GUERRE DES MONDES (LA) (2019)

Le roman classique de H.G. Wells se voit offrir une adaptation soignée qui – une fois n’est pas coutume – respecte son cadre historique original…

THE WAR OF THE WORLDS

 

2019 – USA

 

Réalisé par Craig Viveiros

 

Avec Eleanor Tomlinson, Rafe Spall, Rupert Graves, Robert Carlyle, Woody Norman, Jonathan Aris, Nicholas Le Prevost, Susan Wooldridge

 

THEMA EXTRA-TERRESTRES

Production britannique conçue pour la chaîne BBC, La Guerre des mondes est une des nombreuses adaptations du roman éponyme de H.G. Wells, indiscutable précurseur de la science-fiction contemporaine. Il s’agit ici d’une mini-série créée et écrite par Peter Harness (connu principalement pour avoir écrit des épisodes de séries comme Docteur Who, Jackson Brodie détective privé et McMafia) qui s’inspire beaucoup plus de l’œuvre originale que d’autres versions, cherchant même à en retrouver le contexte historique. L’intrigue se situe donc dans l’Angleterre de 1905, à l’époque du roi Édouard VII. George, journaliste londonien, a quitté sa femme et tente de commencer une nouvelle vie commune avec Amy. Mais son tranquille quotidien est interrompu par l’apparition de plusieurs météorites qui s’écrasent à proximité du village d’Orcel. Accompagnés de leur voisin expert en astronomie, George et Amy se rendent sur le site de l’impact, bientôt suivis par les forces de l’ordre. Or les météorites sont en réalité des sphères extraterrestres venant de Mars. Bientôt, des tripodes géants sortent de terre en détruisant tout sur leur passage, tuant les humains et crachant une fumée noire dévastatrice. L’invasion martienne a commencé…

Contrairement à ce que les téléspectateurs pourraient imaginer, cette Guerre des mondes n’offre pas un florilège de scènes d’action et de rebondissements à foison comme Hollywood sait si bien le faire (et comme ce fut le cas pour le long-métrage de Steven Spielberg). Cette version s’intéresse surtout aux protagonistes, à leurs réactions face aux évènements malheureux qui s’abattent sur la population et aux connotations philosophiques d’un tel cataclysme sur la société… Subdivisée en seulement trois épisodes d’une quarantaine de minutes, cette mini-série se frottait à un gros challenge : celui de faire naître notre intérêt pour chaque personnage en si peu de temps. Il n’était pas simple de les rendre rapidement attachants pour nous confronter à leurs sentiments, leurs émotions et leurs destinées… Eh bien, challenge réussi ! La définition des personnages est suffisamment fouillée pour que chacun se soucie rapidement de leurs mésaventures. Revers de la médaille : ce travail de caractérisation se fait parfois au détriment de l’action qui peine souvent à pointer le bout de son nez. C’est un choix délibéré de la part du réalisateur/scénariste Craig Viveiros qui plaira ou non aux spectateurs.

Mars attaque !

La qualité d’écriture des personnages s’accompagne d’une belle brochette de guest-stars comme comme Eleanor Tomlinson (The Nevers), Rafe Spall (Jurassic World : Fallen Kingdom), Rupert Graves (V pour Vendetta), Nicholas Le Prevost (Affaires non classées), Harry Melling (Harry Potter et l’Ordre du Phénix), Jonathan Aris (Churchill) ou encore Robert Carlyle (28 semaines plus tard). Tous défendent avec talent les êtres qu’ils incarnent, pauvres humains soumis à une menace extra-terrestre qui semble invincible. Carlyle est bien sûr excellent, comme toujours, mais aucune des autres prestations ne démérite. Et même si la mise en scène reste volontairement à échelle humaine, la qualité des effets visuels reste excellente et quelques passages très impressionnants parsèment ces trois épisodes. Bref, malgré un format court et quelques faiblesses scénaristiques, La Guerre des mondes est une mini-série passionnante qui rend un bel hommage à l’œuvre de H.G. Wells. Par un étrange hasard des calendriers, une autre série titrée La Guerre des mondes est sorti quasi-simultanément sur les petits écrans, une co-production franco-américano-anglaise créée par Howard Overman.

 

© Grégory

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CHUCKY (2021-2023)

Après sept longs-métrages et un remake, la poupée tueuse devient la star d’une série TV orchestrée par son créateur Don Mancini…

CHUCKY

 

2021/2023 – USA

 

Créée par Don Mancini

 

Avec Zackary Arthur, Björgvin Arnason, Alyvia Alyn Lind, Teo Briones, Brad Dourif, Devon Sawa, Jennifer Tilly, Fiona Dourif, Alex Vincent, Christine Elise

 

THEMA JOUETS I SAGA CHUCKY

Chucky is back… et ça va saigner ! Don Mancini retrouve sa poupée fétiche qu’il adapte cette fois-ci au format télévisé. Après s’être occupé de la mise en scène de trois opus de la saga (Le Fils de Chucky, La Malédiction de Chucky et Le Retour de Chucky), Mr Mancini se décide donc à continuer sa franchise sur les petits écrans. Ses motivations sont principalement liées au remake de 2017, réalisé par Lars Klevberg, pour lequel il n’avait pas été convié à la fête. Cette relecture, titrée Child’s Play : la poupée du mal chez nous, avait déçu de nombreux fans, à cause de ses idées mal exploitées et de son fan service à foison. Profitant d’être encore propriétaire des droits du personnage, Mancini réactive donc la poupée diabolique pour huit épisodes qui constituent la première saison de Chucky, reconduite ensuite par la chaîne SyFy. L’histoire se situe à Hackensack, une ville du New Jersey. Jake Wheeler, un adolescent de 14 ans, achète une poupée « Brave Gars » dans un vide-grenier pour l’utiliser dans son projet d’art contemporain pendant la saison d’Halloween. Il ne tarde pas à découvrir que la poupée est possédée par l’âme du tueur en série Charles Lee Ray, connu sous le nom de Chucky. Bientôt, une série de meurtres choquants ensanglante la ville et Jake devient rapidement le suspect numéro un…

Dès le départ, les téléspectateurs sont amenés à se poser tout un tas de questions. La plus lancinante d’entre elle est liée à la continuité avec les autres opus de la saga. Les événements de la série prennent-ils la suite de ceux décrits dans les sept longs-métrages précédents ou s’agit-il d’une toute autre histoire ? Fort heureusement, les fans de Chucky s’aperçoivent rapidement qu’il s’agit bel et bien d’une suite (située quatre ans après Le Retour de Chucky), ce que confirment les retrouvailles avec certains personnages de la saga. Il est d’ailleurs vivement conseillé de (re)visionner les films précédents (en particulier La Malédiction de Chucky et Le Retour de Chucky) pour ne pas perdre le fil de l’intrigue. Malgré quelques facilités scénaristiques et plusieurs longueurs, la série ne déçoit pas. Les rebondissements ne manquent pas, les meurtres sanglants abondent, les effets spéciaux et les animatroniques sont saisissants et les personnages plutôt bien écrits. À l’avenant, la mise en scène se révèle efficace et la photographie soignée.

Visages familiers et nouveaux venus

Côté casting, nous avons tout d’abord en guise de nouvelles têtes les acteurs Zackary Arthur (La Cinquième vague), Bjorgvin Arnarson (Possédés : L’exorcisme), Alyvia Alyn Lind (Daybreak), Teo Briones (Wind River), Devon Sawa (Destination finale), Barbara Alyn Woods (la série Chérie j’ai rétréci les gosses) et Lexa Doig (Continuum). Du côté des visages familiers de la franchise, nous retrouvons Fiona Dourif (associée à la vilaine poupée depuis La Malédiction de Chucky), Christine Elise (à l’affiche de Chucky la poupée de sang), Alex Vincent (le héros du tout premier Jeu d’enfant), Jennifer Tilly (figure récurrente de la saga depuis La Fiancée de Chucky) et bien sûr, pour ceux qui regarderont la série en version originale, l’incontournable voix de Brad Dourif qui interprète inlassablement Chucky depuis la fin des années 80 (sauf dans le remake où il est remplacé par Mark Hamill). En résumé, cette déclinaison de Chucky est une belle réussite, bénéficiant de scénarios solides, d’une mise en forme appliquée, de personnages intéressants, d’épisodes bien menés et d’un lot généreux de belles surprises.

 

© Julien

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DEAD SET (2008)

Le futur créateur de Black Mirror raconte une invasion de zombies sur le plateau d’une émission de télé-réalité…

DEAD SET

 

2008 – GB

 

Créée par Charlie Brooker

 

Avec Jaime Winstone, Andy Nyman, Riz Ahmed, Chizzy Akudolu, Liz May Brice, Warren Brown, Shelley Conn, Beth Cordingly, Adam Deacon, Kevin Eldon

 

THEMA ZOMBIES

Lancée au Pays-Bas en 1999, l’émission de télé-réalité « Big Brother » franchit rapidement toutes les barrières pour connaître sa propre version dans un grand nombre de pays (y compris en France, sous le titre « Loft Story »). Le Royaume-Uni n’échappe pas à cette invasion de ce que de nombreux critiques ont taxé de « télé-poubelle » à cause du caractère racoleur et vide de sens d’un tel programme. Le principe consiste en effet à enfermer un groupe de candidats dans un décor de maison ou d’appartement, à le filmer sous toutes les coutures grâce à une infinité de caméras installées sur place et à proposer aux spectateurs d’observer ce qui se passe en direct – autrement dit pas grand-chose. Alors que l’émission bat son plein en Angleterre, le scénariste Charlie Brooker décide de détourner le concept pour y installer une intrigue de film d’horreur. L’idée lui vient en 2004, alors qu’il visionne la série 24 heures chrono avec Kiefer Sutherland. Malgré le caractère extrêmement palpitant de ce show, Brooker trouve les grands méchants – des terroristes de tous horizons – un peu caricaturaux et se demande ce que donneraient les scénarios s’ils étaient remplacés par des zombies. Cette supposition absurde en entraîne une autre : pourquoi ne pas raconter une invasion de morts-vivants pendant le tournage d’une émission de télé-réalité telle que « Big Brother » ? Ainsi naît la mini-série Dead Set.

Charlie Brooker écrit la première version du scénario en 2005, alors que « Big Brother » en est à sa sixième saison en Angleterre. En toute logique, il s’inspire de plusieurs véritables candidats du jeu pour brosser le portrait de ses personnages. Ses sources d’inspirations sont les classiques du genre, notamment La Nuit des morts-vivants, Zombie, Le Jour des morts-vivants, L’Enfer des zombies, 28 jours plus tard, mais aussi des œuvrettes plus anecdotiques comme Virus cannibale et Le Massacre des morts-vivants. Pour autant, le scénariste ne cherche pas à créer un patchwork d’influences post-modernes mais plutôt à aller au bout de son concept. Nous sommes donc dans les coulisses d’une émission de télé-réalité. Une épidémie qui transforme la population en zombies avides de chair humaine sème la panique partout à l’extérieur. Confinés sur le plateau ou enfermés dans la régie, les candidats et les membres de l’équipe de production tentent de rester à l’abri, mais bientôt les monstres se propagent à l’intérieur…

Gore Story

Diffusés pendant cinq nuits consécutives sur la chaîne E4, les cinq épisodes de Dead Set font forte impression aux téléspectateurs qui se retrouvent en terrain connu. La huitième saison de « Big Brother » vient en effet à peine de s’achever en Angleterre, la série de Brooker s’amusant de fait à susciter un troublant effet-miroir balayant les frontières entre la fiction et la réalité. Comme en outre le réalisateur Yann Demange s’amuse à détourner les codes des programmes de télé-réalité (décors, prises de vues, éclairages, montage), les péripéties pourtant rocambolesques de Dead Set sonnent juste. Le groupe Endemol, qui produit à la fois « Big Brother » et Dead Set, montre là un sens de l’auto-dérision que nous ne lui connaissions pas, l’animatrice télé Davina McCall se prêtant elle-même au jeu en se transformant très tôt en morte-vivante déchaînée. Mêlant l’humour, le gore décomplexé et le suspense, la série joue d’ailleurs sur les mêmes mécanismes que le jeu dont elle se veut la satire, nous poussant à nous demander qui va survivre et qui sera éliminé au fil de ces cinq épisodes extrêmement récréatifs. Brooker reviendra à la charge quelques années plus tard avec une autre série conceptuelle : Black Mirror. Quant à Dead Set, elle connaîtra un remake brésilien en 2020 sous le titre de Reality Z.

 

© Gilles Penso


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X-OR (1982-1983)

Le premier « metal hero » japonais ayant débarqué en France est un shérif de l’espace aux exploits distrayants… mais très répétitifs !

UCHÛ KEIJI GYABAN

 

1982/1983 – JAPON

 

Créée par Saburō Yatsude

 

Avec Kenji Ōba, Toshiaki Nishizawa, Wakiki Kano, Sonny Chiba, Masayuki Suzuki, Michiro Ida, Ken Nishida, Aiko Tachibana, Noboru Mitani

 

THEMA SUPER-HÉROS 

Au Japon, les « metal heroes » sont des institutions. Sortes de versions nippones d’Iron Man, ces super-justiciers moitié hommes moitié robots ont débarqué sur les petits écrans dans les années 70, mais X-Or est sans conteste celui qui a définitivement popularisé le genre à travers le monde. Produite par la Toei Company, créée par Saburō Yatsude et développée par Shozo Uehara (deux vétérans des programmes télévisés de science-fiction), cette série met en scène un super-héros incarné dans le civil par Kenji Ōba et sous son armure étincelante par Hiroshi Watari. Les grands méchants de X-Or sont les C-Rex, une race de créatures belliqueuses qui veulent dominer toutes les galaxies. Pour les empêcher de conquérir la Terre, le shérif intergalactique Bolzar, venu d’Etolia, s’établit sur notre planète, prend femme et donne naissance à Gordan, un brave garçon qui grandit vite puis travaille à l’âge adulte dans un centre équestre pour passer inaperçu. Mais dès que la menace des vils C-Rex se fait sentir, Gordan se transforme en X-Or (Gyaban dans la version originale), un super-héros revêtu d’un scaphandre robotique et équipé d’un arsenal high-tech (le rayon laséro-Z, le plutonolaser, le visualoscope, l’écran cybero-magnétique, la laséro-lame, tout un programme !). En digne héritier de son père, X-Or s’efforce donc de faire régner la paix d’épisode en épisode à grands coups de tatane et de rayons laser.

Débarqué en France après que les jeunes téléspectateurs aient découvert San Ku Kaï et Spectreman, X-Or fait son petit effet malgré une mise en forme très sommaire. Car si les exploits du shérif de l’espace sont excitants sur le papier, ils sombrent rapidement dans le ridicule à l’écran. Les monstres qu’affronte notre super-justicier sont aussi caoutchouteux et grotesques que leurs homologues de Spectreman ou Ultraman et les armes sophistiquées de X-Or – notamment son vaisseau de combat qui plane au-dessus de la Terre et se transforme en dragon mécanique – ressemblent à ce qu’elles sont, c’est-à-dire des jouets en plastique. Ce qui n’empêchera pas le jeune public du monde entier de vouer un culte à la série et justement de se ruer dans les magasins de jouets pour en acheter les produits dérivés. Mais c’est surtout l’extrême simplicité des scénarios et leur caractère répétitif qui frappe chez X-Or, à tel point que chaque épisode ressemble comme deux gouttes d’eau au précédent et au suivant, respectant scrupuleusement la même mécanique.

« Transmutation ! »

Tout commence par un plan diabolique fomenté par les C-Rex pour conquérir la Terre. Au volant de sa jeep rouge décapotable, Gordan mène l’enquête, puis se transforme en X-Or selon un rituel immuable. Il crie donc « transmutation ! », se livre à une jolie petite chorégraphie (que nous revoyons au ralenti pour bien en mesurer la délicieuse harmonie), revêt sa belle armure, mène un premier combat contre un monstre en latex, puis se transporte avec lui dans un monde parallèle où il finit par le vaincre en le découpant en deux dans le sens de la hauteur avec son sabre laser. 44 épisodes et un seul scénario, il fallait oser ! Suivant le même parti pris que San Ku Kaï et Spectreman, la bande originale japonaise est remplacée par une toute nouvelle musique lors des diffusions françaises, avec bien sûr une chanson électro-disco en guise de générique dont l’auteur n’est autre qu’Antoine de Caunes. Aujourd’hui encore, l’exquise poésie des paroles nous laisse rêveurs : « X-Or, le shérif, shérif de l’espace, X-Or, son domaine, c’est notre galaxie ! X-Or, sur la terre, il est comme toi et moi, X-Or, dans le ciel, c’est lui qui fait la loi, X-Or, ne crains rien, il nous protègera ! » Grâce à son succès (improbable, il faut bien l’avouer), X-Or donnera naissance à deux autres séries : Sharivan et Capitaine Sheider.

 

© Gilles Penso


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X-FILES : AUX FRONTIÈRES DU RÉEL (1993-2002)

Grâce à cette série culte de Chris Carter, nous savons désormais que nous ne sommes pas seuls dans l’univers et que la vérité est ailleurs…

THE X-FILES

 

1993/2002 – USA

 

Créée par Chris Carter

 

Avec David Duchovny, Gillian Anderson, Mitch Pileggi, William B. Davis, Nicholas Lea, Jeffrey Spender, James Pickens Jr., Robert Patrick, Annabeth Gish

 

THEMA EXTRA-TERRESTRES I POUVOIRS PARANORMAUX

Chris Carter fait ses débuts à la télévision avec des séries familiales pleines de bons sentiments comme Rags to Riches, Le Monde merveilleux de Disney ou A Brand New Life. Au début des années 90, il décide de changer de registre pour écrire un programme plus proche de sa sensibilité. Deux idées se téléscopent dans sa tête : le souvenir de la série Dossiers brûlants, dans laquelle le reporter Carl Kolchak enquêtait sur toutes sortes de phénomènes paranormaux, et la lecture d’un rapport indiquant que 3,7 millions d’Américains pensent avoir été enlevés par des extra-terrestres. Pourquoi ne pas consacrer une série à des héros se confrontant au mystère des ovnis et à des faits divers inexpliqués ? Pour trouver la bonne tonalité, Chris Carter pense à La Quatrième dimension et à Twin Peaks, qui resteront deux de ses références majeures pendant l’écriture du pilote. Quant au métier des héros, il s’inspire du Silence des agneaux. Les protagonistes de X-Files seront donc des agents du FBI. « Mulder et Scully sont sortis tout droit de ma tête », raconte-t-il. « Ils représentent une dichotomie, d’un côté mon scepticisme et de l’autre ma foi. Comme beaucoup de gens, je veux vivre l’expérience d’être témoin d’un phénomène paranormal. En même temps, je ne peux pas l’accepter sans le remettre en question. Je pense que ces personnages sont nés de cette dualité. » (1)

La série s’intéresse donc à l’agent fédéral Fox Mulder (David Duchovny), spécialisé dans les affaires non résolues impliquant des phénomènes paranormaux (les fameux « X-Files »), et à son homologue Dana Scully (Gillian Anderson), chargée officiellement de l’épauler (et officieusement de s’assurer que notre homme garde la tête froide pendant ses investigations). Au fil de leurs enquêtes, ils semblent mettre à jour une gigantesque conspiration qui serait liée à une entente secrète entre le gouvernement américain et des entités extra-terrestres, sans doute depuis l’incident survenu à Roswell en 1947. Mais chaque fois qu’ils avancent dans leur collecte d’indices, de nouvelles zones d’ombre apparaissent. Une grande partie des intrigues de X-Files s’intéressent donc à ce fil rouge qui revient régulièrement d’un épisode à l’autre et qui constitue la partie feuilletonante (et terriblement addictive) de la série. Les autres histoires sont des cas isolés qui fonctionnent plutôt sur le principe du « monstre de la semaine » popularisé par Au-delà du réel. Mulder et Scully enquêtent donc sur des individus aux pouvoirs paranormaux ou aux perceptions extra-sensorielles, des créatures inconnues, des mutants ou des animaux qu’on croyait disparus depuis des millénaires… Au-delà du caractère palpitant de la grande majorité des épisodes (s’achevant quasiment tous sur un point d’interrogation, preuve que l’inexpliqué semble bien destiné à rester inexplicable), la série s’appuie sur le charisme de ses deux interprètes principaux, parfaits dans les rôles complémentaires du passionné ouvert à toutes les croyances et de la sceptique à l’esprit plus ouvert qu’on ne le pense.

Le vrai croyant et la fausse sceptique

C’est principalement sur la dynamique du couple Mulder et Scully que repose X-Files et sur la complexité de leurs relations. Le premier est volontiers adepte de la théorie du complot mais conserve chaque fois que possible une objectivité nécessaire à ses activités d’enquêteur. La seconde ne croit que ce qu’elle voit mais se heurte bien souvent à des phénomènes altérant son cartésianisme. D’autre part, si la tension amoureuse est palpable dès le premier épisode, Chris Carter se garde bien de les laisser franchir le pas, conformément à la relation platonique qui fonctionne si bien entre John Steed et Emma Peel dans Chapeau melon et bottes de cuir. Sans doute X-Files aurait dû s’arrêter en fin de cinquième saison, car à partir de là la qualité des épisodes commence doucement à décliner. Le grand château de carte bâti par Chris Carter s’effondre : finalement, trop de mystère tue le mystère. Les choses se gâtent encore lorsque David Duchovny quitte la série, remplacé provisoirement par Robert Patrick (le T-1000 de Terminator 2). Quoiqu’il en soit, X-Files demeure un phénomène planétaire incomparable ayant largement dépassé le cadre du petit écran pour s’imposer dans la culture populaire, déclinant sous toutes ses formes les mantras paranoïaques de Fox Mulder (« I Want to Believe », « La Vérité est ailleurs », « Trust No One »…). La série donnera naissance à deux longs-métrages, un spin-off (The Lone Gunmen) et deux mini-saisons tardives (six épisodes en 2016 et dix épisodes en 2018) pour tenter de raviver la flamme de ce choc télévisuel sans précédent.

 

(1) Extrait d’une interview publiée dans le magazine « Omni » en décembre 1994.

 

© Gilles Penso


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WONDER WOMAN (1975-1979)

Après plusieurs faux départs, la plus célèbre des super-héroïnes a enfin droit à sa série sous les traits avenants de Lynda Carter…

WONDER WOMAN

 

1975/1979 – USA

 

Créée par Stanley Ralph Ross

 

Avec Lynda Carter, Lyle Waggoner, Beatrice Colen, Richard Eastham, Debra Winger, Norman Burton, Saundra Sharp

 

THEMA SUPER-HÉROS I SAGA DC COMICS

Alors que ses homologues masculins de chez DC Comics n’ont eu aucun mal à passer du papier à l’écran, Wonder Woman n’a pas eu la même chance. De nombreux faux départs ont entravé la bonne marche de son succès auprès des (télé)spectateurs. Née sous la plume de William Moulton en octobre 1941, la super-amazone ne tente une percée « live » qu’en 1967, dans l’espoir de surfer sur la popularité de la série Batman. Un pilote titré Who’s Afraid of Diana Prince ? est donc envisagé à l’initiative du producteur William Dozier, sur une tonalité pop et comique. Quelques minutes sont tournées avec Ellie Wood Walker dans le rôle de Diana Prince et Linda Harrison (la Nova de La Planète des singes) dans celui de son alter-égo Wonder Woman, mais ce test ne convainc personne et le projet est abandonné. La super-héroïne tente une nouvelle apparition live dans un autre pilote réalisé en 1974 par Vincent McEveety. Cette fois-ci, la blonde Cathy Lee Crosby campe les deux facettes du personnage, dans une version très éloignée de la bande dessinée originale (tant du point de vue du look de la justicière que de ses pouvoirs). La chaîne ABC diffuse ce téléfilm mais ne donne pas suite. Un an plus tard, un nouveau pilote est initié avec Lynda Carter – Miss World USA en 1972 – dans le rôle principal. Jamais deux sans trois, dit-on. Cette fois-ci, c’est la bonne. Wonder Woman peut enfin crever l’écran !

La série Wonder Woman tient à respecter le matériau d’origine tout en conservant un caractère léger et acidulé motivé par le succès de Batman. L’intrigue se situe donc en 1942, pendant la Seconde Guerre mondiale. Accusé à tort de trahison, le major Steve Trevor (Lyle Waggoner) est secouru par Diana (Lynda Carter), fille de la reine des Amazones. Après ce sauvetage, Diana prend l’identité secrète de Diana Prince et se met au service de Trevor, ce qui lui permet d’être aux premières loges pour détecter les menaces des forces de l’Axe. Dès que le danger survient, elle se transforme en Wonder Woman, une super-héroïne dotée d’une force considérable, de bracelets pare-balle, d’un lasso plus efficace que n’importe quel sérum de vérité et d’un très joli avion invisible (en réalité en plastique transparent, donc involontairement risible) qui lui permet de voyager et parfois de regagner son île paradisiaque natale. Le succès de la série est immédiat, mais ABC s’inquiète du coût de chaque épisode et refile le bébé à la chaîne CBS. La seconde et la troisième saison marquent donc une rupture, dans la mesure où désormais les aventures ne se situent plus dans les années 40 mais à la fin des années 70, ce qui permet d’éviter de coûteuses reconstitutions d’époque. Le charme opère toujours, mais avec moins d’intensité qu’en début de série. Toujours est-il que les téléspectateurs restent aux anges. Les enfants adorent cette super-héroïne qui affronte seule mille dangers, les petites filles rêvent d’être comme elle et les hommes de tous âges s’extasient devant les formes généreuses de cette actrice aux allures de déesse.

Joyeusement kitsch

Au-delà du charme ravageur de Lynda Carter (qui restera pour toujours associée au personnage de Wonder Woman, même lorsque Gal Gadot lui succèdera avec panache au cinéma), la série comporte de nombreux gimmicks qui sont entrés dans la légende et ont concouru à alimenter son culte. Il y a d’abord cette chanson disco pleine d’énergie, écrite par Charles Fow et Norman Gimbel et interprétée avec fougue par John Bahler. Tout le monde se souvient aussi de ce générique en dessin animé reprenant les codes visuels des BD des années 70 jusqu’à ce que les personnages dessinés se transforment en acteurs en chair et en os. Et comment oublier ces mythiques séquences de métamorphoses dans lesquelles Diana Prince retire ses lunettes, tourne sur elle-même au ralenti et, après une brève explosion, devient la pimpante amazone aux couleurs du drapeau américain, rajustant son diadème avant d’aller en découdre avec l’ennemi ? Si les vilains de la première saison sont principalement des nazis et ceux des saisons suivantes des gangsters modernes, la série s’autorise aussi quelques exubérances avec des extra-terrestres, des savants fous et même un gorille géant ! Joyeusement kitsch, délicieusement surannée, Wonder Woman fait toujours son petit effet plusieurs décennies plus tard. Seul véritable regret : que Lynda Carter n’ait pas croisé Christopher Reeve dans un crossover post-Superman qui aurait pu faire des étincelles.

 

© Gilles Penso


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VOYAGE AU FOND DES MERS (1964-1968)

Un sous-marin atomique explore les fonds marins et y découvre toutes sortes de menaces bizarres et de créatures improbables…

VOYAGE TO THE BOTTOM OF THE SEA

 

1964/1968 – USA

 

Créée par Irwin Allen

 

Avec Richard Basehart, David Hedison, Robert Dowdell, Richard Bull, Henry Kulky, Terru Becker, Del Monrore, Paul Trinka, Arch Whiting, Ralph Garrett

 

THEMA MONSTRES MARINS

Le producteur/réalisateur Irwin Allen a de la suite dans les idées. Après avoir mis en chantier Le Sous-marin de l’apocalypse, il se dit que les sommes importantes nécessitées par ce long-métrage mêlant la politique-fiction, le genre catastrophe et la science-fiction pourraient être amorties dans une série télévisée. D’où la naissance de Voyage au fond des mers qui se veut le prolongement logique du film. En version originale, la version cinéma et le show télévisé portent d’ailleurs le même titre : Voyage to the Bottom of the Sea. À l’exception de Del Monroe, qui incarne quasiment le même matelot sur le grand et le petit écran (avec une petite variante sur son nom, Kowski ici, Kowalski là), l’ensemble du casting change. Si l’amiral Harriman Nelson et le capitaine Lee Crane sont toujours présents, leurs interprètes originaux Walter Pidgeon et Robert Sterling cèdent ici le pas à Richard Basehart (qui côtoyait déjà les fonds marins dans Moby Dick) et David Hedison (qu’Irwin Allen dirigeait en 1960 dans Le Monde perdu). Pour faire des économies, Allen réutilise tout ce qu’il peut : des costumes, des accessoires, des éléments de décor et surtout de nombreux effets spéciaux du Sous-marin de l’apocalypse, notamment les séquences tournées en miniature dans lesquelles le submersible surgit au milieu des

En toute logique, Voyage au fond des mers reprend le concept du long-métrage qui l’inspire. Nous voilà donc à bord du sous-marin Neptune (ou Seaview pour les anglophones), un précieux engin expérimental de recherche océanographique dont le look a été légèrement modifié par rapport au film. Son équipement dernier cri comprend une petite soucoupe aquatique, des bathyscaphes, une cloche de plongée mais aussi des lance-missiles et des lance-torpilles. Car si le Neptune n’a pas vocation d’être utilisé pour des missions militaires, on n’est jamais trop prudent. En effet, l’exploration des fonds marins et la quête des mystères de la mer révèlent souvent des menaces contre lesquelles il convient d’être solidement armé. La série étant futuriste (nous sommes dans les années 70 puis 80, soit quelques décennies après son entrée en production) et le contexte étant celui de la guerre froide, l’ennemi a bien souvent des allures communistes, même si les scénarios prennent garde de ne pas les nommer comme tels.

Abysses bis

Pendant les deux premières saisons de Voyage au fond des mers, les intrigues s’efforcent de conserver une certaine « crédibilité », favorisant les sujets autour des dangers du nucléaire, des problèmes environnementaux ou de la prévention contre l’espionnage international. Mais les dirigeants de la chaîne ABC s’inquiètent de cette tonalité trop sérieuse et réclament plus de divertissement. Irwin Allen n’y va alors pas avec le dos de la cuiller. Bientôt, l’amiral Nelson et son équipage croisent les créatures aquatiques les plus improbables de tous les temps : des extra-terrestres, des monstres marins, des dinosaures, des momies, des loups-garous, des lutins maléfiques, des hommes-crustacés, des torches humaines, des fossiles vivants… Les amateurs de bébêtes en caoutchouc sont alors aux anges, s’impatientant d’un épisode à l’autre de découvrir à chaque fois le look toujours plus invraisemblable du « monstre de la semaine ». Régulièrement secoués lors des batailles par des vibrations qui les font trembler à l’intérieur du Neptune, les héros s’agitent en tous sens dans un décor qu’on devine parfaitement immobile, ce qui provoque quelques éclats de rire involontaires de la part des téléspectateurs (cet effet de mise en scène naïf sera repris tel quel dans Star Trek, dont Voyage au fond des mers constitue une sorte de précurseur marin). Malgré – ou justement grâce à – ces incursions souvent absurdes ou grotesques dans une science-fiction exubérante, la série d’Allen a su conquérir le cœur des téléspectateurs du monde entier, poussant son créateur à en produire plusieurs autres : Perdus dans l’espace, Au cœur du temps et Au pays des géants.

 

© Gilles Penso


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V (1983-1985)

De sympathiques visiteurs extra-terrestres débarquent sur Terre pour partager leur savoir… Sympathiques ? Vraiment ?

V

 

1983/1985 – USA

 

Créée par Kenneth Johnson

 

Avec Marc Singer, Jane Badler, Faye Grant, Blair Tefkin, Robert Englund, Richard Herd, Bonnie Bartlett, Diane Cary, Richard Lawson, Michael Ironside

 

THEMA EXTRA-TERRESTRES

Depuis qu’il a déplacé massivement les foules devant leurs postes de télévision en créant tour à tour L’Homme qui valait trois milliards, Super Jaimie et L’Incroyable Hulk, Kenneth Johnson est un homme respecté par toutes les chaînes américaines. Pour autant, il a beaucoup de mal à convaincre NBC de se lancer dans la série TV Storm Warning qu’il a en tête. Le concept, inspiré par le roman « Impossible ici » de Sinclair Lewis (publié en 1935), consiste à raconter la montée progressive d’un régime fasciste aux États-Unis jusqu’à l’instauration d’une dictature. Jugé trop anxiogène et pas assez distrayant pour le public américain, le projet est gentiment écarté de la main. Mais Johnson est un malin. Lorsqu’il revient à la charge, c’est avec ce qui semble être une toute autre idée : des extra-terrestres, des vaisseaux spatiaux, des rayons laser, des hommes-lézards, le tout sous l’influence évidente de Star Wars. Cette fois-ci, la chaîne accepte avec enthousiasme. Pourtant, le concept de V est exactement le même que celui de Storm Warning, si ce n’est que les fascistes américains ont été remplacés par des aliens. Véritable « cheval de Troie », la mini-série (constituée de deux épisodes de 100 minutes chacun) cache donc sous ses allures de show de science-fiction une réflexion implacable sur la montée du nazisme. Ce sera, sans conteste, le chef d’œuvre de Kenneth Johnson.

Au cours d’un prologue qui a inspiré de toute évidence celui d’Independence Day, cinquante gigantesques soucoupes volantes surgissent du jour au lendemain au-dessus des grandes villes de notre planète. Les occupants de ces vaisseaux ressemblent à des humains, si ce n’est qu’ils portent des lunettes spéciales pour protéger leurs yeux et que leur voix a une résonance particulière. Ces aliens aux intentions pacifiques cherchent l’aide des humains pour obtenir des produits chimiques et des minéraux afin d’aider leur planète. En échange, ils promettent de partager leur technologie avancée avec l’humanité. Les gouvernements de la Terre acceptent l’arrangement et les Visiteurs, commandés par leur chef John (Richard Herd) et son adjointe Diana (Jane Badler), commencent à acquérir une influence considérable sur les autorités humaines. Ils sont désormais partout, occupent les médias, séduisent le grand public, apparaissent sur des campagnes d’affiches publicitaires, enrôlent la jeunesse terrienne dans leurs programmes de formation… Bientôt, la communauté scientifique commence à s’interroger sur la véritable nature de ces voisins d’outre-espace. Mais c’est un journaliste de terrain, Mike Donovan (Marc Singer), qui finit par percer leur terrible secret.

Nous venons en paix

Kenneth Johnson ne cherche jamais à cacher la parabole qui sous-tend le scénario de V. Les Visiteurs portent un uniforme dont l’emblème reprend la forme de la croix gammée, leurs armes sont des variantes futuristes de Luger allemands, le mouvement des « amis des Visiteurs » s’inspire des jeunesses hitlériennes… L’utilisation habile de la propagande, l’incitation à la collaboration et à la délation, la formation de mouvements de résistance, tout dans la série se veut un reflet de ce que fut l’Europe occupée pendant la seconde guerre mondiale, avec en filigrane la question fatidique : et si ça recommençait ? Le V du titre désigne alors non seulement les Visiteurs mais aussi le V de la victoire qui sert de signe de ralliement aux nouveaux maquisards. Le jeu du miroir déformant est d’autant plus efficace que V déploie par ailleurs une mise en forme très récréative assumant pleinement sa nature de récit de science-fiction. D’où l’emploi d’effets visuels très ambitieux pour montrer les soucoupes géantes et les vaisseaux de chasse, ainsi que des maquillages spéciaux spectaculaires lorsque le visage des Visiteurs révèle leur véritable morphologie de reptiles extra-terrestres. Après la première mini-série V et sa suite V : la bataille finale (trois épisodes de 90 minutes), l’histoire aurait dû s’arrêter là, laissant le public accroché à un cliffhanger habile. Mais le succès mérité de ce show remarquable (assurément l’un des plus importants de son époque) donna naissance à une suite déployant sur 19 épisodes des aventures efficaces mais beaucoup moins subtiles, laissant la science-fiction prendre largement le pas sur la métaphore historico-politique. Kenneth Johnson, lui, quitta le navire à mi-parcours, suite à un désaccord avec NBC.

 

© Gilles Penso


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UNDER THE DOME (2013-2015)

Stephen King et Steven Spielberg collaborent pour la première fois à l’occasion de cette série de SF/catastrophe au postulat très intriguant…

UNDER THE DOME

 

2013/2015 – USA

 

Créée par Brian K. Vaughan

 

Avec Mike Vogel, Rachelle Lefèvre, Alexander Koch, Colin Ford, Mackenzie Lintz, Dean Norris, Natalie Martinez, Britt Robertson, Aisha Hinds, Jeff Fahey

 

THEMA EXTRA-TERRESTRES I SAGA STEPHEN KING

La rencontre artistique de Stephen King et Steven Spielberg faillit se concrétiser à plusieurs reprises, mais les deux hommes ne parvinrent pas à accorder leurs violons sur la série Histoires fantastiques ni sur le téléfilm Rose Red. Selon l’adage populaire, la troisième tentative est la bonne. Elle prend forme à l’occasion de Under the Dome, adaptation télévisée du roman fleuve « Dome », publié en 2009, dans lequel une gigantesque cloche transparente se pose inexplicablement sur la petite ville imaginaire de Chester’s Mill, dans le Maine, isolant ses habitants et suscitant des tensions croissantes. Produite par la compagnie Amblin, la série affirme sa personnalité forte et son style marqué dès le premier plan du pilote réalisé par Niels Arden Oplev, au cours duquel un globe qui ressemble à la planète Terre s’avère être un œuf duquel éclot soudain un oiseau, symbole de l’avènement d’une nouvelle ère… « C’est un roman génial qui arrive sur le petit écran sous d’excellents auspices et dont les qualités de production vont permettre de créer un événement dans la programmation estivale » (1) annonce à l’époque Neal Tassler, producteur sous contrat chez CBS et showrunner de la série, très confiant dans son succès à venir.

Le casting solide nous présente une série de protagonistes disparates, sur le mode éprouvé du film catastrophe : les policiers, les adolescents, le politicien, la journaliste, ainsi qu’un ancien militaire aux motivations floues. Tout ce beau monde se retrouve isolé par un titanesque dôme qui les enferme soudain dans la ville. Le surgissement de cet objet mystérieux et translucide se traduit à l’écran par une série de saynètes choc et spectaculaires : un tremblement de terre généralisé, une vache littéralement coupée en deux dans le sens de la longueur, des oiseaux qui tombent du ciel, un avion de tourisme qui s’écrase contre une barrière invisible, des véhicules qui s’aplatissent en une orgie surréaliste de tôles froissées. Passée cette entrée en matière musclée, la série peut prendre le temps d’installer les situations. Le huis clos révèle les caractères, redéfinit les rôles et redistribue les cartes. Tandis que les forces militaires, le gouvernement et les médias commencent à se positionner à l’extérieur de la barrière pour tenter de la faire tomber, les habitants piégés à l’intérieur du dôme trouvent leurs propres moyens de survie avec des ressources qui diminuent et des tensions qui augmentent…

La vie sous cloche

Soignée et bénéficiant d’un budget confortable, la série est développée par Brian K. Vaughan et diffusée sur CBS à partir du 24 juin 2013, rencontrant des audiences plus que satisfaisantes. Forte de ce démarrage en beauté (13,5 millions de spectateurs dès le pilote), Under the Dome se développe sur 39 épisodes de 40 minutes pendant trois saisons. La confrontation tant attendue entre l’auteur King et le producteur Spielberg est donc un succès incontestable. Du moins dans sa première saison, très appréciée du public et saluée par ma critique. Mais dès la seconde, les choses se gâtent, comme si les scénaristes ne parvenaient pas à gérer sur la longueur le principe du huis-clos imposé par le postulat du roman original. Les intrigues finissent donc par se répéter, les personnages par manquer de crédibilité et les péripéties par ressembler à des prétextes artificiels pour maintenir la tension. Ce problème court sur la troisième saison qui sera la dernière du show, dont le démarrage en beauté était riche en promesses qui ne seront pas toutes tenues.

 

(1) Extraits d’une interview publiée dans « Deadline » en novembre 2012.

 

© Gilles Penso


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TWIN PEAKS (1990-1991)

L’horreur, l’enquête policière, le fantastique, la comédie et la romance s’entremêlent dans cette série fascinante créée par Mark Frost et David Lynch…

TWIN PEAKS

 

1990/1991 – David Lynch et Mark Frost

 

Réalisé par Real

 

Avec Kyle MacLachlan, Lara Flynn Boyle, Sherilyn Fenn, Everett McGill, Jack Nance, Ray Wise, Joan Chen, Dana Ashbrook, Piper Laurie, Sheryl Lee

 

THEMA TUEURS I DIABLE ET DÉMONS

C’est en travaillant sur deux projets qui ne virent jamais le jour, une biographie romancée de Marilyn Monroe (The Goddess) et une comédie fantastique absurde (One Saliva Bubble), que David Lynch (qui sort alors de Blue velvet) et Mark Frost (scénariste de Hill Street Blues et Les Envoûtés) se lient d’amitié. Désireux de collaborer ensemble sur une série télévisée (sous les conseils de Tony Krantz, l’agent de Lynch), les deux hommes discutent à bâtons rompus et se focalisent sur une première image : le corps sans vie d’une jeune femme échoué au bord de l’eau, dans une petite ville américaine. Tout part de là. « Le projet était de mélanger une enquête policière avec la vie ordinaire de plusieurs personnages », raconte David Lynch. « On avait dessiné un plan de la ville. On savait où tout était situé, ce qui nous a aidé à déterminer l’atmosphère générale et ce qu’il pouvait s’y passer. Je crois qu’il est difficile de dire ce qui a fait de Twin Peaks, Twin Peaks. Je ne crois pas que nous ayons su nous-mêmes ce que c’était ! En tout cas la chaîne ABC a accepté de produire le pilote » (1). Tourné à Snoqualmie, dans l’État de Washington, et baptisé « Qui a tué Laura Palmer ? », ce premier épisode donne tout de suite le ton.

En 1989, un bûcheron découvre un cadavre nu enveloppé dans du plastique sur la rive d’une rivière à l’extérieur de la ville de Twin Peaks. Lorsque le shérif Harry S. Truman (Michael Ontkean), ses adjoints et le médecin Will Hayward (Warren Frost) arrivent, le corps est identifié comme étant celui de Laura Palmer. L’émotion qui saisit la population locale est alors immense. Comment cette adorable lycéenne, reine du bal de fin d’année et fille modèle, a-t-elle pu finir comme ça ? Qui est coupable d’un tel crime ? Une deuxième jeune fille, Ronette Pulaski (Phoebe Augustine), est bientôt découverte grièvement blessée et désorientée juste de l’autre côté de la frontière de l’État. Face à une telle situation, le FBI décide de dépêcher sur place l’agent spécial Dale Cooper (Kyle MacLachlan). Cet homme aux méthodes peu orthodoxes examine le corps de Laura et découvre une minuscule lettre dactylographiée, « R », insérée sous l’ongle de la jeune fille. Cooper informe alors les habitants que la mort de Laura correspond à la signature d’un tueur qui a assassiné une autre fille dans le sud-ouest de l’État de Washington l’année précédente, et que plusieurs preuves indiquent que le tueur vit à Twin Peaks…

Qui a tué Laura Palmer ?

Diffusée une première fois en France sous le titre de Mystères à Twin Peaks avant d’être rebaptisée sous son label international Twin Peaks, cette série insaisissable reste aujourd’hui encore une énigme. Sa capacité à mixer en un tout cohérent les codes du soap opera, du feuilleton policier et de la série d’épouvante tout en y injectant une bonne dose d’humour et de surréalisme continue à nous surprendre par la sublime alchimie de ses ingrédients disparates, alchimie que personne, y compris Lynch et Frost, ne parvint à reproduire par la suite. Pour donner corps à leur récit excentrique, Lynch et Frost s’offrent un casting de premier ordre. Car Twin Peaks est avant tout une œuvre chorale, dominée par un Kyle MacLachlan qui, après s’être frotté à Lynch dans Dune et Blue Velvet, trouve là le meilleur rôle de sa carrière. Cet agent du FBI jovial qui se fie autant à ses rêves et à ses intuitions qu’aux preuves qu’il récolte, sorte d’inspecteur Columbo new age qui s’enthousiasme avec excès pour une tarte aux cerises ou un café tout en résolvant le plus étrange des crimes, est depuis entré dans la légende. Le surnaturel s’invite très tôt dans la série, au fil de séquences d’épouvante redoutablement efficaces (ah, les fameux surgissements du terrifiant Bob !) et de scènes oniriques récurrentes situées dans une chambre rouge où Cooper tente de glaner de précieux indices. Ce chef d’œuvre télévisuel en deux saisons, dont l’atmosphère repose beaucoup sur la langoureuse musique d’Angelo Badalamenti, sera suivi d’un long-métrage en 1992, Twin Peaks : Fire Walks With Me, puis d’une troisième saison tardive en 2017. Lynch y tente – un peu en vain – de retrouver la magie de cette série somptueuse, effrayante, fascinante, drôle, triste et déstabilisante.

 

(1) Propos extraits du livre « David Lynch, entretiens avec Chris Rodley », 1997

 

© Gilles Penso


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