LE MONSTRE DE LONDRES (1935)

Le premier film de loup-garou produit par le studio Universal puise sa mythologie au fin fond du Tibet

THE WEREWOLF OF LONDON

1935 – USA

Réalisé par Stuart Walker

Avec Henry Hull, Warner Oland, Valerie Hobson, Lester Matthews, Lawrence Grant, Spring Byington

THEMA LOUPS-GAROUS

Généralement, Le Loup-Garou de George Wagner est considéré comme le premier classique des studios Universal consacré à la Lycanthropie. Mais cinq ans plus tôt, la major à la mappemonde abordait déjà le sujet frontalement avec Le Monstre de Londres, avant-dernier long-métrage de Stuart Walker. Si le prologue joue la carte de l’exotisme folklorique, ce ne sont pas les traditions gitanes qui sont ici évoquées, mais plutôt les légendes asiatiques. Lors d’une expédition botanique au Tibet, le docteur Wilfred Glendon (Henry Hull) se met en quête d’une fleur rarissime et phosphorescente qui n’éclot qu’au clair de lune. Mais en ces lieux reculés, les superstitions ont la vie dure et tous les membres de l’expédition prennent bien vite la poudre d’escampette. 

Lorsqu’il trouve enfin la fleur tant convoitée, Glendon est attaqué par une créature velue humanoïde qui le mord et prend la fuite. De retour dans son laboratoire high tech (équipé d’un visiophone très avant-gardiste), Glendon a ramené deux souvenirs de son expédition : la fleur rare et une vilaine trace de morsure sur le bras. Nous découvrons alors son épouse, qu’il délaisse pour ses recherches et qui se laisse attirer par un ancien prétendant. Tandis que le triangle amoureux se met en place, l’étrange docteur Yogami rend visite à Glendon et lui annonce que cette fameuse fleur peut guérir la lycanthropie. « Le loup-garou n’est ni un homme ni un loup, mais une créature satanique qui possède les pires défauts des deux espèces » affirme-t-il pour étayer ses propos. « J’ai bien peur d’avoir cessé de croire aux gobelins, aux sorcières, aux démons et aux loups-garous à l’âge de six ans » répond Glendon. Mais plus tard, quand il approche sa main blessée d’une lampe qui reproduit la lumière lunaire, elle se couvre de poils, et ne retrouve son état normal que grâce à la sève de la fleur ! Du coup, quand la pleine lune surgit, la transformation est inévitable. 

Sous l'influence de l'expressionnisme

Plus que le loup-garou classique avec lequel Universal allait plus tard nous familiariser, le héros tourmenté du Monstre de Londres évoque le docteur Jekyll, notamment lorsqu’il se camoufle derrière une casquette et un pardessus, errant dans les rues nocturnes en quête de victimes. Les effets de lumière qui filtrent à travers la fenêtre pour jeter une lueur blafarde sur la silhouette sombre du savant maudit puisent leur inspiration dans le cinéma expressionniste et renvoient aux images iconiques du Frankenstein de James Whale. Les transformations elles-mêmes surprennent par leur inventivité. Appliqué progressivement, le maquillage de Jack Pierce donne le sentiment d’une métamorphose en direct et en plan séquence, grâce à des facéties de mise en scène (un mouvement de travelling qui accompagne les déplacements du héros combiné avec des effets de volets obtenus par des colonnes à l’avant-plan) ou à de subtils effets optiques (via une combinaison de fondus enchaînés et de changements d’éclairage). Beaucoup plus dynamiques que les simples fondus qu’utilisera plus tard George Waggner pour Le Loup-Garou, ces trucages audacieux ne sont pas l’un des moindres atouts du Monstre de Londres.

 

© Gilles Penso

LE TESTAMENT DU DOCTEUR MABUSE (1933)

Au sommet de son art, Fritz Lang dirige la suite des aventures du super-vilain le plus effrayant du cinéma allemand

DAS TESTAMENT DES DR MABUSE

1933 – ALLEMAGNE

Réalisé par Fritz Lang

Avec Rudolf Klein-Rogge, Theodor Loos, Oskar Beregi, Otto Wernicke, Gustav Diessl, Theo Lingen

THEMA SUPER-VILAINS

Conçu en 1933, Le Testament du Docteur Mabuse sera interdit sur le territoire allemand jusqu’en 1951, où il sera visible dans une version plus courte que celle originalement conçue. Il faut croire que cette œuvre fut particulièrement dérangeante aux yeux du régime fasciste qui s’établissait alors au centre de l’Europe. Car une fois de plus, Fritz Lang jouait les prophètes en annonçant par le biais du thriller – teinté ici d’éléments de science-fiction, d’horreur et de fantastique – les dérives du totalitarisme. Le réalisateur de Metropolis s’était déjà intéressé aux exactions du docteur Mabuse aux temps du muet. Il donne ici une suite aux aventures de son super-vilain favori en décuplant l’impact de son message.

Capturé il y a plusieurs années après ses crimes perpétrés via l’hypnose, Mabuse a depuis sombré dans la démence, persuadé d’être hanté par l’esprit de ses victimes. Il passe ses journées allongé dans son lit, à noircir les pages de ce qui semble être un manuel pratique pour commettre des crimes. Bizarrement, des malfaiteurs commettent ces méfaits exactement comme ils sont écrits par Mabuse. Or le professeur Baum, qui exerce dans l’hôpital psychiatrique où est enfermé Mabuse, est le seul à connaître ces manuscrits. « Il convient de terroriser l’âme humaine, jusqu’en son tréfonds, par des crimes énigmatiques et apparemment gratuits » peut-on y lire. « Des crimes qui ne profitent à personne et dont l’unique but est de propager la terreur. Car l’ultime vocation de ces crimes est d’instaurer un règne absolu du crime. »

Les deux visages de la nature humaine

La mise en scène de Fritz Lang regorge d’idées visuelles surprenantes et de mouvements de caméra d’une folle modernité. Une fois de plus, le cinéaste allemand prouve qu’il n’a rien à envier à Alfred Hitchcock en matière de suspense et de maîtrise de toutes les ficelles du langage cinématographique. De nombreuses scènes sont d’ailleurs quasiment muettes, simplement soutenues par les effets sonores, comme cet assassinat en pleine rue dont les coups de feu sont couverts par des bruits de klaxons. Mais c’est dans sa description de la folie que Le Testament du Docteur Mabuse étonne le plus, détournant les codes du cinéma expressionniste pour mieux les réinventer. Témoin cette scène où le brigadier Hofmeister se retrouve dans une cellule aux murs tordus et aux perspectives étranges hantée par des personnages se dédoublant et des sons altérés, ou celle dans laquelle le professeur Braum analyse les écrits de Mabuse tandis que les masques ethniques, les crânes humains et les tableaux expressionnistes grimacent tout autour de lui. La scène la plus folle du film est sans conteste celle où Braum voit le fantôme de Mabuse assis en face de lui, en train de lui parler, avant de prendre possession de son corps, par le biais d’un trucage simple mais très réussi : une surimpression, et un maquillage effrayant. Fidèle à sa vision ambivalente de l’être humain, mélange complexe de pessimisme et d’optimisme, Fritz Lang n’aura de cesse, tout au long du Testament du Docteur Mabuse, de décliner deux thèmes récurrents : la folie est communicative mais l’amour finit toujours par triompher du mal.

 

© Gilles Penso

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LA FEMME SUR LA LUNE (1929)

Après Metropolis, Fritz Lang décline une autre thématique clé de la science-fiction en transportant ses héros dans l'espace

FRAU IM MOND

1929 – ALLEMAGNE

Réalisé par Fritz Lang

Avec Wiilly Fritsch, Gerda Maurus, Klaus Pohl, Fritz Rasp, Gustl Gstettenbaur, Gustav von Wangenheim, Tilla Durieux

THEMA SPACE OPERA

Dernier film muet de Fritz Lang, La Femme sur la Lune s’inspire d’un roman de Thea Von Harbou, alors épouse du cinéaste, et réutilise des idées non retenues pour l’une des premières versions de Metropolis, dans laquelle le héros s’envolait vers les étoiles. « Pour le génie humain, rien n’est impossible, tout est question de temps », nous annonce un carton en début de film. Nous faisons alors connaissance avec le vieil astronome Georg Manfeldt (Klaus Pohl), tombé dans la misère depuis le discrédit que lui apporta en 1896 sa théorie sur la teneur en or des montagnes lunaires. « Votre cerveau est inversement proportionnel à votre sénilité » avait-il alors rageusement déclaré à ses confrères moqueurs.

Un jour, son ami Wolf Helius (Willy Fritsch) lui annonce sa décision de partir vers la Lune pour prouver sa théorie. Mais des hommes d’affaire déterminés et appâtés par le gain dérobent le précieux manuscrit de Manfeldt, fruit d’années de labeur et de recherches, ainsi que le contenu du coffre-fort d’Helius, à l’intérieur duquel se trouvaient les images filmées par une fusée d’exploration lancée vers la Lune. Pour éviter que ses travaux ne soient détruits, Helius accepte de s’embarquer pour le compte des puissants malfaiteurs à bord d’une fusée de son invention. Il dirige un équipage composé du professeur Manfeldt, d’un des malfrats, le sinistre Turner (Fritz Rasp), mais aussi de l’étudiante en astronomie dont il est follement épris, Friede (Gerda Maurus), et de l’homme qu’elle a choisi d’épouser, Windegger (Gustav von Waggenheim). Face à la presse et à la foule en délire, le vaisseau spatial s’apprête à s’élever dans les cieux… 

« Pour le génie humain, rien n'est impossible… »

Incroyablement prophétiques si l’on considère les connaissances en astrophysique de l’époque, les visions du compte à rebours, du décollage de la fusée et de la séparation de la capsule spatiale à mi-parcours font indiscutablement de La Femme sur la Lune le premier film de « hard science ». Les effets spéciaux remarquables d’Oskar Fischinger et Konstantin Tschetwerikoff, mélange de portions de décor grandeur nature, de maquettes et de trucages optiques, sont ainsi guidés par une extrême rigueur scientifique. En quête de réalisme, Fritz Lang demande conseil à Hermann Oberth, un spécialiste en aéronautique qui décidera quelques années plus tard de mettre son savoir au service des nazis. Après un voyage mouvementé, l’aspect documentaire du récit s’estompe peu à peu au profit du mélodrame, dans la mesure où les rivalités amoureuses et les trahisons s’exacerbent sur la Lune. Mais l’intérêt du film n’en est pas émoussé pour autant, grâce aux perpétuelles inventions d’un cinéaste au sommet de son art, et à une direction artistique de haut niveau muant notre satellite naturel en décor de pure fantaisie à l’atmosphère tout à fait respirable, riche en marécages bouillonnants, en rochers escarpés et en cavernes souterraines. Il n’est d’ailleurs pas exclu que le dessinateur Hergé se soit largement inspiré de ce classique de la science-fiction pour concocter vingt ans plus tard deux des aventures les plus célèbres de Tintin, « Objectif Lune » et « On a Marché sur la Lune ».

 

© Gilles Penso

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LA CHUTE DE LA MAISON USHER (1928)

L'une des adaptations les plus anciennes et les plus inventives de la célèbre nouvelle d'Edgar Poe

LA CHUTE DE LA MAISON USHER

1928 – FRANCE

Réalisé par Jean Epstein

Avec Jean Debucourt, Marguerite Gance, Charles Lamy, Fournez-Goffard, Luc Dartagnan, Pierre Hot

THEMA FANTÔMES

Classique du cinéma d’avant-garde des années 20, La Chute de la maison Usher adapte non seulement le roman homonyme d’Edgar Poe mais également un autre récit du génial auteur, « Le Portrait Ovale », publié en 1854. Incarné par Jean Debucourt, Roderick Usher a prié un de ses amis (Charles Lamy) de venir lui rendre visite dans sa grande demeure isolée au milieu des bois. En effet, son épouse Madeline (Marguerite Gance, femme d’Abel) souffre d’une maladie qui l’affaiblit terriblement, tandis qu’il tente désespérément de peindre son portrait. Ainsi, contrairement au texte initial, Roderick et Madeline ne sont plus un frère et une sœur aux sentiments réciproques complexes, mais plus sagement un couple marié. Plus Madeline s’éteint, plus le portrait semble prendre vie. Bientôt, Madeline meurt, et on l’enterre dans le mausolée voisin. Mais Roderick est soudain pris d’une grande angoisse : si Madeline n’était pas morte ? Si elle avait été enterrée vivante ? Il est bientôt assailli d’hallucinations diverses…

Cette Chute de la maison Usher surprend par ses audaces visuelles. Les cadrages, savamment composés, jouent fréquemment sur la profondeur de champ, la caméra est souvent mobile, offrant en particulier des travellings avant au ras du sol assez précurseurs, le découpage est souvent complexe, et la mise en scène s’avère très stylisée. La fameuse maison du titre est un vaste décor aux allures expressionnistes pour les intérieurs, et une maquette facilement détectable – ce qui n’ôte rien à son charme – pour les extérieurs. Par le biais de divers trucages, les décors se surimpressionnent en tremblant, le mobilier s’écroule au ralenti et la fumée envahit toutes choses. Assez étrangement, le portrait de Madeline tel que nous le montre Jean Epstein n’est jamais une peinture, mais un plan de l’actrice vue à travers un cadre ovale. D’où un troublant sentiment de réalisme et de vie animant le tableau. La séquence qui suit l’enterrement, dans laquelle le balancier de l’horloge va et vient au ralenti et où les cordes d’une guitare se cassent successivement, est assez mémorable, par la tension qu’elle réussit à générer, annonçant quelques effets de style de La Bête aux cinq doigts

Une apothéose de destruction et de flammes purificatrices

Le film souffre en revanche d’un rythme trop lent, étirant exagérément la durée des séquences pour obtenir une durée globale de 55 minutes, d’une distribution peu éclatante (Marguerite Gance manquant de charme et Jean Debucourt d’expressivité), et d’une moralisation discutable du récit original. Car non content d’effacer toute trace gênante d’inceste – fut-il platonique – entre Roderick et Madeline, le scénario d’Epstein revisite les motivations de la bien aimée revenue d’entre les morts. De spectre vengeur assoiffé de destruction, Madeline se mue ainsi en entité rédemptrice animée par le désir de sauver son époux des flammes de l’enfer. Il est permis de penser que Luis Buñuel, assistant de Jean Epstein sur de nombreux films de l’époque, crut bon de réagir à cette « bondieuserie » en initiant les fort peu catholiques Un Chien andalou et L’Âge d’or. En toute logique, La Chute de la maison Usher s’achève dans une apothéose de destruction et de flammes purificatrices, au sein d’un effondrement final justifiant entièrement le titre.

 

© Gilles Penso

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HALLOWEEN (2018)

Ne sachant plus sur quel pied danser, la saga Halloween tente de se réinventer en passant outre les séquelles et remakes précédents

HALLOWEEN

2018 – USA

Réalisé par David Gordon Green

Avec Jamie Lee Curtis, Judy Greer, Andy Matichak, Will Patton, Virginia Gardner, Haluk Bilginer

THEMA TUEURS I SAGA HALLOWEEN

Soyons honnêtes, la franchise Halloween s’apparente à un joyeux capharnaüm en 2018 : après un premier épisode entré dans l’Histoire à la grande surprise de son auteur de génie, cinq suites mercantiles à qualité variable, une célébration opportuniste des vingt ans miraculeusement menée à bien par un Steve Miner chevronné, une résurrection en forme de real TV dont on se serait bien passé, et deux opus malmenés par les Weinstein mais animés par la rage de Rob Zombie, ç’aurait été mentir que d’afficher un quelconque enthousiasme à la perspective d’un onzième (!) retour du tueur au masque blanc. Mi-reboot, mi-suite négationniste, Halloween 2018 avait plutôt intérêt, pour justifier sa seule existence, à proposer, sinon quelque chose de surprenant, au moins une quelconque évolution. Malheureusement, David Gordon Green et son comparse comique Danny McBride plongent tête baissée dans tous les écueils redoutés : fan service mal géré (les clins d’oeil au premier opus tombent tous à plat ou dans la parodie à la Scary Movie), mépris affiché des aînés (la saga est balayée en une réplique assassine alors qu’elle est ici allègrement pillée, un comble), script aux complications idiotes (les motivations ineptes des journalistes, la façon dont Myers récupère son masque, les interactions téléphonées entre personnages), structure erratique (le tueur apparaît puis disparaît un peu partout sans cohérence aucune, loin de l’utilisation maniaque de la topographie par Carpenter), humour malvenu (cette discussion à la Tarantino dans la voiture qui tombe comme un cheveu sur la soupe), caractérisation maladroite voire ridicule (le revirement fantaisiste du docteur Maboul), et hésitation permanente entre un gore frontal gratuit et d’inoffensives mises à mort hors-champ. 

La figure mythique de The Shape subit les mêmes affronts : présenté au départ comme un vieux monsieur dans un asile de pacotille à la American Horror Story, Michael Myers ne fait tristement plus peur, bouffon condamné à se cacher éternellement dans les placards et à se prendre des déculottées cyniques à la Scream (sans compter qu’il laisse inexplicablement en vie un bébé que les auteurs ont cru bon de mettre sur sa route). Seule à tirer son épingle du jeu, Jamie Lee Curtis subit in fine l’indigence d’écriture générale, la piste de son éventuelle folie – aspect qui aurait pu insuffler un mordant salvateur – étant à peine effleurée avant d’être abandonnée au profit d’une inversion des rôles chasseur/proie plus convenue (fausse bonne idée servant juste à donner des coups de coudes au spectateur à travers des plans-signatures repris du Carpenter, ce dernier ayant de plus demandé à enlever un ultime hommage balourd prévu à son encontre) et d’une timide thématique de la transmission du Mal gauchement exploitée jusque dans un plan final faisant inutilement du pied à Massacre à la Tronçonneuse

Fausses bonnes idées et maladresses en série

On en vient à se demander à l’issue de ce douloureux visionnage pourquoi la tolérance que l’on appliquait aux séquelles précédentes ne semble plus dorénavant avoir droit de cité : outre une légitime fatigue, la réponse réside certainement dans le fait que ces séries B d’époque, certes techniquement moins léchées et à but tout autant lucratif, assumaient une ligne directrice claire et n’ambitionnaient pas plus que leur simple statut de films d’exploitation, réalisées par d’honnêtes artisans respectueux, là où le duo Gordon Green/McBride semble peiner à trouver le juste milieu entre orgueil inconscient et peu aventureuse humilité. Pas assez décomplexé pour égaler l’épisode deux de Rosenthal ou l’actioner fun de Dwight H. Little, pas assez généreux pour détrôner le définitif Halloween 20 ans après, pas assez original pour concurrencer Halloween 3 : le Sang du Sorcier (qui, réussissait, lui, à faire subtilement table rase du passé), ni assez fouillé psychologiquement et visuellement pour faire oublier les saillies viscérales de Rob Zombie (que beaucoup regretteront dorénavant d’avoir critiqué et qui se retrouve ici plagié sans vergogne), cet Halloween quadra ne fait que rappeler le manque d’imagination et d’audace d’un système exsangue et déférent jusqu’à la manipulation. Autant dire que l’on attend l’inévitable douzième outrage avec une impatience toute mesurée…
 
© Julien Cassarino

METROPOLIS (1927)

L'un des plus grands films de science-fiction de tous les temps, prophétique, vertigineux et bardé de paradoxes

METROPOLIS

1927 – ALLEMAGNE

Réalisé par Fritz Lang

Avec Brigitte Helm, Gustav Frölich, Rudolph Klein-Rogge, Alfred Abel, Fritz Rasp

THEMA FUTUR I ROBOTS

On n’en finirait pas de citer les images fortes qui ponctuent Metropolis et qui, aujourd’hui encore, le hissent au statut de chef d’œuvre visionnaire. La métropole du 21ème siècle que nous décrit Fritz Lang est bardée de paradoxes. L’influence des buildings modernes et lumineux de la ville de New York se mêle avec celle des austères et titanesques architectures staliniennes. Dans cette gigantesque cité, les gratte-ciels babyloniens sont reliés par des ponts autoroutiers et survolés par des avions. C’est là que vivent les « dominants », élite d’une société qui regarde le ciel pour ne pas se soucier de ce qui se passe sous-terre. Là, les ouvriers s’abrutissent au rythme de machines cyclopéennes. Déshumanisés, réduits à l’état de simples rouages d’une société qui les use et les épuise, ce sont les « dominés ». Charlie Chaplin s’en souviendra lorsqu’il fusionnera dix ans plus tard l’homme et l’engrenage dans Les Temps Modernes

Dans ce monde cauchemardesque et pourtant tellement tangible, le savant Rothwang invente une femme-robot qui a pour mission de détourner les opprimés de leur révolte. Brigitte Helm s’avère étonnante dans le double rôle de Maria (image d’évangile dont le prénom n’a évidemment pas été choisi au hasard) et de son double robotique Futura (strip-teaseuse à ses heures, pour laquelle les hommes se suicident ou s’entretuent). Plusieurs visions bibliques dignes des gravures de Gustave Doré ponctuent le film, comme le dieu Moloch et ses esclaves (symbole de la machine et des ouvriers), l’édification de la tour de Babel (avec un millier de figurants chauves qui influenceront sans doute George Lucas pour son THX 1138), les statues de la Mort et des sept péchés capitaux qui s’animent soudain, le déluge  qui engloutit la cité ou encore le bûcher de la fausse Maria. 

« Entre le cerveau et la main, le médiateur doit être le cœur… »

Le message récurrent du film demeure : « entre le cerveau et la main, le médiateur doit être le cœur ». Cet adage nous renvoie directement aux téfilines, ces lanières de cuir abritant des textes sacrés qui relient la tête, le bras et le cœur et que chaque Juif, selon la Thora, doit porter avant de commencer toute activité de la journée. C’est un précepte universel, que Fritz Lang regretta pourtant plus tard d’avoir employé avec tant d’insistance et de simplicité dans le film. Ce ne fut pas le seul problème que connut le cinéaste sur Metropolis, objet d’une curieuse relation d’amour/haine durable et persistante. Comment pourrait-il en être autrement lorsqu’on découvre à quel point le récit tente de faire cohabiter deux idéologies aux antipodes, subissant la double influence de sa scénariste Théa Von Harbou, future sympathisante nazie, et de Lang qui s’exilera aux USA pour fuir l’hitlérisme ? La propagande fasciste transparaît à travers le soulèvement ouvrier dont les conséquences sont catastrophiques (l’ordre établi s’avérant plus stable et rassurant que cette rébellion sauvage et désordonnée), tandis que la croisade humaniste se reflète dans la volonté d’élever la main d’œuvre au même rang que les patrons. Ces vents contraires, au lieu d’amenuiser l’impact de Metropolis, renforcent au contraire son caractère prophétique, en une période trouble mêlant l’espoir d’un monde meilleur et l’anticipation des heures les plus sombres de l’humanité.

 

© Gilles Penso

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LES NIBELUNGEN (1924)

Fritz Lang dirige avec emphase l'ancêtre épique et monumental de tous les films d'heroïc fantasy

DIE NIBELUNGEN

1924 – ALLEMAGNE

Réalisé par Fritz Lang

Avec Paul Richter, Gertrud Arnold, Margarete Schön, Hanna Ralph, Theodor Loos, Hans Carl Mueller, Hand Adalbert Schlettow

THEMA HEROIC FANTASY I DRAGONS

Longtemps avant ConanExcalibur et Le Seigneur des Anneaux, l’heroïc fantasy faisait son entrée fracassante au cinéma avec Les Nibelungen. S’inspirant de la célèbre légende de Siegfried, Fritz Lang accède à un budget colossal alloué par la compagnie allemande UFA et livre à son public ébahi une œuvre titanesque en deux parties de deux heures et demie chacune : « Siegfried » et « La Revanche de Kriemhild ». Le réalisateur de Metropolis s’éloigne volontairement de l’approche de Richard Wagner, qui popularisa le mythe à travers son célèbre opéra, pour proposer une œuvre résolument personnelle. 

Les premières minutes de cette épopée nous permettent de découvrir Siegfried, fils du roi Sigmund, un homme valeureux qui n’hésite pas à braver un redoutable dragon pour conquérir la reine Kriemhild. Entrée dans les annales, cette séquence marque les premiers pas de l’animatronique avant la lettre, dans la mesure où le monstre, une merveille mécanique de seize mètres de long, est animée en direct par une demi-douzaine de manipulateurs et s’avère capable de souffler des flammes et de saigner avec un réalisme confondant. Ayant vaincu la bête, notre héros se baigne dans son sang et en tire l’invulnérabilité, sauf à l’endroit de son dos où se pose subrepticement une feuille de tilleul. Sur son chemin, il croise également le hideux Nibelung, dont il récupère le fabuleux trésor ainsi qu’une couronne magique, après l’avoir vaincu sans mal. Le roi Gunther accepte alors de donner à Siegfried la main de sa sœur Kriemhild. En contrepartie, il demande au héros de l’aider à conquérir la vierge guerrière Brunhild en affrontant à sa place les trois épreuves physiques qu’elle soumet à ses prétendants. Le double mariage qui s’ensuit semble acheminer le récit vers un glorieux happy end. Mais au cours d’une dispute avec Kriemhild, Brunhild apprend la supercherie et exige que Gunther tue Siegfried pour laver son honneur… 

Un très long métrage sublimement outrancier

Pour le plus grand bonheur de spectateurs aux anges, Les Nibelungen accumule décors somptueux, effets spéciaux extraordinaires et costumes sublimement outranciers. Des séquences inoubliables ponctuent donc ce très long métrage : le combat contre le dragon, bien sûr, mais aussi les panoramas de la cité des Worms (dont le style architectural semble mixer le moyen âge et l’art déco), la pétrification des serviteurs nains de Nibelung dans une caverne sinistre et enfumée, le rêve de Kriemhild (un dessin animé stylisé où des faucons noirs fondent sur une colombe), le château de Brunhild encerclé de flammes ou encore l’arbre en forme de tête de mort qui clôt lugubrement la première partie. Fritz Lang témoigne à travers cette œuvre hors du commun d’une véritable déclaration d’amour à l’art plastique, tant son diptyque ressemble à un enchaînement de tableaux de maîtres. Au faîte de son ascension, le régime nazi récupéra les images les plus fortes des Nibelungen à des fins politiques, ignorant cependant la seconde partie dont le sujet (le chaos engendré par la loi du talion) ne collait guère à la propagande échafaudée par Goebbels. Cet état de fait précipita la fuite de Fritz Lang vers les Etats-Unis.

 

© Gilles Penso

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LA SORCELLERIE A TRAVERS LES ÂGES (1922)

Le film ultime sur la sorcellerie, à mi-chemin entre le documentaire professoral et la fiction fantastique spectaculaire

HÄXAN

1922 – SUEDE / DANEMARK

Réalisé par Benjamin Christensen

Avec Maren Pedersen, Clara Pontoppidan, Elith Pio, Oscar Stribolt, Tora Teje, John Andersen, Benjamen Christensen

THEMA SORCELLERIE ET MAGIE I DIABLES ET DÉMONS

La Sorcellerie à travers les âges, plus connu aujourd’hui sous son titre original Häxan (qu’on pourrait traduire par « Sorcière » en danois), est une œuvre atypique et inclassable. Son auteur et réalisateur Benjamin Christensen commença des études de médecine avant de se lancer dans le cinéma, d’où une appréhension presque clinique du sujet, comme en témoigne un épilogue liant le phénomène de possession avec les maladies mentales. Tournée entre 1919 et 1921, cette incursion dans le monde des adorateurs du diable prend d’abord les atours d’un documentaire assez classique. Le cinéaste commente, détaille et explique des gravures médiévales ou des reconstitutions en maquette du monde tel que l’imaginaient les civilisations anciennes. Le ton est professoral, les sources sont citées, les dessins sont même pointés avec une baguette ou un crayon. 

Puis subitement, Christensen fait basculer son film dans la fiction, installant son intrigue en 1488 où un étrange rituel se prépare dans la chaumière d’une sorcière. Des squelettes d’animaux pendent au-dessus d’un chaudron fumant, prélude à une série de séquences surprenantes qui suscitèrent un scandale fort compréhensible dans la société pudibonde du début des années vingt. Car Christensen ose tout : la nudité, l’horreur, la torture, avec une liberté créatrice qui force l’admiration. Le diable apparaît très tôt sous la forme traditionnelle que nous lui connaissons, incarné par le réalisateur lui-même portant un costume et un maquillage extrêmement réussis. Aujourd’hui encore, cette créature suscite certains frissons, notamment lorsqu’elle surgit sans préavis derrière le pupitre d’un moine ou lorsqu’elle pénètre dans un couvent et fait basculer toutes les nonnes dans la folie.

La danse des adoratrices du diable

La tonalité du film étonne sans cesse, car si Christensen dénonce frontalement les horreurs commises par l’église au nom de la chasse aux sorcières (« à travers les siècles, 8 millions de femmes, hommes et enfants ont été jugés et brûlés pour sorcellerie » y apprend-on), il sature son écran de visions à faire pâlir les spectateurs les plus athées : la chevauchée nocturne d’une nuée de sorcières sur leurs balais au-dessus d’un village, la danse des adoratrices du diable devant des démons aux pattes de bouc et au front orné de cornes, un squelette de cheval qui déambule sinistrement, une démone séculaire qui mixe une potion douteuse, un diable immense qui se découpe sur fond de clair de lune, le cadavre d’un bébé saigné et plongé dans un chaudron pour le dîner, des créatures démoniaques qui surgissent du ventre d’une femme accusée d’engendrer des succubes… Astucieux, les effets spéciaux se diversifient pour mieux tromper le regard et semer le trouble. La stop-motion que Willis O’Brien allait populariser avec Le Monde Perdu et King Kong est même mise à contribution pour animer des pièces d’or ou un démon cornu déchiquetant une porte. L’impact du film réside justement dans son travail d’équilibre permanent entre une approche purement documentaire et une mise en scène spectaculaire des phénomènes surnaturels, cocktail osé qui allait faire ses preuves plus de cinquante ans plus tard avec L’Exorciste.

 

© Gilles Penso

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DOCTEUR JEKYLL ET MISTER HYDE (1920)

La plus célèbre des adaptations muettes du roman de Robert Louis Stevenson, avec un John Barrymore hallucinant

DR JEKYYLL AND MR HYDE

1920 – USA

Réalisé par John S. Robertson

Avec John Barrymore, Martha Mansfield, Brandon Hurst, Nita Naldi, Louis Wolheim, Charles Lane, George Stevens

THEMA JEKYLL & HYDE

Voici la plus connue et la plus marquante des adaptations muettes de la nouvelle “L’Etrange Cas du Docteur Jekyll et de Mister Hyde” de Robert Louis Stevenson (de 1908 à 1925, on en dénombre une bonne douzaine). Sous la direction de John S. Robertson, John Barrymore incarne avec élégance et raffinement un docteur Jekyll bienveillant, plongé dans des expériences scientifiques progressistes qui surprennent ses collègues beaucoup plus conservateurs. Pétri de bons sentiments, il occupe le peu de loisir qui lui reste à prendre en charge un hôpital pour pauvres qu’il finance de ses propres deniers. Bref, c’est un chic type. Revers de la médaille, sa vie sociale en prend un coup, sa fiancée Millicent doit se contenter d’une relation désespérément platonique, et ses pairs se moquent un peu cyniquement de son éternelle affabilité. 

Un soir, n’y tenant plus, ils le traînent dans un music-hall des bas quartiers pour lui prouver que les bas instincts et la vile tentation sommeillent en chacun des hommes. Et effectivement, face aux déhanchements lascifs de la danseuse italienne Gina, Jekyll défaille presque. Alors, pour définitivement chasser sa part bestiale, il l’isole grâce à une potion de son invention et dédouble sa personnalité. Survient donc l’inévitable séquence de transformation, dans laquelle le talent de Barrymore brille de tout son éclat. Car la métamorphose en question se déroule en plan-séquence, sans l’ombre d’un effet spécial, entièrement supportée par le comédien qui gesticule comme un dément, libère une tignasse sauvage jusqu’alors soigneusement peignée et affuble son visage d’une grimace animale. Pour parachever cette étonnante séquence de mutation, un fondu enchaîné change sa main en serre crochue, tandis qu’un maquillage efficacement sobre, précurseur de ceux de Lon Chaney, allonge davantage sa crinière, déchausse ses dents et termine son crâne en bosse proéminente.

Incisif, brutal et sans concession

Dans les premiers temps, Jekyll parvient à maîtriser ses métamorphoses, et continue donc de mener sa tranquille vie de médecin humaniste, tout en laissant son double maléfique se libérer de temps en temps pour assouvir ses pulsions, notamment auprès de la malheureuse Gina, maltraitée et échue dans la misère. Mais bientôt, les transformations échappent à tout contrôle. Hyde se mue en assassin sanguinaire, n’hésitant pas à tuer en pleine rue un enfant et le père de Millicent, avec une sauvagerie qui dut choquer plus d’un spectateur en 1920. Car la mise en scène de Robertson, si elle n’échappe pas à la théâtralité inhérente aux œuvres de cette époque, s’avère incisive, brutale et dénuée de concessions. L’une des séquences les plus étonnantes du film nous montre Jekyll alité, soudain attaqué par une cauchemardesque araignée géante et fantomatique, affublée de pattes velues et d’un abominable faciès humain. Cette apparition surréaliste est la matérialisation des aspects les plus noirs de sa personnalité, de son Ça, et elle constitue l’une des idées visuelles les plus fortes de cette remarquable adaptation du mythe engendré par Stevenson. Une adaptation qui donnera le la pour toutes celles à venir.

 

© Gilles Penso

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ZOMBI 3 (1988)

Un film de zombies au titre mensonger et au scénario absurde qui porte pourtant la signature de Lucio Fulci

ZOMBI 3

1988 – ITALIE

Réalisé par Lucio Fulci

Avec Deran Sarafian, Beatrice Ring, Ottaviano Dell’Acqua, Massimo Vanni, Ulli Reinthaller, Marina Loi

THEMA ZOMBIES

Lucio Fulci et les zombies : l’association du cinéaste transalpin et de la thématique des morts-vivants ayant déjà fait ses preuves quatre fois, il n’y avait pas de raison de changer une équipe gagnante. Sauf qu’à la fin des années 80, Fulci était en sérieuse perte d’inspiration et se contentait de recycler vaguement les ingrédients de sa période faste, sans bénéficier de l’apport décisif de son scénariste Dardano Sachetti. D’où ce fort peu mémorable Zombi 3, abusivement présenté comme la suite de L’Enfer des Zombies (alias Zombi 2), lui-même constituant une pseudo-suite du Zombie de George Romero, la véritable suite de ce dernier étant Le Jour des Morts-Vivants. Il y avait donc largement de quoi semer la confusion dans l’esprit des spectateurs les plus attentifs.

Des terroristes se rendent clandestinement dans une base militaire des Philippines et volent un produit toxique confiné à l’intérieur d’une mallette métallique. Par mégarde, le virus contamine l’un des voleurs qui part se réfugier dans un hôtel, puis une nuée d’oiseaux. Ce qui nous donne droit à un remake sanglant du classique d’Alfred Hitchcock, les volatiles découpant les visages à coups de bec et s’en prenant à un autocar empli de victimes hurlantes. C’était à prévoir, le virus finit par transformer tous les habitants d’un village en zombies amateurs de chair humaine. Ici, à la manière de ceux de L’Avion de l’Apocalypse, ils ont tendance à courir, à agresser les humains avec des objets contondants et même – petite nouveauté – à parler. Bo, Roger et Kenny, trois soldats en permission, interviennent alors et s’opposent aux morts-vivants déchaînés, tout en s’efforçant de secourir un groupe d’adolescents en bien fâcheuse posture.

Qui est le vrai réalisateur du film ?

Clichés à la chaîne, acteurs catastrophiques, scénario abusant des invraisemblances, voila en gros ce que réserve ce Zombi 3 de sinistre mémoire. Certes, le gore excessif est toujours de la partie, comme ce fœtus zombie extrait d’une femme enceinte, ce visage arraché ou ces plaies purulentes, mais on sent bien que le cœur n’y est plus. Oubliant les portes de l’enfer et les malédictions ancestrales, Fulci se contente ici de copier en vrac les films de Romero (non seulement sa fameuse trilogie des morts-vivants mais aussi La Nuit des Fous Vivants), puisant même du côté du Retour des Morts-Vivants de Dan O’Bannon. Pendant ce temps, le scénario s’efforce d’évoquer avec une lourdeur éléphantesque l’affrontement entre les scientifiques et l’armée ainsi que les problèmes écologiques. Pour couronner le tout, la partition s’affuble de mauvais rock des années 80 tandis qu’un insupportable personnage d’animateur radio commente l’action en philosophant… D’après les rumeurs les plus communément établies, suite à un premier montage d’environ 70 minutes, la majeure partie du film aurait été retournée non par Fulci lui-même mais par Bruno Mattei et son fidèle assistant Claudio Fragasso, à qui nous devons les inénarrables Virus Cannibale et Les Rats de Manhattan. Ceci expliquerait cela.

 

© Gilles Penso

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