VENOM : THE LAST DANCE (2024)

Eddie Brock et son alter-ego dégoulinant sont pris en chasse par des créatures extra-terrestres voraces et par des soldats armés jusqu’aux dents…

VENOM : THE LAST DANCE

 

2024 – USA

 

Réalisé par Kelly Marcel

 

Avec Tom Hardy, Chiwetel Ejiofor, Juno Temple, Rhys Ifans, Stephen Graham, Peggy Ku, Clark Backo, Alanna Ubach, Cristo Fernandez, Jared Abrahamson

 

THEMA SUPER-HÉROS I SAGA MARVEL COMICS

Certains succès hollywoodiens échappent à toute logique. Objectivement, comment expliquer que le public ait répondu aussi favorablement à un film aussi mal fagoté que le premier Venom ? Admettons qu’il s’agissait de l’effet de surprise. Mais sa suite calamiteuse, Venom Let There Be Carnage, provoqua un enthousiasme tout aussi invraisemblable. Allez comprendre. La mayonnaise prenant aussi bien, il n’y avait aucune raison de s’arrêter en si bon chemin. Andy Serkis, réalisateur du second opus, se prépare donc à rempiler pour un troisième épisode. Mais la pré-production de sa version de La Ferme des animaux lui prend beaucoup de temps et le contraint à céder sa place. C’est donc la scénariste Kelly Marcel (Dans l’ombre de Mary, Cinquante nuances de Grey, Cruella et les deux premiers Venom) qui prend le relais, effectuant du même coup ses premiers pas derrière la caméra. Avec à sa disposition un budget de 120 millions de dollars (l’enveloppe a encore augmenté depuis les deux films précédents), l’apprentie-réalisatrice peut se faire plaisir. Au détour du casting, on retrouve deux visages ayant déjà payé leur tribut aux adaptations Marvel en endossant d’autres rôles : Chiwetel Ejiofor (Mordo dans Doctor Strange) et Rhys Ifans (Curt Connors alias Le Lézard dans The Amazing Spider-Man).

Co-scénariste du film avec Kelly Marcel, Tom Hardy a visiblement trouvé une rente juteuse avec Venom. Le Mad Max de Fury Road semble pourtant se traîner sans la moindre conviction d’une scène à l’autre, comme s’il s’acquittait de mauvaise grâce de ce boulot routinier en attendant de pouvoir toucher son chèque. Comment interpréter autrement ses regards hagards, sa mine défaite et son jeu désincarné en pilote automatique ? Si le post-générique de Let There Be Carnage promettait un crossover avec le Marvel Cinematic Universe et notamment avec les Spider-Man interprétés par Tom Holland, cette suite se débarrasse des multiverses en quelques secondes. En vérité, le récit se résume à peu de choses : Eddie Brock et son alter-ego quittent le Mexique pour les États-Unis, traînent à Las Vegas puis dans la zone 51, tandis que des militaires veulent leur peau et que le Xenophage, un vilain monstre extra-terrestre en images de synthèse qu’il nous semble avoir déjà vu dans une centaine de films, cherche à se les mettre sous la dent. Voilà, c’est à peu près tout. Le film dure à peine un peu plus de 90 minutes, c’est une qualité indiscutable à mettre à son compte. L’une des seules, hélas.

« Nous ne sommes pas les méchants »

Kelly Marcel et Tom Hardy ne prenant même plus la peine de bâtir un semblant d’histoire, Venom : The Last Dance prend les allures d’un road movie erratique aux péripéties sans intérêt et aux enjeux inexistants. Certaines idées sont à peine explorées (un drame survenu dans le passé de la scientifique incarnée par Juno Temple) puis abandonnées aussitôt. Pour ne pas réclamer trop d’efforts de la part des spectateurs, on prône la simplicité : les militaires et les Xenophages sont vilains, les savants et Venom sont gentils. Et pour ceux qui seraient un peu distraits, l’un des symbiotes juge utile de dire au soldat belliqueux incarné par Ejiofor : « nous ne sommes pas les méchants ». Le principal objectif de ce scénario anémique semble être de multiplier les situations les plus ridicules possibles dans l’espoir de faire rire un public décidément jugé peu exigeant : Venom/Brock qui prépare un cocktail, s’accroche au fuselage d’un avion en plein vol, chante en chœur avec une famille de hippies, dépense tout son argent dans une machine à sous, fait des chorégraphies sur « Dancing Queen »… Nous avons aussi droit à des clins d’œil à Thelma et Louise et Rain Man, à un cheval-Venom, un piranha-Venom, une grenouille-Venom et tout un tas d’autres variantes pour le grand final pétaradant. Le succès de ce troisième opus ayant été très modéré, la formule semble enfin s’être épuisée…

 

© Gilles Penso


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DON’T MOVE (2024)

Une jeune femme, dévastée par la mort de son fils, devient la proie d’un tueur en série qui lui injecte un puissant paralysant…

DON’T MOVE

 

2024 – USA

 

Réalisé par Adam Schindler et Brian Netto

 

Avec Kelsey Asbille, Finn Wintrock, Daniel Francis, Moray Treadwell, Denis Kostadinov, Kate Nichols, Skye Little Wing Dimov Saw

 

THEMA : TUEURS

Principalement produit par le légendaire réalisateur Sam Raimi, à qui l’on doit les trilogies Evil Dead et Spider-man, et distribué par Netflix, Don’t Move aligne au casting un solide duo avec Kelsey Asbille, repérée dans la série Yellostone, et Finn Wintrock, acteur récurrent de American Horror Story. Sur le papier, avec un concept fort de survival couplé à l’idée d’une héroïne prisonnière de son propre corps, le long métrage promettait un suspense serré, et la caution Raimi, lourdement appuyée, pouvait en effet allécher le chaland et susciter au minimum la curiosité. Le nom du réalisateur de Darkman, mis très en avant par le géant du streaming, était de fait devenu un argument marketing. Car la marque mise de plus en plus sur des noms célèbres pour enrichir son catalogue qui, sporadiquement, peut révéler quelques pépites comme Rebel Ridge de Jeremy Saulnier, mais qui malheureusement, dans la grande majorité des cas, se cantonne à enchaîner des séries B frileuses et sans grand intérêt. Si les deux acteurs principaux arrivent à sortir leur épingle du jeu dans des rôles sans grande consistance, la réalisation confiée à Adam Schindler et Brian Netto ne brille pas par son originalité. Pourtant habitués aux films d’horreur avec Intruders (2016) et la série anthologique 50 States of Fright, les deux hommes livrent un métrage plutôt plat et académique, surtout si l’on pense à leur fougueux producteur et à ses expérimentations filmiques.

Don’t Move nous plonge donc au cœur d’une forêt dans laquelle Iris (Kelsey Asbille), traumatisée par la mort de son fils, décide de mettre fin à sa vie en se jetant d’une falaise. Elle est interrompue par Richard (Finn Witrock), un homme charmant qui la dissuade de commettre l’irréparable, tout en évoquant la perte de sa petite amie, Chloé, dans un accident de voiture. Une fois revenus à leurs véhicules respectifs, Richard dévoile son vrai visage en agressant et tentant d’enlever Iris. La jeune femme parvient à s’enfuir mais le tueur lui fait une révélation effrayante : il lui a administré une drogue paralysante qui la rendra totalement inerte et impuissante dans les prochaines vingt minutes. Le concept même du film contient ses propres limites : la drogue paralysante, qui aurait pu être un ressort essentiel du récit, représente certes une contrainte pour l’héroïne, mais son utilisation et ses effets à géométrie variable évacuent inévitablement toute idée de tension. Iris perd rapidement l’usage de son corps et se retrouve à la merci du hasard. Des rencontres fortuites au moment le plus propice sauvent donc notre héroïne avant que les effets du paralysant ne se dissipent, là aussi au moment idéal. Si on ajoute à cela les poncifs inhérents au genre, comme les personnages qui ont une vision plus qu’étroite, ne voyant pas à plus d’un mètre d’eux, et des décisions incohérentes et fatales, ce thriller horrifique estampillé Raimi se prend rapidement les pieds dans le tapis. L’issue de chaque séquence est terriblement prévisible et la réalisation, bien trop sage, déçoit.

Don’t move, don’t see and don’t think

Alors que l’idée de départ aurait pu donner lieu à une course-poursuite toute en tension, le scénario se perd dans des péripéties inutiles, rallongeant juste un peu la sauce d’un film qui ne dure pourtant que 90 minutes. Autre point négatif, les personnages souffrent d’une écriture superficielle, les réduisant à des rôles-fonctions. Iris, mère endeuillée au bord du suicide, retrouve soudainement goût à la vie en luttant contre Richard, tueur en série dont on ne saura pas grand-chose au final. Le reste du casting ne servant qu’à rentabiliser le budget maquillage et faux sang, il est bien compliqué de s’impliquer dans cette histoire. Restent de beaux décors naturels, des acteurs convaincants comme Kelsey Asbille, qui arrive à insuffler un peu de vie dans ce rôle relativement mutique, jouant avec l’intensité de son regard, et Finn Wintrock, à l’aise en tueur manipulateur et chevronné, même si certaines de ses décisions relèvent de l’amateurisme ou de la stupidité. Malgré tout son potentiel, Don’t Move ne sera donc pas encore la grande révélation horrifique de Netflix. Peut-être devraient-ils investir dans des scénaristes…

 

© Christophe Descouzères


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CARVED (2024)

Pendant les préparatifs d’Halloween dans une petite ville américaine, une citrouille mutante se met à massacrer la population…

CARVED

 

2024 – USA

 

Réalisé par Justin Harding

 

Avec Peyton Elizabeth Lee, Corey Fogelmanis, Carla Jimenez, Elvis Nolasco, Jonah Less, Wyatt Lindner, Sasha Mason, Marc Sully Saint-Fleur, Jackson Kelly

 

THEMA VÉGÉTAUX

Et si les citrouilles en avaient assez d’être défigurées pour les festivités d’Halloween et décidaient de se venger des humains ? Tel est le point de départ absurde duquel est parti Justin Harding pour mettre sur pied Carved, version longue d’un court-métrage qu’il avait réalisé en 2018. Après La Petite boutique des horreurs et L’Attaque des tomates tueuses, autant dire que les spectateurs ne s’étonnent plus de rien, question végétaux agressifs. Nous étions tout de même curieux de savoir si le réalisateur, dont il s’agit du second long-métrage après Making Monsters, allait pouvoir tenir les 90 minutes règlementaires sur un pitch aussi délirant. Après tout, le Carved original ne durait que 5 minutes, ce qui semblait amplement suffisant pour pousser jusqu’au bout son concept. Pour revisiter son propre travail, Harding imagine toute une galerie de nouveaux personnages qu’il réunit dans la petite ville de Cedar Creeks, dans le Maine, en pleins préparatifs des festivités d’Halloween, à la fin du mois d’octobre de 1993. Alors que l’ambiance est à la reconstitution historique, avec au programme une pièce de théâtre en costumes, des décorations dans toutes les rues et un concours de sculptures de citrouilles, un vieux drame que tout le monde voudrait oublier refait surface.

Quelques années plus tôt, en effet, un train a déraillé dans la ville, provoquant plusieurs morts et le déversement de déchets toxiques dans les terres voisines. Un reporter d’investigation envoyé par la chaîne UP24 tient absolument à rappeler la catastrophe et à susciter le scandale, s’entêtant à aborder les sujets sensibles et déplaisants alors que les habitants préfèreraient se concentrer sur la fête à la citrouille. Un marchand ambulant de maïs grillé, déguisé en épi géant et accroc aux space cakes, découvre justement dans un champ une bien étrange citrouille, surdimensionnée, boursouflée et presque grimaçante. C’est selon lui une candidate idéale au concours de sculpture dont le vainqueur remportera un prix de cinquante dollars. Mais cette citrouille n’est pas comme les autres. Ayant muté à la suite de la catastrophe ferroviaire, elle a développé des sentiments et une rancœur tenace contre tous ceux qui tailladent ses congénères. Le soir venu, elle décide de se venger des humains de la manière la plus sanglante possible…

Où cours-je ?

Cette citrouille vengeresse est sans conteste le personnage le plus intéressant du film. Conçue principalement à l’aide d’effets spéciaux physique, même si l’image de synthèse vient en renfort dès que ses mutations prennent des proportions trop complexes, elle se déplace sur ses racines comme une araignée et les balance vers ses victimes à la manière de tentacules. Malheureusement, les situations finissent par se répéter et le scénario se met rapidement à piétiner. D’autant que les protagonistes que Justin Harding met en scène se contentent d’obéir à des archétypes caricaturaux. Un soupçon de caractérisation supplémentaire aurait grandement aidé les spectateurs à entrer en empathie avec cette poignée de survivants. Leurs petites intrigues amicales ou sentimentales nous semblent trop superficielles pour fonctionner, preuve que Carved ne sait pas trop sur quel pied danser. Trop conformiste pour être le nanar éléphantesque que son concept laisse imaginer, trop exubérant pour être pris au sérieux, il navigue entre deux eaux et reste désespérément « tiède ». Pourtant, en quelques moments inspirés, Harding fait des étincelles, notamment lorsqu’il se laisse aller à des écarts gore réjouissants ou lorsqu’il place dans la bouche de ses acteurs des répliques joyeusement ridicules (le couple qui se parle avec des phrases empruntées aux chansons de Bryan Adams). Dommage que le potentiel fou du film n’ait pas été exploité de manière plus concluante.

 

© Gilles Penso


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LOUPS-GAROUS (2024)

Une adaptation du célèbre jeu de société avec Franck Dubosc, Jean Reno, une fille invisible, des super-pouvoirs… et des loups-garous

LOUPS-GAROUS

 

2024 – FRANCE

 

Réalisé par François Uzan

 

Avec Franck Dubosc, Suzanne Clément, Jean Reno, Jonathan Lambert, Grégory Fitoussi, Bruno Gouery, Lisa Do Couto Texeira, Raphael Romand, Alizée Caugnies

 

THEMA LOUPS-GAROUS I VOYAGES DANS LE TEMPS I POUVOIRS PARANORMAUX I HOMMES INVISIBLES

Depuis 2001, le jeu de société « Les Loups-garous de Thiercelieux » anime les soirées des petits et des grands avec un succès jamais démenti. Créé par Philippe des Pallières et Hervé Marly, cet affrontement ludique entre l’équipe des villageois et celle des lycanthropes s’inspire d’un autre jeu, « Mafia », imaginé en 1986 par le Russe Dimitry Davidoff et décliné depuis sous de nombreuses formes. Fallait-il pour autant essayer d’en tirer un film ? En 2021, déjà, Loups-garous de Josh Ruben adaptait le jeu vidéo inspiré par « Mafia », s’efforçant d’en recréer la mécanique « Cluedo » sur un ton léger. Lorsque François Uzan, réalisateur de la comédie On sourit pour la photo et scénariste de la série Lupin pour Netflix, décide à son tour de s’emparer du sujet, on ne sait honnêtement trop quoi penser d’une telle initiative. L’annonce du casting laisse perplexe : Franck Dubosc et Jean Reno occupent le haut de l’affiche. Tenterait-on de renouer avec l’esprit des Visiteurs tout en cherchant à caresser dans le sens du poil le public friand d’humour simple et franchouillard ? Bizarrement, ce film estampillé Netflix est diffusé conjointement à un programme voisin proposé par Canal + : un jeu de téléréalité tiré lui aussi des « Loups-garous de Thiercelieux ». Cette profusion soudaine de lycanthropes sera-t-elle source de réjouissances pour de public amateur de monstres ? Pas vraiment, hélas.

Le film commence par le portrait d’une famille recomposée et gentiment dysfonctionnelle : Jérôme (Franck Dubosc), professeur de musique, est marié avec Marie (Suzanne Clément), avocate. Chacun a un enfant d’une précédente union ainsi qu’une fille qu’ils ont eue ensemble. C’est moderne, dans l’air du temps, ça parle à tout le monde. Cette petite troupe part à la campagne pour rendre visite à Gilbert (Jean Reno), le père de Jérôme, un bon gars bourru qui souffre de la maladie d’Alzheimer. Jérôme tente d’agrémenter la journée en proposant à tout le monde une bonne vieille partie de « Loup-garou », mais personne ne semble vraiment intéressé. Il range alors la vieille boîte en bois, qui se met soudain à luire bizarrement et à trembler. L’influence de Jumanji n’aura échappé à personne. François Uzan semble d’ailleurs pleinement l’assumer. Après ce qui ressemble à un tremblement de terre, la petite famille se retrouve en plein moyen-âge, dans un village frappé par des attaques nocturnes de loups-garous…

Daniel Baladin et les Baladettes

Nous avions des réserves légitimes sur l’intérêt d’adapter le jeu en film. Et malheureusement, nous avions raison. L’entrée en matière laisse imaginer une petite comédie fantastique légère pas bien finaude, certes, mais au moins distrayante. Même pas. Le scénario sans queue ni tête de ces Loups-garous – qui ne cherche bizarrement pas à capitaliser sur l’essence même du jeu, autrement dit la quête de l’identité des bêtes – nous laisse parfaitement indifférents. Les traits d’humour de Franck Dubosc tentent bien d’égayer cette histoire qui prend l’eau de toutes parts, en vain, même si quelques clins d’œil qui se complaisent dans leur bêtise assumée (« Je suis le baladin Daniel Baladin, et voici les Baladettes ») savent épisodiquement nous dérider. Il ne suffit pas d’accumuler les références aux chanteurs diffusés sur Nostalgie et Chante France (Johnny Hallyday, Céline Dion, Jean-Jacques Goldman, Michel Sardou) pour réussir une comédie. Même les bêtes conçues par les talentueux artistes de l’atelier 69 peinent à nous convaincre. Ni drôles ni effrayantes, affublées d’effets numériques grossiers, ces créatures sont à l’image du film tout entier : incongrues et à côté de la plaque. Loups-garous n’était donc même pas une fausse bonne idée. C’était tout simplement une mauvaise idée. Vivement « Uno : le film », « L’Attaque du Scrabble » et « Les Mille bornes contre-attaquent ».

 

© Gilles Penso


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TRANSFORMERS : LE COMMENCEMENT (2024)

Cet opus animé revient sur les origines d’Optimus Prime et Megatron, à l’époque où ils n’étaient que de simples robots ouvriers sur la planète Cybertron…

TRANSFORMERS ONE

 

2024 – USA

 

Réalisé par Josh Cooley

 

Avec les voix de Chris Hemsworth, Brian Tyree Henry, Scarlett Johansson, Keegan-Michael Key, Steve Buscemi, Laurence Fishburne, Jon Hamm

 

THEMA ROBOTS I SAGA TRANSFORMERS

En 2014, la « Transformania » bat toujours son plein. Depuis le premier Transformers de Michael Bay, les robots géants multiformes ravissent le grand public et les exploitants des salles de cinéma. Dans la foulée de la sortie du quatrième opus « live » de la saga, Transformers : l’âge de l’extinction, Paramount Pictures décide donc de mettre en place une « salle des scénaristes » spécialement dédiée à l’échange d’idées pour d’éventuels futurs opus. Ainsi, parallèlement au développement des épisodes suivants en prises de vues réelles (The Last Knight en 2017, Bumblebee en 2018, Rise of the Beasts en 2023), l’idée d’un long-métrage en animation commence à s’élaborer (le dernier en date, La Guerre des robots, était sorti en 1986). Lorsque le projet commence à se concrétiser, le metteur en scène Josh Cooley est embauché sur la foi de son travail chez Pixar (il fut notamment le réalisateur de Toy Story 4). Une fois n’est pas coutume, la mise en forme du film n’est pas confiée à un studio d’animation mais à une société d’effets spéciaux, en l’occurrence Industrial Light & Magic, qui signa justement les séquences en images de synthèse des précédents Transformers.

Co-signé par Andrew Barrer, Gabriel Ferrari et Eric Pearson, le scénario s’efforce de faire entrer en cohérence la mythologie originale des robots de Hasbro telle qu’elle fut définie dans les années 80 et les itérations plus récentes déclinées à travers divers jeux vidéo, comics et romans. Ce Transformers étant le premier de la franchise à ne comporter aucun personnage humain, il a hélas tendance à accentuer l’un des défauts récurrents de cette saga pétaradante : l’anthropomorphisme balourd de ses personnages. Nous sommes prêts à admettre l’idée d’une planète uniquement peuplée par des androïdes, pourquoi pas ? Mais si ces robots n’ont jamais côtoyé un seul être humain de leur vie, selon quelle logique imiteraient-ils à ce point nos tics, nos manies, nos expressions et nos comportements ? Ce travers – accentué par la prestation vocale excessive d’un casting de stars dominé par Chris Hemsworth, Brian Tyree Henry, Scarlett Johansson et Keegan-Michael Key – joue clairement en défaveur de la nécessaire suspension d’incrédulité des spectateurs.

Rien ne se crée, tout se transforme

Les deux personnages principaux (Orion Pax et D-16, qui ne s’appellent pas encore Optimus Prime et Megatron) étant des robots incapables de se transformer, ils se retrouvent tout en bas de l’échelle sociale aux côtés de milliers de machines ouvrières condamnées comme eux à extraire de l’énergie dans les bas-fonds de la cité. L’enjeu principal du scénario semble alors se résumer à la question suivante : parviendront-ils un un jour à se transformer ? Attention spoiler : la réponse est oui. Après une première demi-heure un peu pesante, Transformers : le commencement trouve enfin un second souffle salutaire qui permet à son intrigue de prendre une tournure plus intéressante, collectant dès lors les séquences d’action joyeusement extravagantes comme cette poursuite dans la forêt au cours de laquelle nos héros maîtrisent encore très mal leur capacité à se transformer. Esthétiquement, il n’y a rien à dire, c’est du très beau travail. Les textures métalliques des robots sont bluffantes de réalisme, les chorégraphies rivalisent de dynamisme et certains designs singuliers valent le détour, notamment cette cité inversée (avec les buildings tête en bas) ou le premier look de D-16 qui évoque beaucoup (est-ce volontaire ?) Le Golem de Paul Weggener. Au final, ce Transformers n’a rien de très révolutionnaire ni de bien mémorable, même si le spectacle s’apprécie sans ennui ni temps mort. Son ambition n’allant visiblement pas beaucoup plus loin, le contrat est rempli.

 

© Gilles Penso


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THE SUBSTANCE (2024)

Pour être toujours au top à Hollywood, les actrices doivent savoir rester jeunes et belles… Oui, mais à quel prix ?

THE SUBSTANCE

2024 – FRANCE / GB / USA

Réalisé par Coralie Fargeat

Avec Demi Moore, Dennis Quaid, Margaret Qualley, Edward Hamilton-Clark, Gore Abrams, Oscar Lesage, Christian Erickson, Robin Greer, Tom Morton

THEMA MÉDECINE EN FOLIE I DOUBLES

« Avez-vous déjà rêvé d’une meilleure version de vous-même ? » Ce message énigmatique résonne sur le téléviseur d’Elizabeth Sparkle (Demi Moore), une ancienne gloire oscarisée dont l’étoile sur Hollywood Boulevard s’est mise à pâlir au fil des ans – ce que montre le très efficace plan-séquence elliptique sur lequel s’ouvre The Substance. Pour prolonger sa carrière déclinante, Elizabeth anime une émission d’aérobic à succès, mais même ce second souffle s’épuise. Passée la cinquantaine, la star déchue n’intéresse plus les chaînes de télévision, en quête d’un visage – et d’un corps – plus jeune. Au volant de sa voiture, distraite par le spectacle déprimant des affiches à son effigie en train d’être démontées, elle est victime d’un accident qui la conduit illico à l’hôpital. Plus de peur que de mal. Mais avant qu’elle rentre chez elle, un jeune et séduisant infirmer lui remet une clé USB en lui glissant au coin de l’oreille : « ça a changé ma vie ». Et voilà Elizabeth devant sa télévision, face à un clip vidéo intriguant vantant les mérites de « la substance ». Ce sérum miracle est censé générer une version « plus jeune, plus belle et plus parfaite » de soi-même à condition d’en respecter scrupuleusement le mode d’emploi. Notre actrice devenue « has been » va-t-elle se laisser tenter ?

Sept ans après son premier long-métrage, Coralie Fargeat nous propose donc une déclinaison clinique autour des mythes de Faust et de Dorian Gray en repoussant très loin les limites du fameux « body horror » cher à David Cronenberg. Demi Moore excelle dans le rôle de la star vieillissante. Tout au long de sa carrière, l’actrice aura su habilement jouer avec son propre corps, le métamorphosant dans À armes égales, le muant en objet de désir monnayé dans Strip-tease ou d’âpres négociations dans Harcèlement, bref détournant son apparence physique pour en montrer les atouts, les travers et les faux-semblants. Elle semblait la candidate idéale pour entrer dans l’univers trouble de la réalisatrice. Pour incarner sa version rajeunie, Fargeat opte pour Margaret Qualley, fille d’une icône hollywoodienne synonyme de charme et d’élégance, en l’occurrence Andie MacDowell. L’effet miroir et la mise en abyme fonctionnent ainsi à plein régime, les deux actrices fusionnant à l’écran dans des conditions de tournage qu’on image par moments délicates, pour ne pas dire inconfortables. Au beau milieu de ce dédoublement surnaturel, Dennis Quaid se délecte visiblement dans le rôle du producteur macho, vulgaire et hypocrite, prenant le relais du regretté Ray Liotta qui était initialement pressenti dans le rôle – et auquel le générique de fin rend hommage.

Beauté fatale

Certains travers de Revenge n’ont pas totalement disparu de The Substance, notamment le portrait unilatéralement détestable de l’ensemble des personnages masculins – tous idiots, frustres et obsédés sexuels -, la complaisance un tantinet puérile avec laquelle Fargeat filme les fesses de ses actrices et surtout quelques raccourcis scénaristiques difficiles à avaler (comme la transformation soudaine de l’héroïne en spécialiste de la chirurgie, du bâtiment et de la construction). Mais il faut saluer l’incroyable inventivité de la mise en scène, traduisant les perceptions exacerbées d’Elizabeth et de son alter-ego à travers des choix de focale déstabilisants, un sound design « sensitif » perturbant, un jeu étrange sur les cadrages symétriques et les couleurs saturées, une musique électronique entêtante… Et puis il y a bien sûr le jusqu’au-boutisme hallucinant de la mutation physique de notre infortunée protagoniste. Poussé dans ses retranchements par l’exigence de la réalisatrice, Pierre-Olivier Persin concocte des effets spéciaux de maquillage surréalistes qui évoquent tour à tour La Mouche, Society, Le Blob mais aussi Picasso et Bacon. Par-delà l’apothéose horrifico-organique vers laquelle s’achemine The Substance, on notera une discrète référence au film précédent de Coralie Fargeat via une boucle d’oreille en forme d’étoile. Cette autocitation semble vouloir lier les deux films au-delà du simple clin d’œil. Finalement, Revenge et The Substance abordent un thème voisin, celui de la femme que le regard de l’homme pousse à devenir quelque chose d’autre, fut-ce un ange exterminateur ou un monstre. Présenté en première mondiale au 77e Festival de Cannes, The Substance y a remporté le prix du meilleur scénario.

 

© Gilles Penso


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ROBOT SAUVAGE (LE) (2024)

Suite à un naufrage, un robot programmé pour assister les humains se retrouve sur une île peuplée d’animaux…

THE WILD ROBOT

 

2024 – USA

 

Réalisé par Chris Sanders

 

Avec les voix de Lupita Nyong’o, Pedro Pascal, Kit Connor, Bill Nighy, Stephanie Hsu, Matt Berry, Ving Rhames, Mark Hamill, Catherine O’Hara, Boone Storm

 

THEMA ROBOTS

Tout est parti d’une seule image, comme souvent. Un jour, Peter Brown dessine machinalement un robot dans un arbre. Interpellé par ce croquis, il laisse alors vagabonder son imagination : « Que ferait un robot intelligent s’il se retrouvait en pleine nature ? » Voilà comment est née l’idée du roman « Robot sauvage », élu en 2016 meilleur livre de l’année par le Publishers Weekly, et que l’auteur dédie « aux robots du futur ». Le nom de son personnage principal, Rozzum ou Roz, cligne de l’œil vers le roman « RUR » de Karel Capek, dont le titre est l’acronyme de « Rossum Universal Robots ». Chris Sanders découvre ce roman grâce à sa fille, et lorsque Dreamworks lui propose quelques années plus tard de l’adapter à l’écran, il ne lui faut pas longtemps avant d’accepter. « Le livre de Peter Brown était à la fois d’une simplicité trompeuse et d’une grande complexité émotionnelle », explique-t-il. « Au fil des pages, j’ai senti de plus en plus que j’étais la bonne personne pour porter ce livre à l’écran. Protéger le caractère et l’esprit d’une histoire tout en trouvant le moyen de la traduire au cinéma est une chose délicate, que l’on n’a qu’une seule chance de réussir. Je me suis senti capable de le faire » (1). Le Robot sauvage devient ainsi le cinquième long-métrage de Sanders après Lilo & Stitch, Dragons, Les Croods et L’Appel de la forêt. Auparavant, il œuvra sur les scénarios de La Belle et la Bête, Aladdin, Le Roi Lion et Mulan. De toute évidence, il était effectivement « la bonne personne ».

« Notre histoire commence sur l’océan, avec du vent, de la pluie, du tonnerre, des éclairs et des vagues ». C’est ainsi que commence le roman de Brown, et c’est exactement de cette manière que démarre le film, respectueux du matériau initial même s’il choisit de prendre plusieurs fois ses distances, notamment à travers certains personnages. Mais le cœur du récit est le même, résumé en une seule phrase par un renard moins brutal qu’il ne voudrait le faire croire : « La gentillesse n’est pas une technique de survie ». La nature nous est de fait décrite de manière assez crue dans le film, le plus fort mangeant sans cesse le plus faible. Mais l’intrusion parfaitement surréaliste de ce grand robot naufragé va changer la donne et finir par prouver que, contrairement à ce que semble prôner le code de conduite de la nature sauvage, la gentillesse peut aussi se muer en technique de survie. Les bons sentiments affleurent en effet dans Le Robot sauvage, mais avec un tel naturel qu’ils font mouche. Le film prend justement le risque de tourner le dos au cynisme pour laisser s’exprimer des émotions universelles.

« Je ne suis pas programmée pour être une mère ! »

D’emblée, Sanders s’amuse du décalage entre les services d’assistance que propose l’intelligence artificielle et les besoins primaires de la vie en pleine forêt. La puissance technologique de Roz nous semble bien dérisoire et hors de propos en tel contexte. Pour permettre au robot – et aux spectateurs – de comprendre le langage des animaux dans un vocabulaire intelligible, le film utilise une idée scénaristique extrêmement habile qui évoque beaucoup les jeux de John McTiernan sur l’interprétation des langues étrangères (dans des films comme À la poursuite d’Octobre Rouge ou Le Treizième guerrier par exemple). Les bêtes restent sauvages, mais Roz utilise un algorithme de traduction qui permet d’entendre leurs propos. Lorsque la machine se découvre un instinct maternel absolument pas prévu dans ses circuits, le récit amorce son grand tournant dramatique. « Je ne suis pas programmée pour être mère », s’affole-t-elle. « Personne ne l’est ! » lui répond une maman opossum. Le parti pris esthétique du film traduit la cohabitation étrange entre la machine et la forêt, au fil d’un équilibre audacieux entre l’approche hyperréaliste (la texture métallique du robot) et un rendu impressionniste (la nature et les animaux). Le fond et la forme entrent ainsi en phase de manière somptueuse, sous l’influence manifeste des travaux de Hayao Miyazaki. Résultat : Le Robot sauvage est probablement l’un des plus beaux films d’animation de l’année 2024.

 

(1) Extrait d’un entretien publié dans « Animation Magazine » en juin 2024.

 

© Gilles Penso


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MOTHER LAND (2024)

Face à un monde dévasté par une force maléfique, une mère s’efforce de protéger ses deux enfants dans leur maison isolée au milieu des bois…

NEVER LET GO

 

2024 – USA

 

Réalisé par Alexandre Aja

 

Avec Halle Berry, Percy Daggs IV, Anthony B. Jenkins, Matthew Kevin Anderson, Christin Park, Stephanie Lavigne

 

THEMA DIABLE ET DÉMONS I SAGA ALEXANDRE AJA

Mother Land (étrange « traduction » française de Never Let Go) n’était pas au départ un projet destiné à Alexandre Aja. Lorsque Kevin Coughlin et Ryan Grassby vendent leur scénario original à 21 Laps Entertainment, la société de production de Shawn Levy, c’est Mark Romanek qui est envisagé pour en assurer la mise en scène. Spécialisé dans les clips musicaux et les films publicitaires haut de gamme, Romanek n’a à son actif qu’une petite poignée de longs-métrages (Static, Photo Obsession, Auprès de moi toujours) mais son style visuel marqué semble adapté à cette histoire étrange à la lisière du drame psychologique, du thriller, de l’horreur et de la fantasy. Ce n’est qu’après le désistement de Romanek qu’Aja entre en scène, bientôt rejoint par Halle Berry en tête d’affiche. Le motif de la mère cherchant à protéger ses enfants d’une menace surnaturelle dans un monde post-apocalyptique, en respectant des règles très strictes, a déjà été balisé dans des films comme Sans un bruit ou Bird Box, mais le réalisateur cherche l’inspiration ailleurs. « Je pensais sans cesse au film japonais Onibaba », avoue-t-il. « Pour moi, c’est l’un des meilleurs films jamais réalisés. Il y a quelque chose de fascinant à propos de ces deux femmes vivant dans les hautes herbes, coupées du monde, et se trahissant à travers ce masque surnaturel qui finit par les posséder. C’était assez proche de ce que je cherchais à créer dans le film. » (1)

Mother Land nous plonge dans une atmosphère de conte de fées oppressant. Une mère, June, vit seule avec ses deux jeunes garçons dans une cabane au beau milieu d’une grande forêt isolée. Une force surnaturelle surnommée « Le Mal » s’est répandue à travers le monde, provoquant sa fin et faisant d’eux les seuls survivants. Pour échapper à cette entité maléfique capable de prendre toutes sortes de formes (un serpent, un être familier, un humain zombifié à la langue fourchue, ou pire), chacun doit se soumettre à un rituel très strict : réciter chaque jour une prière adressée à la maison pour qu’elle les protège, partir ramasser dans la forêt tout ce qui peut leur permettre de subsister, c’est-à-dire pas grand-chose (des petits animaux, des insectes, des batraciens, quelques morceaux de végétation, de l’écorce) et surtout ne jamais sortir sans être attaché à une corde qui les relie à leur foyer. Sans cette corde, le Mal pourrait s’emparer d’eux et les posséder. Ils s’accrochent alors à cette « ligne de vie » comme si elle était sacrée. « Ne lâchez jamais » (le titre original du film) devient alors leur code de conduite, un mantra qu’ils répètent inlassablement puisque visiblement leur vie en dépend.

La corde raide

Le concept étrange de Mother Land, qui semble presque échappé d’un film de M. Night Shyamalan, permet très tôt de placer au cœur de ses enjeux dramatique la question de la foi. Les règles drastiques que cette femme impose, les prières qu’elle inscrit sur le linteau de la porte et sur le sol, cette « purification d’âme » qui consiste à enfermer chaque enfant une heure par jour dans le noir… Tout ceci est-il vraiment justifié, ou n’est-ce que de la bigoterie dangereuse mêlée de névrose et de superstition ? Ce Mal dont June ne cesse de parler – mais qu’elle semble seule à voir – existe-t-il en dehors de sa tête ? Bien vite, la maison devient le symbole du ventre maternel, relié à un cordon ombilical qu’elle refuse de couper. La force du film est d’entretenir le doute et de semer le trouble autant dans l’esprit du spectateur que dans celui des deux jeunes protagonistes. En pleine interrogation, le spectateur apprécie la prestation de Halle Berry, plongée à nouveau dans l’épouvante sous la direction d’un réalisateur français, vingt ans après Gothika de Matthieu Kassovitz. Cette fois-ci, l’actrice change de registre, assumant ses presque soixante ans, loin des rôles glamour qui firent sa gloire par le passé. Sa carrière entre visiblement dans une nouvelle ère. Elle n’est pas le moindre atout de ce film déroutant qui ne livre pas tous ses secrets et laisse de nombreuses questions en suspens au moment de son épilogue.

 

(1) Extrait d’un entretien publié dans Dexerto en septembre 2024

 

© Gilles Penso


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DEATH STREAMER (2024)

Un vampire moderne enregistre la mise à mort de ses victimes et retransmet en direct ses méfaits sur Internet…

DEATH STREAMER

 

2024 – USA

 

Réalisé par Charles Band

 

Avec Sean Ohlman, Aaron McDaniel, Kaitlin Moore, Emma Massalone, Travis Stoner, Chili Jean, Maddy May, Piper Parks, Angel R. Reed, Ashley Lanese

 

THEMA VAMPIRES I SAGA CHARLES BAND

À l’âge vénérable de 72 ans, Charles Band continue inlassablement à produire – et parfois à réaliser – de minuscules séries B d’horreur et de science-fiction pour alimenter le catalogue de sa compagnie Full Moon. Dans la foulée de Quadrant, il signe donc ce Death Streamer qui s’appuie sur la même idée générale : détourner les motifs du cinéma d’épouvante classique en les couplant avec la technologie de pointe, tout en ajoutant un petit soupçon d’érotisme (en gros, Band choisit des actrices qui ne sont pas contre l’idée de finir le film topless). Ainsi, après Jack l’éventreur revisité à travers le prisme de la réalité virtuelle dans Quadrant, voici le vampirisme accommodé à la sauce internet et live streaming. Pilier incontournable de la maison Full Moon depuis le milieu des années 90, Neal Marshall Stevens est chargé d’écrire le scénario, qu’il signe sous l’un de ses pseudonymes habituels, en l’occurrence Roger Barron. Autant avouer qu’il ne se foule pas trop la rate, brodant comme il peut autour d’une idée bizarre développée par Band lui-même. Et comme le réalisateur/producteur aime travailler en famille, il demande à l’un de ses bras droits Ted Nicolaou (par ailleurs réalisateur d’une foule de films pour Full Moon, notamment la saga Subspecies) de s’occuper du montage. Death Streamer se concocte donc en petit comité dans une ambiance de confiance mutuelle.

Death Streamer commence dans un club privé, le « Hellfire House », où se tient une soirée libertine façon Eyes Wide Shut reconstituée avec un budget famélique. Charles Band filme donc une petite dizaine de figurants qui se trémoussent mollement. Le maître des lieux est un homme ténébreux répondant au nom d’Arturo Valenor. Il s’agit d’un vampire dont le mode opératoire varie peu. Avec l’assistance d’un serviteur massif au masque de cuir et d’une barmaid en tenue SM, il attire des jeunes femmes dans son antre, leur fait boire un cocktail qui contient un peu de son propre sang puis plante ses crocs dans leur cou. Petit élément insolite : Valenor enregistre tous ses méfaits et les diffuse sur Internet en temps réel, grâce à une paire de lunettes connectées, augmentant sans cesse son nombre de vues et d’abonnés. Aurions-nous là affaire à un nouveau type de vampire « influenceur », mi tiktokeur mi-instagrameur ? Toujours est-il que ce flux vidéo sanglant, cantonné jusqu’alors au dark web, tombe un jour sous les yeux de trois animateurs d’une émission consacrée aux phénomènes paranormaux, « Church of Chills ». Pour s’attirer un maximum de followers, ils décident de retransmettre ce programme vers le grand public. Or notre vampire moderne apprécie très peu cette réappropriation de son propre « show »…

Vampirodrome

Il y a bien un embryon d’idée intéressante dans ce script, celle d’un vampire qui profite d’Internet pour élargir son culte de manière exponentielle. Le principe de ce programme malsain et viral aurait pu positionner le film comme une satire des dérives des réseaux sociaux, tout en proposant une sorte de variante vampirique de Videodrome décrivant l’altération des spectateurs soumis à la diffusion des mises à mort saignantes. Mais les ambitions de Charles Band ne vont pas si loin. Lui-même semble d’ailleurs croire à peine à l’histoire qu’il raconte. Il suffit de voir le manque de crédibilité de ces trois youtubeurs du paranormal qui vivent et campent 24 heures sur 24 dans une église où ils se sont installés et se chamaillent sans cesse au fil de dialogues dénués d’intérêt. Pour faire office de remplissage, Band nous assène au passage de très larges extraits de leur émission fictive sans que l’intrigue y gagne quoi que ce soit. Le vampire lui-même, incarné par le fort peu charismatique Sean Ohlman, n’est ni effrayant ni séduisant, malgré ce que tente de nous faire croire le film. Et que dire de ces effets numériques bon marché montrant les yeux du monstre qui flottent dans le ciel ou des jets d’hémoglobine pixellisés ? Voilà donc un ajout extrêmement mineur au catalogue Full Moon, que seuls les spectateurs les plus curieux chercheront à se mettre sous la dent.

 

© Gilles Penso


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TERRIFIER 3 (2024)

Art le clown revient en grande forme, cette fois-ci sous un déguisement de Père Noël, pour transformer les fêtes de fin d’année en massacre…

TERRIFIER 3

 

2024 – USA

 

Réalisé par Damien Leone

 

Avec Lauren LaVera, David Howard Thornton, Antonella Rose, Elliot Fullam, Samantha Scaffidi, Margaret Anne Florence, Bryce Johnson, Alexa Blair

 

THEMA TUEURS I DIABLE ET DÉMONS I SAGA ART LE CLOWN

Tout au long de sa filmographie, Damien Leone aura joué les couteaux suisses en prônant le système D. Qu’il s’agisse de ses variantes autour de Terrifier ou de son improbable Frankenstein vs. The Mummy, on sent bien l’amour du bricolage et du « do it yourself ». Cette capacité à occuper la plupart des postes clés de ses films offre à Leone une liberté qui lui permet de jouer effrontément les « sales gosses » en repoussant toujours plus loin les limites du mauvais goût et de l’horreur graphique. Ce cinéaste indépendant aurait pu rester dans son coin et continuer tranquillement à creuser le même sillon sans provoquer beaucoup de remous dans l’industrie du cinéma. Seulement voilà : Terrifier 2, sorti en 2022, est un succès international inespéré qui rapporte plus de soixante fois sa mise de départ. En toute logique, les grands studios qui considéraient ce trublion avec une indifférence mêlée de dédain lui font soudain les yeux doux. Mais Leone n’est pas dupe. Il sait bien que s’il signe avec une major, il peut dire adieu à son irrévérence. C’est presque par provocation qu’il semble vouloir dépasser les bornes de la bienséance dans le scénario de Terrifier 3, histoire d’effrayer tous les financiers hollywoodiens qui seraient tentés de se mêler de ses affaires. Et de fait, le film se fera dans les mêmes conditions précaires que les précédents, même si le budget a un peu grimpé.

Cette fois-ci, Leone s’en prend à Noël. Il n’est évidemment pas le premier à vouloir souiller les sacro-saintes fêtes de fin d’année. Le slasher hivernal est même devenu un sous-genre en soi, en grande partie grâce à la saga Douce nuit sanglante nuit à laquelle se réfère ouvertement Terrifier 3 à l’occasion de plusieurs séquences. Sauf que bien sûr, Leone veut aller plus loin que tout le monde et donner au massacre des proportions dantesques. Et pour bien nous faire comprendre que les esprits fragiles peuvent aller voir ailleurs, les enfants sont ici les premières victimes d’Art le clown. Choquée, la censure française affublera Terrifier 3 d’une interdiction aux moins de 18 ans. On n’avait pas vu ça dans l’hexagone depuis Saw 3 en 2006. Sauf qu’au lien d’entraver la carrière du film en salles, cette interdiction finit par attiser toutes les curiosités. Résultat : ce troisième Terrifier fait un démarrage spectaculaire, emplissant jusqu’au dernier siège des salles de cinéma survoltées où le public – majoritairement jeune – éclate de rire pour ne pas hurler de dégoût et fait au film un triomphe.

Vive le sang d’hiver

Damien Leone construit comme toujours son film autour d’une série de morceaux d’anthologie consistant à équarrir de la manière la plus spectaculaire, douloureuse, graphique et invraisemblable un maximum de victimes avec l’aide d’une nouvelle panoplie d’instruments de torture et d’armes disparates. Le gore selon Leone n’a pas la poésie macabre de Lucio Fulci, ni le caractère 100% cartoonesque de Peter Jackson, ni même la quête de réalisme anatomique de la saga Saw. Mais il emprunte un peu à toutes ces tendances pour élaborer son propre style. Dans ces moments intenses, la révulsion, l’effroi, le rire et la stupeur se répartissent équitablement, l’horreur atteignant une certaine forme d’abstraction d’autant plus déstabilisante qu’Art conserve invariablement son sens de l’humour et sa pantomime burlesque. Quelques scènes de Terrifier 3 entreront sans doute dans la légende, notamment celle de la douche qui semble vouloir renvoyer dos à dos Psychose et Massacre à la tronçonneuse. Entre ces nombreuses séquences gratinées, le film bat un peu de l’aile, le réalisateur peinant à nous attacher à ses personnages (notamment l’héroïne du film précédent, muée malgré elle en Némésis du maléfique Art) ou à développer la mythologie du clown en la rattachant au motif de la possession diabolique. On sent bien que l’intérêt de Leone est ailleurs, et que les ambitions de son long-métrage sont avant tout celles d’un spectacle de Grand-Guignol. De ce point de vue, rien à dire, Terrifier 3 remplit son contrat. Un quatrième opus est bien entendu déjà dans les starting block.

 

© Gilles Penso


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