: Annabelle : La Maison du mal de Gary Dauberman

2019: Child’s Play: la poupée du mal de Lars Klevberg

2019: Jumanji – Next Level de Jake Kasdan

2019: Pinocchio de Matteo Garrone

2020: Blade the Iron Cross de John Lechago

2021: Baby Oopsie de William Butler

2021: Baby Oopsie 2: Murder Dolls de William Butler

2022: Baby Oopsie 3: Burn Baby Burn de William Butler

2022: Pinocchio de Robert Zemeckis

2022: Megan de Gerard Johnstone

2022: Puppet Master: Doktor Death de Dave Parker

2023: Barbie de Greta Gerwig

2023: Demonic Toys : Jack-Attack de WIlliam Butler

2024: Imaginary de Jeff Wadlow

2024: Longlegs d’Osgood Perkins

Théma DRACULA

« Le visage me déplaisait – dur, cruel, sensuel. Ses dents, surtout, me mettaient mal à l’aise : elles étaient pointues, comme celles d’un carnassier. »

(Bram Stoker, “Dracula”)

Aussi paradoxal que cela puisse paraître, le vampire romanesque le plus célèbre de tous les temps trouve ses origines dans un épisode bien réel de l’histoire du quinzième siècle. Monté sur le trône de la Valachie, ancienne principauté danubienne limitrophe des Carpathes, le prince Vlad II combattait sous la bannière de l’Ordre du Dragon créé par le roi de Hongrie, d’où son surnom de Dracul (synonyme de dragon mais aussi de diable). Détrôné en 1442, il fut bientôt relayé par son fils Vlad III, qui hérita en toute logique du sobriquet de Dracula, autrement dit « petit diable ». Sa lutte féroce et sans concession contre les Ottomans et sa prédilection pour le supplice du pal lui forgèrent bientôt la réputation d’un meneur de troupes à la cruauté incomparable. Fasciné par ce personnage hors norme, l’écrivain irlandais Abraham Stoker s’en inspira très librement, non pour se lancer dans un récit historique romancé, mais pour bâtir de toutes pièces la légende du vampire Dracula, à l’occasion d’un roman publié en 1897. Certes, vampirisme et littérature avaient déjà connu quelques mariages heureux, notamment avec « Carmilla » de Sherdidan le Fanu, mais Stoker greffa à son récit toute la mythologie qui, depuis, est indissociable des histoires de suceurs de sang. Notamment le château transylvanien, le cercueil mué en refuge diurne du monstre, l’ail pour le faire fuir et le pieu pour le détruire.

 

Afin de mieux toucher le lecteur de cette fin de siècle, le romancier ne confine pas le vampire dans son folklorique fief roumain mais l’envoie perpétrer ses méfaits dans le Londres contemporain, tandis que le roman reprend pour sa part un procédé narratif fort prisé depuis le 18ème siècle : le mélodrame épistolaire, à la façon des « Liaisons Dangereuses » de Pierre Choderlos de Laclos. Echanges de courriers, extraits de journaux intimes, télégrammes, comptes rendus médicaux et articles de journaux constituent ainsi le cœur de l’ouvrage, chaque portion du récit se complétant pour former un gigantesque puzzle. Très vite, l’œuvre de Stoker passa à la postérité et fut aussitôt adaptée au théâtre puis au cinéma. De nombreux interprètes prêtèrent leur visage au monstre, mais deux resteront à tout jamais liés au rôle, se muant en références incontournable et en pôle permanent de comparaison : Bela Lugosi, héros de la première adaptation officielle du roman en 1931, et Christopher Lee, figure récurrente d’une dizaine de variantes concoctées par le studio britannique Hammer à partir de 1958. D’autres comédiens de renom endosseront cependant la cape noire du vampire, notamment Lon Chaney Jr, John Carradine, David Niven, Klaus Kinski, Jack Palance et Gary Oldman.

FILMS CHRONIQUÉS
1922: Nosferatu de F.W. Murnau
1931: Dracula de Tod Browning
1936: La Fille de Dracula de Lambert Hillyer

1943: Le Fils de Dracula de Robert Siodmak

1944: La Maison de Frankenstein d’Erle C. Kenton

1944: La Maison de Dracula d’Erle C. Kenton
1958: Le Cauchemar de Dracula de Terence Fisher
1966: Dracula, Prince des Ténèbres de Terence Fisher
1966: Billy the Kid vs. Dracula de William Beaudine
1968: Dracula et les Femmes de Freddie Francis

1969: Dracula ce vieux cochon de William Edwards
1969: Dracula contre Frankenstein de Tulio Demichelli et Hugo Fregonese
1969: Une Messe pour Dracula de Peter Sasdy
1970: Les Nuits de Dracula de Jess Franco
1970: Les Cicatrices de Dracula de Roy William Neill 
1972: Dracula 73 d’Alan Gibson
1972: Blacula de William Crain

1972: La Fille de Dracula de Jess Franco

1973: Dracula vit toujours à Londres d’Alan Gibson

1974: Du Sang pour Dracula de Paul Morrissey
1974: Dracula et ses femmes vampires de Dan Curtis

1974: La Légende des 7 vampires d’or de Roy Ward Baker 
1976: Dracula père et fils d’Edouard Molinaro 
1977: Zoltan le chien sanglant de Dracula d’Albert Band
1979: Dracula de John Badham

1979: Nosferatu, fantôme de la nuit de Werner Herzog
1980: Les Charlots contre Dracula de Jean-Pierre Desagnat
1987: Monster Squad de Fred Dekker
1988: Waxwork d’Anthony Hickox
1992: Dracula de Francis Ford Coppola

1995: Dracula, mort et heureux de l’être de Mel Brooks

1997: The Creeps de Charles Band

2000: Dracula 2001 de Patrick Lussier

2000: L’Ombre du vampire de E. Elias Merhige

2002: La Fiancée de Dracula de Jean Rollin
2004: Van Helsing de Stephen Sommers

2006: Dracula de Bill Eagles
2012: Dracula 3D de Dario Argento

2014: Dracula Untold de Gary Shore

2023: Renfield de Chris McKay

2023: Le Dernier voyage du Demeter d’André Øvredal