YOR LE CHASSEUR DU FUTUR (1982)

Heroïc fantasy, science-fiction et préhistoire se bousculent dans cette épopée kitsch devenue culte

IL MONDO DI YOR

1982 – ITALIE / USA

Réalisé par Antonio Margheriti

Avec Reb Brown, Corinne Clery, Alan Collins, John Steiner, Carole Andre

THEMA HEROIC FANTASY I FUTUR DINOSAURES

1982 : John Milius réinvente l’heroïc-fantasy musclée sur grand écran avec Conan le barbare, et La Guerre du feu de Jean-Jacques Annaud remporte le César du meilleur film avec une aventure préhistorique remontant aux origines de l’humanité. Il n’en faut pas plus à Antonio Margheriti pour tenter de fusionner ces deux influences en un seul film. Se drapant de son pseudonyme américanisé favori, Anthony M. Dawson, le réalisateur de Chair pour Frankenstein, L’Invasion des piranhas et Pulsions cannibales prend pour prétexte la bande dessinée « Yor le chasseur » de Juan Zanotto et Ray Collins (1976-1977) pour marcher sur les traces des films de Milius et Annaud en y injectant un peu de rétrocipation fantaisiste façon Un Million d’années avant JC, histoire de pouvoir montrer des femmes des cavernes plus sexy que celles de La Guerre du feu et quelques dinosaures joyeusement anachroniques. 

Le ton improbable du film est donné dès son générique, où retentit la chanson délicieusement eighties « Yor » tandis que le vigoureux Reb Brown (qui fut un calamiteux Captain America quelques années plus tôt) gambade au milieu des rochers en souriant, ses muscles luisant face au soleil et sa perruque blonde lui donnant les allures d’un Rahan du pauvre. Yor est un héros, un vrai. Surgi de nulle-part, il sauve les pauvres gens lorsqu’ils sont assaillis par des monstres préhistoriques fantaisistes – un stégosaure à tête de tricératops, un dimétrodon géant – conçus par Margheriti et sa famille sous forme de marionnettes mécaniques grandeur nature. Ces belles bêtes interagissent certes avec les comédiens sans nécessité d’utiliser des trucages optiques, mais le montage nerveux ne parvient guère à les faire passer pour autre chose que des attractions de foire en plastique. La palme revient au « monstre de la nuit », une sorte de ptérodactyle/chauve-souris qui plane comme un frisbee géant et dont Yor utilise la dépouille comme s’il s’agissait d’un deltaplane pour voler à la rescousse des opprimés, tandis que la bande originale s’emballe avec une chanson qui cherche visiblement à imiter Queen dans Flash Gordon. Fou rire assuré ! 

« Parfois, je pense être le fils du feu… »

Yor est vaillant, mais il ignore tout de ses origines. Le médaillon qu’il porte au cou est peut-être la clef du mystère. « C’est comme un feu qui brûle au fond de moi, c’est une question sans réponse » dit-il l’air inspiré. « Parfois je pense être le fils du feu et n’avoir ni père ni mère. » Une cro-mignonne incarnée par Corinne Clery (aperçue dans Moonraker) s’amourache de lui, les bouclettes au vent, et lance des regards noirs à toutes les filles qui lui font les yeux doux. Puis soudain, sans préavis, cette fable préhistorico-mythologique (qui puise aussi son inspiration dans les péplums italiens des années 60) bascule en pleine science-fiction post-La Guerre des étoiles, recyclant les accessoires et les costumes de L’Humanoïde dont Margheriti supervisa les effets spéciaux. Le dernier tiers du film, totalement absurde, met dès lors en scène un méchant ridicule aux desseins incompréhensibles et parachève l’impression d’avoir assisté à un OVNI inclassable dont les excès de naïveté nous le rendent forcément sympathique.

© Gilles Penso

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X-TRO (1982)

Une invasion extra-terrestre insolite et effrayante qui compense son manque de moyens par une inventivité permanente

X-TRO

1982 – GB

Réalisé par Harry Bromley Davenport

Avec Philip Sayer, Bernice Stegers, Danny Brainin, Maryam d’Abo, Simon Nash, Peter Mandell, David Cardy

THEMA EXTRA-TERRESTRES

Certains films transcendent leur cruel manque de moyen pour cultiver une atmosphère insolite qui, volontairement ou non, les mue en œuvres singulières, hors norme et déconcertantes. Tel est le cas de X-Tro, seul véritable coup d’éclat du réalisateur Harry Bromley Davenport dont le premier long-métrage, Whispers of Fear, est passé inaperçu, et dont le reste de la carrière fut consacré à tenter de réitérer en vain le « miracle » de X-Tro. Le postulat du film est assez simple. Alors qu’il joue à lancer un bâton à son chien, un homme est enlevé devant chez lui par une lumière mystérieuse sous les yeux de son fils, puis réapparaît trois ans plus tard totalement amnésique. Son épouse ayant entretemps refait sa vie, certaines tensions s’instillent dans cette famille soudain recomposée, à laquelle s’ajoute une jolie babysitter française incarnée par Maryam d’Abo (future James Bond Girl de Tuer n’est pas Jouer).

En s’appuyant sur cette trame, Davenport se met à collectionner les séquences surréalistes et perturbantes : une créature aux allures d’homme-sauterelle qui surgit en pleine nuit au bord d’une route de campagne et agresse un couple d’automobiliste ; une femme fécondée par la bête qui accouche d’un adulte en temps record et meurt en baignant dans ses entrailles ; des jouets qui prennent vie (un clown nain, un soldat robot, un tank) et attaquent les habitants d’un immeuble ; un père qui dépose dans la nuque de son fils des larves étranges ; une jeune fille transformée en cocon géant qui pond des œufs sphériques dans une baignoire ; un homme qui se désquame jusqu’à se muer en créature extra-terrestre… Rien de comparable à ces visions de cauchemar n’avait encore été montré sur un écran, le titre même du film – sorte d’acronyme inventé de toutes pièces – suggérant une approche inédite du thème de l’extraterrestre, loin d’AlienE.T. ou Rencontres du Troisième Type chez qui il puise pourtant quelques idées narratives ou visuelles. 

Atmosphère pesante et effets choc

Bricolant avec les moyens du bord, Davenport écrit lui-même une musique synthétique volontiers stridente, tandis que les équipes des effets spéciaux font ce qu’elles peuvent. Les trucages optiques très maladroits jouent prudemment la carte de la suggestion. Ils sont supervisés par Tom Harris, qui allait se spécialiser ensuite dans la série TV et qu’on retrouve tout de même au générique de L’Attaque des Clones. Quant aux multiples et inventifs effets de créatures, ils sont l’œuvre de Francis Coates, dont la filmographie comptera les animatroniques de L’Histoire sans Fin, les maquettes de M.A.L. et les effets de Perdus dans l’Espace. L’atmosphère pesante du film, sa fusion décomplexée entre la science-fiction pure et l’horreur graphique et sa volonté manifeste de sortir des sentiers battus nous font excuser ses maladresses et son budget ridicule. Voilà sans doute pourquoi X-Tro s’est depuis mué en objet de culte. X-Tro 2 et X-Tro 3 n’en retrouveront ni l’alchimie, ni le grain de folie. Harry Bromley Davenport disparaîtra donc dans les limbes du direct-to-video anonyme. On ne peut pas en dire autant du producteur exécutif Robert Shaye, qui allait connaître la consécration deux ans plus tard avec Les Griffes de la Nuit.

 

© Gilles Penso

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WILD WILD WEST (1999)

Malgré sa conjonction de talents, cette adaptation de la célèbre série Les Mystères de l'Ouest est totalement hors-sujet

WILD WILD WEST

1999 – USA

Réalisé par Barry Sonnenfeld

Avec Will Smith, Kevin Kline, Kenneth Branagh, Salma Hayek, M. Emmet Walsh, Ted Levine, Frederique Van Der Wal

THEMA ESPIONNAGE ET SCIENCE-FICTION

Chapeau Melon et Bottes de Cuir, Des Agents très Spéciaux, Mission : Impossible, Destination Danger… Les années 60 regorgèrent de séries d’espionnage souvent influencées par la popularité de James Bond. Diffusés entre 1965 et 1969, Les Mystères de l’Ouest se distinguaient du lot par l’originalité de leur concept. Mixage hors norme de western, d’espionnage, de science-fiction et de fantastique, cette série conçue par Michael Garrison était dominée par son extraordinaire duo d’agents secrets incarnés par Robert Conrad et Ross Martin. Il était inévitable qu’Hollywood en tente tôt ou tard une transposition sur grand écran, d’où ce Wild Wild West qui coûta plus de 150 millions de dollars à la Warner. 

L’idée de départ n’a pas changé : nous sommes en 1870 et le maléfique docteur Loveless décide d’assassiner le président des Etats-Unis Ulysse Grant grâce à ses machines diaboliques. Seuls deux hommes peuvent le neutraliser, tous deux agents du gouvernement : James West, un as de la gâchette, et Artemus Gordon, un roi du déguisement… Cette relecture du mythe n’a pas fait l’unanimité, c’est le moins qu’on puisse dire. Le scénario fourre-tout accumule les séquences spectaculaires sans se préoccuper d’une quelconque construction dramatique, l’humour au ras des pâquerettes volette de préférence en dessous de la ceinture, la musique timorée d’Elmer Bernstein reprend sans risque les accents de celle des Sept Mercenaires au lieu de tenter des variantes sur le génial thème de Richard Markowitz. Quant au casting, il ressemble à une mauvaise blague : en quoi est-il judicieux de faire interpréter le cow-boy James West à Will Smith et le nain Miguelito Loveless à Kenneth Branagh ? On sent bien que les comédiens prennent là du bon temps, mais leur bonne humeur n’est guère communicative et leur cabotinage excède rapidement… On ne s’étonne donc guère que Robert Conrad, contacté par la production pour faire une apparition dans le rôle d’Ulysse Grant, ait décliné l’offre en découvrant l’ineptie du scénario.

Robert Conrad refuse de s'impliquer

En revanche, il faudrait être de mauvaise foi pour ne pas admirer la splendide direction artistique du film, qui explore avec beaucoup d’ingéniosité un rétro-futurisme à la Jules Verne directement hérité de la littérature steampunk initiée dans les années 70. Les fantasticophiles ont gardé en mémoire le Nautilus dentelé de 20 000 Lieues sous les Mers, la sphère volante des Premiers Hommes dans la Lune, le vaisseau Cygnus du Trou Noir, la locomotive volante de Retour vers le Futur 3 ou encore la ville portuaire de La Cité des Enfants Perdus. Désormais, il faut y ajouter l’arsenal du docteur Loveless et les folles inventions d’Artemus Gordon. L’une des machines les plus marquantes du film est l’araignée robot de Loveless, haute de 25 mètres et bardée de rivets (imposée par le producteur Jon Peter, frustré de ne pas avoir d’araignée géante dans son projet avorté Superman Lives !). C’est sur ce robot titanesque que West affronte une série d’hommes de mains, puis Loveless lui-même, transformé au cours du climax en variante du docteur Octopus grâce à ses quatre jambes télescopiques. Dommage qu’autant d’ingéniosité technique et artistique n’ait pas été mise au service d’un film plus abouti et mieux construit, fruit pourtant de la collaboration conjointe de six scénaristes officiels !

 

© Gilles Penso

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LA VENGEANCE DE LA FEMME AU SERPENT (1988)

Une fausse suite des Marais de la Haine dans laquelle une jeune femme se révolte contre des hordes de rednecks psychopathes

GATORBAIT 2 : CAJUN JUSTICE

1988 – USA

Réalisé par Ferd et Beverly Sebastian

Avec Jan MacKenzie, Tray Loren, Paul Muzzcat, Brad Koepenick, Jerry Armstrong, Ben Sebastian, Reyn Hubbard

THEMA TUEURS

Le survival Les Marais de la Haine ayant connu un certain succès en salles et un véritable triomphe en vidéo, Paramount Vidéo commanda au couple Ferd et Beverly Sebastian une séquelle plusieurs années plus tard, destinée directement au marché de la cassette. Même s’il s’agit d’une suite directe, censée se situer dix ans après les évènements décrits dans le film précédent, la continuité narrative entre Les Marais de la Haine et La Vengeance de la Femme au Serpent est mise à mal par un certain nombre d’incohérences, les moindres n’étant pas la disparition pure et simple du mutisme de Big T. (le jeune garçon du premier film devenu ici adulte) et la résurrection miraculeuse de Leroy, le « bad guy » du premier ‘Gator Bait qui mourait pourtant bel et bien à la fin du premier opus. Nous le retrouvons ici en pleine forme, l’acteur Douglas Dirkson ayant cédé le pas à un Paul Muzzcat très modérément convaincant, préférant au regard fou de son prédécesseur un cabotinage excessif et une voix haut perchée à l’accent du sud pas toujours crédible.

Le racisme des « rednecks » vis-à-vis de la communauté cadienne est plus que jamais mis en avant dans ce second volet, attisant une atmosphère tendue qui va s’envenimer jusqu’au point de non retour. Big T. a donc grandi et épouse une jolie fille de la ville, Angélique, à qui il fait découvrir les joies simples de la vie dans les bayous de Louisiane. Mais le sinistre Leroy et sa bande de malfrats édentés et attardés voient d’un mauvais œil ce bonheur naissant. Surgissant comme des bêtes sauvages dans le nid d’amour des jeunes mariés, ils laissent Big T. pour mort et s’apprêtent à faire subir à Angélique les derniers outrages… Les Sebastian aimant travailler en famille, ils demandent à leur fils de reprendre le rôle de Big T. et confient celui d’Angélique à Jan MacKenzie, autrement dit leur belle fille. Quant à Claudia Jennings, héroïne des Marais de la Haine, elle est hélas morte dans un accident de voiture quelques années plus tôt, ce qui explique la disparition de son personnage. 

Une horreur triviale et banalisée

Si Les Marais de la Haine s’écartait en partie de la mécanique très codifiée des « Rape and Revenge » (ce fameux sous-genre du cinéma d’exploitation dans lequel une femme violée prend une sanglante revanche), cette séquelle s’y soumet pleinement, nous rappelant qu’entre-temps le très marquant I Spit on your grave est passé par là. Le début du film adopte un style presque documentaire, via ce mariage cajun plus vrai que nature tourné avec des autochtones se prêtant bénévolement au jeu. Les scènes de la vie quotidienne des jeunes mariés sont empreintes d’un certain naturalisme et l’agression sexuelle multiple dont est victime Angélique choque par son approche anti-dramatique, crue et réaliste, loin de tout sensationnalisme. C’est une horreur triviale, banalisée. Mais cette quête de crédibilité s’évapore par la suite, l’ingénue se muant en chasseuse émérite et l’action attendue (poursuites en bateaux, chassés croisés dans les bois, morts violentes) emboîtant servilement le pas du film précédent jusqu’à un final qui s’y conforme presque plan par plan. Ainsi se clôt un diptyque pour le moins atypique.

© Gilles Penso

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UNIVERSAL SOLDIER (1992)

Jean-Claude Van Damme et Dolph Lundgren s'affrontent dans un remix de Terminator et Robocop signé Roland Emmerich

UNIVERSAL SOLDIER

1992 – USA

Réalisé par Roland Emmerich

Avec Jean-Claude Van DammeDolph LundgrenAlly Walker, Ed O’Ross, Jerry Orbach, Leon Rippy, Tico Wells, Ralf Moeller

THEMA ROBOTS 

Il ne fallut pas se creuser les méninges trop longtemps pour imaginer que Dolph Lungren incarnerait à merveille un cyborg destructeur aussi déterminé que le Arnold Schwarzenegger de Terminator, dans la mesure où Sylvester Stallone l’avait déjà mué en machine à tuer glaciale dans Rocky IV sept ans plus tôt. Quant à Jean-Claude Van Damme, coqueluche des amateurs d’arts martiaux et de séries B musclées, il semblait pouvoir incarner à merveille son adversaire, à l’occasion d’un coup publicitaire qui allait beaucoup faire parler du film. Universal Soldier est dirigé avec efficacité – mais sans la moindre subtilité – par un Roland Emmerich alors en début de carrière, tout juste signataire du space opera Moon 44. Emmerich vient à vrai dire à la rescousse d’un projet qui, après un an de développement et un premier réalisateur (Andrew Davis, futur signataire du formidable Le Fugitif), menaçait de ne jamais se concrétiser faute d’un budget suffisamment raisonnable. Si l’influence majeure du réalisateur allemand a toujours été le cinéma de Steven Spielberg (ce que prouveront notamment StargateIndependence Day et Godzilla), l’inspiration d’Universal Soldier vient d’ailleurs. Les succès respectifs de Terminator et Robocop sont en effet à l’origine du projet, qui s’efforce du coup d’en retrouver les composantes principales. Et même si le film date du début des années 90, sa patine, sa mise en scène, sa musique et sa photographie fleurent bon les eighties. 

Avec un budget de 23 millions de dollars, Emmerich – flanqué de son fidèle co-scénariste Dean Devlin – décrit un projet gouvernemental un peu fou consistant à ramener à la vie des cadavres de soldats morts au combat pour les muer en soldats parfaits, dénués d’émotions, beaucoup plus résistants et puissants que les fantassins humains. « Par accélération des molécules, on s’est rendu compte qu’on pouvait transformer la chair morte en matière vivante » entend-on dans l’un des nombreux dialogues improbables du film. Mais deux grains de sel mettent à mal cette expérience. Le premier est Luc Deveraux (Van Damme) qui a conservé des sentiments humains et des états d’âme. Le second est Andrew Scott (Lundgren), qui s’est mué en assassin psychopathe. Tous deux s’étaient entretués pendant la guerre du Vietnam en 1969. Aujourd’hui, près de vingt-cinq ans plus tard, ils reprennent leur affrontement sous les yeux d’une journaliste (Ally Walker) qui prend part malgré elle au titanesque duel.

Testostérone cybernétique

Le film adopte bien vite la structure d’un road movie mouvementé, avec comme point d’orgue une poursuite vertigineuse dans un canyon, ce qui permet à Emmerich de payer malgré tout son tribut à Steven Spielberg au cours d’un climax sous l’influence manifeste de Duel. Van Damme s’implique tant dans le film qu’il demande à son propre fils de l’incarner enfant dans les flash-backs et qu’il accepte de reprendre son personnage pour trois séquelles sorties successivement en 1999, 2009 et 2012 (alors qu’il avait refusé jusqu’alors de se prêter au jeu de la franchise en tournant le dos à d’éventuelles suites de ses succès précédents). Pour Emmerich, ce sera le starting block d’une carrière placée sous le signe de la folie des grandeurs, pour le meilleur et – hélas bien souvent – le pire. 

 

© Gilles Penso

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TERREUR A L’OPERA (1987)

Dario Argento déclare son amour à l'opéra en situant l'intrigue de ce film d'horreur grandiloquent dans le milieu du chant lyrique

OPERA

1987 – ITALIE

Réalisé par Dario Argento

Avec Cristina Marsillach, Ian Charleson, Urbano Barberini, Daria Nicolodi, Coralina Cataldi Tassoni

THEMA TUEURS I SAGA DARIO ARGENTO

L’Opéra vient souvent à l’esprit au fil des œuvres de Dario Argento. L’omniprésence de la musique, la grandiloquence de la mise en scène, le jeu outré des comédiens semblent parfois s’y référer directement. Ce n’est pas un hasard. « Je me souviens parfaitement du premier film d’épouvante que j’ai vu », nous raconte Argento. « C’était Le Fantôme de l’Opéra, la version en couleurs avec Claude Rains. J’étais très jeune et ce film m’a beaucoup impressionné. » (1) L’influence de Gaston Leroux, par l’entremise d’Arthur Lubin, est donc prégnante chez le réalisateur de Suspiria. Tôt ou tard, il fallait bien qu’il aborde le sujet frontalement. D’où Terreur à l’Opéra, qui prend pour héroïne une jeune chanteuse incarnée par Cristina Marsillach. Le jour où la vedette d’une adaptation du Macbeth de Verdi est renversée par une automobile, la chance s’offre à elle. Mais en prenant la place de la malheureuse, elle devient bientôt la cible d’un tueur psychopathe qui ravive des souvenirs cauchemardesques de son enfance. D’un point de vue stylistique, Terreur à l’Opéra s’inscrit pleinement dans la continuité des travaux précédents d’Argento. L’imagerie classique du giallo (tueur à la cagoule ganté de noir, victimes photogéniques, meurtres sanglants à l’arme blanche) se pare ainsi d’une inévitable surcharge baroque véhiculée par l’opéra lui-même, à la fois théâtre de l’action et composante essentielle de la bande son. 

Le goût du réalisateur pour les prises de vues insolites est une fois de plus mis en exergue, à travers ces alternances perturbantes  de plans larges et de plans serrés, ce très gros plan d’une balle qui glisse le long d’un canon de revolver, ou encore ces prises de vues quasi-chirurgicales à l’intérieur même du cerveau de l’assassin. « Ce type de plan résulte d’abord d’une quête d’originalité », explique Argento. « Il est toujours intéressant de chercher à déstabiliser le spectateur en plaçant la caméra là où il ne s’y attend pas. Ça crée un climat étrange et ça participe beaucoup à l’atmosphère inquiétante des séquences. Ensuite, c’est un peu comme si la caméra se substituait à une présence non humaine, à une entité capable de s’immiscer dans les recoins invisibles ou inaccessibles du monde. J’aime bien cette idée des points de vue impossibles. » (2) 

Un raffinement extrême dans l'horrible

En s’épaulant du directeur de la photographie Ronnie Taylor (Gandhi, Chorus Line, Cry Freedom), Argento bénéficie certes d’un technicien de haut niveau, mais il se prive hélas des lumières stylisées, des éclairages évocateurs, des couleurs symboliques qui noyaient Suspiria et Inferno dans une perpétuelle aura onirique. En revanche, les assassinats voient leur impact décuplé par un raffinement extrême dans l’horrible : l’héroïne, ligotée, bâillonnée, est ainsi obligée de les regarder, des aiguilles hérissées sous ses paupières l’empêchant de fermer les yeux. Ces scènes sont d’autant plus éprouvantes que le spectateur s’identifie à la malheureuse, évitant du même coup de cligner des yeux ! Le climax, pour sa part, mêle une attaque de corbeaux hitchcockienne à une révélation finale un tantinet décevante, dans la mesure où le coupable figurait parmi les premiers suspects du spectateur.

 

(1) et (2) Propos recueillis par votre serviteur en février 2011

 

© Gilles Penso

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SLASHERS (2001)

Et si un jour une chaîne de télévision inventait un jeu dans lequel les candidats seraient livrés à des tueurs psychopathes ?

SLASHERS

2001 – CANADA

Réalisé par Maurice Devereaux

Avec Sarah Joslyn Crowder, Kieran Keller, Tony Curtis Blondell, Sofia de Medeiros, Jerry Sprio, Neil Napier, Claudine Shiraishi

THEMA TUEURS I CINEMA ET TELEVISION

En projet depuis 1998, Slashers est l’œuvre de Maurice Devereaux, un cinéaste canadien cumulant ici les postes de réalisateur, scénariste, producteur et monteur. Slashers est un peu la version gore du Prix du Danger. Mais au lieu du plagiat éhonté commis par Paul Michael Glaser dans Running Man, Devereaux échappe à l’influence d’Yves Boisset pour imposer son propre univers. Le jeu télévisé dont il est question ici est le programme le plus populaire du Japon. Six candidats ont une heure et demie pour échapper aux assauts des « slashers », trois assassins masqués qui s’inspirent des tueurs psychopathes du cinéma d’horreur. Le prix à remporter s’élève à douze millions de dollars, avec une prime supplémentaire de deux millions par « slasher » tué au cours de la partie. Les participants ont le choix de s’entraider ou de faire chacun cavalier seul, sachant que les survivants sont rares depuis que l’émission existe.

Or aujourd’hui, le jeu accueille pour la première fois des candidats américains : un ancien boxeur, un comptable, une athlète, un videur de boîte de nuit, une aspirante actrice et une étudiante en droit. Quant aux trois « slashers », ils ne sont pas piqués des vers : Charlie la Tronçonneuse, un émule de Leatherface à l’accent texan, le Révérend, un prêcheur armé d’un crucifix poignard, et Docteur Dépeceur, un chirurgien armé d’une pince coupante géante. Tout ce beau monde est équipé d’un collier magnétique qui permet aux producteurs d’obliger les participants à rester immobiles pendant les coupures publicitaires ! Dès que les présentations sont faites, la jolie présentatrice Miho laisse la partie commencer, tandis que « DJ Slash » mixe une musique d’ambiance en direct et qu’un cadreur suit pas à pas les évolutions des candidats dans « le Hangar de la Mort ». 

La mort en temps réel

Dès lors, le film n’est plus qu’un long et virtuose plan-séquence au steadycam. Car le parti pris du cinéaste est de jouer intégralement la carte de la mise en abîme, aucune séquence parallèle ne venant s’insérer dans le film, qui se visionne donc comme une émission complète. Nous sommes du coup plongés dans la peau des téléspectateurs virtuels de ce jeu imaginaire, nous y prenons goût, et le film nous renvoie à la face notre propre voyeurisme. En ce sens, Slashers s’avère bien plus constructif (et tellement moins prétentieux) qu’un Hostel qui cache son premier degré derrière un soi-disant discours philosophique. Ici, la donne est claire, et proche des thématiques développées dans Rollerball : le public a toujours voulu du sang, et si un jour un jeu comme « Slahers » était autorisé, nul doute qu’il ferait exploser tous les audimats. Les nombreux effets gore du film, résolument inventifs, voient leur impact décuplé par le tournage en plan-séquence. Certains personnages sont ainsi capturés par leurs agresseurs puis découpés en morceaux dans la continuité (les mouvements de caméra rapides et les variations lumineuses aident généralement à camoufler les points de montage, comme à la glorieuse époque de La Corde d’Alfred Hitchcock). A part un jeu d’acteur parfois un peu maladroit, Slashers est donc un exercice de style remarquable que Maurice Devereaux eut la bonne idée de tourner dans un décor aussi efficace qu’économique, en l’occurrence un club de paint-ball.

 

© Gilles Penso

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ROLLERBALL (2002)

Le remake du classique de Norman Jewison, réalisé dans la tourmente par un John McTiernan en totale perte de contrôle

ROLLERBALL

2002 – USA

Réalisé par John McTiernan

Avec Chris Klein, Jean Reno, LL Cool J, Rebecca Romijn-Stamos, Naveen Andrews

THEMA FUTUR I CINEMA ET TELEVISION

Pour la seconde fois consécutive, John McTiernan s’attaque au remake d’un classique de Norman Jewison. Mais si sa version de L’Affaire Thomas Crown se distinguait par son élégance et ses choix artistiques judicieux, on ne peut vraiment pas en dire autant du nouveau Rollerball. A mi-chemin entre l’anticipation et la politique-fiction, cette relecture de la nouvelle homonyme de William Harrison donne la vedette à Chris Klein dans le rôle de Jonathan Cross, champion du monde du jeu ultra-violent « Rollerball » retransmis par toutes les télévisions du globe. La scène d’intro nous a révélé la personnalité de ce jeune casse-cou trompe-la-mort, s’amusant à dévaler les rues bondées de San Francisco allongé sur un skate board, pour se faire photographier contre quelques centaines de dollars. Si ce prologue se distingue par son dynamisme, le premier match de « Rollerball », situé dans une arène édifiée au Kazakhstan, souffre d’un montage confus ne permettant ni de comprendre les règles du jeu, ni d’en apprécier l’extrême brutalité. Lorsqu’un des membres de l’équipe de Jonathan est grièvement blessé, le pic d’audience mondiale grimpe d’un coup. Or on découvre peu après que la lanière de son casque avait été coupée. Le jeu serait-il truqué ?  Le match suivant se déroule en Azerbaïdjan. Là, les organisateurs du jeu provoquent une bagarre générale, afin d’augmenter une fois de plus l’audience télévisuelle. « Argent rime avec sang » se contente de commenter Ridley (LL Cool J), le coach de Jonathan, conseillant à son champion de fermer les yeux et d’empocher son chèque. 

La thématique est donc moins ici la quête de l’individualisme que les dilemmes de l’incorruptibilité. C’est louable, d’autant que le film joue souvent sur le contraste entre la pauvreté des pays où sont bâties les arènes et l’abondance obscène des sommes d’argents investies dans chaque match. Mais le discours ne va pas bien loin et demeure très superficiel. On sent bien, ça et là, quelques salves contre la pub, la télé, les médias et le monde du sport, mais elles sont plus récréatives que virulentes, d’autant que la réalité a rattrapé depuis longtemps les prophéties du premier film. Nous sommes finalement plus proche de l’ambiance de Fast and Furious ou de Running Man que du Rollerball original, McTiernan reprenant souvent à son compte l’imagerie du jeu vidéo. 

« Oublions tous les mauvais souvenirs ! »

Avouons que le film souffre beaucoup de la prestation caricaturale de Jean Réno en patron véreux. Le final ne manque pas de suspense et de violence, sans parvenir à éviter le manichéisme primaire et le happy end béat inhérents à toute surperproduction de studio. Les multiples déconvenues du réalisateur (remontages interminables, tournages additionnels de dernière minute, date de sortie sans cesse repoussée) expliquent en grande partie ce fiasco qui aurait bien mérité un director’s cut. « Là d’où je viens, il existe un dicton qu’on pourrait qualifier d’Alzheimer Irlandais : “oublions tous les mauvais souvenirs !“. Donc je préfère aller de l’avant et ne pas chercher à remonter ce film » (1), explique avec humour un John McTiernan visiblement décidé à effacer ce Rollerball de sa mémoire – et de sa filmographie.

 

(1) Propos recueillis par votre serviteur en janvier 2010.

 

© Gilles Penso

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QUATRE MOUCHES DE VELOURS GRIS (1971)

Le troisième long-métrage de Dario Argento est un nouvel exercice de style virtuose à mi-chemin entre le polar et l'horreur

4 MOSCHE DI VELLUTO GRIGIO

1971 – ITALIE / FRANCE

Réalisé par Dario Argento

Avec Michael Brandon, Mimsy Farmer, Jean-Pierre Marielle, Aldo Bufi Landi, Calisto Calisti, Marisa Fabbri, Bud Spencer

THEMA TUEURS I SAGA DARIO ARGENTO

L’oiseau exhibait de belles plumes de cristal, le chat arborait neuf queues éngimatiques… Désormais ce sont les mouches qui viennent hanter le cinéma de Dario Argento, pour un troisième long-métrage qui pousse encore plus loin les expérimentations scénaristiques et sensorielles. Bien sûr, ce titre animalier n’est qu’un leurre de plus, référence à une expérience scientifique révolutionnaire permettant de photographier la dernière image enregistrée par l’une des victimes d’un tueur avant sa mort… image qui s’avère être, en l’occurrence, quatre mouches grises. Dès le générique, Dario s’amuse à jouer les mouches du coche – si l’on ose dire – en montrant un insecte qui vient importuner son héros Roberto Tobias pendant qu’il joue de la musique. Ce dernier, incarné par Michael Brandon, n’est pas sans présenter de nombreuses ressemblances physiques avec le jeune réalisateur, comme si Argento cherchait à mettre en scène ses propres incertitudes de l’époque. Depuis une semaine, Roberto remarque qu’un homme étrange le suit partout. Pour démêler ce mystère, il le suit à son tour, l’interpelle et le tue accidentellement dans un grand théâtre bariolé, sous les yeux d’une présence masquée qui photographie la scène. L’étrangeté et le surréalisme s’invitent ainsi très tôt dans Quatre Mouches de Velours Gris

Le style baroque d’Argento se développe davantage que dans les deux films précédents, annonçant les géniales extravagances des Frissons de l’Angoisse et de Suspiria. Les prises de vues insolites abondent (plan filmé depuis l’intérieur d’une guitare, caméra qui suit un gourdin en train de frapper ou la balle d’un pistolet qui fend les airs) et les compositions d’Ennio Morricone cèdent souvent le pas à des morceaux pop rocks joués par le groupe dans lequel notre héros est batteur. Comme toujours, plusieurs passages virtuoses ponctuent le métrage, comme cette scène de poursuite dans un parc nocturne qui prend littéralement les allures d’un cauchemar claustrophobique et vertigineux, ou ce rêve récurrent au cours duquel Roberto assiste à une éxecution publique – sorte de remake gore de l’accident de voiture des Choses de la Vie

Jean-Pierre Marielle et Bud Spencer en guest stars

L’humour est aussi très présent dans le film, même si cette composante de la personnalité de Dario Argento est généralement peu citée. « J’ai toujours eu un petit faible pour l’humour, à condition qu’il soit saupoudré discrètement dans l’intrigue », nous avoue-t-il. « Vous trouverez de nombreuses touches d’ironie dans mes films. Pas dans tous, certes, parce que certains sont trop durs pour laisser la moindre place à la comédie, si discrète soit-elle. Mais chaque fois que j’en ai la possibilité, j’essaie d’injecter quelques doses de dérision et de drôlerie. » (1) D’où les prestations ubuesques de Jean-Pierre Marielle et Bud Spencer, respectivement détective privé homo qui n’a jamais résolu une seule affaire et pêcheur glouton qui se régale de poissons crus en répondant au surnom de « Dieu », ou encore cette scène improbable d’un salon international des arts funéraires dans lequel les visiteurs peuvent essayer les cercueils !

(1) Propos recueillis par votre serviteur en février 2011

 

© Gilles Penso

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PHANTOM OF THE PARADISE (1974)

Brian de Palma réinvente avec panache le Fantôme de l'Opéra, le mythe de Faust et le Portrait de Dorian Gray

PHANTOM OF THE PARADISE

1974 – USA

Réalisé par Brian de Palma

Avec Paul Williams, William Finley, Jessica Harper, George Memmoli, Gerrit Graham, Archie Hahn

THEMA SUPER-VILAINS

Inspiré en partie par une malheureuse expérience que vécut Brian de Palma sur le tournage de son film Get to Know your Rabbit en 1972, dont il fut renvoyé par les cadres de la Warner et qui fut achevé et monté sans lui, Phantom of the Paradise permet au cinéaste de dresser un portrait au vitriol du monde du show business. Le personnage central est le puissant producteur musical Swan, incarné avec panache par Paul Williams qui écrit également toutes les chansons du film. Dénué du moindre scrupule, Swan dérobe l’œuvre du compositeur Winslow Leach (William Finley) et le fait emprisonner à Sing Sing, où le malheureux participe malgré lui à un programme médical qui le prive de toutes ses dents. Fou de rage, il s’évade et s’introduit dans la maison de disque de Swan avec la ferme intention de tout saboter. Mais il se retrouve coincé et broyé dans la presse à disques. Le visage défiguré, la voix brisée, il se précipite dans l’East River. C’est la fin de son chemin de croix. Sa « résurrection » (la reconstruction de son corps, de sa voix et de son œuvre) est symbolisée par le choix du nom de l’héroïne du film : la chanteuse Phoenix (Jessica Harper). En entendant sa voix, Winslow sait qu’elle sera la seule à pouvoir incarner son œuvre. Il erre alors dans les coulisses du « Paradise », se faufile dans la pièce des costumes et adopte son nouveau look : une combinaison noire, une cape et un masque argenté de rapace. 

Non content de réinventer « Le Fantôme de l’Opéra » en l’intégrant dans l’univers de la musique pop, De Palma détourne le mythe de « Faust » qui devient le motif central de la seconde partie du film, mais aussi celui du « Portrait de Dorian Gray ». Cette fusion des grands mythes fantastiques littéraires, à laquelle il faut ajouter des allusions directes à Dracula et à Frankenstein, trouve son écho dans le mélange des techniques de mise en scène que Brian de Palma adopte. Tout se passe comme si Phantom of the Paradise était déjà une œuvre somme, adaptant chacun de ses effets de style aux besoins de la dramaturgie : traveling circulaire vertigineux autour de Winslow qui chante et joue du piano, plan-séquence en caméra subjective où Leach s’immisce dans les coulisses pour dénicher sa panoplie, séquence virtuose en split-screen où l’on voit simultanément un groupe de pop sur scène et une voiture dans laquelle le Fantôme a placé une bombe, effets burlesques accélérés, etc.

Plans-séquence, split-screens et clins d'œil à Hitchcock

De Palma pousse l’exercice jusqu’à se moquer de lui-même et de ses habituelles inspirations hitchcockiennes en parodiant brièvement la scène de la douche de Psychose, une ventouse remplaçant le couteau de cuisine, et en clignant de l’œil vers L’Homme qui en savait trop au moment où un tireur embusqué s’apprête à tuer Phoenix pendant le spectacle. Le réalisateur utilise aussi sans retenue le grand angle déformant pour muer ses protagonistes en caricatures grimaçantes et même certains artéfacts du cinéma muet au sein de plusieurs scènes sans dialogues.  Au moment de sa sortie, Phantom of the Paradise décontenance le public et ne fait pas d’éclat au box-office. Ce n’est qu’au fil des ans qu’il se mue en œuvre culte adulée sur les cinq continents, remportant au passage le Grand Prix du Festival du Film Fantastique d’Avoriaz.

 

© Gilles Penso

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