MYSTÈRES DE HAVEN (LES) (2010-2015)

Librement inspirée par un roman de Stephen King, cette série fantastico-policière plonge son héroïne dans un entrelacs de phénomènes paranormaux…

HAVEN

 

2010/2015 – USA

 

Créée par Sam Ernst et Jim Dunn

 

Avec Emily Rose, Lucas Bryant, Eric Balfour, Nicholas Campbell, Mary-Colin Chisholm, Michelle Monteith

 

THEMA POUVOIRS PARANORMAUX I SAGA STEPHEN KING

Suite au succès de la série Dead Zone, la même équipe se lance dans Les Mystères de Haven, adaptation du court roman « Colorado Kid » de Stephen King. Publié en 2005, le livre est lui-même librement inspiré des exactions d’un véritable tueur australien dans les années 40. Ce texte étant difficilement adaptable tel quel, les scénaristes s’en éloignent considérablement pour imaginer 78 épisodes n’ayant pas grand-chose à voir avec Stephen King, malgré de nombreuses références à son œuvre tout au long des cinq saisons de la série. Les villes imaginaires de Castle Rock et Derry, par exemple, y sont régulièrement citées. Sans compter les clins d’œil répétés à « Ça », « Shawshank Redemption », « Le Fléau », « La Tour sombre », « Christine », Maximum Overdrive et « Misery ». Engagés pour écrire le pilote puis pour développer l’ensemble de la série, les scénaristes Sam Ernst et Jim Dunn envisagent d’abord un show policier teinté de suspense et d’épouvante mais dénué de tout élément fantastique. « Où sont les éléments surnaturels ? » s’empresse alors de réagir Stephen King, les poussant de fait à revoir leur copie.

L’héroïne du show, Audrey Parker (Emily Rose), agent du FBI, traque un fugitif dans la petite ville de Haven, au cœur du Maine, dont la rue principale parait échappée d’un western et où l’activité principale semble être la pêche. Elle y rencontre un policier local, Nathan Wuornos (Lucas Bryant), qui la sauve dès son arrivée dans Haven, une fissure créée soudainement dans le sol précipitant sa voiture au bord d’une falaise. Wuornos a une particularité physique pour le moins inhabituelle : il ne ressent pas la douleur. Sur place, Audrey trouve le cadavre du fugitif qu’elle poursuivait, mort dans des conditions inexpliquées, ainsi qu’un duo de vénérables journalistes du Haven Herald, rescapés du roman de Stephen King. Elle apprend alors qu’elle est personnellement reliée aux secrets enfouis dans les tréfonds de cette ville côtière. Au bout d’un moment, elle finira même par quitter le FBI pour rejoindre la police locale et réaliser que son arrivée à Haven a peut-être été organisée à l’avance. Et si son nom et ses souvenirs ne lui appartenaient pas ?

Catastrophes (sur)naturelles

Dès le premier épisode, les extravagances saturent les lieux. Des aberrations météorologiques (un brouillard extrêmement épais qui surgit de nulle part puis disparaît aussi sec, une soudaine pluie de grêle, une chute de neige furtive) semblent être liées à une femme dont les émotions provoquent des intempéries. Ce n’est que le prélude d’une foule de phénomènes paranormaux qui frappent Haven d’épisode en épisode, comme ce fut visiblement le cas autrefois, longtemps avant l’arrivée d’Audrey dans la ville. « Quand on a tout écarté, il faut accepter ce qui reste » affirme-t-elle, comme si elle mixait à elle seule les personnalités de Fox Mulder et Dana Scully. De fait, X-Files semble être l’une des sources d’inspiration majeures des Mystères de Haven, tout comme Twin Peaks, les séries de Chris Carter et David Lynch figurant parmi les shows télévisés préférés de Stephen King depuis la fin des années 80. Mais la spontanéité n’est pas vraiment de mise et l’humour lié au tempérament désinvolte d’Audrey Parker et à ses répliques cinglantes semble un peu forcé. La série est tout de même un succès, puisqu’elle est diffusée pendant cinq années consécutives sur la chaine SyFy aux États-Unis et sur Showcase au Canada. On note un thème musical envoûtant de Shawn Pierce qui n’est pas sans évoquer celui de Candyman composé par Philip Glass.

 

© Gilles Penso


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22-11-63 (2016)

Un professeur d’anglais découvre une faille spatio-temporelle qui pourrait lui permettre d’empêcher l’assassinat de JFK…

11-22-63

 

2016 – USA

 

Créée par Bridget Carpenter

 

Avec James Franco, Chris Cooper, Sarah Gadon, George MacKay, Lucy Fry, Daniel Webber, Cherry Jones

 

THEMA VOYAGES DANS LE TEMPS I SAGA STEPHEN KING

Au fil de ses écrits – fictifs ou non – Stephen King évoque très souvent l’assassinat du président Kennedy, qui marqua un tournant décisif dans sa vie et dans sa perception du monde. « Presque tous mes contemporains se souviennent de ce qu’ils faisaient lorsqu’ils ont appris l’assassinat de Kennedy », dit-il. « Cet événement tragique et les trois jours de deuil qui ont suivi sont sans doute ce qui se rapproche le plus dans l’Histoire d’une période de conscience de masse, d’empathie de masse et – avec le recul – de mémoire de masse : deux cent millions de personnes tétanisées par le choc » (1). Il finit par tirer un roman de cette histoire, qu’il mâtine de science-fiction. Baptisé « 22/11/63 » (date du drame), le livre sort en librairie en 2011. Sur plus de 900 pages, King raconte l’histoire palpitante d’un homme qui tente d’empêcher l’assassinat de JFK en voyageant dans le temps et qui tombe amoureux d’une jeune femme des années 60. Pour étayer son récit, King effectue un nombre considérable de recherches, étudie toutes les théories relatives à l’événement, visite les lieux du drame et rencontre un grand nombre d’experts sur le sujet. Il souhaite en effet coller le plus près possible à la réalité.

Riche en rebondissements, le roman est d’abord censé servir de base à une adaptation cinématographique sous la direction de Jonathan Demme (Le Silence des agneaux). Mais ce dernier ne parvient pas à s’entendre avec Stephen King et passe son tour. 22-11-23 devient finalement une mini-série de neuf épisodes produite par Bridget Carpenter, J.J. Abrams, Stephen King et Bryan Burk. James Franco y incarne Jake Epping, un professeur d’anglais du Maine récemment divorcé découvrant dans l’arrière-boutique d’un restaurant un passage temporel lui permettant de se retrouver dans le passé, plus précisément en 1958. C’est le patron du snack, son ami Al Templeton (Chris Cooper), qui lui fait part de cette bizarrerie spatio-temporelle. En utilisant cette faille, Al planifie depuis longtemps une stratégie visant à empêcher Lee Harvey Oswald d’assassiner Kennedy afin de modifier le cours du temps et d’empêcher notamment la guerre du Vietnam. Mais Al souffre d’un cancer et demande à Jack de reprendre sa mission. Après bien des hésitations, Jake accepte et se retrouve dans un passé dont il ne connaît rien…

La faille

Remarquable, la série développe plusieurs idées passionnantes, comme celle du passé qui repousse ceux qui veulent le modifier, ajoutant des éléments de suspense inattendus, ou encore du voyageur temporel qui est resté coincé dans une boucle. Au sein de cette superbe reconstitution de l’Amérique des années 60 (qui réutilise certaines archives réelles de la campagne de JFK), James Franco nous offre une interprétation pleine de sensibilité et d’exaltation. Quelques subtils clins d’œil à l’œuvre de Stephen King jalonnent le récit sans ostentation, à la grande joie des fans de l’écrivain : la Plymouth Fury rouge de Christine, un passant qui ressemble au Randall Flagg du Fléau, le nom de plusieurs établissements présents dans Carrie, une réplique de Misery, l’inscription « Redrum » héritée de Shining… Mélangeant les genres, 22-11-63 manie la science-fiction, le suspense, l’humour, l’épouvante (avec quelques portraits d’hommes violents à glacer le sang, comme le boucher qui assassine sa famille à coups de marteau ou l’époux qui mutile sa femme infidèle) et surtout beaucoup d’émotion, notamment au moment d’un final empreint de mélancolie.

 

(1) Extrait de l’essai « Écriture : mémoires d’un métier » de Stephen King, paru en 2000.

© Gilles Penso


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SUPERMINDS (1985-1986)

Les aventures délirantes d’une jeune équipe de super-héros parmi lesquels on découvre une toute jeune Courteney Cox…

MISFITS OF SCIENCE

 

1985/1986 – USA

 

Créée par James D. Parriott

 

Avec Dean Paul Martin, Kevin Peter Hall, Mark Thomas Miller, Courteney Cox, Diane Civita, Jennifer Holmes, Max Wright, Mickey Jones

 

THEMA SUPER-HÉROS

C’est Brandon Tartikoff, à l’époque président de NBC Entertainment, qui a l’idée de la série Misfits of Science et en trouve même le titre (autrement dit « Les Marginaux de la science », bizarrement traduit par Superminds en France). « Nous nous sommes un peu inspirés de la dynamique de groupe que nous avons découverte dans S.O.S. fantômes », raconte-t-il. « Nous cherchions à créer une série moderne qui donne un coup de fouet aux téléspectateurs en changeant leurs habitudes » (1). Au-delà de l’influence de Ghostbusters, encore dans toutes les mémoires un an après sa sortie, Superminds semble aussi chercher l’inspiration du côté des X-Men créés par Stan Lee et Jack Kirby, dont il constitue une sorte de variante légère et burlesque. Car Misfits of Science ne se prend jamais au sérieux et s’amuse à détourner les clichés des histoires de super-héros. En tête d’affiche, quelques noms ressortent du lot : Dean Paul Martin (connu surtout pour être le fils du crooner Dean Martin), Kevin Peter Hall (dont la taille impressionnante lui permettra d’incarner plus tard les créatures de Predator, Predator 2 et Bigfoot et les Henderson) ou encore une toute jeune Courteney Cox (venue à l’époque pour participer au casting de la série d’espionnage Code Name : Foxfire, et finalement parachutée dans Superminds).

Superminds met en scène une équipe hors du commun dirigée par le docteur Billy Hayes (Martin), un jeune chercheur de l’Institut Humanidyne spécialisé dans les « anomalies humaines ». Si Hayes ne possède aucun super-pouvoir, on ne peut pas en dire autant de ses compagnons. Le docteur Elvin Lincoln (Hall) a la capacité de rétrécir pendant quelques minutes pour atteindre une taille de 28 centimètres grâce à des traitements hormonaux qu’il active en appuyant sur un nerf à l’arrière de son cou. Johnny Bukowski (Mark Thomas Miller), lui, est un musicien de rock’n roll qui, suite à une électrocution sur scène, a la capacité de contrôler l’électricité (et qui porte des lunettes de soleil pour cacher ses yeux qui brillent lorsqu’il est complètement chargé). Quant à Gloria DInallo (Cox), il s’agit d’une adolescente perturbée, avec des antécédents de délinquance juvénile, qui possède des pouvoirs télékinétiques. Au départ, la série met aussi en scène Ice Man (Mickey Jones), un homme capable de geler tout ce qu’il touche, mais sa trop forte ressemblance avec l’Iceberg des X-Men pousse les producteurs à supprimer le personnage après l’épisode pilote. Les héros conserveront malgré tout comme moyen de locomotion leur camion de crème glacée (justifié initialement par la présence de cet Ice Man).

Trésor maya, aliens, dauphins parlants et hamburgers irradiés

Les aventures de ces « Misfits » se déploient au fil de 16 épisodes au rythme soutenu au cours desquels ils cherchent à exhumer un trésor maya caché sous Beverly Hills, à entrer en contact avec des extra-terrestres, à identifier un homme primitif apparu sur Venice Beach, à empêcher des gangsters d’utiliser des dauphins parlants pour mettre la main sur leur butin, à venir en aide à un agent de la CIA bionique, à enrayer une épidémie provoquée par un lapin contaminé ou à réfréner les effets de hamburgers irradiés dotant leurs consommateurs de super-pouvoirs ! On le voit, la série part un peu dans tous les sens et finit par déstabiliser le public qui peine à s’y attacher pleinement. Les audiences baissent donc peu à peu et NBC décide d’en interrompre la diffusion en février 1986. En France, la série génèrera un petit culte grâce à son apparition sur les chaînes éphémères TV6 et La Cinq. L’Allemagne lui réservera de son côté un accueil très chaleureux. Superminds aura en tout cas servi de pied à l’étrier à Courteney Cox, future star de Friends et Scream, mais aussi au scénariste Tim Kring, qui lancera plus tard une série au sujet voisin : Heroes.

 

(1) Extrait d’une interview publiée dans le « Palm Beach Post » en juillet 1985.

 

© Gilles Penso


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SUPER JAIMIE (1976-1978)

Après L’Homme qui valait trois milliards, voici la femme bionique, largement aussi populaire que son homologue masculin…

THE BIONIC WOMAN

 

1976/1978 – USA

 

Créée par Kenneth Johnson

 

Avec Lindsay Wagner, Richard Anderson, Martin E. Brooks, Ford Rainey, Sam Chew Jr., Jennifer Darling, Martha Scott, Lee Majors, Christopher Stone

 

THEMA SUPER-HÉROS I ESPIONNAGE ET SCIENCE-FICTION

À l’origine, le personnage de Jaimie Sommers (Lindsay Wagner) était simplement conçu pour faire une apparition éphémère dans un épisode en deux parties de L’Homme qui valait trois milliards produit en 1975, « La femme bionique ». Dans ce double programme, Steve Austin (Lee Majors) retourne dans sa ville natale d’Ojai, en Californie, et renoue avec son amour de lycée, Jaimie, devenue entre-temps l’une des cinq meilleures joueuses de tennis des États-Unis. Victime d’un accident de parachute, celle-ci tombe de plusieurs centaines de mètres et se retrouve entre la vie et la mort. Bouleversé, Steve supplie alors son patron, le bon vieil Oscar Goldman (Richard Anderson), de la rendre bionique comme lui, en échange de quoi ils en feront un agent actif de l’OSI (Office of Scientific Intelligence). Malgré ses réticences, Goldman finit par accepter et charge le docteur Rudy Wells (Alan Oppenheimer) de « réparer » la jeune femme. Grâce à des implants cybernétiques, Jaimie possède peu ou prou les mêmes pouvoirs que Steve Austin, autrement dit deux nouvelles jambes qui lui permettent de courir ou de sauter plus vite et plus haut que n’importe qui ainsi qu’un bras droit d’une force surhumaine. La différence se situe au niveau du visage. Alors que Steve peut voir très loin grâce à son œil bionique, Jaimie est dotée d’une ouïe extrêmement fine. Nos deux agents secrets s’en vont bientôt bras dessus bras dessous lutter contre un redoutable faux monnayeur. Mais le corps de Jaimie finit par rejeter ses implants et provoque son trépas. Fin du double épisode. Exit la femme bionique.

Mais les téléspectateurs ne sont pas d’accord. Cette Jaimie Sommers leur a tapé dans l’œil et ils veulent à tout prix la voir revenir. Les producteurs de la série comprennent qu’ils ont sans doute tué trop tôt la poule aux œufs d’or et décident donc de faire revenir Jaimie Sommers dans un nouveau double épisode (« Le Retour de la femme bionique ») avant de lui offrir sa propre série. Ainsi naît Super Jaimie. L’actrice Lindsay Wagner pensait solder son contrat avec Universal avec un rôle censé n’être que provisoire et temporaire. Or la voilà désormais star d’un show ultra-populaire qui durera jusqu’en 1978. Son personnage devient donc membre officiel de l’OSI. Sous couverture officielle de son métier d’enseignante auprès de collégiens et de lycéens sur une base de l’air force, elle participe à toutes sortes de missions secrètes qui l’amènent à parcourir le monde sous les identités les plus variées. Richard Anderson continue à incarner son boss Oscar Goldman, assurant le lien entre les deux séries. Quant à Lee Majors, il viendra de temps en temps jouer les guest-stars dans Super Jaimie, Lindsay Wagner lui rendant la politesse en montrant parfois sa frimousse dans L’Homme qui valait trois milliards.

Girl Power

Super Jaimie possède à peu près autant d’attrait que L’Homme qui valait trois milliards, les deux séries devant leur succès autant à leur concept audacieux (inspiré par le roman « Cyborg » de Martin Caidin) qu’à leurs acteurs principaux. Dans la peau de Jaimie Sommers, Lindsay Wagner est parfaite. Son capital sympathie, son charme et son charisme emportent immédiatement l’adhésion de tous. La mise en scène de ses super-pouvoirs recycle logiquement les gimmicks associés à Steve Austin (les prises de vues au ralenti et le fameux bruitage à base d’échos métalliques répétés). Les épisodes, de leur côté, alternent la lutte contre des criminels ordinaires avec le surgissement d’éléments de science-fiction joyeusement excessifs, notamment les fameuses femmes robots aux visages bourrés de dispositifs électroniques (qui effraieront d’ailleurs les associations de parents d’élèves, inquiètes que leurs bambins ne soient traumatisés par de telles créatures contre-nature). Lorsque Kenneth Johnson quitte la série à la fin de la deuxième saison pour s’occuper de L’Incroyable Hulk, la qualité des scripts décline progressivement et le show s’arrête en mai 78, ce qui ne l’empêchera pas d’être rediffusé dans le monde entier avec un succès jamais démenti. Trois téléfilms mettront en scène Steve Austin et Jaimie Sommers entre la fin des années 80 et le milieu des années 90, avant la mise en chantier d’un remake de Super Jaimie, Bionic Woman, en 2007

 

© Gilles Penso


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SPECTREMAN (1971-1972)

L’un des super-héros les plus involontairement drôles de l’histoire de la télévision affronte des monstres impensables lâchés sur notre planète…

SUPERKUTORUMAN

 

1971/1972 – JAPON

 

Créée par Ushio Shoji

 

Avec Tetsuo Narikawa, Toru Ohira, Kazuo Arai, Machiko Konish, Gara Takatori, Takanobu Toya, Koji Uenishi, Koji Ozaki, Yoko Shin, Takamitsu Watanabe

 

THEMA SUPER-HÉROS I EXTRA-TERRESTRES

« La planète Terre… La ville Tokyo… Comme toutes les villes à la surface du globe, Tokyo est en train de perdre la bataille contre ses deux ennemis les plus mortels : la dégradation de la nature et la pollution. En dépit des efforts désespérés de toutes les nations, l’air, la mer, les continents, perdent de plus en plus leur capacité à entretenir toute forme de vie… Quel est leur dernier recours ? Spectreman ! » Après ce texte d’introduction sentencieux et un poil inquiétant, la chanson du générique démarre sur un tempo joyeusement disco, gorgé de paroles d’une sublime poésie : « Plus rapide qu’un missile, audacieux, inflexible, mystérieux et invincible… Spectreman ! » Les téléspectateurs français qui découvrirent cette série invraisemblable en 1982 sur la défunte chaîne Antenne 2 n’étaient tous simplement pas prêts. San Ku Kaï avait pourtant déjà préparé le terrain, déclinant la vogue du space opera provoquée par la sortie de La Guerre des étoiles. Mais Spectreman, c’est autre chose : un super-héros gigotant au casque en pointe, des maquettes risibles suspendues par des fils bien visibles, une avalanche de monstres en caoutchouc grotesques… Contrairement à ce que sa diffusion hexagonale peut laisser imaginer, Spectreman est d’ailleurs antérieur à San Ku Kaï et s’inscrit dans la directe lignée d’une autre série de science-fiction nippone alors parfaitement inconnue en nos contrées : Ultraman.

La série se déroule dans un futur proche où la pollution est devenue un problème global qui affole toutes les nations. Le sujet peut sembler en avance sur son temps, mais les prises de consciences environnementales étaient déjà très présentes à l’aube des années 70, surtout à Tokyo considérée à l’époque comme la ville la plus polluée du monde. Au moment où Spectreman entrait en production sortait d’ailleurs sur les grands écrans Godzilla contre Hedora, où le célèbre dinosaure radioactif affrontait un monstre en perpétuelle mutation né d’une accumulation de déchets et d’ordures. Dans Spectreman, le grand méchant est Gori, un homme singe extra-terrestre au masque en plastique figé (ancêtre du Siman de San Ku Kaï ?) qui cherche à dominer la Terre en créant des monstres à partir de la pollution. La Fédération Galactique décide alors d’envoyer sur notre planète le cyborg Spectreman. Comme tout super-héros qui se respecte, ce dernier se dissimule sous une identité ordinaire, celle d’un sympathique et maladroit employé de bureau. Mais dès que le devoir l’appelle, il se transforme en ninja volant à taille variable et se bat contre les créatures géantes conçues par Gori…

Gare au Gori !

Même en s’interdisant tout cynisme et en s’efforçant de conserver la nostalgie de nos jeunes années post-San Ku Kaï et pré-X-Or, il est très difficile de revoir aujourd’hui un épisode de Spectreman sans être secoué de fous rires. Cette hilarité incontrôlable n’est pas tant due à l’absurdité des scénarios, à la pauvreté des cascades ou au jeu outré des comédiens, mais s’explique surtout par le fait que Spectreman est une véritable collection des monstres les plus ridicules jamais montrés sur un écran. Même avec des yeux d’enfant, le spectacle se révélait déjà aberrant. Pour autant, Spectreman put jouir d’un succès populaire à grande échelle, peut-être justement parce que les gamins se prêtaient au jeu avec une sorte d’assentiment complice. Voir toutes ces bestioles incarnées par des acteurs dans des combinaisons fort peu seyantes, ce super-héros jouant les justiciers dans sa panoplie en plastique ou ces engins extra-terrestres ne cachant jamais leur nature de maquettes miniatures, c’était une manière de s’amuser avec les réalisateurs et les acteurs, pour pouvoir ensuite, après la diffusion de chaque épisode, en reproduire les péripéties à l’aide de dinosaures en plastique et de petits soldats. Les effets spéciaux ratés en deviendraient presque des atouts, poussant par leur caractère tactile les jeunes téléspectateurs à tenter de les reproduire chez eux, comme face aux poupées des Thunderbirds. Un nombre impressionnant de produits dérivés fut commercialisé à l’époque de la diffusion (albums d’images, verres à moutarde, bandes dessinées, romans) et s’arrachent aujourd’hui à prix d’or chez les collectionneurs.

 

© Gilles Penso


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SEAQUEST, POLICE DES MERS (1993-1996)

Dans un futur proche, un submersible militaire dernier cri est reconverti en véhicule d’exploration des fonds marins…

SEAQUEST

 

1993/1996 – USA

 

Créée par Rockne S. O’Bannon

 

Avec Roy Scheider, Jonathan Brandis, Stephanie Beacham, Don Franklin, Michael Ironside, Ted Raimi, Marco Sanchez, Frank Welker, Peter DeLuise

 

THEMA FUTUR

« Qu’elle soit organique, animale ou végétale, toute forme de vie est issue de la mer. Il est d’ailleurs établi qui nous avons le même pourcentage de sel dans notre sang. La mer fait partie de nous. Nous devons la respecter. Lorsque nous revenons vers elle, que ce soit pour la contempler, y nager, y naviguer, nous effectuons un retour aux sources… » C’est sur ce texte que commence le premier épisode de Seaquest, une série TV écologiste, on l’aura compris, mais aussi futuriste, puisqu’elle se déroule en l’an 2018 (soit 25 ans après son année de réalisation). Les pays du monde se sont groupés en Union des États Océaniques et le Seaquest DSV (Deep Submergence Vehicle en VO, Division Sous-marine de Vérification en VF), un gigantesque vaisseau sous-marin militaire, s’est reconverti dans la sécurité. Le créateur du Seaquest est Nathan Bridger, interprété par Roy Scheider, qui fut vingt ans plus tôt le shérif des Dents de la mer, un personnage qui détestait l’eau ! Bridger est sollicité par l’amirauté pour devenir le nouveau commandant du vaisseau, mais depuis que son fils est mort en mer, il refuse de s’embarquer et mène une vie de reclus aux Caraïbes en compagnie de son dauphin Darwin. Les agissements criminels d’un sous-marin rebelle et l’absence de commandant à bord du Seaquest vont pousser Bridger à reprendre les commandes. Et l’aventure commence, avec un petit air de Star Trek sûrement pas involontaire.

Les séquences sous-marines de la série impliquent une grande quantité d’effets spéciaux. Mais les créateurs de Seaquest sont des habitués de la question, puisque le producteur exécutif n’est autre que Steven Spielberg et que le réalisateur du premier épisode est Irvin Kershner, metteur en scène de L’Empire contre-attaque et Robocop 2. Au lieu d’utiliser des maquettes de submersibles, des décors miniatures, des peintures sur verre et d’autres techniques traditionnelles, (comme c’était par exemple le cas dans Abyss), le choix se porte directement sur l’image de synthèse. C’est dans l’air du temps. Réalisée quasi-simultanément, la série de SF Babylon 5 optait pour un choix similaire, profitant des dernières avancées technologiques en la matière. C’est donc digitalement que sont conçus les engins futuristes du show comme le Seaquest lui-même, dont la forme allongée évoque un peu le submersible de L’Homme de l’Atlantide, mais aussi le Delta 4, un vaste sous-marin rebelle, le Whiskers, un véhicule d’observation sphérique, ou encore l’hydroprospecteur, une sonde quadrupède télécommandée. Les décors immergés tels que l’imposante exploitation minière, la Centrale de Gedrit ou l’exploitation agricole de West Ridge, sont également des créations numériques. Tout comme le dauphin Darwin lorsqu’il traverse l’océan en plan large, propulsé dans un lance torpilles, pour déposer une balise explosive sur un sous-marin rebelle. Dans les plans serrés, l’aimable mammifère est une création animatronique conçue par Walt Conti, grand spécialiste de cette discipline.

Sous l’océan…

Visuellement, Seaquest est donc un spectacle grandiose se donnant les moyens de ses ambitions. Son approche initialement réaliste se teinte progressivement d’éléments de pure fantaisie. D’où l’intervention de créatures extra-terrestres, de civilisations perdues et même du dieu des océans Neptune. La série finit donc par ressembler à une variante modernisée de Voyage au fond des mers. En coulisses, le climat n’est pas au beau fixe. Les producteurs, les cadres de la chaîne NBC et les acteurs ne cessent d’entrer en discorde. Les mésententes atteignent leur point culminant au cours de la saison 3 (rebaptisée Seaquest 2023 en version originale), pour laquelle Roy Scheider tire sa révérence, cédant la place à Michael Ironside. Ce changement de casting s’accompagne d’une nette baisse d’audience qui entraîne l’interruption de la série en cours de saison. C’est dommage, parce que malgré des scénarios pas toujours aboutis et un certain manque de constance dans la cohésion des différentes saisons, Seaquest était une série pleine de promesses et d’idées passionnantes. Les amateurs du commandant Cousteau et du capitaine Kirk en gardent un souvenir nostalgique…

 

© Gilles Penso


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RÊVES ET CAUCHEMARS (2006)

Comme à l’époque de Creepshow, Stephen King s’essaie à l’exercice de l’anthologie d’histoires courtes horrifiques à travers cette mini-série…

NIGHTMARES AND DREAMSCAPES

 

2006 – USA / AUSTRALIE

 

Créée par Stephen King

 

Avec William Hurt, Claire Forlani, Eion Bailey, William H. Macy, Jacqueline McKenzie, Ron Livingston, Henry Thomas

 

THEMA JOUETS I DIABLE ET DÉMONS I MÉDECINE EN FOLIE I MORT I FANTÔMES I SAGA STEPHEN KING

En 2006, beaucoup de nouvelles de Stephen King n’avaient pas encore été portées à l’écran. La série Rêves et cauchemars, initiée par l’écrivain lui-même, comble partiellement cette lacune en adaptant huit histoires courtes au fort potentiel visuel. Comme l’indique le titre, la plupart d’entre elles sont issues du recueil « Rêves et Cauchemars » paru en 1993. Mais d’autres proviennent de « Tout est fatal » (2002) et de « Danse macabre » (1978). Le premier épisode, « Les Petits soldats », réalisé par Brian Henson, est une merveille de mise en scène sollicitant des effets visuels extrêmement performants. Après avoir abattu un vendeur de jouets, un tueur professionnel (William Hurt) y est attaqué dans sa chambre par des petits soldats et leur redoutable arsenal. Soutenu par une excellente musique de Jeff Beal, cet épisode sans paroles profite du charisme de Hurt, impeccable dans le rôle de cet homme froid, méthodique et solitaire. L’influence de l’épisode de la poupée tueuse de Trilogy of Terror de Dan Curtis est manifeste. Le second épisode, « Crouch’s End », adapte une nouvelle conçue comme un hommage énamouré aux écrits de H.P. Lovecraft. Si le texte distille une épouvante efficace, son adaptation à l’écran fonctionne beaucoup moins bien. Mal rythmé, l’épisode s’achève par le surgissement d’une pieuvre en image de synthèse aussi peu crédible que les monstres des téléfilms produits par SyFy.

Le troisième épisode, « La dernière affaire d’Umney » de Rob Bowman, met en scène un détective tout droit sorti d’un polar rencontrant l’écrivain qui l’a imaginé. Cet opus nous propose une reconstitution impressionnante du Los Angeles de 1938 et offre à William H. Macy un double rôle savoureux. Mikael Salomon dirige le quatrième épisode, « Le Grand bazar », sur un scénario de Lawrence D. Cohen (Carrie, Ça). Un scientifique y invente un produit qui éradique la violence en même temps que l’intelligence chez ceux à qui il est administré. Le monologue du personnage principal provient principalement de la nouvelle, et le scénario intègre habilement la réalité des attentats du 11 septembre 2001 dans le récit, alors que ceux de la nouvelle étaient imaginaires. Réalisé par Sergio Momica-Gezzan, « Quand l’auto-virus met cap au nord » met en scène Tom Berenger dans le rôle d’un écrivain de romans d’épouvante harcelé par un tableau hanté qu’il a acheté dans un vide grenier. Le scénario de Peter Filardi ajoute quelques éléments intéressants absents du texte original, notamment la maladie qui frappe l’auteur. Le chauffeur fantôme/cannibale qui suit le même itinéraire que lui en constitue une habile métaphore.

Morts ou vifs ?

Le sixième épisode, « Quatuor à cinq », dirigé par Rob Bowman, s’écarte des territoires du fantastique pour construire un suspense efficace autour de la recherche des quatre parties déchirées d’un plan indiquant la cachette d’un butin. Mikael Salomon reprend les rênes pour l’épisode « Salle d’autopsie quatre ». Le corps d’un homme mordu par un serpent venimeux est emmené à la morgue pour une autopsie. Mais l’homme est toujours vivant et tente désespérément de le faire savoir à ceux qui l’entourent. On ne peut s’empêcher de penser à Je suis vivant ! d’Aldo Lado, avec lequel cette histoire courte présente de nombreux points communs. La nouvelle, racontée à la première personne, déploie un suspense très efficace, mais aussi une bonne dose d’ironie que l’on retrouve fidèlement dans l’adaptation, offrant à la trop rare Greta Scacchi le rôle du médecin chargé de l’autopsie. Dernier épisode de Rêves et cauchemars, « Un Groupe d’enfer » de Mike Robe commence comme Les Démons du maïs. Un couple en voiture se dispute et se perd dans un chemin de campagne jusqu’à se retrouver dans un village hanté par d’anciennes stars décédées du rock’n roll. Cet épisode cauchemardesque s’achève sur une image vertigineuse digne de La Quatrième dimension, qui reste l’une des sources d’inspiration majeures de Stephen King. Sans atteindre les sommets de l’anthologie horrifique que l’écrivain imagina pour Creepshow avec son complice George Romero, cette mini-série se déguste avec beaucoup de plaisir, grâce à ses scripts inventifs, ses réalisations solides et son casting de haut niveau.

 

© Gilles Penso


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REVENANTS (LES) (2012-2015)

Inspirée par le film du même titre, cette série raconte le retour à la vie de plusieurs hommes, femmes et enfants morts pourtant depuis des années…

LES REVENANTS

 

2012/2015 – FRANCE

 

Créée par Fabrice Gobert

 

Avec Anne Consigny, Clotilde Hesme, Frédéric Pierrot, Céline Sallette, Grégory Gadebois, Guillaume Gouix, Pierre Perrier, Yara Pilartz, Jean-François Sivadier

 

THEMA ZOMBIES

Le film Les Revenants, réalisé en 2004 par Robin Campillo, abordait sous un angle hyperréaliste – tant du point de vue social que psychologique – un postulat purement fantastique : le retour inexplicable à la vie de plusieurs millions de défunts qui réintégraient soudain notre monde et y cherchaient désespérément leur place. Fascinant à défaut d’être pleinement abouti, ce long-métrage possédait un potentiel qui méritait sans doute d’être exploité à nouveau. Le producteur Jimmy Desmarais y pense sérieusement quelques années après sa sortie, non sous la forme d’une suite cinématographique mais plutôt d’une déclinaison destinée aux petits écrans. La chaîne Canal + s’intéresse à cette idée et c’est ainsi que Les Revenants se transforme en série TV. Logiquement sollicité, Robin Campillo préfère passer son tour. « J’ai dit non parce que pour moi c’était passé, j’avais tourné la page, et je ne me voyais pas travailler avec d’autres scénaristes, d’être un peu le gardien du temple », explique-t-il. « A partir du moment où on accepte de céder ses droits, il faut laisser les gens absolument libres. Je pense que ça aurait été une perte de temps et ça aurait créé des quiproquos inutiles » (1). C’est donc le réalisateur Fabrice Gobert, dont le film Simon Werner a disparu a beaucoup fait parler de lui, qui hérite du bébé. Pour trouver la juste tonalité, Gobert cherche l’inspiration du côté de Morse, qui parvenait à intégrer un argument fantastique dans un contexte très réaliste, et de Twin Peaks, pour son jeu permanent avec l’inquiétante étrangeté.

L’une des premières idées de la série est d’aborder le phénomène à très grande échelle et de raconter, comme dans le film, la résurrection de millions d’êtres humains. Mais il devient vite clair qu’une approche restreinte et intimiste du phénomène sera plus appropriée à cette relecture des Revenants. L’intrigue se situe donc dans une petite ville française perchée dans les montagnes et longeant un lac artificiel qui s’adosse à un très grand barrage. Du jour au lendemain, sans explication, plusieurs trépassés réapparaissent en même temps, indemnes et bien vivants. Il s’agit de Camille, une gamine tuée dans un accident de bus quatre ans plus tôt ; de Simon, un jeune homme qui s’est suicidé il y a une décennie et qui cherche sa fiancée ; de Madame Costa, qui vient rendre visite à son époux comme si de rien n’était ; de Serge, un tueur en série assassiné par son propre frère ; ou encore de ce petit garçon muet qui s’attache soudain à une infirmière… Pourquoi sont-ils revenus ? Que faire d’eux désormais ? Doit-on les cacher ou les exposer au grand jour ?

D’entre les morts

La série de Fabrice Gobert ne se contente pas d’accommoder sur un format plus long le concept du film de Robin Campillo. Elle le prolonge, l’enrichit, l’approfondit tout en prenant ses distances avec son modèle pour affirmer sa propre identité. Le choix des décors contribue beaucoup à l’atmosphère insolite et mélancolique des Revenants : ces panoramas montagneux filmés à Annecy et dans ses environs, ce gigantesque barrage édifié à Tignes… C’est dans ce cadre très français et pourtant étrangement universel que se noue le drame à échelle humaine. La brochette de comédiens dirigée par Gobert nous fait croire à l’impensable avec beaucoup de conviction. Frédéric Pierrot et Anne Consigny en parents incrédules face au retour de leur enfant, Clotilde Hesme en fiancée endeuillée persuadée que son défunt bien-aimé revient la hanter, Céline Sallette en infirmière solitaire s’inventant un neveu revenu de l’au-delà, Guillaume Gouix en serial-killer revenu d’entre les morts, tous nous saisissent par leur justesse, dans un contexte où le réalisme n’est pourtant pas simple à convoquer. C’est justement cet équilibre délicat entre le fantastique et l’ordinaire qui permet aux Revenants de distiller son étrange parfum, s’affirmant comme une série d’exception dont la mise en forme extrêmement soignée (photographie, musique, mise en scène ciselée) force le respect. Les huit premiers épisodes laissent ouvertes beaucoup de portes que la seconde saison (diffusée trois ans plus tard) ne parviendra pas à exploiter correctement, l’intérêt des téléspectateurs s’étant entretemps émoussé. En 2015, Les Revenants donnera naissance The Returned, un remake américain n’ayant pas vraiment la même saveur.

 

(1) Extrait d’une interview réalisée pour le site Allociné en mars 2014.

 

© Gilles Penso


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PUSHING DAISIES (2007-2009)

Une série joyeusement colorée et surréaliste dans laquelle un jeune pâtissier a le pouvoir de ressusciter les morts…

PUSHING DAISIES

 

2007/2009 – USA

 

Créée par Bryan Fuller

 

Avec Lee Pace, Anna Friel, Chi McBride, Kristin Chenoweth, Ellen Greene, Swoosie Kurtz, Jim Dale, Field Cate, Sy Richardson, Sammi Hanratty, David Arquette

 

THEMA MORT

Bryan Fuller a toujours aimé les concepts télévisés surprenants. En 2003, il s’amusait avec un sujet délicat – la mort – pour élaborer l’une des séries les plus surprenantes de son époque, Dead Like Me. Dans la foulée, il imaginait Wonderfalls, dont l’héroïne était une jeune femme vendeuse de souvenirs capable de discuter avec des figurines d’animaux. Avec Pushing Daisies, il donne naissance à une comédie romantique fantastique sur fond de médecine légiste. Notre homme ne recule donc devant rien pour bousculer les habitudes des téléspectateurs. En réalité, l’idée de Pushing Daisies est née pendant la production de Dead Like Me. Pour un épisode particulier, Fuller envisageait que l’héroïne Georgia Lass, un ange de la mort incarné par Ellen Muth, ne puisse plus assurer sa mission de collecteuse d’âmes à cause d’un homme capable de ressusciter les défunts en les touchant. Mais cette proposition déplaît à la chaîne qui la refuse. Elle servira donc de point de départ à un autre show, Pushing Daisies, qui n’est pas un spin-off de Dead Like Me mais décline plusieurs de ses idées. Le rôle masculin principal est écrit avec Lee Pace en tête, l’acteur ayant déjà joué un rôle récurrent dans Wonderfalls, mais ses agents refusent. Convoqué à sa place, Adam Brody (Newport Beach) décline à son tour la proposition. Entretemps, Pace finit par lire le script du pilote et accepte. Un personnage comme ça, on n’en joue pas tous les jours.

Lee Pace incarne Ned, un jeune homme qui, dès son plus jeune âge, se découvre un pouvoir surnaturel : celui de ressusciter les morts. Enfant, il ramène ainsi à la vie sa mère qui vient de succomber à une rupture d’anévrisme. Mais le soir, lorsqu’il l’embrasse pour lui souhaiter bonne nuit, elle s’éteint définitivement. Un toucher pour ressusciter, un second pour renvoyer dans l’au-delà, voici les règles qui régissent l’étrange « don » de Ned. Et s’il maintient en vie les trépassés plus d’une minute, quelqu’un d’autre meurt aux alentours pour rétablir une sorte d’équilibre. Désormais adulte, Ned est devenu pâtissier et tient un restaurant appelé The Pie Hole dont les finances ne sont pas florissantes. Lorsque le détective privé Emerson Cod (Chi McBride) découvre par hasard ses pouvoirs, il lui fait une proposition : Ned ramènera temporairement les victimes de meurtres à la vie, ce qui permettra à Emerson de comprendre les circonstances de leur mort, de résoudre rapidement l’affaire et de partager avec lui l’argent de la récompense. Ce petit manège se complique le jour où Ned apprend que Chuck (Anna Friel), son amie d’enfance, a été assassinée. Il la ranime mais ne peut se résoudre à la laisser mourir définitivement. Tous deux retombent amoureux, prisonniers désormais d’une malédiction qui les empêche de se toucher…

Kitsch, surréalisme et poésie

La folle excentricité du concept de Pushing Daisies trouve son écho dans une mise en forme très singulière. Le surréalisme, la poésie, le kitsch assumé, les teintes ultra-saturées et la féerie sont en effet les lignes de conduites visuelles de la série, sous l’impulsion de Barry Sonnenfeld qui en réalise les premiers épisodes. « Ma mission était de donner vie à un livre illustré », explique le chef décorateur Michael Wylie. « Je me suis attaché à mettre en avant des motifs répétitifs de différentes couleurs, notamment les rouges et les oranges » (1). Les décors déclinent non seulement les teintes chaudes mais aussi les formes circulaires qu’on retrouve à toutes les échelles, avec une propension quasi-systématique à la symétrie. « Les producteurs nous ont demandé d’obtenir des images quelque part à mi-chemin entre Amélie Poulain et les films de Tim Burton », ajoute le directeur de la photographie Michael Weaver. « Ils voulaient quelque chose d’exagérément lumineux, plus grand que la vie » (2). Cette esthétique surprenante s’harmonise avec les personnages extravagants, les situations grotesques, les dialogues absurdes, les jeux de mots à double sens et les métaphores qui s’accumulent sans retenue comme les ingrédients d’un gâteau qui serait trop gros, trop sucré, trop coloré… mais finalement irrésistible. Pushing Daisies nous enivre dans ses excès et remporte un succès mérité. Mais la grève des scénaristes met à mal sa diffusion et pousse ABC à l’écourter. Frustré par cet arrêt prématuré, Bryan Fuller prolongera la série sous forme d’une bande dessinée distribuée lors des conventions de fans et mise en ligne sur le site officiel du show.

 

(1) Extrait d’une interview publiée dans « TV Guide » en octobre 2007.

(2) Extrait d’une interview publiée dans « Variety » en juin 2010.

 

© Gilles Penso


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ANDOR (2022)

La saga Star Wars nous montre sa face la plus sombre et la plus réaliste dans cette série qui précède les événements de Rogue One

ANDOR

 

2022 – USA

 

Créée par Tony Gilroy

 

Avec Diego Luna, Kyle Soller, Adria Arjona, Stellan Skarsgård, Fiona Shaw, Genevieve O’Reilly, Denige Gough, Faye Marsay, Varada Sethu, Andy Serkis

 

THEMA SPACE OPERA I SAGA STAR WARS

Dissipons tout de suite un doute : le Andor du titre de cette série Star Wars n’a rien à voir avec Endor, la planète des Ewoks qui fut le théâtre d’un affrontement homérique dans Le Retour du Jedi. La quasi-homonymie des deux mots est trompeuse. Car Andor est le nom de famille de Cassian, le héros incarné par Diego Luna qui jouait un rôle clé dans Rogue One et que nous retrouvons ici quelques années avant les événements décrits dans le film de Gareth Edwards. Contrairement aux séries précédentes dérivées de l’univers créé par George Lucas, l’imagerie habituelle n’est pas au rendez-vous. C’est une facette sombre et banalisée de la galaxie Star Wars que nous révèle Andor, loin des Jedi et des Siths. Les héros sont des ouvriers, des petits trafiquants, des traîne-misère. Tout le glamour habituellement rattaché à la saga semble s’être évaporé au profit d’ateliers poussiéreux, de chantiers insalubres, d’appartements minables, de bars louches et même de maisons closes. Quant à notre personnage principal, il prend dès le premier épisode les allures d’une petite frappe qui traîne dans les coins les plus louches de la galaxie et n’hésite pas à tuer de sang-froid ceux qui lui barrent la route.

Plusieurs flash-backs intercalés dans le cours de l’action nous permettent de comprendre qui est Cassian Andor. Jeune membre d’une tribu pacifique de la planète Kenary, il est le seul survivant d’un massacre perpétré par l’Empire. Sa mère adoptive, Maarva, l’élève comme son propre fils sur la planète Ferrix où elle a élu domicile en compagnie du droïde B2EMO, une machine vétuste et rouillée mais à la fidélité infaillible. Aujourd’hui, Cassian est un voleur peu scrupuleux qu’aucune ferveur n’anime et qu’aucun combat n’intéresse, en dehors de celui qui lui permet de survivre et de subsister au jour le jour. C’est à contre-cœur et bien malgré lui qu’il finit par rejoindre un groupe de rebelles organisés pour affaiblir l’inquiétante progression de l’Empire. Il vend simplement ses services et son savoir-faire comme un vulgaire mercenaire. Mais la tournure des événements va progressivement le pousser à prendre parti et à s’impliquer dans cette bataille aux enjeux politiques complexes.

L’armée des ombres

La série a ceci d’original qu’elle fait tomber de leur piédestal toutes les composantes de la saga imaginée par George Lucas pour les réexplorer sous un angle trivial. Plus qu’une assemblée de super-vilains casqués, l’Empire galactique est ici décrit comme une administration fasciste gangrénée par ses propres luttes de pouvoir et sa lourde bureaucratie. Les rebelles, de leur côté, n’ont pas l’allure de chevaliers sans peur et sans reproches mais de maquisards épars et désorganisés aux conditions de vie précaires chez qui règne souvent la discorde. Revisiter un monde qu’on croyait connaître sur le bout des doigts sous ce nouvel angle a quelque chose de fascinant, car à hauteur d’homme les notions de zèle, d’esprit de sacrifice, de manigances ou de courage prennent une dimension beaucoup plus palpable. Pour peu, nous oublierions que nous avons affaire à l’univers Star Wars. C’est dans la parfaite lignée de Rogue One que s’inscrit donc Andor. Ici, le « fan service » n’a pas droit de cité. À l’ambiance de western spaghetti déclinée dans The Mandalorian et Le Livre de Boba Fett, Andor préfère celle du thriller politique, du récit d’espionnage et du film de résistance. Servi par des effets visuels remarquables, une réalisation solide, des acteurs extrêmement convaincants et des scénarios bourrés d’audace, Andor est donc sans conteste l’une des déclinaisons les plus réussies et les plus surprenantes de cette bonne vieille Guerre des étoiles.

 

© Gilles Penso


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