GREYSTOKE, LA LÉGENDE DE TARZAN (1984)

Christophe Lambert incarne l'un des Tarzan les plus réalistes et les plus mémorables de l'histoire du cinéma

GREYSTOKE, THE LEGEND OF TARZAN LORD OF THE APES

1984 – GB

Réalisé par Hugh Hudson

Avec Christophe Lambert, Andie MacDowell, Ian Holm, Ralph Richardson, James Fox, Cheryl Campbell, Ian Charleson

THEMA EXOTISME FANTASTIQUE I SAGA TARZAN

Jusqu’au début des années 80, le personnage de Tarzan était indissociable de Johnny Weissmüller, poussant son inimitable cri en se balançant de liane en liane, affrontant des crocodiles en caoutchouc à coup de couteau, séduisant la belle Jane en peaux de bêtes affriolantes et jouant avec son inséparable chimpanzé Cheetah. Lorsque les mentalités se modifièrent et que l’Afrique échappa à l’imagerie d’Epinal véhiculée par les colons britanniques, le mythe de Tarzan perdit de sa saveur… Jusqu’à sa résurrection flamboyante dans Greystoke, un magnifique plaidoyer opposant une nature sensible à une civilisation hypocrite. 
Greystoke photo

Artisans de cette renaissance, le scénariste Robert Towne (Chinatown) et le réalisateur Hugh Hudson (Les Chariots de Feu) prirent le parti d’un réalisme absolu, en opposition aux aventures fantastico-épiques des films précédents. L’intrigue prend place en 1886. Suite à un naufrage, Lord John Clayton et son épouse Alice trouvent refuge au beau milieu de la jungle africaine, où ils se bâtissent une cabane précaire. En donnant naissance à son fils, Alice succombe, et John est tué peu après en affrontant un singe agressif. Le bébé est dès lors recueilli par une peuplade de chimpanzés qui l’élève comme l’un des leurs. Vingt ans plus tard, le capitaine Philippe d’Arnot, membre d’une expédition zoologique en grande partie décimée par une attaque de pygmées, découvre cet homme élevé parmi les singes. Reconnaissant en lui le fils de feu John Clayton, il le convainc de le suivre jusqu’en Angleterre. Là, l’homme-singe fait la connaissance de son grand père excentrique, Lord Greystoke, et de sa délicieuse cousine Jane… 

Satire sociale et singes en latex

Le film aborde ainsi le célèbre mythe sous l’angle de la satire sociale, peignant un portrait vitriolé de l’aristocratie britannique colonialiste du 19ème siècle. Le plus savoureux, en la matière, est la capacité d’adaptation de l’homme sauvage à cette société précieuse et ampoulée. Il lui suffit pour cela d’utiliser les dons de mimétisme qu’il a appris parmi les singes, preuve que le nouveau monde qu’il découvre n’est fait que d’apparats et de simulacres. Une grande partie de la réussite de Greystoke repose sur son casting éblouissant. Aux côtés des interprétations délectables de Sir Ralph Richardson (vénérable sorcier dans Le Dragon du Lac de Feu) et Ian Holm (futur Bilbo du Seigneur des Anneaux), on découvre deux visages alors inconnus : Christophe Lambert, époustouflant en homme-animal pris entre deux mondes antithétiques, et Andie MacDowell, dont les sourires radieux exhalent une sensualité indicible. Le pied à l’étrier, tous deux poursuivront d’importantes carrières internationales, mais ils ne retrouveront que rarement l’intensité des rôles qu’ils jouèrent dans cette œuvre-phare. Le film bénéficie aussi des créations incroyables du maquilleur Rick Baker, concevant les faux singes les plus réalistes de l’histoire du cinéma (il se surpassera lui-même à l’occasion de Gorilles dans la brume). La partition pleine d’emphase de John Scott, les magnifiques extérieurs africains mis en lumière par John Alcott et le déchirant dénouement achèvent de porter aux nues ce Greystoke, qui bouleversa à tout jamais la légende imaginée par Edgar Rice Burroughs.

 © Gilles Penso

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AUSTIN POWERS DANS GOLDMEMBER (2002)

Le troisième opus de la saga Austin Powers transporte l'agent secret parodique au beau milieu des années disco !

AUSTIN POWERS IN GOLDMEMBER

2002 – USA

Réalisé par Jay Roach

Avec Mike Myers, Beyoncé Knowles, Seth Green, Michael York, Robert Wagner, Mindy Sterling, Verne Troyer, Michael Caine

THEMA ESPIONNAGE ET SCIENCE-FICTION I VOYAGES DANS LE TEMPS I SAGA AUSTIN POWERS

C’était à craindre : la mayonnaise ne peut pas prendre à tous les coups. Après un premier épisode savoureux et une séquelle hilarante, la franchise Austin Powers s’épuise avec ce troisième volet en sérieuse perte de vitesse. Plus vraiment d’histoire, pas beaucoup de rythme, bon nombre de gags repris littéralement aux deux films précédents… Tel est le triste constat de ce Goldmember. Pourtant, ce ne sont pas les bonnes idées qui manquent, et une poignée de scènes prodigieuses font encore mouche. C’est le cas de ce prégénérique démentiel parodiant les films d’espionnage des années 2000 (les James Bond avec Pierce Brosnan, bien sûr, mais aussi les Mission Impossible et les Charlie’s Angels). Ce prologue s’avère être un extrait de « Austinpussy », un film hollywoodien censé adapter les aventures d’Austin Powers, d’où l’impressionnante intervention de guest stars de luxe (Tom Cruise dans le rôle de Powers, Kevin Spacey dans celui du docteur Denfert, Danny de Vito en Mini-Me, Gwyneth Paltrow sous la défroque de la plantureuse Dixie Nomous et Steven Spielberg derrière la caméra !). Nous découvrons ensuite les « vrais » Denfert et Mini-Me qui s’évadent de la prison où ils croupissaient pour faire équipe avec Goldmember, un mégalomane hollandais hideux qui s’inspire évidemment du personnage incarné par Gert Froebe dans Goldfinger. C’est Mike Myers qui incarne ce nouveau vilain pittoresque, ajoutant ainsi un quatrième personnage à son palmarès. Pour pouvoir dominer le monde, ils utilisent une machine à voyager dans le temps et kidnappent Nigel Powers, le propre père d’Austin. 
Goldmember - photo

L’une des idées géniales du film est de donner ce rôle à Michael Caine, héros de films d’espionnages anglais musclés dans les années 70, qui se parodie lui-même avec une bonne humeur communicative. Autre joie du casting : la présence de la chanteuse Beyoncé Knowles dans le rôle de l’inspecteur Foxxy Cleopatra (hommage aux héroïnes que Pam Grier incarna en pleine vogue de la blaxploitation), avec qui Austin Powers fait équipe après avoir remonté le temps jusqu’en 1975. Véritable révélation de Goldmember, Beyoncé crève l’écran dès sa première apparition en entonnant la chanson du titre, excellent mixage de plusieurs tubes funky des seventies. 

L'épisode de trop ?

Malheureusement, toutes ces trouvailles, au lieu de servir un scénario digne de ce nom, ne font que s’additionner sans rigueur et perdent ainsi beaucoup de leur impact. Du coup, même si quelques gags font encore mouche (les élucubrations grotesques de Goldmemeber, la scène des câbles avec Gras-Double, les sous-titres chez l’industriel japonais, la séquence du Manneken-Pis, la parodie de clip de rap avec Dr Evil et Mini-Me en prison), le résultat reste très en deçà des deux précédents épisodes. On note que le montage initial de Jay Roach durait trois bonnes heures. Pour ramener le film à une durée plus raisonnable de 95 minutes, le réalisateur a dû expurger bon nombre de séquences, notamment une apparition de Heather Graham (héroïne du film précédent), plusieurs numéros musicaux et même une allusion au Bateau de Wolfgang Petersen.

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LA MAUVAISE GRAINE (1956)

Ne vous fiez pas à son regard d'ange : voici l'ancêtre de tous les enfants maléfiques de l'histoire du cinéma !

THE BAD SEED

1956 – USA

Réalisé par Mervyn LeRoy 

Avec Patty McCormack, Nancy Kelly, Henry Jones, William Hopper, Eileen Heckart, Jesse White, Evelyn Varden

THEMA ENFANTS

Tiré de la pièce de théâtre homonyme de Maxwell Anderson, La Mauvaise Graine est le mètre étalon du film mettant en scène un enfant maléfique, la référence indiscutable en la matière. « Pour la petite Rhoda, le meurtre est un jeu d’enfant » déclarait l’affiche de l’époque, annonçant ainsi la couleur. Fille du respectable colonel Kenneth Penmark et de la douce et pédagogue Christine, Rhoda est une gamine de huit ans qui présente toutes les caractéristiques de l’enfant modèle. Polie, intelligente, bonne élève, coiffée de nattes et vêtue de jolies robes printanières, elle fait la fierté de son entourage. La gardienne Monica, notamment, se laisse tant attendrir par Rhoda qu’elle la gâte sans vergogne. 

Mauvaise Graine photo
Mais très tôt, on sent bien que quelque chose cloche. Les premiers indices nous sont livrés par la partition d’Alex North, qui tisse autour de la comptine « Au clair de la lune » d’inquiétantes variations. Christine elle-même nourrit un étrange pressentiment sans pouvoir le définir clairement. Le drame se noue au cours d’un pique-nique pour enfants. Claude, un petit garçon de huit ans, y meurt noyé. La thèse de l’accident est adoptée à l’unanimité, mais certains détails s’avèrent troublants. Notamment la médaille d’or de dissertation, que portait le malheureux et qui a disparu. Une médaille que convoitait ardemment Rhoda. Au fond d’elle, Christine sait l’atroce vérité : sa petite fille a frappé Claude à coups de pieds et l’a noyé elle-même ! Mais aucune preuve ne vient confirmer cette hypothèse, et Rhoda échafaude des mensonges à la perfection. Seul Leroy, homme à tout faire simple d’esprit, a tout de suite vu clair dans le jeu de la tueuse en jupette. « Elle peut bien se faire admirer et adorer par tout le monde, avec ses airs d’ange descendu sur la Terre », marmonne-t-il. « Mais avec moi ça ne prend pas ! »

Les racines du mal

Plus l’intrigue avance, plus l’angoisse grandit, d’autant que Rhoda semble avoir déjà assassiné par le passé une vieille voisine afin de récupérer une boule de cristal. La jeune « héroïne » personnifie ainsi le caprice poussé à son paroxysme. Un terrible secret de famille vient bientôt porter un semblant d’explication, posant en substance la question de l’origine du mal. Est-il héréditaire ou contextuel ? Inné ou acquis ? Passionnant d’un bout à l’autre, doté d’une écriture excellente et d’acteurs forts convaincants, La Mauvaise Graine souffre en revanche d’une mise en scène excessivement académique, n’osant jamais trahir le matériau théâtral initial au point de privilégier à outrance les plans-séquence statiques, les cadres larges et les dialogues démonstratifs. Mervyn LeRoy assure ainsi le service minimum, et l’on rêve de ce qu’un Alfred Hitchcock ou un Orson Welles auraient pu tirer d’un tel récit. Autre regret : un dénouement bizarre qui multiplie les rebondissements vaudevillesques avant d’asséner au public une chute moralisatrice de fort mauvais aloi. A vrai dire, le film aurait gagné à s’arrêter une séquence plus tôt. Malgré ces réserves, La Mauvaise Graine mérite pleinement son statut de classique et engendra une effrayante descendance de têtes blondes homicides.
 
© Gilles Penso

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DRACULA 3D (2012)

Le maestro Dario Argento tente de redorer son blason en revisitant Bram Stoker en relief…

DRACULA 3D

2012 – ITALIE

Réalisé par Dario Argento

Avec Thomas Kretschmann, Asia Argento, Rutger Hauer, Marta Gastini, Unax Ugalde, Miriam Giovanelli

THEMA DRACULA I VAMPIRES I SAGA DARIO ARGENTO

Dario Argento aux commandes d’une énième version de Dracula vendue principalement sur ses effets 3D ? Il y avait de quoi s’inquiéter. Car le maestro est tombé bien bas depuis la fin des années 90, signant des œuvres de plus en plus mineures malgré quelques rares coups d’éclat (Le Sang des Innocents par exemple). Dès le générique de Dracula 3D, nos craintes semblent se confirmer. L’image numérique signée Lucianio Tovoli (franchement peu esthétique) et la musique excessive de Claudio Simonetti (avec des passages au thérémin qui évoquent presque le cinéma d’Ed Wood) ne laissent rien présager de bon. 

Dracula 3D photo

Le film s’ouvre sur les ébats amoureux de Milos (Christian Burruano) et Tania (Miriam Giovanelli) dans une grange, une nuit d’orage (la « nuit de Walpurgis » qui effraie visiblement tous les superstitieux de la région). Quand elle rentre chez elle, la jeune femme est attaquée dans les bois par un hibou vampire qui la mord au cou ! Car le Dracula d’Argento ne cesse de se transformer au cours du film, par l’entremise de trucages numériques pas vraiment convaincants. Passe encore lorsque le comte vampire se mue en loup, mais que dire de sa métamorphose en nuée de mouches ou en mante religieuse géante ? L’intrigue retrouve les grandes lignes du récit de Bram Stoker, avec l’arrivée de Jonathan Harker (Unax Ugalde) dans le village de Passburg pour officier comme bibliothécaire au service de Dracula, sur les recommandations de Lucy Kisslinger (Asia Argento), puis le surgissement d’un Renfield dément (Giovanni Franzoni) qui tue un villageois en lui plantant une pelle dans la tête et arrache l’oreille d’un autre à coups de dents, et enfin l’arrivée très tardive (au bout d’une heure dix de métrage) d’un Rutger Hauer fatigué dans le rôle du chasseur de vampires Abraham Van Helsing. 

Un loup, des mouches et une mante religieuse géante…

Sous la cape d’un Dracula plus en retenue qu’à l’accoutumée, Thomas Kretschmann propose une prestation plutôt intéressante. Mais les pouvoirs de super-héros dont Argento l’affuble le privent de la moindre crédibilité. Comme dans cette scène bizarre où le vampire intervient au milieu d’une réunion de notables du village qui désirent briser le pacte qu’ils ont conclu avec lui. Il se déplace soudain en accéléré comme Flash. Puis des griffes à la Wolverine poussent sur ses doigts, avec lesquelles il égorge un homme et en décapite un autre. Il arrache ensuite la gorge d’un troisième à coups de dents, et plante une épée dans le corps d’un quatrième. Quant au cinquième, il retourne son propre pistolet contre lui-même et se tire une balle dans la tête. On aurait rêvé que le Dario Argento baroque des années 70/80, celui de Suspiria et Inferno, s’empare d’un tel sujet pour le transcender. Mais le cinéaste se contente d’une image froide et d’une mise en scène distanciée, privilégiant les plans larges théâtraux, comme s’il ne parvenait pas à s’impliquer pleinement dans le film, signant une mise en forme proche de celle des téléfilms des années 90. Et lorsque le sang jaillit à l’écran, le cinéaste se sent obligé d’appuyer chaque effet par des trucages numériques, amenuisant l’impact des scènes horrifiques de son film au point de les doter d’une imagerie aseptisée de jeu vidéo.
 
© Gilles Penso

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LE RETOUR DE GODZILLA (1955)

Le deuxième épisode de la saga Godzilla confronte le dinosaure atomique à une sorte de hérisson préhistorique géant…

GOJIRA NO GYAKUSHY

1955 – JAPON

Réalisé par Motoyomi Odo

Avec Hiroshi Koizumi, Setsuo Wakayama, Mindru Chiaki, Yukio Kasama, Takashi Shimura, Mayuri Mokusho

THEMA DINOSAURES I SAGA GODZILLA

L’intrigue de cette séquelle immédiate de Godzilla, mise en production dans l’urgence suite au succès inespéré du premier opus, démarre sans s’embarrasser de long prologue. Deux jeune pilotes au service d’une compagnie d’exportation de poisson y survolent la mer. Alors qu’ils scrutent les eaux, à la recherche de nouveaux bancs de thons, l’un d’eux est frappé par une avarie en plein vol et se pose d’urgence sur une île inhabitée. Tandis que son collègue vient à son secours, les deux aviateurs aperçoivent deux énormes monstres préhistoriques qui s’affrontent sauvagement. Le gigantisme de ces bêtes en noir et blanc, dont l’échine reptilienne se découpe derrière de massifs rochers, évoque les pugilats du classique Tumak fils de la jungle qui inspira dès sa sortie en 1940 moult films d’aventure préhistoriques à travers le monde. Sans doute le cinéaste Motoyoshi Odo se laissa-t-il lui aussi influencer par le mélodrame antédiluvien de Hal Roach. 

Retour de Godzilla 1955 photo

Lorsque les deux pilotes parviennent à s’échapper et à prévenir les autorités d’Osaka, la communauté scientifique se met en branle et cherche à trouver une explication rationnelle au phénomène. « Les essais nucléaires ont fait sortir de leur tanière Godzilla et un Anguillosaurus communément appelé Anguilas » dit un savant. Et d’enchaîner sur des explications paléontologiques fantaisistes. En effet, l’anguillosaurus est une invention pure, le monstre en question ressemblant à une sorte d’ankylosaure (dinosaure cuirassé du Crétacé) doté ici d’une mâchoire carnivore. Pour expliquer le retour de Godzilla, réduit à l’état de squelette à la fin du premier film, les éminents experts trouvent une explication bien commode : il s’agit d’un second spécimen de la même espèce. Alors qu’une candide romance s’esquisse entre l’un des aviateurs et une standardiste, l’armée s’apprête à passer à l’action. Le film nous offre alors une séquence de suspense très efficace au cours de laquelle tous les habitants de la ville d’Osaka sont sommés de respecter un black-out pour que Godzilla ne soit pas attiré par les lumières de la ville et s’éloigne de la baie. Mais lorsque des prisonniers s’évadent et provoquent par mégarde une immense explosion, la ruse échoue et Godzilla surgit, provoquant une belle scène nocturne d’acharnement inutile de l’artillerie contre sa cuirasse atomique, Anguillas se joignant bientôt à l’échauffourée. 

Black-out sur Osaka

Alors que le premier Godzilla utilisait abondamment les effets de ralenti pour évoquer les proportions titanesques de son dinosaure, Le Retour de Godzilla emploie curieusement des mouvements accélérés. Ces derniers auraient été obtenus accidentellement suite à une erreur du caméraman, mais le superviseur des effets visuel Eiji Tsuburaya apprécia le résultat (qui lui rappela sans doute les animations en stop-motion de King Kong) et le conserva. A vrai dire l’effet obtenu est plutôt intéressant, même si parfois la rapidité des gestes prend une tournure presque comique, d’autant qu’Anguillas est un quadrupède assez pataud. Tsuburaya multiplie les tableaux de destructions très spectaculaires et nous gratifie notamment d’une impressionnante séquence d’inondation du métro. Comme dans le premier Godzilla, c’est le sens du sacrifice d’un homme vaillant et désintéressé qui permettra de venir à bout de la créature, celle-ci achevant l’aventure ensevelie sous une avalanche de glace.
 
© Gilles Penso

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LA MONTAGNE SACRÉE (1973)

Surréalisme, cynisme et mysticisme se bousculent dans cette œuvre à l'image de son réalisateur : inclassable…

THE HOLY MOUNTAIN

1973 – MEXIQUE / USA

Réalisé par Alejandro Jodorowsky

Avec Alejandro Jodorowsky, Horacio Salinas, Ramona Saunders, Juan Ferrara, Adriana Page, Burt Kleiner, Valerie Jodorowsky

THEMA DIEU, LES ANGES, LA BIBLE I EXTRA-TERRESTRES

Dire qu’Alejandro Jodorowsky est un cinéaste atypique est le plus doux des euphémismes. En s’attaquant à La Montagne Sacrée, il décida de lui donner l’ampleur d’un évangile et, pour trouver l’inspiration, fit un périple de quarante jours à travers les villages du Mexique, chaque halte lui permettant d’écrire une scène de son scénario. La première partie du film est une collection d’images surréalistes parfois drôles, parfois horribles, souvent absurdes et grotesques. Pêle-mêle, un homme au visage couvert d’insectes, un vieillard qui ôte un œil de verre de son orbite pour l’offrir à une petite fille, des caméléons costumés en conquistadors qui escaladent une maquette de cité aztèque, une colombe qui s’envole du corps d’un fusillé s’enchaînent à l’écran. On se croirait dans un mixage entre Un Chien Andalou et Salo ou les 120 Journées de SodomeLe héros est un voleur aux allures de Jésus qui erre au milieu de centaines de statues grandeur nature à son effigie puis escalade un tour immense avant de se retrouver nez à nez avec un étrange alchimiste incarné par Jodorowsky lui-même, friand de dialogues abscons (« la force dont a besoin le vautour pour s’agripper au bœuf est vitale au bœuf pour supporter le vautour »). 

Le délire surréaliste continue, de l’hippopotame qui prend son bain dans une fontaine aux excréments qui se transforment en or. Au bout d’une heure de métrage, le propos du cinéaste s’éclaircit enfin, à la faveur de la présentation de sept extra-terrestres. A travers leurs propos caricaturaux, la satire sociale prend corps. Le Vénusien est un chef d’entreprise qui entretient le culte de l’apparence en fabriquant des masques pour les humains ; la Martienne vend des armes à la mode (fusils psychédéliques, colliers de grenades, armes adaptées à toutes les religions) ; le Jupitérien tient une galerie d’art et a inventé une machine à orgasme ; la Saturnienne fabrique des jouets guerriers pour conditionner les enfants dès la naissance à haïr leurs ennemis futurs ; l’Uranien est conseiller du président et lui propose de tuer quatre millions de personnes pour sauver l’économie du pays ; le Neptunien est un chef de police qui, dans une tenue SM pré-Mad Max, émascule sur la place publique les condamnés ; le Plutonien est architecte et propose des cercueils monoplaces pour tous… 

Des producteurs nommés John Lennon et Yoko Ono

Au cours de la dernière partie du film, le surréalisme et le cynisme s’évaporent au profit du mysticisme, tout ce beau monde partant en quête de l’immortalité au sommet d’une montagne sacrée. Véritable patchwork des obsessions de Jodorowsky, de son attirance pour les freaks (le personnage sans bras ni jambes qui accompagne le voleur en rampant pathétiquement, la trompettiste cul de jatte, le nain sans bras qui hurle), de son goût pour l’horreur (l’homme nu recouvert de tarentules) et la comédie (son personnage éclate de rire à la fin, comme si tout n’était qu’une blague), La Montagne Sacrée est parfaitement inclassable et hors norme. Le film bénéficie pourtant de moyens très importants, de décors immenses et de figurations souvent impressionnantes, Jodorowsky ayant eu accès à une aide financière non négligeable de la part de John Lennon et Yoko Ono, alors en pleine période psychédélique.
 
© Gilles Penso

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ROSEMARY’S BABY (1968)

Le diable n'a jamais été aussi terrifiant que face à la caméra naturaliste de Roman Polanski

ROSEMARY’S BABY

1968 – USA

Réalisé par Roman Polanski

Avec Mia Farrow, John Cassavetes, Ruth Gordon, Sidney Blackmer, Maurice Evans, Ralph Bellamy, Victoria Vetri

THEMA DIABLE ET DÉMONS

Une berceuse envoûtante susurrée par la voix frêle de Mia Farrow, tandis que défile le paysage familier des toits de Manhattan : c’est ainsi que Roman Polanski décide de faire commencer Rosemary’s Baby, prenant à revers les spectateurs habitués aux codes traditionnels du cinéma d’horreur. Le parti pris est d’autant plus étonnant que William Castle, producteur du film, s’est justement spécialisé dans l’épouvante récréative bardée de gadgets et de facéties spectaculaires (La Nuit de tous les MystèresLe Désosseur de cadavres13 Ghosts). Mais Polanski veut conserver l’approche réaliste qu’avait choisie l’écrivain Ira Levin dans son roman « Un bébé pour Rosemary ». Pour son premier film hollywoodien, le cinéaste casse donc les mécanismes du genre en inscrivant le thème classique et archaïque de la sorcellerie et de l’adoration du diable dans un contexte contemporain et ordinaire.

Rosemary's baby photo

Rosemary et Guy Woodhouse (Mia Farrow et John Cassavetes) emménagent dans un cinq pièces au Bradford, en plein cœur de New York. Ils n’accordent que peu de crédit aux propos de Hutch (Maurice Evans), un ami de Rosemary, déclarant que l’immeuble est maudit, marqué par la magie noire. Selon lui, le sinistre sorcier Marcato y habita et les sœurs Trench y pratiquèrent des sacrifices immondes. La tension monte cependant d’un cran lorsqu’une jeune fille se jette par la fenêtre, peu de temps après l’installation du couple. La malheureuse était adoptée par les Castevet (Ruth Gordon et Sidney Blackmer), des voisins un peu trop affectifs et envahissants. Peut-être est-ce le fruit de l’imagination de Rosemary, mais le comportement de Guy semble changer. Et puis une nuit, sans préavis, il lui fait un enfant pendant qu’elle dort. Dès lors, Rosemary voit son sommeil envahi par des rêves inquiétants…

Avez-vous vraiment vu le bébé de Rosemary ?

Très apprécié par Ira Levin, qui le considère comme la meilleure adaptation d’un roman jamais produite par Hollywood, Rosemary’s Baby distille une terreur pernicieuse dans la mesure où, jusqu’au dénouement, le spectateur ne sait jamais vraiment si les craintes de Rosemary sont fondées ou s’il ne s’agit que d’une paranoïa engendrée par une série de faits inquiétants. Une secte diabolique sévit-elle vraiment dans le New York de 1968, ou tout se passe-t-il dans la tête de cette jeune femme tourmentée ? Cette angoisse indicible est transmise au spectateur par une mise en scène spontanée jouant le jeu du naturalisme (Polanski improvise plusieurs séquences, caméra au poing, ou ne donne pas toutes les informations à ses comédiens pour que leurs réactions soient crédibles) et par le jeu fragile de Mia Farrow. C’est à travers ses yeux que le spectateur vit les événements, forcé malgré lui de se laisser contaminer par les frayeurs de Rosemary. La musique de Krzysztof Komeda entretient ce climat malsain que le cinéaste commença à bâtir dans Répulsion et qu’il allait poursuivre avec Le Locataire, Rosemary’s Baby se positionnant comme le volet central d’une « trilogie de l’enfermement » (le huis-clos de l’appartement étant bien sûr la métaphore de celui de l’esprit). Entrée dans la légende, la séquence finale a ceci de fascinant qu’elle pousse très loin le pouvoir d’autosuggestion des spectateurs. Aujourd’hui encore, combien d’entre eux sont-ils persuadés d’avoir vu de leurs propres yeux les traits diaboliques du bébé de Rosemary ?
 
© Gilles Penso

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MISS PEREGRINE ET LES ENFANTS PARTICULIERS (2016)

Tim Burton s'intéresse à son thème favori - la marginalité - en y injectant une bonne dose d'autobiographie

MISS PEREGRINE’S HOME OF PECULIAR CHILDREN

2016 – USA

Réalisé par Tim Burton

Avec Asa Butterfield, Eva Green, Terence Stamp, Samuel L. Jackson, Ella Purnell, Cameron King, Lauren McCrostie

THEMA CONTES I VOYAGES DANS LE TEMPS I POUVOIRS PARANORMAUX I SAGA TIM BURTON

Sorti en librairie en été 2011, le roman « Miss Peregrine et les Enfants Particuliers » s’est hissé en tête des ventes, remportant un succès colossal que son auteur Ransom Rigg n’imaginait sans doute pas. Très vite, le studio 20th Century Fox acquiert les droits d’adaptation du livre et propose à Tim Burton d’en signer la réalisation. Le ton du roman est assombri, le prologue empruntant son atmosphère et ses effets au cinéma d’horreur : un passant aux yeux blanc qui surgit soudain d’une nappe de brouillard, un vieil homme dont les yeux ont été arrachés, un gigantesque monstre sans visage qui émerge des bois nocturnes… Cette noirceur s’accommode avec la vision très personnelle que Tim Burton a des contes de fées et de l’imaginaire des enfants. « J’essaie toujours de faire des films personnels, même s’ils sont tirés d’autres œuvres », nous explique le cinéaste. « Finalement, le cinéma est une forme de thérapie qui coûte très cher ! » (1) Le jeune héros du film, Jake (Asa Butterfield), est bercé depuis son enfance par les récits fascinants de son grand-père Abe (Terence Stamp). Abe prétend avoir vécu dans les années 40 sur une île du pays de Galle, Cairnholm, au milieu d’enfants différents des autres, sous la direction d’une gouvernante nommée Miss Peregrine. Sans doute ces enfants étaient-ils cachés pour fuir les nazis qui envahissaient alors la Pologne. Mais Abe affirme que ses camarades avaient tous des pouvoirs surnaturels, qu’ils cherchaient à échapper à des monstres tentaculaires sans yeux et que Miss Peregrine avait le pouvoir de se transformer en faucon. Après la mort de son grand-père, Jake veut aller visiter cette fameuse île, démarche qu’approuve sa psychiatre pour l’aider à séparer la réalité du fantasme. Là, il découvre les ruines du pensionnat, détruit par un bombardement le 3 septembre 1943. Personne n’a survécu au désastre. Pourtant, il existe une boucle temporelle dans laquelle Miss Peregrine et tous les enfants particuliers vivent toujours. Or Jake parvient à entrer dans cette boucle…
miss-peregrine photo

C’est avec subtilité que Miss Peregrine et les Enfants Particuliers fait glisser ses spectateurs de la banalité vers la fantasmagorie, facilitant notre entrée dans ce pensionnat d’un autre âge où Eva Green, dans un rôle bien plus positif que celui de la sorcière de Dark Shadows, veille sur de bien étranges bambins. Emma pèse le poids d’une plume, Millard est un garçon invisible, Olive contrôle le feu, Fiona fait surgir les légumes de la terre, Enoch donne vie aux choses inanimées, Bronwyn a une force herculéenne, Hugh crache des abeilles, Claire a une gueule carnassière derrière la tête, Horace projette l’image de ses rêves… Tous ces enfants et cette école spéciale nous font penser à une version années 40 des X-Men dont Peregrine serait l’équivalent du professeur Xavier. Une scène très étonnante montre la remise à zéro de la boucle temporelle qui protège tout ce beau monde : les bombardiers allemands survolent le pensionnat une nuit d’averse, puis l’action se rembobine et la journée recommence. Cette boucle permet aux protégés de Miss Peregrine d’échapper à la menace des Faucheurs, d’anciens enfants particuliers qui, menés par le maléfique Barron (Samuel L. Jackson), se sont mués en abominables monstres sans yeux en cherchant à atteindre l’immortalité.

Le pensionnat des mutants

Le casting disparate du film est dominé par le charisme du tout jeune Asa Butterfield qui, avec son regard clair, sa tignasse brune et son visage d’adolescent trop sérieux, aurait été un Peter Parker formidable (il fut pressenti pour jouer Spider-Man dans Captain America : Civil War). Avec une mère inexistante et un père maladroit, son personnage se réfugie naturellement auprès de son grand-père. Le parallèle avec Tim Burton (« enfant particulier » par excellence) saute aux yeux, ce dernier ayant préféré vivre avec sa grand-mère dès l’âge de dix ans à cause d’une mésentente avec ses parents. Miss Peregrine et les Enfants Particuliers regorge de belles séquences surréalistes, comme le plongeon dans l’épave du navire, Emma qui flotte au bout d’une ficelle comme un cerf volant ou le surgissement du vieux navire à la surface des flots. Toujours prêt à rendre hommage à Ray Harryhausen, Tim Burton utilise la stop-motion pour animer les combats de pantins monstrueux et hybrides qu’Enoch s’amuse à organiser. Et pour ceux qui n’auraient pas saisi l’allusion, le cinéaste orchestre une bataille délirante au milieu d’une fête foraine entre quatre Faucheurs et une armée de squelettes qui semblent tout droit échappés de Jason et les Argonautes. Car chez Burton, le passé revient toujours hanter le présent.

(1) Propos recueillis par votre serviteur en mars 2012.

 
© Gilles Penso

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PLEASANTVILLE (1998)

Gary Ross démarre en force sa carrière de metteur en scène avec cette satire colorée du racisme et du conformisme

PLEASANTVILLE

1998 – USA

Réalisé par Gary Ross

Avec Tobey Maguire, Jeff Daniels, Joan Allen, William H. Macy, Reese Witherspoon, J.T. Walsh, Don Knotts

THEMA CINEMA ET TELEVISION I MONDES PARALLÈLES ET MONDES VIRTUELS

Gary Ross fait ses débuts de metteur en scène avec Pleasantville, mais il n’est pas nouveau venu dans l’univers hollywoodien. Scénariste talentueux, il est notamment l’auteur de Président d’un jour, de Mr. Baseball et de Big (co-écrit avec Anne Spielberg, la sœur de Steven). Ces œuvrettes intelligentes et pétillantes le préparent à sa première réalisation, dont il écrit également le script, prenant à revers les codes traditionnels de la comédie américaine pour jouer le jeu de la mise en abîme. Quelques années avant de s’engoncer dans la combinaison bicolore de Spider-Man, Tobey Maguire incarne David, un jeune homme naïf et rêveur qui ne raterait pour rien au monde un épisode de « Pleasantville », une sictom en noir et blanc des années 50. Un soir, un mystérieux réparateur de télévision (Don Knotts) rend visite à David et à sa sœur Jennifer (Reese Witherspoon), leur confiant une télécommande qui leur permet soudain de traverser l’écran. Et les voilà immergés dans l’univers sirupeux et achrome de cette série TV surannée. Bien que passablement désarçonné, David est là en terrain connu. Mais comment Jennifer, plus portée sur MTV que sur les soap-opéras rétros, va-t-elle pouvoir s’adapter à cet univers aseptisé ? 
Pleasantville photo

La télévision agit ici comme un tunnel entre deux mondes qui, à priori, n’auraient jamais dû se rencontrer, l’un étant le miroir déformant et fantasmé de l’autre. Et lorsque Jennifer, acceptant de jouer le jeu au cours d’un rendez-vous galant, fait découvrir le sexe à son partenaire, tout l’univers de Pleasantville se détraque. La visualisation de ce dérèglement est un véritable coup de génie : une touche de couleur dans un monde uniformément noir et blanc. Dès lors, chaque fois que la subversion ou l’anticonformisme montrent le bout de leur nez, les teintes vives éclosent un peu partout : une rose rouge, un chewing-gum rose, une voiture verte, un peigne jaune… La beauté de cette idée narrative et la perfection des effets numériques ne rendent que plus puissant le message véhiculé par un scénario résolument surprenant, qu’on pourrait simplifier en ces termes : « vive la différence ! » Du coup, même s’il n’a rien d’un film de science-fiction spectaculaire, Pleasantville est à l’époque le long-métrage contenant le plus de plans truqués de l’histoire du cinéma (environ 1700, supervisés par Chris Watts), un record qui sera battu l’année suivante avec La Menace Fantôme de George Lucas. 

La couleur des sentiments

Parabole du racisme et du conservatisme, Pleasantville offre un rôle en or à William H. Macy (« Honey, I’m home ! » lâche-t-il invariablement chaque soir, lorsqu’il rentre à la maison) et à Jeff Daniels (très touchant dans le rôle d’un Monsieur Johnson pas du tout prêt à voir sa routine se bouleverser). Le film se pare de séquences magnifiques, comme cette mère de famille (excellente Joan Allen) recouvrant son visage de maquillage gris pour ne pas révéler au monde qu’elle se sent enfin libre et maîtresse de sa destinée. À pas feutrés, Pleasantville a su s’imposer comme une étape importante dans l’histoire du cinéma fantastique et se revoit toujours avec autant de plaisir aujourd’hui, la force de son message n’ayant rien perdu de son impact.
 
© Gilles Penso

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THE SPIDER (1958)

Amoureux des monstres et de gigantisme, le réalisateur Bert I. Gordon imagine une araignée géante qui déteste le rock'n roll !

EARTH VS. THE SPIDER

1958 – USA

Réalisé par Bert I. Gordon

Avec Ed Kemmer, June Kenney, Eugene Persson, Gene Roth, Hal Torey, June Jocelyn, Mickey Finn, Sally Fraser, Troy Pattersonr

THEMA ARAIGNÉES 

Fidèle à son goût du gigantisme immodéré, Bert I. Gordon s’était jusqu’à présent frotté aux dinosaures (King Dinosaur), aux sauterelles géantes (Le Début de la fin), aux colosses (The Cyclops, Le Fantastique Homme Colosse, Le Retour de l’homme colosse) et aux lilliputiens (La Révolte des poupées). Ici, il s’attaque à une espèce qu’il n’avait pas encore affichée à son palmarès : l’araignée. Comme il l’avait fait en 1957 avec Le Fantastique homme colosse, qui racontait à l’envers l’histoire de L’homme qui rétrécit, Gordon trouve à nouveau son inspiration chez Jack Arnold, à qui il emprunte le monstre et les idées visuelles de Tarantula. Il confie le scénario à l’un de ses fidèles collaborateurs, George Worthing Yates, qui avait imaginé l’histoire du fameux Des Monstres attaquent la ville

The Spider photo
La première partie du film distille avec pas mal d’efficacité une certaine angoisse, surtout lorsque le jeune couple de héros, Mike Simpson et Carolyn Flynn, à la recherche du père disparu de cette dernière, s’aventure imprudemment dans une inquiétante grotte, un décor réel très photogénique prolongé et amplifié par des peintures sur verre. Bien vite, ils font face à une araignée grosse comme un bulldozer. L’intervention de l’armée et la capture du monstre obéissent à un schéma plus classique, et donc moins palpitant. En toute incohérence, la créature, que l’on croit morte suite à son bombardement massif avec du DDT, est installée dans le gymnase du lycée de la petite ville de River Falls, sous la responsabilité du professeur Kingman, enseignant en biologie. Là, plusieurs adolescents, sans s’étonner outre mesure de voir un arachnide de cette taille, jouent et dansent un rock’n’roll enjoué. Cette constante musicale du cinéma des années 50 de Gordon est destinée de toute évidence à séduire le public teenager. Le réveil de l’araignée géante – qui, visiblement, n’est pas très fan de rock’n roll ! – et surtout ses déambulations en pleine ville sont assez impressionnants, grâce à des effets visuels économiques mais très astucieux, qui reposent en grande partie sur des double expositions et des caches. Hélas, le manque de moyens de Gordon le pousse à réutiliser plus d’une fois les mêmes plans, émoussant du coup leur efficacité. 

« L'Araignée Vampire ! »

Visiblement inspiré de celui de Earth vs. The Flying Saucers (Les Soucoupes volantes attaquent), le titre original Earth vs. The Spider laisse imaginer un conflit à échelle planétaire opposant le monstrueux arachnide et toutes les forces armées de la terre. Mais il n’en est rien, l’action ne dépassant jamais le cadre de la petite bourgade de Kinston Falls. La dernière partie du film, qui se déroule à nouveau dans la grotte, traîne en longueur, sous le prétexte d’un suspense reposant sur la présence des jeunes héros dans la caverne, parallèlement au retour du monstre dans son repaire et à des explosifs sur le point de se déclencher. Le rythme s’étiole donc en même temps que l’intérêt du public, jusqu’à un final des plus classiques au cours duquel le monstre est détruit par une énorme décharge électrique. Dans certains pays francophones, le film fut titré L’Araignée ou L’Araignée Vampire.
 
© Gilles Penso

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