THE EYE (2007)

Forts du succès d'estime de leur premier film Ils, David Moreau et Xavier Palud traversent l'Atlantique pour réaliser un remake de The Eye des frères Pang

THE EYE

2007 – USA

Réalisé par David Moreau et Xavier Palud

Avec Jessica Alba, Alessandro Nivola, Parker Posey, Rachel Ticotin, Chloe Moretz, Tamlyn Tomita

THEMA FANTÔMES

L’original The Eye des frères Pang avait déjà les allures d’un remake piochant son inspiration tour à tour chez BlinkRing, Ghost, L’Expérience interdite, Sixième sens et Destination finale. En concevoir une nouvelle version destinée au public américain, à peine cinq ans plus tard, témoigne de la parfaite absurdité du syndrome des remakes à la chaîne qu’Hollywood produit sans discernement dans l’espoir que se réalise tôt ou tard le miracle The Ring (où Gore Verbinski, une fois n’est pas coutume, surpassait Hideo Nakata sur son propre terrain). Hélas, point de miracle ici, et malgré le savoir-faire sans faille des duettistes Xavier Palud et David Moreau (révélés par leur excellent premier long-métrage Ils), malgré le charme sans limites d’une Jessica Alba en état de grâce, le nouveau The Eye ne transcende guère son modèle qui, pourtant, ne plaçait pas ses ambitions bien haut.

Débarrassée de la combinaison bleue qui lui seyait si bien dans Les Quatre Fantastiques, la belle Jessica incarne donc Sydney Wells, une talentueuse violoniste rendue aveugle lors d’un accident survenu pendant son enfance. Rongée par un sentiment de culpabilité, sa sœur aînée Helen (Parker Posey) n’a de cesse, depuis des années, de trouver une solution pour réparer cette tragédie. Aujourd’hui, le miracle semble possible grâce aux importantes avancées effectuées dans le domaine de la chirurgie des yeux. Sydney subit ainsi une double transplantation de la cornée et le monde d’obscurité dans lequel elle était plongée s’éclaircit peu à peu. Avec le soutien de sa sœur et l’aide précieuse du docteur Paul Faulkner (Alessandro Nivola), Sydney s’adapte à la vue qu’elle avait perdue vingt ans plus tôt. Mais bientôt, des choses inquiétantes entrent dans son champ de vision, des choses que personne d’autre qu’elle ne voit et qui semblent appartenir au monde de l’au-delà…

Rien de bien neuf

S’ils n’ont pas leur pareil pour clouer les spectateurs sur leur fauteuil et leur flanquer une belle pétoche en quelques scènes choc très efficaces, Palud et Moreau ne parviennent pas vraiment à imprimer une quelconque empreinte sur ce produit très formaté, empruntant leurs séquences les plus marquantes au film original (notamment le fantôme flottant dans l’ascenseur, les métamorphoses nocturnes de l’appartement de Sydney ou encore le chaos final). Et si la plupart des interactions entre l’héroïne et les défunts errants fonctionnent à plein régime (sa « collision » avec la passante renversée par une automobile, son séjour dans un restaurant incendié), on ne peut en dire autant des créatures des ténèbres qui emportent les trépassés jusque dans leur dernière demeure. Là où la suggestion et la discrétion auraient été de mise, le film ne peut s’empêcher de recourir à la baguette magique numérique en nous donnant à voir des entités humanoïdes noires, grimaçantes et translucides qui ressemblent trop à ce qu’elles sont vraiment : des effets spéciaux. Le manque de charisme du personnage masculin principal, incarné par Alessandro Nivola, ne renforce pas non plus la solidité d’une intrigue finalement trop convenue pour convaincre. Le talent des deux réalisateurs n’est pas à mettre en cause, encore aurait-il fallu qu’il s’épanouisse à travers un projet plus artistiquement ambitieux.
 

© Gilles Penso

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10 000 (2008)

Roland Emmerich nous transporte en pleine préhistoire, au temps des hommes des cavernes et des tigres à dents de sabre

10 000 B.C.

2008 – USA

Réalisé par Roland Emmerich

Avec Steven Strait, Camilla Belle, Cliff Curtis, Nathanael Baring, Tim Barlow, Joel Fry, Mona Hammond, Marco Khan

THEMA EXOTISME FANTASTIQUE

A ce jour, l’une des réussites artistiques les plus populaires de Roland Emmerich demeure Stargate, propulsant à l’écran des images grandioses qu’on croyait jusqu’alors réservées aux couvertures des romans de science-fiction. L’Egypte antique et le fantastique épique ayant fait si bon ménage, le réalisateur du Jour d’après décida de les marier à nouveau au sein d’un récit exotique bousculant sans vergogne les faits historiques les plus établis afin de faire cohabiter mammouths, tigres à dents de sabre, tribus africaines, civilisations pharaoniques et grandes pyramides. Résultat : 10 000 B.C. qui, contrairement à ce que son titre peut faire penser, est moins une relecture d’Un million d’années avant JC qu’un mixage de La Guerre du feu, L’Âge de glace, Apocalypto, Les Dix Commandements et le cinéma de David Lean.

Le jeune chasseur D’Leh (Steven Strait, tête d’affiche du Pacte du sang de Renny Harlin) est amoureux d’Evolet (Camilla Belle, héroïne du remake de Terreur sur la ligne), une orpheline aux yeux bleus que sa tribu recueillit lorsqu’elle était enfant. Lorsque celle-ci est enlevée par une bande de pillards, D’Leh se lance à sa rescousse à la tête d’une poignée de chasseurs de mammouths, parmi lesquels figure son mentor Tic’Tic (Cliff Curtis, vu dans Sunshine et Die Hard 4). Le groupe, franchissant pour la première fois les limites de son territoire, entame un long périple à travers des terres infestées de monstres, et découvre des civilisations dont il ne soupçonnait pas l’existence. Au fil de ces rencontres, d’autres tribus, spoliées et asservies, se joignent à D’Leh et ses hommes, finissant par constituer une petite armée. Au terme de leur voyage, D’Leh et les siens découvrent un empire inconnu, hérissé d’immenses pyramides dédiées à un dieu vivant, tyrannique et sanguinaire. Le jeune chasseur comprend alors que sa mission n’est pas seulement de sauver Evolet, mais la civilisation tout entière…

Mammouths et pyramides

Soucieux de soigner l’aspect spectaculaire de son film, Roland Emmerich nous régale de séquences titanesques et inédites, les plus folles étant probablement celles mettant en scène les hordes de mammouths (notamment la chasse mouvementée, au début du film, et la révolte finale au milieu des pyramides). L’attaque des phororhacos au milieu des hautes herbes (des oiseaux carnivores particulièrement voraces) est également un morceau d’anthologie, dans lequel on sent l’influence du Monde perdu – Jurassic Park (chez Emmerich, Spielberg n’est jamais loin). Mais chacun sait que le spectacle, si soigné soit-il, ne vaut pas grand-chose sans émotion. Et en ce domaine, 10 000 s’avère particulièrement faible. Pas crédibles pour un sou, souvent caricaturaux, les différents protagonistes qui s’agitent dans cette improbable saga préhistorico-antique ont toutes les peines du monde à nous sensibiliser à leur cause et à leurs états d’âme. Une fois de plus, Roland Emmerich tombe dans les travers de Godzilla et Independence Day, sacrifiant le facteur humain et la crédibilité de son récit au profit de l’action et des effets spéciaux.

 

© Gilles Penso

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BLACK SHEEP (2007)

Des moutons transgéniques et carnivores attaquent la population et transforment leurs victimes en mutants monstrueux !

BLACK SHEEP

2007 – NOUVELLE-ZELANDE

Réalisé par Jonathan King

Avec Nathan Meister, Peter Feeney, Oliver Driver, Danielle Mason, Glenis Levestam, Tammy Davis, Tandi Wright, Nick Fenton

THEMA MAMMIFERES

Le concept de Black Sheep est pour le moins alléchant : des moutons transgéniques et carnivores attaquent la population et transforment en créatures monstrueuses tous ceux qu’ils mordent ! Désireux d’aller au bout de ce délire cinématographique, le réalisateur néo-zélandais Jonathan King, qui réalise là son premier long-métrage, décide de tourner dans un magnifique scope 35 mm et de s’adjoindre l’équipe de Weta Workshops, spécialistes de l’animatronique et des maquillages spéciaux largement rompus au genre avec la trilogie Le Seigneur des Anneaux et le King Kong de Peter Jackson. Traumatisé par une mauvaise blague de son frère alors qu’il était adolescent, Henry Oldfield (Nathan Meister) a développé une « ovinophobie », autrement dit une peur bleue de tout ce qui ressemble de près ou de loin à un mouton. Sous les conseils de sa thérapeute, ce citadin endurci retourne à la ferme familiale pour vendre ses parts à Angus (Peter Feeney), son aîné désireux de tirer profit au maximum du domaine depuis la mort accidentelle de leur père… Quitte, pour y parvenir, à mener sur les moutons de peu avouables expériences génétiques. Au courant de ces pratiques contre-nature, deux activistes écologistes, Grant (Oliver Driver) et Experience (Danielle Mason), libèrent par mégarde un agneau mutant du laboratoire secret. Aussitôt, une épidémie redoutable se répand dans la ferme telle une traînée de poudre. Tous les moutons mordus deviennent férocement anthropophages. Quant aux humains contaminés, ils subissent une épouvantable mutation, passant du stade de zombies difformes à celui de véritables moutons-garous !

La grande force de Black Sheep est la qualité de ses effets spéciaux, qui écartent avec opiniâtreté le recours aux effets numériques et aux images de synthèse au profit des bonnes vieilles techniques popularisées par Rick Baker et Rob Bottin. Les séquences de métamorphoses évoquent du coup celles de Hurlements et du Loup-Garou de Londres, à la grande joie des fantasticophiles de la première heure. Quant aux effets gore, ils s’avèrent généreux et particulièrement gratinés. Amputations, mutilations et éventrements éclaboussent ainsi l’écran avec une belle frénésie. Pour autant, Black Sheep ne va jamais aussi loin que Braindead dans le domaine de l’horreur burlesque, comme si Jonathan King, malgré la joyeuse absurdité du concept initial, refusait de faire basculer ses séquences horrifiques dans le domaine du cartoon.

L'attaque des moutons-garous

Ce choix met en évidence l’une des faiblesses majeures du film : sa difficulté à adopter le ton juste. Jamais suffisamment effrayant pour angoisser ses spectateurs, ni suffisamment drôle pour les secouer d’éclats de rires, Black Sheep cherche son style sans vraiment y parvenir, et manque cruellement de l’inventivité et de l’énergie des premiers films de Peter Jackson. En outre, les motivations des protagonistes étant mollement exposées et les situations de suspense assez répétitives, le film souffre de régulières pertes de rythme. Malgré tout, chaque amateur de monstres originaux et de films d’horreur excessifs trouvera son compte dans Black Sheep, qui compense ses carences par un grain de folie savoureux et un casting très attachant.

 

© Gilles Penso

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LES CHRONIQUES DE SPIDERWICK (2007)

Une adaptation soignée des livres illustrés de Tony DiTerlizzi et Holly Black, truffée de créatures conçues par le Tippett Studio

SPIDERWICK CHRONICLES

2007 – USA

Réalisé par Mark Waters

Avec Freddie Highmore, Sarah Bolger, Mary-Louise Parker, Nick Nolte, Joan Plowright, Izabella Miko, David Strathairn

THEMA CONTES

Inspiré des livres illustrés homonymes de Tony DiTerlizzi et Holly Black, Les Chroniques de Spiderwick se distingue du flot d’adaptations de romans pour enfants successifs au succès de la saga Harry Potter grâce à sa mise en scène stylisée, ses excellents comédiens et ses créatures mémorables supervisées par le grand Phil Tippett, lequel n’est pas un novice en matière de monstres (L’Empire contre-attaqueLe Dragon du lac de feuRobocop, Jurassic ParkStarship Troopers, excusez du peu !). A la manière du Secret de Térabithia, le film de Mark Waters s’attache d’abord à nous décrire les failles d’une famille dysfonctionnelle. La mère, Helen Grace, est incarnée par Mary-Louise Parker, que les amateurs de séries télévisées connaissent bien (elle s’illustrait notamment dans À la Maison Blanche et Weeds). Après son divorce, elle quitte New York et vient s’installer dans l’ancienne demeure de son grand-oncle Arthur Spiderwick, avec sa fille Mallory (Sarah Bolger) et ses jumeaux Jared et Simon (tous deux incarnés par Freddie Highmore, habitué aux contes fantastiques depuis Charlie et la chocolaterie et Arthur et les Minimoys).

En fouillant dans la maison, Jared met à jour un livre somptueux, rédigé par Arthur Spiderwick et orné d’illustrations de créatures étranges et variées. Tout ceci passerait pour les gentilles affabulations d’un vieil homme solitaire si les enfants ne faisaient la rencontre impromptue de Chafouin, un minuscule farfadet se muant en troll hargneux à chaque accès de colère. Bientôt, toute une armée de monstres se met à encercler la maison dans un seul but : récupérer le livre coûte que coûte. Sous nos yeux ébahis s’animent ainsi en une folle sarabande des gobelins aux allures de crapauds anthropomorphes, un hobgoblin glouton à tête de cochon, des envoûtantes sylphes semblables à des fleurs humaines, un impressionnant griffon (très proche de celui d’Harry Potter et le prisonnier d’Azkaban), un terrifiant troll-taupe (qui attaque les héros en pleine ville dans la meilleurs scène du film) et le non moins effrayant ogre métamorphe Mulgarath.

Nick Nolte dans la peau d'un ogre

Ce dernier, bien que conçu intégralement en images de synthèse comme tous ses congénères, bénéficie de la prestation de Nick Nolte. « Pour y parvenir nous avons filmé l’acteur seul, avec l’aide de plusieurs caméras simultanées, en train de dire son dialogue en adoptant la gestuelle appropriée », explique Phil Tippett. « Pendant près de deux heures et demie, il s’est livré à une performance hallucinante. A la fin de l’enregistrement, il était vidé, en sueur ! Mais ce n’était pas une session de motion capture. C’était un moyen, pour nous, de voir Nick Nolte jouer et se déplacer. Ensuite, nous nous sommes largement inspirés de sa prestation pour notre animation, tout en nous synchronisant sur ses dialogues. » (1) Ainsi, même si le scénario des Chroniques de Spiderwick n’évite pas les routines et lieux communs du genre, ses effets spéciaux hallucinants, ses magistrales scènes de suspense et l’étonnante double prestation de Freddie Highmore muent le sympathique conte de fées en spectacle de haut niveau.

 

(1) Propos recueillis par votre serviteur en avril 2008

© Gilles Penso

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LA GUERRE DES ETOILES (1977)

George Lucas rend hommage aux serials de sa jeunesse et pose le premier jalon d'une mythologie contemporaine

STAR WARS

1977 – USA

Réalisé par George Lucas

Avec Mark Hamill, Harrison Ford, Carrie Fisher, Peter Cushing, Alec Guinness, Anthony Daniels, David Prowse, Kenny Baker

THEMA SPACE OPERA I SAGA STAR WARS

La Guerre des étoiles constitue un virage définitif dans l’histoire de la science-fiction cinématographique, empruntant son inspiration aux contes médiévaux, aux westerns, aux serials des années 30, aux films de guerre, au « Seigneur des Anneaux » de Tolkien, à La Forteresse cachée d’Akira Kurosawa, à la légende du roi Arthur et même à la tragédie shakespearienne. Le film de George Lucas,  guidé par l’analyse des mythes de l’anthropologue Joseph Campbell, constitue ainsi un admirable travail de recyclage qui débouche, à l’arrivée, sur un résultat d’une unité, d’une originalité et d’une personnalité tout à fait remarquables. A contre-courant de la science-fiction traditionnelle, un carton d’introduction nous annonce d’emblée que les événements ne se situent pas dans la Terre du futur, mais « il y a bien longtemps dans une galaxie lointaine, très lointaine… » D’où une filiation évidente avec le conte pour enfants, dont le récit s’amuse à emprunter de nombreux archétypes. L’Empire galactique, qui fait régner la peur en usant de sa colossale force militaire, vient d’achever la création de l’Étoile Noire, une gigantesque station spatiale capable d’anéantir en un instant une planète tout entière. Darth Vader et le général Tarkin sont les auteurs de cette terrifiante entreprise. Fuyant les forces impériales, la princesse Leïa, à la tête des rebelles, est capturée par Vader. Avant de tomber entre ses griffes, elle a tout juste le temps d’expédier deux droïdes sur la planète Tatooine, pour alerter Obi Wan Kenobi, survivant de l’ordre des chevaliers Jedi. Les robots messagers, C3PO et R2D2, sont recueillis par le jeune Luke Skywalker, qui décide de prendre fait et cause pour les rebelles lorsque son oncle et sa tante sont assassinés par les gardes impériaux. Il s’assure le concours du mercenaire Han Solo et de son co-pilote wookie Chewbacca.

Le film marque une étape si importante que la plupart des films « spatiaux » ultérieurs s’en inspireront, plus ou moins volontairement, ne serait-ce que dans la manière de cadrer leurs vaisseaux spatiaux. Avec La Guerre des étoiles, George Lucas détournait d’ailleurs des ingrédients habituellement rattachés aux films de série B (monstres en tous genres, chevaliers et princesses, méchants folkloriques, combats interplanétaires) pour les offrir aux yeux d’un très large grand public et créer ainsi l’un des premiers blockbusters de l’histoire du cinéma. « Généralement, George Lucas arrivait avec l’idée de départ de chacune des séquences à effets spéciaux, sans trop se soucier des moyens que nous allions utiliser », explique Dennis Muren, superviseur des effets visuels du film. C’était ensuite à nous de proposer des approches techniques. A l’époque, la meilleure façon de procéder pour donner vie aux créatures issues de son imagination était souvent de fabriquer des marionnettes ou des figurines d’animation. Les designers ont effectué un travail remarquable, surtout si l’on tient compte de la technologie limitée dont nous disposions à l’époque. » (1)

La Symphonie des Planètes

Mais ce serait une erreur de limiter la réussite de Star Wars à une performance technique, même si c’en est effectivement une, et de taille. Le récit universel qui y est conté, les forces qui s’y opposent et les sentiments qui s’y développent confèrent au film sa véritable force, dont la portée ne s’exprimera dans toute son étendue qu’au cours des épisodes suivants. Et puis il y a ce casting étonnant, mariant des jeunes espoirs inconnus (dont seul Harrison Ford accèdera finalement au vedettariat) et la vieille garde britannique (avec en tête Alec Guiness, en émule du Gandalf du « Seigneur des Anneaux », et Peter Cushing, recyclant son rôle récurrent d’officier nazi). Sans oublier, ultime atout, la partition époustouflante, magistrale et wagnérienne d’un John Williams alors à l’apogée de son art, assumant l’influence de Gustav Holst et de sa fameuse « Symphonie des Planètes ». En 1997, pour célébrer les vingt ans du film, George Lucas eut la mauvaise idée de le remonter et d’y intégrer d’hideuses images de synthèse dans le but de créer une édition spéciale, traitement également infligé aux deux autres films de la trilogie. 

(1) Propos recueillis par votre serviteur en février 2014.

 

© Gilles Penso

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FRANKENSTEIN (1931)

Infidèle mais superbement poétique, cette adaptation du roman de Mary Shelley a consacré Boris Karloff comme star de l'épouvante

FRANKENSTEIN

1931 – USA

Réalisé par James Whale

Avec Boris Karloff, Colin Clive, Dwight Frye, Mae Clarke, John Boles, Edward Van Sloan, Frederick Kerr, Lionel Belmore

THEMA FRANKENSTEIN I SAGA UNIVERSAL MONSTERS

En 1931, la firme Universal vient de produire une adaptation du roman « Dracula » et met en chantier dans la foulée ce Frankenstein inspiré autant du livre de Mary Shelley que de la pièce de Peggy Webling. Pour le monstre, Universal pense immédiatement à Bela Lugosi, qui fut un Dracula très marquant. Robert Florey tourne donc une bobine d’essai avec l’acteur maquillé par Jack Pierce, créateur de tous les monstres d’Universal. Mais Lugosi refuse finalement le rôle. L’idée de porter un maquillage aussi lourd et de ne pas prononcer une seule ligne de dialogue lui déplaît. Cette décision entraîne un bouleversement dans le projet. La réalisation du film est alors confiée à James Whale, qui vient d’adapter avec succès plusieurs pièces. Whale choisit Colin Clive dans le rôle de Frankenstein (tous deux ont déjà collaboré dans Waterloo Bridge), mais on cherche toujours quelqu’un pour incarner le monstre. Le choix se porte finalement sur un acteur peu connu, âgé de 44 ans, qui a pourtant tourné dans plus de 70 films, et que Whale repère dans The Criminal Code (1931) de Howard Hawks où il joue un bagnard. Cet acteur s’appelle William Henry Pratt, mais il va devenir célèbre sous le nom de Boris Karloff.

Karloff apporte à la créature un énorme potentiel pathétique et émotionnel, poussant des cris d’enfant apeuré, tendant des mains hésitantes pour signifier son incompréhension. Sa première apparition est d’autant plus marquante qu’elle est sobre, sans effets d’épouvante appuyé (si ce n’est une série de gros plans de plus en plus rapprochés sur son visage, sous des angles différents), et dans un silence total. Il est d’ailleurs étonnant de constater que ce Frankenstein, pourtant réalisé à l’orée du cinéma parlant, soit entièrement dénué de musique, si ce n’est dans ses deux génériques. Le maquilleur Jack Pierce, quant à lui, réalise sans doute ici la plus grande de ses créations. Ce crâne carré et cicatrisé, ces paupières lourdes, ce teint blafard, complètement imaginaires puisque la description du monstre dans le roman est très évasive, se sont irrémédiablement imprimés dans l’inconscient collectif. Pour entretenir le mystère, le nom de Karloff n’apparaît pas sur le générique de début. Ainsi, la créature demeure un être sans nom.

« Maintenant, je sais ce que c'est d'être Dieu ! »

Ici, Frankenstein ne se prénomme pas Victor mais Henry, et il est assisté de Fritz le bossu. La nuit, tous deux déterrent les cadavres des cimetières et s’approvisionnent en morceaux de corps humains à partir desquels ils confectionnent la fameuse créature. Mais Fritz, par mégarde, vole le cerveau d’un assassin. Captant l’électricité, Frankenstein donne vie au corps… Si, dans le roman de Shelley, le savant se laissait aller à des envolées lyriques comme « la vie et la mort m’apparaissaient comme des limites idéales que je devrais d’abord franchir pour déverser sur notre monde ténébreux un torrent de lumière », celui du film déclare carrément : « Maintenant, je sais ce que c’est d’être Dieu ! » (une phrase qui échaudera considérablement la censure de l’époque). Au cours d’un final grandiose, le monstre s’évade et disparaît avec son créateur dans les flammes d’un vieux moulin. Même s’il pèche par infidélité au texte original, ce Frankenstein s’est imposé dès sa sortie comme l’adaptation ultime du récit de Mary Shelley et demeure aujourd’hui encore une référence absolue et indétronable.

© Gilles Penso

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DRACULA (1931)

Le cycle des Universal Monsters s'inaugure avec cette première adaptation officielle du roman de Bram Stoker

DRACULA

1931 – USA

Réalisé par Tod Browning

Avec Bela Lugosi, Helen Chandler, David Manners, Dwight Frye, Edward Van Sloan

THEMA DRACULA I VAMPIRES I SAGA UNIVERSAL MONSTERS

Après le Nosferatu de Murnau, détournant habilement le problème des droits d’auteur, voici la première adaptation officielle du roman de Bram Stoker, qui fut aussi le premier film d’épouvante sonore. Pour simplifier les péripéties du texte initial, les scénaristes ont remplacé le héros Jonathan Harker par Renfield, dans la scène du prologue, et transposé l’histoire au vingtième siècle. Malgré les recommandations des villageois, Renfield, un jeune agent immobilier, se rend donc en Transylvanie pour rencontrer le comte Dracula qui veut acquérir une demeure en Angleterre. Mais Dracula est un vampire, et avec l’aide de ses trois femmes non-mortes, il vampirise Renfield et en fait son esclave, avant de partir à la conquête de l’Angleterre. Le producteur Carl Laemmle et le réalisateur Tod Browning ont eu l’idée de génie de confier à Bela Lugosi le rôle du comte vampire imaginé par Bram Stoker. Enveloppé dans sa cape noire, les traits livides, le regard hypnotiseur et la voix précieuse au fort accent de l’Est, Lugosi est inoubliable en Dracula, et sa première apparition, dans un magnifique château brumeux rempli de toiles d’araignées, de gros rats et de tatous (!), est un véritable morceau d’anthologie.

Le prologue sur la route menant au château (une très belle peinture sur verre), la première rencontre entre Renfield et Dracula (avec la célèbre réplique « je ne bois jamais… de vin »), ou l’affrontement final dans le souterrain du vampire sont également des scènes très visuelles. Notons aussi l’idée de l’étui à cigarette qui fait office de miroir, dans lequel Dracula ne se reflète pas. Mais le reste du temps, la mise en scène s’avère assez figée, empruntant la majeure partie de ses effets au théâtre. D’ailleurs, le scénario adapte plus fidèlement la pièce de Hamilton Deane et John Balderston que le roman de Bram Stoker. Au lieu de profiter de l’avènement du parlant pour utiliser une partition adéquate, Browning délaisse la musique (seulement présente au cours du générique de début, par le biais du « Lac des Cygnes » de Tchaikovsky, et au cours de la scène du concert) au profit des dialogues. Ainsi les événements sont-ils plutôt dits que montrés, comme lorsque Dracula s’enfuit de la maison du Dr Seward sous la forme d’un loup. Du coup, certaines scènes, comme la mort de tout l’équipage du vaisseau transportant Dracula à Londres, ou celle de Lucy vampirisée, n’ont-elles pas la force qu’elles devraient avoir.

« Je ne bois jamais… de vin ! »

Ce Dracula demeure malgré tout une œuvre de très haut niveau, un petit joyau porté en grande partie par le jeu superbe de Lugosi et celui du trop sous-estimé Dwight Frye. Simultanément au tournage de ce Dracula, George Melford mit en scène une version espagnole, dans le même décor et sur le même scénario, selon une méthode souvent pratiquée dans les années 30. Ce Dracula ibérique était interprété par Pablo Alvarez Rubio, Barry Norton, Carlos Villarias et Lupita Tova, et d’aucuns le jugent supérieur à celui de Tod Browning. En 1999, Universal demanda au compositeur Philip Glass de concocter une nouvelle musique pour la réédition du film, laquelle, planante et très discrète, n’apporte à vrai dire pas grand-chose à la bande son originale.

© Gilles Penso

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LA PLANÈTE DES SINGES (1968)

Cette adaptation du roman de Pierre Boulle s'est muée en classique instantané du cinéma de science-fiction

PLANET OF THE APES

1968 – USA

Réalisé par Franklin J. Schaffner

Avec Charlton Heston, Roddy McDowall, Kim Hunter, Maurice Evans, James Daly, Linda Harrison, Robert Gunner, Lou Wagner

THEMA SINGES I FUTUR I VOYAGES DANS LE TEMPS I SAGA LA PLANÈTE DES SINGES

Adapté librement de l’extraordinaire roman que Pierre Boulle écrivit en 1963, et qui plaçait la condition humaine au cœur des ses préoccupations, La Planète des singes ressemble à un long épisode de La Quatrième dimension, ce qui n’est pas un hasard dans la mesure où Rod Serling en a signé le scénario. Le monumental coup de théâtre final constitue d’ailleurs un chef d’œuvre à lui seul, et le film lui doit une bonne part de sa célébrité. Tout commence lorsqu’un engin spatial égaré dans l’espace-temps s’écrase sur une planète inconnue, habitée par des singes très évolués et une humanité primitive. Les gorilles gèrent l’armée, les orangs-outans la justice, les chimpanzés la science, et les humains sont relégués derrière les barreaux des prisons ou enchaînés pour les travaux des champs. Les astronautes sont faits prisonniers. Seul Taylor (Charlton Heston) survit, mais les singes, en l’entendant parler, comprennent qu’il est plus évolué que ses semblables. Un couple de jeunes chimpanzés scientifiques, Zira (Kim Hunter) et Cornélius (Roddy McDowall), est persuadé qu’il représente le chaînon manquant de l’évolution.

Par-delà l’insolite provoqué par le retournement de toutes les situations entre l’homme et le singe (le jonathan Swift de « Gulliver » n’est pas loin), le film se sert des primates comme parabole des comportements humains, en particulier vis-à-vis des autres espèces animales. Le tribunal dirigé par Zaïus (Maurice Evans) évoque à la fois l’inquisition médiévale jugeant hérétique qui ose avancer des théories bousculant celles établies par les hautes instances, et les régimes totalitaires réécrivant l’histoire à leur manière et l’enseignant ainsi falsifiée dans les écoles. Dommage que la belle Nova (Linda Harrison) n’ait ici droit qu’à un rôle de bimbo muette d’arrière-plan, alors que ses interventions étaient bien plus étoffées dans le roman. Les comédiens maquillés en singes bénéficient de masques faciaux pour le moins incroyables, conçus par John Chambers pour mettre en évidence l’expression de leurs regards. Sur le plateau, lorsque des centaines de figurants avaient à être transformés en gorilles, chimpanzés et orang-outangs pour les scènes de foules, acteurs et maquilleurs se retrouvaient à quatre heures du matin pour une quinzaine d’heures consacrées à l’application des prothèses. Le spectacle devait être pour le moins folklorique.

Un tournage folklorique

La qualité du résultat à l’écran est quelque peu tempérée par les déclarations de Stuart Freeborn, génial maquilleur de La Guerre des étoiles, chagriné que la 20th Century Fox ait envoyé dans son atelier un assistant pour « espionner » ses techniques de moulage et de sculpture alors qu’il travaillait sur les hommes-singes de 2001 l’odyssée de l’espace. D’ailleurs, ironiquement, c’est La Planète des singes qui remporta l’Oscar des maquillages spéciaux, et non 2001 (dans lequel la plupart des spectateurs de l’époque croyaient avoir affaire à de vrais primates). Quoiqu’il en soit, La Planète des Singes demeure un très grand moment de l’histoire du cinéma de science-fiction, entraînant dans son sillage quatre séquelles, une série télévisée, une bande dessinée et un remake.

 

© Gilles Penso

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KING KONG (1933)

Une relecture monumentale du mythe de la Belle et la Bête conçue par des cinéastes spécialisés jusqu'alors dans le documentaire animalier

KING KONG

1933 – USA

Réalisé par Ernest B. Schoedsack et Merian C. Cooper

Avec Fay Wray, Robert Armstrong, Bruce Cabot, Frank Reicher, Noble Johnson, Sam Hardy, Steve Clemento

THEMA SINGES I DINOSAURES I SAGA KING KONG

Fruit de l’imagination fertile du producteur Merian C. Cooper, spécialisé dans les documentaires animaliers depuis le milieu des années 20, King Kong est devenu l’une des icônes les plus marquantes du 7ème Art, tous genres confondus. Le film met en scène le cinéaste Carl Denham (Robert Armstrong) qui débarque avec son équipe sur l’île du Crâne. Fascinés par la chevelure blonde d’Ann (Fay Wray), l’actrice engagée par Denham, les insulaires l’enlèvent et l’offrent en sacrifice au dieu Kong, un gorille géant. Pour sauver la belle, l’équipe de Denham part à la poursuite du monstre dans une jungle hostile peuplée de dinosaures, le capture et le ramène à New York pour l’exhiber sous le nom de « La Huitième Merveille du Monde ». Mais le soir de la première, Kong s’échappe et emmène Ann au sommet de l’Empire State Building…

Pour apprécier pleinement King Kong, il faut  le replacer dans son contexte historique : la grande dépression économique de 1933. Dans les dix premières minutes du film (absentes de la version française), nous voyons une société ravagée par la crise, les bas-fonds d’une ville, la misère et la déchéance. Dans la dernière partie, cette crise est symbolisée par un monstre destructeur qui s’abat sur la société. Le début est réaliste, la fin métaphorique. Entre ces deux parties, les séquences de l’île du Crâne ressemblent à un rêve, à un cauchemar. Dans cette jungle mythique, le ciel est constamment traversé par d’étranges reptiles volants et des créatures antédiluviennes ne cessent de surgir des buissons. Anthropophage, violent, hargneux, le gorille géant attire pourtant la sympathie, et lorsqu’il tombe du haut de l’Empire State Building, on ne peut s’empêcher d’écraser une petite larme. Les aviateurs qui abattent Kong sont d’ailleurs interprétés par les deux réalisateurs du film !

Un gigantesque tour de magie

La beauté de cette monstrueuse histoire d’amour est transcendée par un noir et blanc quasi-expressionniste, de magnifiques décors influencés par Gustave Doré et une partition wagnérienne signée Max Steiner. A l’origine, Cooper envisageait d’utiliser un vrai gorille et de l’emmener sur l’île de Komodo pour le filmer face à un varan. Mais la crise économique du début des années 30 empêcha une telle expédition. Finalement, c’est le magicien des effets spéciaux Willis O’Brien qui donna corps à Kong, en utilisant la technique alors balbutiante de l’animation image par image et en s’entourant d’une équipe d’artistes talentueux. Dans le film, le monstre velu est ainsi interprété par six figurines de 45 centimètres de haut manipulées dans des décors miniatures. Si, pour le spectateur d’aujourd’hui, les mouvements du gorille semblent saccadés et tremblotants, celui de 1933, lui, fut abasourdi par un spectacle alors révolutionnaire. King Kong ressemble ainsi à un gigantesque tour de magie réalisé par une extraordinaire équipe d’illusionnistes. Contrairement à ses contemporains Dracula et FrankensteinKing Kong ne repose ni sur une œuvre littéraire classique, ni sur le prestige de son réalisateur et de ses comédiens. C’est donc la force primaire de son récit, cette « puissance obscure du désir » (pour reprendre les termes de la scénariste Ruth Rose), superbe transfiguration du motif de la Belle et la Bête, qui lui vaut sa renommée et son statut indiscuté de chef d’œuvre atemporel.

 

© Gilles Penso

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ROBOCOP (1987)

Paul Verhoeven fait ses premiers pas dans la science-fiction avec une fable cynique, cruelle et violente

ROBOCOP

1987 – USA

Réalisé par Paul Verhoeven

Avec Peter Weller, Nancy Allen, Daniel O’Herlihy, Ronny Cox, Kurtwood Smith, Miguel Ferrer, Robert Do Qui, Ray Wise

THEMA ROBOTS I FUTUR I SAGA ROBOCOP

Premier film hollywoodien du réalisateur hollandais Paul Verhoeven (précédé d’une réputation sulfureuse grâce à des œuvres telles que Turkish délices, Le Quatrième homme ou La Chair et le sang), Robocop se situe dans la ville de Detroit à l’aube de l’an 2000. Au sein d’une société ayant poussé le capitalisme jusqu’à un point de non retour, les services de police ont été privatisés et sont désormais chapeautés par l’OCP (Omni Consumer Products), un groupe de financiers et de technocrates qui décident de lutter contre la criminalité avec une arme infaillible. Le premier projet proposé, ED 209 (Enforcement Droïd 209 en VO, Eco Dépisteur 209 en VF), est un robot bipède et massif de deux mètres de haut, mais sa démonstration devant les décideurs se solde par un sanglant échec, et on opte pour un second projet baptisé Robocop. Alex Murphy (Peter Weller), un policier laissé pour mort par des truands, sert de cobaye. Opéré pendant des heures par des chirurgiens et des techniciens, il est transformé en cyborg, moitié chair, moitié acier, programmé comme un ordinateur pour réagir à toute tentative d’infraction à la loi.

Armé d’un budget de douze millions de dollars, Verhoeven bâtit de toutes pièces un futur hyperréaliste, un choix qui déteint sur la photographie sobre et froide du film. « J’aime traiter les images de manière réaliste, même dans un film de science-fiction », nous confiait le directeur de la photographie Jost Vacano. « Je pense que le public s’imprègne plus facilement de l’histoire si le contexte lui semble familier » (1). Pour réaliser les ambitieux effets spéciaux du film, le producteur Jon Davison décide de faire appel à deux hommes avec qui il a déjà collaboré à l’époque du Piranhas de Joe Dante. L’as des maquillages spéciaux et des créatures mécaniques Rob Bottin se voit ainsi confier le costume du Robocop, tandis que l’animateur et superviseur d’effets visuels Phil Tippett est chargé de donner vie à ED 209. « Nous voulions à tout prix nous éloigner de la morphologie humaine », nous raconte Tippett. « Ce robot est donc une sorte de croisement entre une presse hydraulique et un poids lourd, avec une grille d’aération faciale qui a un peu la forme d’une bouche de baleine » (2).

Satire sociale et monstres géants

ED 209 est animé avec beaucoup de talent, car selon les séquences, le robot bipède est effrayant ou au contraire ridicule, comme lorsqu’il dévale un escalier et se retrouve sur le dos en agitant stupidement ses pattes en l’air. Outre ED 209, l’animation est également sollicitée par l’un des faux spots publicitaires qui scandent le film, vantant cette fois les mérites d’une voiture surnommée « La Bête de la Route ». On y voit un allosaure qui avance parmi les buildings de la ville comme Le Monstre des temps perdus de Ray Harryhausen, le tout sur une musique qui reprend les accents de la partition de Max Steiner pour King Kong. Ainsi, comme il le fera une décennie plus tard avec Starship Troopers, Paul Verhoeven s’amuse-t-il à marier tout au long du film deux envies très personnelles qui pourraient sembler de prime abord difficiles à concilier : rendre hommage aux films de monstres et de science-fiction qui bercèrent son enfance, tout en s’adonnant à la satire sociale et politique avec un mordant et une violence totalement décomplexés.

 

(1) Propos recueillis par votre serviteur en décembre 1997

(2) Propos recueillis en avril 1998.


© Gilles Penso 

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