PRISONNIER (LE) (2009)

Une tentative audacieuse mais modérément convaincante de moderniser la série culte des années 60…

THE PRISONNER

 

2009 – USA

 

Créée par Trevor Hopkins

 

Avec Jim Caviezel, Ian McKellen, Hayley Atwell, Ruth Wilson, Lennie James, Rachael Blake, Jamie Campbell Bower, Renate Stuurman, John Whiteley

 

THEMA ESPIONNAGE ET SCIENCE-FICTION

Se lancer dans le remake de l’une des séries télévisées les plus culte, les plus atypiques et les plus insaisissables de tous les temps était une idée extrêmement audacieuse mais qui frôlait l’inconscience. Comment se mesurer à un tel phénomène sans se casser les dents ? Le Prisonnier de Patrick McGoohan et George Markstein ne ressemblait à rien de connu, et si l’influence de ce show mythique est aujourd’hui encore considérable, c’est un objet étrange qui se distingue par sa singularité et sa non-reproductibilité. En initiant une nouvelle version – dont le projet se met en branle dès l’année 2005 – le producteur Trevor Hopkins, le scénariste Bill Gallagher et la chaîne AMC connaissent les risques. Leur ligne de conduite consiste donc à reprendre le principe de leur modèle et plusieurs de ses gimmicks mais d’en modifier le contexte, la tonalité et le style. La série sera plus courte (six épisodes seulement), connaîtra une résolution pragmatique et se concentrera sur un nombre plus réduit de personnages. Le n°2 par exemple, autorité officielle du « Village » obéissant à une entité supérieure inconnue, ne changera pas de visage d’un épisode à l’autre. Ce sera le même comédien. Le rôle est d’abord confié à John Lithgow, mais l’acteur fétiche de Brian de Palma est alors occupé par la quatrième saison de Dexter. Il est donc remplacé par le vénérable Ian McKellen, rien moins que le Gandalf du Seigneur des anneaux et le Magneto de la saga X-Men.

Pour incarner le n°6, la production a la bonne idée de solliciter Jim Caviezel. Sans avoir le magnétisme ou l’expressivité de Patrick McGoohan, cet acteur discret mais solide (La Ligne rouge, Fréquence interdite, La Passion du Christ, Outlander) incarne parfaitement cet « homme de nulle part ». Contrairement au Prisonnier original, qui nous résumait dans son générique la situation d’un agent secret démissionnaire kidnappé chez lui et ramené dans le Village, le héros de cette nouvelle version est une parfaite énigme en début de série. Il se réveille au milieu du désert, est partiellement amnésique, ne se souvient pas de son nom et découvre l’étrange communauté du Village, des gens qui portent des numéros et semblent tout ignorer du monde extérieur. Bizarrement, certains de ces visages lui sont familiers, sans qu’il sache pourquoi. Le passé de ce nouveau prisonnier ne nous apparaît que par bribes, via des flash-backs furtifs situés à New York. La rencontre dans un restaurant avec une jeune femme semble avoir précédé de près sa perte de conscience et son enlèvement. Désormais, il est le n°6 et se confronte avec le n°2, le chef du Village qui va tout faire pour le contraindre à s’intégrer dans cette collectivité grégaire…

L’ombre de George Orwell

Si plusieurs éléments du Prisonnier original nous rappellent à leur bon souvenir (en particulier le fameux ballon blanc géant qui empêche toute évasion), le décor a changé. À la place du village côtier filmé à Portmeirion, nous sommes en présence d’un site désertique tourné à Swakopmund, en Namibie. Ce ravalement de façade n’est pas uniquement cosmétique. Les scénarios écrits par Bill Gallagher s’éloignent volontairement de ceux de la première série pour développer leurs propres enjeux dramatiques. À la loufoquerie surréaliste des années 60, ce Prisonnier préfère s’ancrer dans une paranoïa plus moderne, reprenant à son compte les codes du thriller, de l’espionnage et de la science-fiction pour bâtir un nouveau puzzle conçu pour déstabiliser les téléspectateurs. Les nombreuses confrontations psychologiques entre Jim Caviezel et Ian McKellen – qui constituent sans doute l’élément le plus intéressant de ce remake – évoquent celles de Smith et O’Brien dans « 1984 », George Orwell restant une source d’inspiration majeure. La série se suit donc avec un certain intérêt mais manque d’une originalité, d’un grain de folie ou d’une extravagance qui la feraient sortir du lot. À la fin de ces six heures de diffusion, au moment de la résolution, une certaine déception s’empare des téléspectateurs. À trop vouloir rationnaliser, à tant chercher un équilibre prudent entre la bizarrerie et une narration classique, le Prisonnier de 2009 échoue à marquer durablement les esprits. Ceux qui ont découvert cette relecture du classique des sixties s’en souviennent donc généralement comme une mini-série soignée mais sans aspérité.

 

© Gilles Penso


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PRISONNIER (LE) (1967-1968)

La série la plus paranoïaque de l’histoire de la télévision plonge un ex-agent secret dans un monde totalitaire aux allures de village de vacances…

THE PRISONER

 

1967/1968 – GB

 

Créée par Patrick McGoohan et George Markstein

 

Avec Patrick McGoohan, Angelo Muscat, Peter Swanwick, Denis Shaw, Fenella Fielding, George Baker, Annette Andre, David Bauer, Sheila Allen, Leo McKern

 

THEMA ESPIONNAGE ET SCIENCE-FICTION

C’est pendant le tournage de la série d’espionnage Destination Danger que Patrick McGoohan et George Markstein développent l’idée du Prisonnier. Les deux shows semblent d’ailleurs se suivre de près, comme si John Drake (l’agent secret qu’interprète McGoohan dans Destination Danger) était le même personnage que le protagoniste du Prisonnier (un espion qui vient de démissionner, toujours incarné par McGoohan). Si l’acteur a toujours démenti cette filiation, le public ne l’a pas toujours entendu de cette oreille, entrevoyant de nombreux indices susceptibles de renforcer ce lien, notamment certains épisodes de Destination Danger qui se situent dans la bourgade galloise de Portmeirion, celle-là même qui servira de décor principal pour le fameux village du Prisonnier. Aujourd’hui encore, la question du lien chronologique et thématique entre les deux séries reste sans réponse. Sur ce point comme sur beaucoup d’autres, Le Prisonnier crée beaucoup plus de mystères qu’il n’en dissipe. C’est même sa raison d’être. « Ne cherchez pas d’explications, vous n’en aurez pas, mais ouvrez votre esprit et réfléchissez » semblent vouloir nous dire ses 17 épisodes énigmatiques. Si la nature exacte de la participation de George Markstein à la création du Prisonnier reste incertaine, on sait que Mc Goohan, non content d’en tenir le rôle principal, en fut l’instigateur et parfois-même le scénariste et le réalisateur.

Entré dans la légende, le long générique plante le décor de manière dynamique. Le ciel tourmenté de Londres gronde dans un bruit de tonnerre. Au volant de sa voiture de sport, un agent secret traverse les rues de la ville puis s’enfonce dans un parking souterrain. Il poursuit son parcours à pied, arpentant le tunnel d’un pas décidé. La discussion avec l’interlocuteur qu’il retrouve dans un petit bureau (son supérieur) est animée. Notre homme est en colère. Il dépose une lettre de démission, frappe du poing sur la table puis tourne les talons. Lorsqu’il reprend la route qui le mène chez lui, une grosse limousine le suit de près. Et tandis que la machine bureaucratique se met en marche, enregistrant officiellement l’abandon de poste de l’espion, ce dernier regagne son appartement et prépare ses valises. Il est stoppé dans son élan par un gaz toxique qui pénètre chez lui par la serrure. Il perd connaissance. Lorsqu’il revient à lui, c’est dans une mystérieuse bourgade côtière simplement nommée « Le Village ». Tous les habitants semblent y vivre paisiblement, mais personne n’a de nom, uniquement des numéros. Lui-même porte désormais le numéro 6. « Je ne suis pas un numéro, je suis un homme libre ! » finit-il pas s’écrier, mais sa voix se perd comme celle d’un prêcheur dans le désert. Le voilà captif dans une geôle à ciel ouvert dont il ne comprend ni le fonctionnement, ni la logique…

Bonjour chez vous !

Le Prisonnier nous plonge ainsi dans un univers totalitaire qui évoque les grands classiques du genre, de George Orwell à Franz Kafka. Mais nos repères se troublent dans la mesure où ce cauchemar prend les allures d’un paradis coloré, inoffensif et récréatif, une sorte de village de vacances mâtiné de conte de fées et de parc d’attractions, quelque part à mi-chemin entre Disneyland et l’univers joyeusement absurde d’Alice au pays des merveilles. La plus haute autorité à laquelle se frotte le n°6 est le n°2, qui ne cesse de changer de visage au fil des épisodes. Qui est le n°1 ? Pourquoi le n°6 est-il prisonnier ? Que lui veut-on ? Pourquoi les raisons de sa démission semblent-elles tant intéresser ses geôliers ? Beaucoup de questions et bien peu de réponses. Mais au lieu de baisser les bras comme tous les autres habitants, notre héros s’entête, résiste et marque son refus. Alors que la caméra le filme souvent en plongée, accentuant son front comme pour mieux insister sur l’intelligence du personnage et son opiniâtreté, les dialogues prennent souvent la forme de parties de ping-pong où chacun joue à qui aura le dernier mot. Chaque tentative d’évasion se solde par le même échec : le surgissement d’un gigantesque ballon blanc qui empêche notre héros de quitter les lieux. Et lorsqu’il retrouve ce village désespérément souriant, c’est pour entendre la salutation affable des autochtones : « bonjour chez vous ! ». Le Prisonnier est un classique atemporel et totalement inclassable, à la lisière de l’espionnage, la science-fiction, le thriller et la comédie, avec un goût du surréalisme qui n’est pas sans évoquer Chapeau melon et bottes de cuir et une culture de la paranoïa qu’on retrouvera dans Les Envahisseurs et X-Files. Quant au dernier épisode, il ne résout rien et ouvre au contraire d’autres portes et de nouvelles pistes de réflexion. Car rien n’est jamais certain dans cette série, sauf peut-être une chose : sa volonté farouche de se positionner comme un vif plaidoyer pour l’individualité et la liberté.

 

© Gilles Penso


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ROSE RED (2002)

Stephen King imagine l’incursion d’une équipe de scientifiques dans une maison hantée dont l’architecture ne cesse de changer…

ROSE RED

 

2002 – USA

 

Réalisé par Craig R. Baxley

 

Avec Nancy Travis, Matt Keeslar, Kimberly J. Brown, Judith Ivey, Melanie Lynskey, Matt Ross, Julian Sands, David Dukes

 

THEMA FANTÔMES I SAGA STEPHEN KING

Stephen King a toujours été fasciné par les maisons hantées et voue une admiration sans borne à La Maison du diable de Robert Wise mais aussi au roman de Shirley Jackson dont il s’inspire. Cette fascination le pousse à écrire le scénario de Rose Red, qu’il souhaite proposer à Steven Spielberg. Mais les deux hommes ne s’entendent pas sur la tournure du récit et le projet traîne. Pas démonté pour autant, King décide de se remettre au travail en remaniant son scénario. Il est soudain interrompu par un accident qui manque de lui coûter la vie. Une voiture le heurte de plein fouet et le laisse dans un bien piteux état (un épisode qu’il racontera à sa manière dans la série Kingdom Hospital). Cloué au lit, King termine le scénario de Rose Red en un mois. « Je me servais du travail comme d’une drogue, en fait, parce que ça fonctionnait mieux que tout ce qu’on me donnait pour calmer la douleur », raconte-t-il. « J’avais beaucoup de difficultés à tenir mon stylo 45 minutes par jour, mais reprendre le travail était vital, car il me fallait briser la glace d’une manière ou d’une autre » (1). Son script en poche, King propose à Craig R. Baxley (avec qui il avait collaboré avec bonheur sur La Tempête du siècle) de le porter à l’écran sous forme d’une mini-série de trois fois 85 minutes, à laquelle la chaine ABC alloue un budget de 35 millions de dollars.

La première scène de Rose Red n’est pas sans évoquer celle du roman « Carrie ». Une petite fille autiste, Annie Witton, dessine une maison qu’elle recouvre de ratures. Soudain, une pluie de pierres détruit une vraie maison qui ressemble trait pour trait à celle du dessin. Dix ans plus tard, Joyce Reardon (Nancy Travis), professeur d’université passionnée de parapsychologie, organise une étude de l’immense maison hantée Rose Red à Seattle. Avant même sa construction, le lieu a fait des victimes, premières d’une longue série. Aujourd’hui, la maison est considérée comme « endormie ». Joyce réunit une équipe de huit experts parmi lesquels se trouvent son petit ami Steve Rimbauer (Matt Keeslar), dernier descendant des propriétaires de Rose Red, ainsi qu’Annie Witton (que nous avons découverte dans le prologue et qui est incarnée par Kimberly J. Brown) et sa grande sœur Rachel (Melanie Lynskey révélée dans Créatures célestes). Mais Carl Miller (David Dukes), le directeur de l’université, voit d’un très mauvais œil les recherches de Joyce. Il parvient à lui faire retirer son poste et envoie un étudiant pour espionner l’équipe pendant leur séjour à Rose Red…

« Elle peut s’agrandir autant qu’elle le souhaite »

On le voit, le postulat est très proche de celui de La Maison du diable, auquel Rose Red ne cesse de rendre hommage. La demeure elle-même est très impressionnante. Dès l’entrée, une statue de diablotin surplombe les lieux. A l’intérieur, l’espace semble gigantesque. Fait curieux : l’architecture des lieux semble se réaménager au fur et à mesure. « Lorsque cette maison s’éveille et qu’elle trouve de l’énergie qui la nourrit, elle peut s’agrandir autant qu’elle le souhaite » dit à ce propos le parapsychologue Nick Hardaway (Julian Sands). Conçus par Maggie Martin, les décors sont superbes, avec une mention spéciale pour la bibliothèque miroir et la pièce « sens dessus dessous ». Si certains personnages frôlent la caricature (comme Emery Waterman, incarné par Matt Ross, qui ne cesse de geindre et de grimacer), le casting reste convaincant. L’élément le plus intéressant du téléfilm est d’ailleurs le changement de personnalité de Joyce, qui oublie peu à peu tout discernement tant elle est obsédée par l’étude de la maison, et se laisse visiblement contaminer par la folie de Rose Red. Bien plus réussi que le Hantise de Jan de Bont mais à mille lieues de la réussite de La Maison du diable, Rose Red se pare de maquillages spéciaux très efficaces signés Steve Johnson et d’une musique envoûtante de Gary Chang. Stephen King y fait une petite apparition comique dans le rôle d’un livreur de pizza.

 

(1) Extrait d’une interview publiée dans le Los Angeles Times en janvier 2002.

 

© Gilles Penso


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PLANÈTE DES SINGES (LA) (1974)

Dans la foulée des cinq premiers films de la saga, la Fox capitalise sur leur popularité en prolongeant la franchise sur le petit écran…

PLANET OF THE APES

 

1974 – USA

 

Créée par Anthony Wilson

 

Avec Roddy McDowall, Ron Harper, James Naughton, Mark Lenard, Booth Colman, John Hoyt, Jacqueline Scott

 

THEMA SINGES I VOYAGES DANS LE TEMPS I SAGA LA PLANÈTE DES SINGES

En 1971, alors que les trois premiers films de la saga de La Planète des singes triomphent sur les grands écrans, le producteur Arthur P. Jacobs commence sérieusement à réfléchir à une déclinaison sous forme de série télévisée. La stratégie consiste à finir d’abord le cycle des films avant de prolonger l’aventure sur petit écran. Mais Jacobs décède juste après la sortie de La Bataille de la planète des singes et le projet est laissé en plan momentanément. En 1973, les trois premiers films sont diffusés sur la chaîne CBS et battent des records d’audience. L’idée d’une série est alors relancée. Elle sera co-produite par CBS et 20th Century Fox. Scénariste pour la télévision depuis le début des années 60 (Bonanza, La Quatrième dimension, Voyage au fond des mers, La Famille Addams, Ma sorcière bien aimée, Le Fugitif, Les Envahisseurs), Anthony Wilson est chargé de développer cette déclinaison de La Planète des singes. Il sollicite aussitôt Rod Serling, créateur de La Quatrième dimension et auteur du script du premier long-métrage de la franchise, pour écrire les scénarios initiaux, mais seules quelques-unes de ses idées seront conservées, notamment la nature des protagonistes de chacun des épisodes : un chimpanzé et deux humains en cavale. Malgré son prestige, le nom de Serling n’apparaît finalement pas au générique.

Tout commence par le crash d’un vaisseau spatial terrien qui a subi une distorsion temporelle alors qu’il s’approchait d’Alpha du Centaure le 19 août 1980. L’équipage de l’engin est composé de trois astronautes, dont l’un est mort dans le crash. Les deux survivants, le colonel Alan Virdon (Ron Harper) et le major Peter J. Burke (James Naughton), comprennent qu’ils sont revenus sur leur propre planète mais dans un lointain futur. Leur mésaventure est donc très similaire à celle du Taylor (Charlton Heston) de La Planète des singes ou de son collègue Brent (James Franciscus) dans Le Secret de la planète des singes. Pour autant, les événements survenus dans les deux films ne sont jamais cités, comme si nous étions dans une variante de l’univers imaginé par le romancier Pierre Boulle déconnectée de la saga cinématographique. La série se fait pourtant l’écho des films à travers certains personnages comme le vénérable orang-outang Zaius (le même que celui des longs-métrages, ici incarné par Booth Colman) ou le redoutable gorille Urko (Mark Lenard) qui ressemble comme deux gouttes d’eau au Ursus du Secret de la planète des singes. Roddy McDowall lui-même, interprète tour à tour de Cornelius et de son fils Cesar sur les grands écrans, accepte de venir jouer une fois de plus les chimpanzés, mais cette fois-ci dans un nouveau rôle : l’amical Galen, fasciné par l’histoire des humains et rapidement jugé hérétique par les siens. Galen se retrouve donc en cavale avec les deux astronautes, au fil d’aventures mouvementées sur cette nouvelle planète des singes…

Starsky et Hutch dans le futur

Au fil des quatorze épisodes de la première et unique saison, le trio erre dans un monde post-apocalyptique qui fut jadis l’ouest des États-Unis et rencontre toutes sortes de populations humaines ou simiennes. Malgré le caractère foncièrement sympathique des deux astronautes campés par Harper et Naughton (un duo qu’on ne peut s’empêcher de comparer à Starsky et Hutch à cause de leurs caractéristiques physiques similaires !) et l’empathie que McDowall parvient toujours à nous faire ressentir sous ses prothèses en mousse de latex, La Planète des singes version télévisée n’atteint pas du tout les objectifs espérés par CBS. La désertion des téléspectateurs s’explique sans doute par un certain simplisme du côté des scénarios, reproduisant presque systématiquement la même formule : l’un des membres du trio est capturé et les deux autres mettent tout en œuvre pour le sauver. Quelques épisodes sortent cependant du lot, notamment « The Trap » dans lequel Burke et le gorille Urko sont enterrés sous terre dans une ancienne station de métro après un tremblement de terre et se serrent les coudes à contrecœur. La série ne manque ni d’atouts ni de charme et bénéficie d’une solide bande originale de Lalo Schifrin, mais son audience décevante pousse la chaîne à en interrompre la diffusion. La Planète des singes connaît en revanche un très gros succès au Royaume-Uni et fait l’objet d’un petit culte en France. Elle sera suivie par une série animée en 1975, Return to the Planet of the Apes.

 

© Gilles Penso


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GEMINI MAN, LE NOUVEL HOMME INVISIBLE (1976)

Ben Murphy incarne un agent secret décontracté capable de devenir invisible grâce à une montre électronique dernier cri…

GEMINI MAN

 

1976 – USA

 

Créée par Harve Bennett, Steven Bochco et Leslie Stevens

 

Avec Ben Murphy, Katherine Crawford, William Sylvester, Quinn K. Redeker, Jim Stafford, Quinn K. redeker, Cheryl Miller, Richard Dysart, Terry Kiser, Andrew Prine

 

THEMA HOMMES INVISIBLES

L’homme invisible est un personnage qu’on aime bien voir (enfin, façon de parler) revenir régulièrement sur les grands et les petits écrans. Après le chef d’œuvre de James Whale inspiré directement du roman de H.G. Wells et ses suites récréatives produites par le studio Universal, cet insaisissable protagoniste translucide (rapidement transformé en héros alors qu’initialement c’était un dangereux psychopathe) a conquis les petits écrans. Après une première série créée par Ralph Smart en 1958, L’Homme invisible revient en 1975 sous les traits de David McCallum. Jugée trop coûteuse, cette version ne dure que treize épisodes et s’interrompt, faute d’une audience suffisante. Mais les super-héros télévisés restent des valeurs sûres, notamment grâce aux exploits de Steve Austin dans L’Homme qui valait trois milliards. La chaîne NBC consent donc à redonner sa chance à l’homme invisible à condition de réduire considérablement ses effets spéciaux afin que le budget de chaque épisode soit raisonnable. La série précédente sollicitait en effet pas mal d’incrustations sur fond bleu et l’usage de masques en latex. Harve Bennett, Steven Bochco et Leslie Stevens trouvent donc une idée imparable : une montre qui permet, d’un simple clic, de devenir invisible. Un fondu enchaîné suffit donc pour que le héros disparaisse ou réapparaisse. Pour le reste, quelques objets suspendus par des fils transparents et des plans en caméra subjective feront l’affaire.

Acteur récurrent des séries Les Règles du jeu (1968), Opération danger (1971) et Griff (1973), Ben Murphy est choisi pour remplacer David McCallum. Cette fois-ci, le héros n’est plus un scientifique mais un espion intrépide, Sam Casey, au service d’une agence gouvernementale spécialisée dans la haute technologie, Intersect (contraction de « International Security Techniques »). Alors qu’il est en pleine mission sous-marine pour récupérer un satellite espion soviétique, il est exposé à des radiations et devient invisible. Ce pourrait être un atout inestimable pour un espion, mais Sam n’apprécie que moyennement l’idée que personne ne puisse jamais le voir. Fort heureusement, ses collègues d’Intersect sont des scientifiques géniaux qui mettent au point un moyen pour qu’il puisse gérer son nouveau super-pouvoir. Il s’agit d’une montre-bracelet spéciale qui stabilise l’ADN, mise au point par le docteur Abby Lawrence (Katherine Crawford). En appuyant sur un bouton de sa nouvelle montre électronique, Sam disparaissait totalement (son corps mais aussi ses vêtements, pour éviter que notre homme soit tout le temps en train de se déshabiller). Mais attention : il lui est impératif de redevenir visible avant que quinze minutes se soient écoulées, sinon… En fait on ne sait pas trop quelles seraient les conséquences de ce dépassement de temps (rester invisible à tout jamais, se désintégrer, mourir ?) mais on les imagine graves et définitives.

Quinze minutes chrono

Le gimmick de la montre qui fait « bip » et qui affiche le temps qui défile sur un écran digital est une trouvaille astucieuse. Non content d’être dans l’air du temps (les montres à quartz à cristaux liquides commencent alors à être commercialisées avec succès), ce gadget permet de jouer habilement avec le suspense lié aux dangereuses deadlines que rencontre Sam Casey en cours de mission. Va-t-il réussir à redevenir visible à temps sans se faire repérer ? Le choix de Ben Murphy en tête d’affiche est une autre idée judicieuse. Décontracté, l’œil égrillard et le sourire ravageur, l’acteur campe le plus sympathique des hommes invisibles et permet à la série d’assumer pleinement la légèreté de sa tonalité. Fi des tourments psychologiques, nous sommes là pour nous distraire sans pousser trop loin la réflexion, quitte à convoquer parfois quelques éléments de science-fiction excessifs comme le robot tueur qui sème la panique dans l’épisode « Minotaur ». Pourtant, Gemini Man n’aura pas plus de succès que L’Homme invisible qui le précéda. NBC annule même sa diffusion au bout de cinq épisodes seulement, alors que six autres ont été réalisés et n’attendent qu’à être vus par les téléspectateurs. La série recevra un accueil un peu plus chaleureux en Europe et peut désormais s’apprécier dans son intégralité grâce à sa sortie sur support DVD.

 

© Gilles Penso


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MISSION IMPOSSIBLE (1966-1973)

L’allumette craque, la mèche s’allume, le message s’autodétruit… Bienvenue dans la série d’espionnage la plus célèbre de tous les temps !

MISSION IMPOSSIBLE

 

1966/1973 – USA

 

Créée par Bruce Geller

 

Avec Peter Graves, Steven Hill, Barbara Bain, Greg Morris, Peter Lupus, Martin Landau, Leonard Nimoy, Lee Meriwether, Lesley Ann Warren, Lynda Day George

 

THEMA ESPIONNAGE ET SCIENCE-FICTION I SAGA MISSION IMPOSSIBLE

Au début des années 60, le succès planétaire des premières aventures de James Bond au cinéma provoqua un attrait soudain pour les agents secrets de tous horizons, sur les grands mais aussi les petits écrans. Ainsi se succédèrent avec frénésie des séries telles que Destination Danger, Chapeau melon et bottes de cuir, Les Espions, Le Saint, Des agents très spéciaux, Les Mystères de l’Ouest ou encore Max la menace, payant chacune leur tribut (sur un ton souvent humoristique) à l’agent 007. Lorsque Bruce Geller s’empare à son tour du genre, ce n’est pas pour suivre les traces solitaires de James Bond mais pour valoriser le travail d’équipe, l’intelligence collective et des retournements de situation plus mentaux que physiques. Scénariste pour la télévision américaine depuis le milieu des années 50, Geller est fortement impressionné par le film Topkapi de Jules Dassin (1964) qui décrit la préparation et l’exécution méthodique d’un casse complexe par un groupe d’experts hautement qualifiés. Pourquoi ne pas remplacer les criminels par des espions et décrire dans chaque épisode une opération périlleuse nécessitant une précision d’horlogerie et un art subtil de la manipulation ? Ainsi naît l’idée de Mission impossible.

L’Impossible Mission Force est une agence d’espionnage américaine spécialisée dans les méthodes sophistiquées conçues pour contrecarrer les gouvernements hostiles, les dictateurs, les industriels corrompus et autres seigneurs du crime. Le chef des opérations est dans un premier temps Dan Briggs (Steven Hill), sélectionnant toujours la même équipe pour les missions les plus délicates : l’as du déguisement Rollin Hand (Martin Landau), le génie de la mécanique et de l’électronique Barney Collier (Greg Morris), la « femme fatale » Cinnamon Carter (Barbara Bain) et l’herculéen Willy Armitage (Peter Lupus). L’acteur Steven Hill s’avérant incapable d’accorder son emploi du temps avec celui du tournage des épisodes (il est juif orthodoxe et doit s’arrêter de travailler le vendredi après-midi pour préparer le chabbat), il quitte la production à la fin de la première saison. Peter Graves, qui le remplace au pied levé dans le rôle de Jim Phelps, deviendra le visage officiel de la série, quasiment sa mascotte. Le jeu des chaises musicales sera d’ailleurs fréquent au fil des diffusions. Lorsque le couple Landau/Bain fait ses adieux après la troisième saison, Leonard Nimoy prend le relais, l’atout de charme étant quant à lui confié à plusieurs actrices successives comme Lee Meriwether, Lesley Ann Warren et Lynda Day George. Finalement, seuls Greg Morris et Peter Lupus auront assuré une présence constante pendant toute la durée du show.

Géniales machinations

Mission Impossible a ceci de fascinant qu’il tourne le dos à la plupart des codes établis dans les séries télévisées de l’époque. La caractérisation des personnages est réduite à sa plus simple expression, les dialogues n’occupent pas le devant de la scène et le suspense repose sur une concentration attentive des téléspectateurs qui – s’ils sont trop distraits – risquent souvent de perdre le fil des géniales machinations imaginées par l’Impossible Mission Force. Ces artistes du complot s’étant spécialisés dans l’illusion et la mise en scène, on ne s’étonne pas que l’élément de science-fiction le plus marquant et le plus récurrent de la série soit l’emploi de masques imitant la réalité de manière troublante. Mission Impossible est entrée dans la légende pour ses gimmicks répétés sans cesse d’un épisode à l’autre : l’allumette qui craque pendant le générique, le message enregistré sur une cassette audio qui s’autodétruit, l’enveloppe qui révèle le visage des agents sollicités, le briefing et bien sûr la mission elle-même. Sans oublier la prodigieuse musique de Lalo Schifrin abandonnant les tempos classiques pour une sorte de bossa nova menaçante entrée dans la légende. « Les musiques sont généralement écrites pour des mesures en 2/4 ou 4/4 parce que les gens dansent avec deux jambes », avait-il coutume de dire. « Moi, j’ai écrit pour les extra-terrestres qui ont cinq jambes ! » (1). De nombreux compositeurs se sont par la suite emparés de ce thème musical mythique, notamment pour l’adaptation de la franchise au cinéma, mais aucun n’est pleinement parvenu à en retrouver la merveilleuse claudication. A l’impossible, nul n’est tenu.

 

(1) Extrait d’une interview parue dans « Entertainment Weekly » en juin 1996.

 

 

© Gilles Penso


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MISFITS (2009-2013)

Des jeunes délinquants condamnés à des travaux d’intérêt général se retrouvent soudain dotés de super-pouvoirs. Que vont-ils en faire ?

MISFITS

 

2009/2013 – GB

 

Créée par Howard Overman

 

Avec Iwan Rheon, Robert Sheehan, Lauren Socha, Nathan Stewart-Jarrett, Antonia Thomas, Joe Gilgun, Karla Crome, Nathan McMullen, Natasha O’Keeffe

 

THEMA POUVOIRS PARANORMAUX I SUPER-HÉROS

Malgré son titre et son sujet, cette série britannique n’entretient aucun lien avec Misfits of Science (alias Superminds chez nous), un autre show de super-héros adolescents créé par James D. Parriott en 1985. Ce Misfits là, destiné à la chaîne BBC, s’intéresse à cinq délinquants effectuant des travaux d’intérêt général dans un centre communautaire. Il s’agit de Kelly Bailey (Lauren Socha), Curtis Donovan (Nathan Stewart-Jarrett), Alisha Daniels (Antonia Thomas), Simon Bellamy (Iwan Rheon) et Nathan Young (Robert Sheehan). Un jour, ils sont surpris par un orage aux propriétés surnaturelles et se retrouvent dotés de capacités très spéciales. Chacun de leurs nouveaux pouvoirs est lié à leur personnalité et exacerbe de manière surhumaine des traits de caractère déjà bien présents. Pris de remords à cause d’une erreur survenue dans le passé, Curtis peut désormais remonter le temps. Kelly, souvent jugée par les autres, a des pouvoirs télépathiques. Alisha, très à l’aise avec sa sexualité, plonge les gens dans une frénésie sexuelle lorsqu’ils entrent en contact avec sa peau. Quant au très discret Simon, il peut devenir invisible. Seul Nathan semble ne pas avoir changé… du moins pas encore. La tempête a également provoqué la folie de leur agent de probation qui décide soudain de les assassiner. Le drame qui s’ensuit va pousser les cinq jeunes adultes à se serrer les coudes bien malgré eux.

Née dans la foulée des dernières saisons de Heroes, Misfits pourrait presque être considéré comme son antithèse. Aucun élan particulièrement héroïque n’anime en effet cette poignée de protagoniste au sens moral pas particulièrement développé. Mais finalement, n’est-ce pas plus proche de ce qui arriverait réellement dans notre monde ? Si des gens étaient soudain dotés de capacités surnaturelles leur offrant un ascendant sur leurs semblables, combien d’entre eux se déguiseraient-ils pour se transformer en super-justiciers ? Et combien profiteraient-ils de ces nouveaux pouvoirs pour assouvir des désirs personnels et égoïstes ? Le fameux credo de Spider-Man, « de grands pouvoirs entraînent de grandes responsabilités », ne serait-il qu’une belle utopie ? C’est ce que tendrait à démontrer Misfits, avec une impertinence et une liberté de ton qui manquent souvent aux programmes télévisés américains. D’une certaine manière, le parti pris adopté par le show créé par Howard Overman annonce les thématiques qui seront développées dans Chronicle de Josh Trank.

Grands pouvoirs, zéro responsabilité

Le style de Misfits est indéfinissable dans la mesure où il s’emploie à casser tous les codes. Souvent drôle, la série est aussi terrifiante par moments, étonnante la plupart du temps, déstabilisante et finalement inclassable. Partagée entre la science-fiction, la satire sociale, l’épouvante, le drame et une certaine forme de poésie surréaliste, elle possède une saveur unique. Une grande partie de sa réussite repose sur l’alchimie miraculeuse qui s’établit être ses cinq acteurs principaux. Aussi, lorsque Robert Sheenan décide de quitter la série après la deuxième saison et que les producteurs le remplacent par une « grande gueule » incarnée par Joseph Gilgun, quelque chose commence à clocher. Sheenan n’est pas forcément meilleur acteur que les autres et Gilgun nous offre une prestation tout à fait honorable, mais l’équilibre premier est brisé. Cet état de fait va s’accentuer de saison en saison, au fil des changements incessants de comédiens que les scénarios justifient mais que les téléspectateurs n’apprécient pas toujours. La série s’achève au bout de cinq saisons et finit donc moins fort qu’elle n’a commencé, sans pour autant se départir du grain de folie et de l’originalité qui la dotent d’une identité tout à fait à part.

 

© Gilles Penso


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MAISON DE TOUS LES CAUCHEMARS (LA) (1980)

La compagnie Hammer Films délaisse le cinéma pour s’orienter vers la télévision à l’occasion d’une collection d’histoires horrifiques…

HAMMER HOUSE OF HORROR

 

1980 – GB

 

Créée par Roy Skeggs

 

Avec Peter Cushing, Jon Finch, Patricia Quinn, Lucy Gutteridge, Denhilm Elliott, Brian Cox, Diana Dors, Suzanne Danielle, Simon MacCorkindale, Gary Raymond

 

THEMA TUEURS I LOUPS-GAROUS I SORCELLERIE I RÊVES I MÉDECINE EN FOLIE I DIABLE ET DÉMONS I CANNIBALES I FANTÔMES

Il faut bien s’adapter à son époque. Avec Une fille pour le diable, la compagnie britannique Hammer Films s’efforçait d’attiser la flamme vacillante de sa gloire passée, convoquant l’un de ses acteurs vedette (Christopher Lee) et surfant sur la vague satanique initiée par le succès de L’Exorciste. Mais le film ne déplaça guère les foules et incita la société de production à réorienter ses activités vers le petit écran. Les aventures gothiques de Dracula, Frankenstein, la momie et consorts n’étant plus au goût du jour, il était temps de cultiver une horreur plus moderne, plus dans l’air du temps. Ainsi est née La Maison de tous les cauchemars, une anthologie de treize histoires d’épouvante d’une heure chacune confiées à sept réalisateurs britanniques expérimentés :  Peter Sasdy (Une messe pour Dracula), Robert Young (Le Cirque des vampires), Alan Gibson (Dracula 73), Tom Clegg (Cosmos 1999), Don Sharp (Le Baiser du vampire), Francis Megahy (Les Professionnels) et Don Leaver (Chapeau melon et bottes de cuir). Terence Fisher, le metteur en scène star de la Hammer, est lui aussi envisagé pour se joindre à la fête, mais il décède hélas en juin 1980.

La demi-douzaine de récits qui s’égrènent au fil de cette Maison de tous les cauchemars aborde l’horreur sous toutes ses formes. Les sorcières issues du passé, les inquiétantes société secrètes, les rêves prémonitoires, les expériences scientifiques mystérieuses, les demeures hantées, les possessions diaboliques, les loups-garous, les tueurs psychopathes, les sacrifices humains, les machinations machiavéliques et les cannibales s’y succèdent donc avec une belle générosité, tandis que plusieurs visages familiers se montrent au fil des épisodes. Le plus fameux d’entre eux est Peter Cushing, qui participe ici à sa dernière production Hammer dans le rôle d’un ancien nazi pratiquant des expérimentations sur les humains en se dissimulant sous l’identité affable du patron d’une animalerie. Jon Finch (Macbeth), Denholm Elliott (Les Aventuriers de l’arche perdue), Simon MacCorkindale (Manimal), Lucy Gutteridge (Top Secret !), Ian McCulloch (L’Enfer des zombies), Robert Urquhart (Frankenstein s’est échappé) et même un tout jeune Pierce Brosnan sont aussi de la partie.

Entre deux époques

Bien sûr, les épisodes sont inégaux et tous ne distillent pas les frissons avec autant d’efficacité. Mais quelques perles émergent largement du lot. Outre « Le Cri » dans lequel Cushing nous fait froid dans le dos, il faut citer « L’Aigle des Carpathes » et sa jeune tueuse en série (Suzanne Danielle) persuadée d’être possédée par l’esprit d’une meurtrière psychopathe, « Un étrange réveil » où un agent immobilier (Denholm Elliott) est victime de rêves récurrents de plus en plus affolants, « Visiteur d’outre-tombe » qui met en scène une femme (Kathryn Leigh Scott) hantée par le fantôme de l’homme qu’elle a tué accidentellement, ou encore « Les Deux faces du démon » et son sinistre auto-stoppeur. La Maison de tous les cauchemars a ceci d’intéressant qu’elle se positionne stylistiquement entre deux époques distinctes, n’évacuant pas totalement l’héritage « old school » de l’épouvante telle que la traitait la Hammer dans les années 60/70 tout en cherchant à s’inscrire dans les codes du genre redéfinis par les slashers post-Halloween (avec ce qu’il faut de violence et d’érotisme pour appâter le public du début des années 80). Le résultat n’est pas toujours pleinement convaincant, mais le niveau de la série reste de haute tenue, en grande partie grâce à l’originalité des scripts, à la solidité des réalisations et à la qualité de son casting.

 

© Gilles Penso


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MAX LA MENACE (1965-1970)

Deux ans avant son premier film, Mel Brooks lance la carrière du plus idiot des agents secrets à travers cette série délirante pastichant James Bond…

GET SMART

 

1965/1970 – USA

 

Créée par Mel Brooks et Buck Henry

 

Avec Don Adams, Barbara Feldon, Edward Platt, Robert Karvelas, Bernie Kopell, King Moody, Dick Gautier, David Ketchum, Victor French, Stacy Keach sr.

 

THEMA ESPIONNAGE ET SCIENCE-FICTION

En 1965, Mel Brooks n’a pas encore réalisé de long-métrage mais fait déjà rire beaucoup de monde à travers ses spectacles délirants. Auteur pour la télévision depuis la fin des années 40 (Your Show of Shows, Caesar’s Hour), il ne peut décemment pas passer à côté de la « spymania » déclenchée par le succès des aventures de James Bond au cinéma. Avec Buck Henry, il répond donc à la demande de la compagnie de production Talent Associates et imagine le personnage de Max la menace, autrement dit le plus stupides de tous les espions. « J’en avais assez de voir toutes ces comédies gentillettes et raisonnables », explique-t-il. « Je voulais faire quelque chose de fou, d’irréel, une sorte de bande dessinée parlant d’autre chose que la famille. Personne n’avait encore jamais consacré de série télévisée à un idiot. J’ai décidé d’être le premier » (1). La chaîne ABC, à qui est proposé le show, n’est pas totalement convaincue par ce ton parodique permanent et propose d’y ajouter de la chaleur humaine, des animaux familiers, des bons sentiments et des parents ! Autant dire que Mel Brooks et Buck Henry n’ont pas la même vision des choses. C’est finalement le réseau NBC qui diffusera Max la menace.

Beaucoup plus proche de l’inspecteur Clouzeau que de James Bond, Maxwell Smart (Don Adams) est un espion qui répond au matricule d’agent 86 et travaille pour Control, une agence gouvernementale de contre-espionnage dont le QG se trouve à Washington. Épaulé par l’agent 99 (Barbara Feldon), il lutte contre Kaos, une redoutable organisation criminelle internationale. Le fait qu’il s’en tire toujours et qu’il mène généralement à bien ses missions est un miracle, étant donné son incompétence notoire et sa maladresse congénitale. Au fil des épisodes, la série déploie une infinité de gadgets pastichant bien sûr ceux de l’agent 007. Le plus fameux d’entre eux est le téléphone qui se trouve non seulement dans la chaussure de Max mais aussi un peu partout (plus de cinquante objets permettent ainsi de téléphoner, de la cravate au peigne en passant par l’horloge). Max recours aussi à un mur invisible à l’épreuve des balles installé dans son appartement, une caméra cachée dans un bol de soupe, une ceinture équipée d’un aimant, un bouton de veste qui tire des rayons laser, un « cône du silence » qui permet de parler sans être entendu ainsi qu’une voiture surchargée en équipement d’attaque et de défense (mitrailleuse, écran de fumée, suivi radar, siège éjectable). Il faut aussi citer la présence de Hymie le robot (incarné par Dick Gautier), un androïde qui aide nos héros dans leurs missions mais souffre de quelques dysfonctionnements. Il n’est pas impossible qu’il ait inspiré l’inspecteur Yoyovitch de l’éphémère série Holmes et Yoyo.

Gadgets à gogo

Plusieurs vedettes invitées pointent le bout de leur nez tout au long du show : des échappés de Mission impossible (Martin Landau, Barbara Bain), Star Trek (Leonard Nimoy) ou Batman (Vincent Price, Cesar Romero, Julie Newmar), mais aussi Ernest Borgnine (Les Douze salopards), Victor Buono (Qu’est-il arrivé à Baby Jane ?), James Caan (Le Parrain), Sid Haig (bien avant La Maison des 1000 morts) ou Nancy Kovack (Jason et les Argonautes), pour n’en citer que quelques-uns. Il faut bien reconnaître que tous les gags de Max la menace ne font pas mouche et que la finesse n’est pas spécialement au rendez-vous. Pour autant, le show séduit grâce à sa liberté de ton, à son anti-héros campé à merveille par un Don Adams ayant trouvé là le rôle de sa vie et à ses détournements constants des codes de l’espionnage et de la science-fiction. Après la première saison, Mel Brooks laissera les rênes de Max la menace à Buck Henry pour se consacrer à son premier film, Les Producteurs. Si la série s’arrête en 1970 après cinq ans de bons et loyaux services, Don Adams revient interpréter Max dans le long-métrage cinéma Le Plus secret des agents secrets en 1980 puis dans les séries Le Retour de Max la menace en 1989 et Get Smart en 1995. Un remake sur grand écran sortira en 2008, avec Steve Carell dans le rôle-titre, preuve que cet improbable espion a décidément la vie longue.

 

(1) Extrait d’une interview parue dans « Time » en octobre 1965.

 

© Gilles Penso


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SECOND CHANCE (1987-1988)

À 17 ans, Matthew Perry devient le héros de cette sitcom fantastique dans laquelle son double du futur vient réparer ses fautes passées…

SECOND CHANCE / BOYS WILL BE BOYS

 

1987/1988 – USA

 

Créée par David W. Duclon et Gary Menteer

 

Avec Kiel Martin, Matthew Perry, William Gallo, Demian Slade, Randee Heller, Joseph Maher, Terri Ivens, Adam Sadowsky

 

THEMA MORT I VOYAGES DANS LE TEMPS

Créateurs de la série Punky Brewster, David W. Duclon et Gary Menteer développent au milieu des années 80 l’idée d’une sitcom au concept surprenant : alors qu’il vient de mourir, un homme adulte est renvoyé dans le passé pour se rencontrer lui-même à l’âge de l’adolescence et tenter de réparer les erreurs de sa vie. Matthew Perry, alors âgé de 17 ans, n’a joué que des petits rôles à la télévision et au cinéma et voit là l’opportunité de se faire enfin repérer par le grand public. Mieux encore : pourquoi ne pas embarquer avec lui son père Joe Perry, acteur spécialisé jusque-là dans les films publicitaires ? « Existe-t-il un meilleur pitch pour un duo d’acteurs père/fils ? » raconte-t-il à propos du concept de Second Chance. « Mon père et moi avons évidemment passé le casting. Et là, désastre : j’ai été pris pour jouer la version jeune du héros, mais pas mon père pour jouer la version adulte. Mon père a géré la situation en n’assistant à aucun de mes tournages sauf celui du dernier épisode. Je suppose qu’il avait ses raisons » (1). Cette rancœur compréhensible gâche un peu le plaisir du jeune Matthew Perry mais lui permet enfin d’accéder à un rôle de premier ordre. C’est finalement l’acteur Kiel Martin (l’inspecteur LaRue dans Hill Street Blues) qui est sélectionné pour incarner le personnage à l’âge adulte.

Le caractère burlesque de Second Chance est assumé dès son entame. Dans son bureau très « rococo », Saint-Pierre (Joseph Maher) reçoit tour à tour une Miss America et le général Kadhafi. La première est envoyée au paradis (une lumière dorée s’allume et la conduit vers une porte d’où émergent des chœurs angéliques), le second part directement en enfer (comme l’indique la lumière rouge qui l’emmène vers une autre porte s’ouvrant sur d’inquiétantes volutes de fumée). L’action se situe le 29 juillet 2011. Kadhafi étant mort dans la réalité le 20 octobre 2011, voilà qui démontre un surprenant sens de la prédiction de la part des scénaristes ! Le prochain visiteur de l’au-delà est Charles « Chazz » Russell, mort dans un accident d’aéroglisseur. Face à son cas, Saint-Pierre est perplexe. Le défunt n’a droit ni à la lumière dorée, ni à la lumière rouge, mais à une lueur bleue. C’est un « Blue Lighter », autrement dit quelqu’un qui n’est pas assez bon pour le paradis ni assez mauvais pour l’enfer. Saint-Pierre le renvoie donc sur Terre en 1987 pour qu’il se rencontre lui-même alors qu’il était adolescent et s’aide à faire des choix moraux plus judicieux.

Changement de cap

Si Kiel Martin déborde de charisme dans la peau de cet homme coincé dans son passé et si la petite galerie de personnages qui lui donnent la réplique ne démérite pas, c’est clairement Matthew Perry qui crève l’écran et vole la vedette de tous ses compagnons de jeu. En tout début de carrière, il possède déjà tout le dispositif comique qui le rendra célèbre : une répartie cinglante, une façon unique de ponctuer ses dialogues, des mimiques irrésistibles, une gestuelle saccadée et surtout un incroyable sens du timing. Une grande partie des gags de la série se réfèrent directement à la culture américaine. Chazz n’étant ni bon ni mauvais, il est comparé au chanteur Barry Manilow par exemple. Les auteurs imaginent également que le président des USA du futur sera John Travolta. Les dialogues abondent quant à eux de jeux de mots autour de la mort, l’enfer, le paradis et l’éternité, dont la plupart sont intraduisibles en français. La série n’est d’ailleurs jamais parvenue jusqu’à chez nous, faute d’un succès suffisant aux États-Unis. « Tout le monde était persuadé que Second Chance allait cartonner », raconte Perry. « À sa sortie, la série s’est placée à la 93ème place des 93 séries du classement » (2). Face à ces mauvaises audiences, les scénaristes changent complètement leur fusil d’épaule. Après neuf épisodes, l’argument fantastique est supprimé, les intrigues se concentrent sur la vie d’adolescent de Chazz et de ses amis et le programme est rebaptisé Boys Will Be Boys. Le succès n’est pas pour autant au rendez-vous, et la série est annulée au bout de sa première et unique saison. Dommage, parce que Second Chance ne manque ni d’atouts ni de charme. Peut-être serait-il temps de lui donner… une seconde chance ?

 

(1) et (2) Extraits de l’autobiographie « Friends, mes amours et cette chose terrible » de Matthew Perry parue en 2022.

 

© Gilles Penso


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