CREATION OF THE GODS 2 : DEMON FORCE (2025)

Un second volet encore plus spectaculaire que le premier, gorgé de rythme, d’action, de batailles grandioses et de créatures monstrueuses…

FENG CHEN 2: ZHAN HUO XI QI

2025 – CHINE

Réalisé par Wuershan

Avec Huang Bo, Yosh Yu, Nashi, Chen Muchi, Xuejian Li, Kris Philips, Naran, Hsing-Kuo Wu, Swanson Han, Yafan Wu, Yu Xia, Kun Chen

THEMA HEROIC FANTASY I SORCELLERIE ET MAGIE

 

Après Creation of the Gods I : Kingdom of the Storms, le second volet de la trilogie fantastique de Wuershan s’avère encore plus maîtrisé et fluide que le premier opus au niveau du rythme et de l’action ! La narration est entraînée par la dynamique de la réalisation, tandis que nous sommes déjà familiarisés avec l’univers et les personnages. Les crimes du prince tyrannique King Yin Shou (Fei Xiang), responsable de la déchéance du royaume des Shang, vont engendrer la chute des déités qui protégeaient la dynastie ancestrale. Sa concubine, possédée par l’envoutante femme renard Su Daji (Naran), prête à sauver la vie de son protégé au péril de la sienne, continue de répondre aux désirs de puissance de son royal complice. Creation of the Gods 2 : Demon Force affirme son statut de grande fresque d’heroic-fantasy et d’épopée fantastique pour marquer résolument l’Histoire du cinéma asiatique et s’exporter à l’international sur le marché des blockbusters américains.

On y retrouve tous les codes classiques qui font le merveilleux et le romantisme de films comme Excalibur de John Boorman ou Ladyhawke de Richard Donner, les intrigues par-delà la vie et la mort de Conan, ou celles des Histoires de fantômes chinois produites par Tsui Hark : magie, mythologie, légendes, sur fond de véracités historiques concernant la succession des dynasties, des royaumes et des empires. La philosophie confucéenne n’est pas exclue avec l’importance de la loyauté familiale et du respect hiérarchique, ainsi que toutes les références inspirantes et éblouissantes aux films de sabre de l’âge d’or, et à des œuvres plus personnelles comme Les Cendres du temps de Wong Kar Waï, ou encore Tigre et Dragon d’Ang Lee. On assiste donc à un florilège de citations bien choisies qui enchanteront les amateurs du genre, ainsi qu’à des scènes de batailles grandioses, et à un art de la démesure destiné à nous éblouir, et qui fait mouche, à grands renforts de créatures géantes et monstrueuses.

Une des plus grandes fresques du cinéma fantastique

Ce spectacle, qui existe également en 4DX, et que l’on compare à la trilogie du Seigneur des anneaux de Peter Jackson, bénéficie d’un succès phénoménal au box-office. S’il est vrai que la représentation d’un des héros du film, ressuscité sous la forme d’un personnage tricéphale (bleu), n’est pas la trouvaille la plus enthousiasmante de l’histoire, on ne boudera pas notre plaisir pour autant, et on retiendra plutôt avec bonheur les performances physiques et les ballets chorégraphiques dignes des plus grandes scènes de kung fu du cinéma hongkongais. Notons en particulier la prestation, la beauté et le talent des acteurs Yosh Yu et Nashi (originaire de Mongolie intérieure comme Wuershan), qui forcent l’admiration dans les rôles respectifs de Ji Fa, et de Deng Chanyu, la farouche guerrière Shang. Peut-on apprécier le film sans avoir vu le premier volet ? Assurément. Autant il était difficile de suivre tous les enjeux du premier film avec son nombre toujours croissant de personnages, autant ici il est plus facile de s’immerger dans cette bataille à mort pour la reconquête par les humains d’un paradis perdu. Ce film-événement réunit tout ce que l’on peut aimer dans le wu xia pian, le merveilleux et la fantasy. Il réjouira les amateurs du genre, mais aussi le grand public et les familles en quête d’un divertissement spectaculaire de qualité.  

© Quélou Parente

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PRESENCE (2024)

Une famille dysfonctionnelle s’installe dans une nouvelle maison en espérant soigner ses fêlures. Mais quelque chose les observe…

PRESENCE

2024 – USA

Réalisé par Steven Soderbergh

Avec Lucy Liu, Chris Sullivan, Callina Liang, Eddy Maday, West Mulholland, Julia Fox, Benny Elledge, Daniel Danielson, Jared Wiseman, Robert M. Jimenez

THEMA FANTÔMES

 

De longs plans-séquence dans une maison hantée ? Voilà qui nous rappelle The Silent House de Gustavo Hernandez. Si ce n’est que la caméra en mouvement adopte ici le point de vue subjectif d’un fantôme observant les habitants en silence, ce qui semble rapprocher le postulat de Presence de celui de A Ghost Story, voire de Here (même si chez Zemeckis ce « spectre spectateur » n’était suggéré que de manière abstraite). L’idée de Presence est née dans l’esprit de Steven Soderbergh après avoir appris que la maison qu’il avait acquise avec son épouse était présumée hantée par l’esprit de la précédente locataire. Dans le traitement de dix pages qu’il écrit, le principe du regard du fantôme matérialisé par les mouvements de la caméra est déjà établi. Lorsqu’il soumet le fruit de ses réflexions au scénariste David Koepp (avec qui il avait collaboré sur le thriller Kimi), ce dernier est immédiatement emballé. Après tout, n’avait-il pas déjà brillamment abordé un thème voisin dans Hypnose ? Presence étant un projet très personnel, Soderbergh assure lui-même le montage et les prises de vues, obtenues avec une caméra numérique légère montée sur un petit stabilisateur. Le film est mis en boîte en trois semaines seulement, dans un décor unique, avec un budget de deux millions de dollars, afin d’en limiter les risques et de garder un contrôle total sur le résultat final.

La présence qui donne son nom au film nous accompagne entre les murs d’une grande maison de banlieue avant même que les protagonistes entrent en scène, histoire de nous familiariser avec le langage filmique que va adopter Soderbergh mais aussi de nous rendre nous-même témoins des événements. Comme le spectre, nous sommes des spectateurs/voyeurs, nous apprêtant à nous immiscer dans l’intimité des nouveaux arrivants en gardant nos distances. Bientôt débarque l’agent immobilier, suivi de près par la famille Payne : la mère Rebecca (Lucy Liu), le père Chris (Chris Sullivan), le frère aîné Tyler (Eddy Maday) et la sœur cadette Chloe (Callina Liang). Après quelques hésitations, ils décident de prendre possession des lieux. Mais tout n’est pas au beau fixe chez les Payne. Rebecca est obsédée par son travail et a commis des fraudes financières qui entament profondément la confiance de son époux. Tyler est un champion de natation arrogant qui fait l’admiration de sa mère. Quant à Chloe, elle pleure encore la mort de sa meilleure amie Nadia. Un peu délaissée, ultrasensible, Chloe sera la première à sentir cette présence surnaturelle qui glisse entre les murs…

Esprit voyeur

Soderbergh opte pour une mise en forme très primaire, collant de très près à son concept sans s’embarrasser de fioritures. La caméra reste donc la plupart du temps lointaine, en captant les actions au grand-angle, tandis que chaque plan-séquence s’interrompt par un écran noir silencieux avant d’enchaîner sur le suivant, comme si la première version brute du film sortie de la salle de montage était celle finalement choisie pour le résultat définitif. L’idée est intéressante, même si les mouvements de cette présence nous semblent bien trop humains pour être attribués à un être de l’au-delà. La vue subjective monte et descend les escaliers, se cache derrière les portes ou les placards, évite les meubles pour se frayer un chemin, bref ressemble à ce qu’elle est vraiment : le fruit du travail minutieux d’un réalisateur/cameraman chargé de tout filmer dans le décor en évitant de se casser la figure ! En effet, rien ne justifie que ce fantôme s’embarrasse des contraintes physiques et matérielles de ce bas-monde… à moins qu’il ne s’agisse des réflexes hérités de son ancienne vie ? La relative froideur du dispositif s’atténue progressivement, en grande partie grâce au naturel des quatre acteurs principaux et au lyrisme de la très belle musique de Zack Ryan qui casse un peu l’austérité du film. Au moment climax, lorsque la caméra décide de se rapprocher drastiquement des acteurs tandis que la situation est en train de basculer, un malaise soudain nous étreint. Car nous voilà impuissants face au drame qui se noue, tellement identifiés à cet esprit muet que nous aimerions qu’il agisse pour nous, qu’il prenne les choses en main, qu’il se comporte enfin en poltergeist digne de ce nom. La sensation est loin d’être inintéressante, même si Presence – pour audacieux et original qu’il soit – ne nous aura finalement convaincus qu’à moitié.

© Gilles Penso

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THE GORGE (2025)

Miles Teller et Anya Taylor-Joy incarnent deux tireurs d’élites chargés de surveiller un ravin au fond duquel se terrent de mystérieuses créatures…

THE GORGE

2025 – USA

Réalisé par Scott Derrickson

Avec Miles Teller, Anya Taylor-Joy, Sigourney Weaver, Sope Dirisu, William Houston, Kodna Holdbrook-Smith, James Marlowe, Julianna Kurokowa

THEMA MUTATIONS

 

C’est Zach Dean, scénariste de The Tomorrow War, qui est à l’origine de The Gorge. Son script, écrit spontanément sans commande spécifique d’un studio, fait le tour des maisons de production hollywoodiennes et finit par entrer dans la fameuse « Black List », celle des scénarios ultra-prometteurs n’ayant pas encore trouvé acquéreur. Ce sont finalement Skydance Media et Apple Original Film qui décident de s’associer pour financer le film, dont les hautes ambitions nécessitent un budget conséquent. Aussi à l’aise avec les production modestes (Sinister, Black Phone) qu’avec les blockbusters (Doctor Strange), Scott Derrickson se voit confier la mise en scène de ce long-métrage hybride. The Gorge présente en effet la particularité de se situer aux confluents de plusieurs genres : la science-fiction, l’horreur, l’action, l’espionnage, le thriller et la romance. Pour les rôles principaux, la production penche pour Miles Teller (Les Quatre Fantastiques) et Anya Taylor-Joy (Furiosa : une saga Mad Max). En lisant le scénario, les deux acteurs ont la surprise d’y découvrir des clins d’œil à deux des rôles qui les rendirent populaires. L’un y joue en effet de la batterie, comme dans Whiplash, et l’autre se lance dans des parties d’échecs, comme dans Le Jeu de la dame. « Bizarrement, c’était dans le scénario depuis le tout début, avant même que nous soyons attachés à ce projet », révèle Teller (1). « On a trouvé ça un peu exagéré et on a essayé de faire retirer ces scènes », ajoute Taylor-Joy. « Mais ils nous ont répondu que ces choses aidaient les personnages à faire connaissance » (2). Le double clin d’œil subsiste donc à l’écran.

The Gorge met en scène deux snipers qui sont chargés à distance d’une mission identique : tenir leur position pendant un an, chacun d’un côté opposé d’une gorge abyssale, sans aucun contact avec l’extérieur ni avec leur homologue d’en face. Levi Kane (Miles Teller), ex-sniper de la Marine reconverti en mercenaire, hérite de la tour ouest. Drasa (Anya Taylor-Joy), espionne lituanienne au service du Kremlin, garde l’est. Chacun d’eux lutte contre ses propres démons comme il peut. Tandis que Levi est hanté par les fantômes des cibles qu’il a abattues, Drasa est obsédée à l’idée que son père, rongé par un cancer, ait décidé d’écourter ses souffrances pour rejoindre sa défunte épouse le jour de la Saint-Valentin. À son arrivée, Levi relève son prédécesseur qui lui apprend qu’en plus des tours, des tourelles automatiques surveillent la zone, des antennes masquent l’endroit du reste du monde et des mines tapissent les parois. Pourquoi tant de précautions ? Parce qu’en bas, dans les ténèbres, quelque chose de monstrueux rôde…

La peur qui rôde

Si la situation de départ est très intrigante, Scott Derrickson ne peut s’empêcher de céder à un certain nombre de facilités, bardant cette romance à distance de clichés, concoctant des séquences de suspense difficilement crédibles (même avec la meilleure volonté du monde), expédiant en deux coups de cuiller à pot son climax et son épilogue. Sans compter ce recours toujours un peu paresseux aux films d’archives (une vieille bobine qui traine au bon endroit, un fichier vidéo immédiatement accessible dans un ordinateur sans âge) pour tout expliquer (un gimmick sans doute hérité de Sinister). Pourtant, le film reste miraculeusement captivant grâce à la force de son concept, à ses acteurs épatants (dont l’alchimie à l’écran est indiscutable) et au design hallucinant du monde infernal qui s’est développé au fin fond de la gorge. Ces créatures impensables, mêlant la morphologie des hommes, des arbres, des insectes et des reptiles, nous évoquent tour à tour les monstruosités de The Thing, les aberrations biologiques d’Annihilation ou les abominations des écrits de Lovecraft, tandis que le décor infernal dans lequel grouillent ces erreurs de la nature s’inspire des œuvres du peintre surréaliste polonais Zdzislaw Beksinski. Malgré ses invraisemblances et ses raccourcis, The Gorge reste donc une très agréable surprise, sa diffusion sur la plateforme Apple TV + ayant été très chaleureusement accueillie.

(1) et (2) Extraits d’interviews parues dans Entertainment Weekly en février 2025

© Gilles Penso

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AMAZON RACHÈTE 007 : QUELLES CONSÉQUENCES ?

Jeff Bezos se paie la franchise James Bond. Voilà de quoi secouer et agiter les fans de l'espion imaginé par Ian Fleming…

PUBLIÉ LE 22 FÉVRIER 2025

James Bond a troqué son permis de tuer pour un abonnement Amazon. En février 2025, Amazon a acquis le contrôle créatif de la franchise 007 (après le rachat de MGM en mai 2021 pour 8,45 milliards de dollars), marquant la fin d’une ère où les producteurs historiques, Michael G. Wilson et Barbara Broccoli, tenaient fermement les rênes. Après près de 60 ans de service, tous deux ont annoncé leur retrait pour se consacrer à des projets personnels. Les Bondophiles que nous sommes ont légitimement accueilli la nouvelle avec beaucoup de perplexité. Comment ne pas redouter que l’essence même de l’espion qu’on aimait soit dénaturée par une surabondance de contenus (spin-off et produits dérivés en pagaille) ? Les critiques pointent du doigt quelques précédents peu probants, comme la série Le Seigneur des Anneaux : Les Anneaux de Pouvoir, jugée décevante par une partie du public. Le scénariste John Logan lui-même (Skyfall, Spectre) a exprimé ses inquiétudes dans une tribune, appelant Amazon à ne pas « secouer ni agiter » l’agent secret. Beaucoup ont tôt fait de comparer Jeff Bezos à Blofeld (il y a certes un petit air de ressemblance, reconnaissons-le), architecte tout-puissant de la mort annoncée de l’agent 007. Rien n’empêche cependant d’avoir une approche optimiste et de voir dans ce rachat une opportunité de revitaliser la franchise en explorant de nouvelles directions créatives, avec des ressources financières et technologiques accrues. Après tout, n’avions-nous pas abandonné notre agent secret préféré dans un bien triste état à la fin de Mourir peut attendre ? Sans doute est-il temps de le ressusciter…

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POPEYE’S REVENGE (2025)

Le sympathique marin fumeur de pipe et mangeur d’épinards se transforme en croquemitaine assoiffé de sang dans ce slasher improbable…

POPEYE’S REVENGE

 

2025 – GB

 

Réalisé par William Stead

 

Avec Emily Mogilner, Connor Powles, Danielle Ronald, Steven Murphy, Kelly Rian Sanson, Max Arlott, Bruno Cryan, Kathi DeCouto, Kyle Jordan, Oliver Mason

 

THEMA TUEURS

En 2025, Popeye tombe dans le domaine public. Aussitôt, tout devient possible, y compris les projets les plus improbables. Coup sur coup, deux films d’horreur détournant l’imagerie du marin imaginé par E.C. Segar sont ainsi mis en chantier. Le premier, Popeye the Slayer Man, est réalisé par Robert Michael Ryan. Le second, Popeye’s Revenge, est initié par la petite compagnie de production ITN qui n’en est pas à son coup d’essai en ce domaine. Ils produisirent en effet Winnie the Pooh : Blood and Honey en 2023, dont le petit succès motiva la réalisation d’une suite mais aussi d’autres slashers se réappropriant des personnages pour enfants, comme Cinderella’s Curse, Mouse of Horrors, Bambi : The Reckoning ou Le Cauchemar de Peter Pan. Écrit par Harry Boxley (Piglet’s Return) et réalisé par William Stead (Children of the Night), Popeye’s Revenge réinvente complètement l’histoire du matelot féru d’épinards. Le dessin animé aux traits naïfs qui introduit le film nous apprend qu’il est né sous le prénom de Johnny. A cause de son physique étrange (notamment des avant-bras disproportionnés), l’enfant suscite les moqueries de ses camarades et finit par en tuer un dans un accès de colère incontrôlable. La population locale encercle alors sa maison et y met le feu, tandis que le tout jeune Johnny/Popeye se noie dans le lac voisin.

Quinze ans plus tard, alors que cette histoire est considérée par beaucoup comme une légende urbaine, trois réalisateurs de vidéos pour les réseaux sociaux débarquent dans la région pour relancer leur nombre en baisse de followers. Le nouvel épisode de « The Haunted Houses of Evils » sera donc consacré à Popeye. Or ce dernier, devenu un tueur désaxé au visage à moitié brûlé, surgit bientôt pour massacrer le trio. Après cette entrée en matière saignante, le film nous présente Tara (Emily Mogilner), dont la mère vient d’hériter de la maison de Popeye. La jeune fille sollicite six amis pour partir retaper les lieux dans l’espoir d’en faire une attraction pour touristes. Le groupe s’installe donc sur place, la plupart ne pensant qu’à boire, fricoter et passer du bon temps, évidemment. On sent bien que Popeye’s Revenge cherche à marcher sur les traces de Vendredi 13, dont il reprend l’idée de l’enfant difforme noyé dans un lac qui revient à l’âge adulte pour massacrer un groupe de jeunes venus séjourner dans les bois voisins. L’idée du brouillard surnaturel qui charrie avec lui une ancienne malédiction semble quant à elle empruntée à Fog, tandis que la backstory qui entoure le passé du personnage évoque celle de Freddy Krueger.

Sang d’ancre

Bref, nous voilà en terrain connu, et de ce point de vue Popeye’s Revenge ne cherche pas à réinventer la roue. Les protagonistes sont donc bardés de stéréotypes (les bimbos écervelés, la fille plus futée que les autres, le playboy, l’idiot maladroit) et s’isolent à tour de rôle dans des coins sinistres pour se muer en chair à saucisse sous les coups répétés du croquemitaine psychopathe. Étonnamment, malgré l’absurdité de son concept (un slasher avec Popeye quand même !), le film se prend très au sérieux, les acteurs essaient de jouer avec conviction, le scénario s’efforce même de s’intéresser à leurs problèmes personnels et à leurs états d’âme. Les mises à mort restent inventives, avec une mention spéciale pour le garçon qui se retrouve avec une ancre plantée dans le sexe, puis la colonne vertébrale extirpée à mains nues et enfin la tête arrachée ! Il nous semble même déceler au détour d’un autre meurtre un hommage à L’Enfer des zombies. Recyclant de manière ludique l’imagerie classique du personnage tel qu’il fut popularisé dans les dessins animés des frères Fleischer (les gros bras, la pipe, les boites d’épinard), le film bénéficie d’une mise en forme très soignée, notamment une belle photo qui capitalise sur les effets de brume prise dans les faisceaux lumineux. Pas de quoi crier au génie, bien sûr, mais nous sommes un cran au-dessus du peu palpitant Winnie the Pooh : Blood and Honey.

 

© Gilles Penso

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COMPANION (2025)

Trois couples se retrouvent dans une cabane au milieu des bois. La situation semble paisible, mais les choses ne tardent pas à dégénérer…

COMPANION

 

2025 – USA

 

Réalisé par Drew Hancock

 

Avec Sophie Thatcher, Jack Quaid, Lukas Gage, Megan Suri, Harvey Guillen, Rupert Friend, Jaboukie Young-White, Matt McCarthy, Marc Menchaca

 

THEMA ROBOTS

Après avoir marqué les esprits grâce à son premier long-métrage Barbare, Zach Cregger envisage de mettre en scène Companion, écrit par son ami Drew Hancock, scénariste et réalisateur pour la télévision depuis une vingtaine d’années. Réflexion faite, Cregger préfère produire le film et laisser à Hancock le soin de le diriger lui-même. Et si Companion n’a finalement aucun lien direct avec Barbare, un point commun les unit tout de même : dans les deux cas, mieux vaut ne rien savoir du film avant de le regarder pour préserver les multiples surprises que réserve le scénario. On se perd d’ailleurs en conjectures sur la nature de Companion. Est-ce un thriller ? Un film noir ? Un film d’horreur ? Un film de science-fiction ? Une comédie ? C’est volontairement que ce premier long-métrage échappe à toutes les étiquettes, même si l’intention initiale de Drew Hancock était de se lancer dans un pur film de genre. C’est au fur et à mesure de l’écriture que la juste tonalité s’est imposée, quitte à balayer les codes traditionnels ou du moins à les réorganiser sous un jour inhabituel. « Je vois surtout le film comme un drame relationnel », explique l’auteur/réalisateur. « C’est le cœur de l’intrigue. C’est l’histoire d’une rupture, celle d’une femme qui fait face à une relation toxique et tire sa force de la découverte de soi. » (1)

Le film met en scène Sophie Thatcher (Heretic) et Jack Quaid (The Boys) dans le rôle d’Iris et Josh, un couple qui part en week-end dans une maison isolée au bord d’un lac pour y rencontrer leur amie Kat, le couple Eli et Patrick, ainsi que Sergey, le petit ami de Kat qui est propriétaire de la maison. Voilà pour le point de départ. La tonalité est légère, détendue, guillerette même, ce qui n’empêche pas certaines tensions sous-jacentes d’affleurer. Nous n’en dirons pas plus sur l’intrigue, mais ce qui suit risque de révéler quelques points clés. Pour éviter tout spoiler, mieux vaut donc passer au paragraphe suivant. De nombreux indices liés à la véritable nature d’Iris jalonnent le récit dès l’entame, mais ce n’est qu’au bout de 24 minutes de métrage que son statut de robot est ouvertement révélé. Là où l’on aurait pu attendre un schéma narratif classique dénonçant les travers de l’intelligence artificielle et les dangers encours par l’humanité face à un androïde qui deviendrait autonome et prendrait des initiatives, Hancock a la bonne idée d’inverser le processus pour placer la thématique sur un autre plan. Son questionnement est donc le suivant : et si, à force d’être assistés par des machines intelligentes, nous en devenions les esclavagistes, quitte à développer de nouveaux comportements abusifs et immoraux sous prétexte que nous en sommes les « maîtres » ?

Imprévisible

L’atout majeur de Companion est sa capacité à sans cesse rebondir d’une péripétie à l’autre sans jamais laisser aux spectateurs la possibilité de savoir où les emmènera cette intrigue décidément insaisissable. La première surprise est loin d’être la plus importante, dans la mesure où la campagne marketing du film – y compris son poster – a largement laissé deviner au public « le pot-aux-roses ». C’est la suite qui est intéressante, car elle est révélatrice des comportements, des faiblesses et des bassesses, tout en nous interrogeant sur notre propre humanité. Précise, fine mais jamais excessivement maniérée (ç’aurait pu être l’un de ses travers), la mise en scène de Drew Hancock sert à merveille ce récit rocambolesque et laisse toute la latitude nécessaire aux acteurs pour s’exprimer pleinement. À ce titre, les prestations savoureuses de Sophie Thatcher et Jack Quaid emportent immédiatement le morceau et permettent aux spectateurs de s’attacher à eux pour mieux être désarçonnés quelques séquences plus tard. Companion réussit même à éviter le piège dans lequel tombait Barbare lors de son dernier acte – un climax grandguignolesque et peu crédible – pour conserver jusqu’au bout sa cohérence et sa fraîcheur.

 

(1) Extrait d’un entretien publié sur FlickDirect en février 2025

 

© Gilles Penso

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CAPTAIN AMERICA : BRAVE NEW WORLD (2025)

28 ans après Air Force One, Harrison Ford redevient président des États-Unis tandis que le nouveau Captain America tente d’empêcher un conflit mondial…

CAPTAIN AMERICA BRAVE NEW WORLD

 

2025 – USA

 

Réalisé par Julius Onah

 

Avec Anthony Mackie, Harrison Ford, Danny Ramirez, Shira Haas, Carl Lumbly, Tim Blake Nelson, Giancarlo Esposito, Xosha Roquemore

 

THEMA SUPER-HÉROS I SAGA MARVEL COMICS I MARVEL CINEMATIC UNIVERSE I CAPTAIN AMERICA

À partir de 2021, année au cours de laquelle le studio Marvel entama la diffusion de ses propres séries sur la plateforme Disney +, un lien étroit s’est tissé entre les aventures télévisées et cinématographiques des super-héros de la « Maison des idées ». Pour ceux qui n’étaient pas familiers avec les shows Marvel du petit écran, certaines pièces du puzzle de ce gigantesque univers étendu commençaient à manquer. Sans avoir vu Wandavision, il n’était pas simple de saisir les motivations de la Sorcière Rouge dans Doctor Strange in the Multiverse of Madness. Pour comprendre qui était le super-vilain de Ant-Man et la Guêpe : Quantumania, mieux valait avoir vu Loki. Ceux qui avaient raté Ms. Marvel ne pouvaient pas connaître la jeune Kamala Khan de The Marvels. Captain America : Brave New World suit la même logique mais pousse le bouchon un peu plus loin. En effet, à moins d’avoir suivi les six épisodes de Falcon et le Soldat de l’hiver, difficile d’accepter que le super-soldat à la bannière étoilée ait changé de visage pour prendre celui de Sam Wilson, alias Anthony Mackie. Marvel pousse ainsi à la consommation, tout en reprenant le principe feuilletonnant que Stan Lee avait instauré dans les années 60 en incitant les lecteurs à lire toutes les séries des comics Marvel via une multitude de crossovers.

Captain America est donc désormais équipé non seulement d’un bouclier mais aussi d’ailes quasi-supersoniques et de tout un arsenal qui permet de compenser l’absence de super-pouvoirs. Il est également flanqué d’un sidekick censé nous faire rire et nous émouvoir (un double objectif pas vraiment atteint, avouons-le tout de suite) en la personne de Joaquin Torres (Danny Ramirez) qui devient par conséquent le nouveau Faucon. Cette redistribution des cartes implique aussi l’autre tête d’affiche du film, Harrison Ford, qui entre dans la peau de l’ex-général Ross devenu président des États-Unis. Ford remplace le regretté William Hurt, qui jouait Ross dans L’Incroyable Hulk de Louis Leterrier. Captain America : Brave New World tisse aussi des liens avec Les Éternels via la gigantesque statue céleste à moitié-immergée dans l’océan Indien qui devient ici l’objet de toutes les convoitises, jusqu’à ce qu’un incident international menace de déclencher un conflit mondial. Pas moins de cinq scénaristes sont sollicités pour essayer de mettre un peu d’ordre dans ce chaos et construire une intrigue cohérente. Hélas, l’union ne fait pas toujours la force, et il faut bien reconnaître que le script de ce quatrième Captain America estampillé Marvel n’est pas son point le plus fort. Un certain nombre de rebondissements fonctionnent, certes, mais le gros de l’intrigue, sa structure déséquilibrée et ses longs tunnels de dialogues laissent perplexes.

Service minimum

Étant donné que Julius Onah (The Cloverfield Paradox) assure le service minimum côté mise en scène, en s’appuyant beaucoup sur les animatiques des équipes des effets visuels pour toutes les séquences d’action, il nous semble voir un film techniquement maîtrisé mais sans style ni parti pris. Les combats, séquences de voltige, cascades, fusillades, explosions saturent donc l’écran avec générosité mais nous laissent un peu indifférents. Dans un registre voisin, Captain America : Le Soldat de l’hiver ou Captain America : Civil War nous convainquaient beaucoup plus. Quant à la bagarre musclée entre Sam Wilson et le Hulk rouge, vendue comme le clou du spectacle sur tous les posters et dans toutes les bandes annonce, elle ne manque certes pas de brutalité mais tourne court beaucoup trop vite et s’achève en queue de poisson. L’élément sans doute le plus intéressant du film – même s’il est très sous-exploité – est le « syndrome de l’imposteur » dont souffre Wilson, toujours inquiet à l’idée de ne pas se montrer à la hauteur de l’héritage que lui a légué Steve Rogers. Anthony Mackie n’a rien perdu de son charisme et assume le rôle avec beaucoup de prestance. Harrison Ford, lui, redevient président des USA 28 ans après Air Force One, mais sous un jour plus grincheux et plus renfrogné, dans l’esprit des rôles que l’ex-Indiana Jones a tendance à jouer en pilote automatique depuis qu’il a atteint l’âge vénérable de 80 ans. Voilà donc un épisode raisonnablement divertissant mais pas particulièrement palpitant. C’est le lot de beaucoup de films Marvel, hélas.

 

© Gilles Penso

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BETTER MAN (2024)

Dans ce biopic de Robbie Williams surréaliste et excentrique, la pop star est remplacée… par un chimpanzé !

BETTER MAN

 

2024 – GB / USA / CHINE / FRANCE / AUSTRALIE

 

Réalisé par Michael Gracey

 

Avec Robbie Williams, Jonno Davies, Steve Pemberton, Alison Steadman, Kate Mulvany, Frazer Hadfield, Damon Herriman, Raechelle Banno, Tom Budge

 

THEMA SINGES

« Je me suis toujours senti moins évolué que les autres », avouait Robbie Williams au moment de la sortie de Better Man (1). De là à développer l’idée d’un film qui retrace sa carrière en remplaçant son personnage par un singe, il y a tout de même un fossé que la superstar s’est empressée de franchir avec la bénédiction de son réalisateur Michael Gracey, signataire du très remarqué The Greatest Showman. « J’aime ce qui est excentrique, insolite et surréaliste, et ça m’a paru totalement logique lorsque Michael me l’a proposé. Je doute que ce film ait autant fait parler de lui sans la présence du singe » (2) Effectivement, ce biopic serait probablement passé inaperçu s’il s’était contenté d’emprunter une voie plus traditionnelle, d’autant que sa mise en chantier peut à priori sembler un peu présomptueuse. Après tout, Williams n’a que 51 ans. Sa carrière, si prestigieuse soit-elle, méritait-elle qu’un film entier s’y consacre ? Ça ne tombait pas sous le sens. Il était bien sûr très difficile de convaincre un grand studio de se lancer dans un pari aussi fou. Le financement de Better Man aura donc été assuré par des acheteurs indépendants du monde entier sollicités par la société de vente Rocket Science avant que Paramount n’accepte finalement de l’acquérir et de le distribuer. Pour le meilleur et pour le pire…

Pour construire le film, Michael Gracey utilise de nombreux entretiens qu’il a réalisés avec Williams pendant un an et demi dans son studio d’enregistrement de Los Angeles. Ces interviews servent non seulement à établir la structure du récit mais aussi à le nourrir d’une voix off spontanée et vivante – celle de la star elle-même. Le parti-pris de Better Man est de couvrir trois décennies de la vie de Williams, depuis ses débuts dans le boys band Take That jusqu’aux sommets de sa carrière solo, en passant par de nombreuses périodes de crises et d’incertitudes. Gracey reconstitue donc l’Angleterre des années 80, 90 et 2000 et sollicite Jonno Davies – équipé d’une combinaison de performance capture – pour incarner le chanteur. Les artistes de Weta Digital sont ensuite chargés de transformer l’acteur en singe, ce qui lui donne quelques airs de familles avec le jeune Cesar de La Planète des singes : les origines. Ce primate est clairement une vue de l’esprit, puisque tous les autres personnages du film sont humains et se comportent sans jamais se référer au caractère simiesque du héros.

Bête de scène

Ce projet atypique, qui pourrait passer de prime abord pour un ego trip à 110 millions de dollars, est en réalité plus complexe qu’il n’y paraît. Car si la trame narrative suit assez sagement celle d’un biopic classique, voire d’un documentaire (impression renforcée par la voix off de Robbie Williams qui nous guide pas à pas au fil de son parcours), le recours aux codes de la comédie musicale pour traduire les pensées et les tourments du héros, ainsi que la virtuosité fulgurante de plusieurs morceaux de bravoure (le clip en plan-séquence dans la rue sur la chanson « Rock DJ », la séquence de l’accident de voiture), transportent le film dans une autre dimension. Le choix de remplacer la star par un animal anthropomorphe, quant à lui, ne se contente pas de colorer bizarrement l’histoire mais lui donne presque les allures d’un conte de fées déviant, une sorte de Disney trash avec alcool, sexe et drogue. Better Man est donc un objet filmique définitivement « autre », une sorte de docu-fiction lyrique combiné avec un épisode de La Planète des singes. Mais il s’agit aussi d’une introspection restituant bien les incertitudes, le manque de confiance en soi, la lente dépression et les pulsions autodestructrices de Williams. En ce sens, le film prend presque les atours d’une séance de psychanalyse. Better Man était décidément trop insaisissable pour plaire. D’où ses résultats catastrophiques au box-office. Il n’en demeure pas moins que sa démarche reste surprenante, touchante, déstabilisante… et surtout sacrément culottée.

 

(1) Extrait d’une interview parue dans Variety en décembre 2024.

(2) Extrait d’une interview diffusée sur The One Show en décembre 2024.

 

© Gilles Penso

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WOLF MAN (2025)

Dans le même esprit que son Invisible Man, Leigh Whannell revisite le mythe du loup-garou sous un angle modernisé et intimiste…

WOLF MAN

 

2025 – USA

 

Réalisé par Leigh Whannell

 

Avec Christopher Abbott, Julia Garner, Matilda Firth, Sam Jaeger, Ben Prendergast, Zac Chandler, Benedict Hardie, Milo Cawthorne, Leigh Whannell, Rob MacBride

 

THEMA LOUPS-GAROUS

Lorsque Joe Johnston réalisait en 2010 un remake très élégant du Loup-garou de George Waggner, la porte semblait ouverte vers une relecture à grand spectacle des films de monstres classiques d’Universal. Mais après l’accueil glacial réservé à Dracula Untold et La Momie, il était clair que le « Dark Universe » envisagé par le studio menait à une impasse. D’où un changement radical de cap. Les reconstitutions historiques et les têtes d’affiche coûteuses cèdent la place à des récits minimalistes produits pour de petits budgets. La première tentative allant dans ce sens, Invisible Man de Leigh Whannell, est un grand succès. Le co-créateur de la saga Saw est donc logiquement invité par Universal à proposer un sujet voisin. C’est dans la foulée du confinement imposé par la pandémie du Covid-19 que Whannell et son épouse Corbett Tuck se lancent dans l’écriture d’une première version de Wolf Man. Leur scénario aborde les notions d’isolement, de maladie, de déséquilibres au sein d’une cellule familiale dysfonctionnelle, bref s’éloigne volontairement du Loup-garou de Waggner et du Wolfman de Johnston pour réinventer le mythe du lycanthrope sous un tout nouveau jour. Confiants, les dirigeants d’Universal allouent au cinéaste un budget de 25 millions de dollars, soit plus du triple de celui d’Invisible Man.

En 1995, dans les montagnes isolées de l’Oregon, la disparition d’un randonneur soulève des rumeurs autour d’un mystérieux virus touchant la faune locale. Un matin, lors d’une partie de chasse, le jeune Blake Lovell (Zac Chandler) et son père autoritaire Grady (Sam Jaeger) aperçoivent une étrange créature humanoïde dissimulée dans la forêt. Terrifiés, ils se réfugient dans une cabane surélevée. La suite des événements est volontairement occultée par le scénario qui nous transporte aussitôt trente ans plus tard. Désormais adulte, Blake (Christopher Abbott, vu dans Possessor) vit à San Francisco avec sa femme Charlotte (Terry Garner, l’héroïne de L’Appartement 7A), très absorbée par son travail de journaliste, et leur fille Ginger (Matilda Firth). À l’image de son père, avec qui il a coupé les ponts, Blake lutte pour maîtriser son tempérament. Or un jour, il reçoit un certificat de décès concernant Grady, disparu depuis longtemps, ainsi que les clés de la maison de son enfance. Blake décide alors de s’y rendre pour y passer des vacances et tenter de reconstruire son couple qui bat de l’aile…

Dégénérescence

Choisir une approche intimiste pour aborder le mythe du loup-garou est de toute évidence la meilleure idée du film. Ces parents en crise sont crédibles, leurs interprètes très convaincants, et la dynamique du couple fragilisé s’appuie sur une mise en scène habile isolant souvent par ses cadrages une mère un peu laissée sur le bas-côté, trop occupée par ses activités professionnelles pour passer suffisamment de temps avec sa fille. La transformation de l’homme en loup, cœur de l’enjeu dramatique de Wolf Man, est ici lente et graduelle, suivant fidèlement le schéma dicté par La Mouche (auquel le film se réfère plusieurs fois). La lycanthropie se vit ici comme une contamination inexorable, une maladie dégénérative incurable. Whannell évoque d’ailleurs parmi ses influences Still Alice, qui abordait frontalement les affres de la maladie d’Alzheimer. Nous pensons aussi au Mutants de David Morley, avec lequel Wolf Man partage de nombreux points communs. Redoublant d’inventivité, le réalisateur nous permet de vivre la mutation de son héros « de l’intérieur », nous montrant l’altération de son ouïe et de sa vue, mais aussi son incapacité progressive à s’exprimer dans un langage intelligible et à comprendre les mots qu’il entend. Il faut souligner au passage la qualité des effets spéciaux de maquillage d’Arjen Tuiten, Whannell ayant pris le parti d’évacuer les images de synthèse pour visualiser la créature. Toutes ces bonnes idées – et une poignée de séquences de suspense réussies comme celle située au-dessus de la serre – sont un peu sabordées par une chute qui nous semble bâclée et très prévisible. Cette réserve – qui contribua à un bouche-à-oreille échaudé et à des résultats décevants au box-office – n’empêche pas Wolf Man d’être une excellente surprise redynamisant intelligemment un des motifs les plus classiques du cinéma fantastique.

 

© Gilles Penso

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SKELETON CREW (2024)

Quatre enfants s’égarent dans l’espace après avoir découvert l’épave d’un vaisseau spatial et affrontent mille dangers…

SKELETON CREW

 

2024 – USA

 

Créée par Christopher Ford et Jon Watts

 

Avec Jude Law, Ravi Cabot-Conyers, Ryan Kiera Armstrong, Kyriana Kratter, Robert Timothy Smith, Tunde Adebimpe, Dominic Burgess, Nick Frost, Kerry Condon

 

THEMA SPACE OPERA I SAGA STAR WARS

Située dans le sillage des événements racontés dans Le Retour du Jedi, neuf ans après la chute de l’Empire galactique, donc pendant la même période que The Mandalorian et Ahsoka, cette série Star Wars calibrée pour le jeune public est née dans l’esprit de Jon Watts, à qui nous devons les Spider-Man produits par le studio Marvel. Fort du succès des aventures de l’homme-araignée qu’il a mises en scène entre 2017 et 2021, et grâce à un pitch qui séduit immédiatement Kathleen Kennedy et Jon Favreau, Watts se lance dans Skeleton Crew dont il tient les rênes avec Christopher Ford (scénariste justement de Spider-Man Homecoming). Les choix des deux hommes sont prometteurs, notamment l’envie de mixer des effets visuels 100% numériques avec des techniques à l’ancienne (maquettes, animation en volume, marionnettes, maquillages spéciaux) et de solliciter des réalisateurs aux fortes personnalités, comme David Lowery (A Ghost Story), Bryce Dallas Howard (The Mandalorian), Jake Schreier (Robot & Frank) ou Daniel Kwan et Daniel Scheinert (Everything Everywhere All at Once).

Quand la série commence, il n’est pas bien difficile de comprendre où ses créateurs sont allés chercher leur inspiration. Les gamins qui slaloment à vélo entre les coquettes maisons de banlieue, les problèmes quotidiens des écoliers, la découverte d’un vieux navire pirate, un trésor caché, la menace d’une horde de gangsters plus ou moins difformes, une aventure à laquelle ne sont pas conviés les parents… De toute évidence, Skeleton Crew paie son tribut aux productions Spielberg des années 80 et tout particulièrement aux Goonies. L’Explorers de Joe Dante n’est pas loin non plus. Certes, les bâtiments sont futuristes, les bicyclettes en apesanteur, les enseignants des droïdes, les pirates des aliens et le navire un vaisseau spatial. Il n’en demeure pas moins que l’intégration – un peu au forceps – des composantes du cinéma d’Amblin dans l’univers de Star Wars nous laisse perplexes et semble s’inscrire dans la vogue nostalgique des années 80 qui alimentait déjà Super 8, Ça ou Stranger Things.

Amblin dans le mille

Fort heureusement, ce sentiment finit par s’évaporer au fil des épisodes qui continuent certes à se nourrir dans le terreau des Goonies et d’E.T. (en l’assumant parfaitement) mais finissent par construire une dramaturgie personnelle au sein de laquelle s’inscrit l’imagerie Star Wars sous un angle nouveau – ce qui n’est pas chose simple dans la mesure où le monde inventé par George Lucas a déjà été décliné tous azimuts. Riche en rebondissements dignes des serials des années 30, généreux en coups de théâtre et en séquences de suspense habiles, truffé de nouveaux personnages inattendus (dont l’un est incarné par notre Matthieu Kassovitz national) et de créatures bizarres (notamment un crabe-poubelle gigantesque animé en stop-motion par l’équipe du Tippett Studio), Skeleton Crew se bonifie d’épisode en épisode en laissant ses jeunes héros ainsi que les téléspectateurs perplexes quant aux motivations réelles du personnage ambigu que campe Jude Law avec un enthousiasme communicatif. De fait, même s’il est moins intense qu’Andor et moins atmosphérique que The Mandalorian, ce show ultra-divertissant se situe sur le dessus du panier des spin-off télévisés de la saga Star Wars, loin devant les dispensables Le Livre de Boba Fett, Obi-Wan Kenobi et The Acolyte.

 

© Gilles Penso

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