HERETIC (2024)

À contre-emploi, Hugh Grant incarne un homme étrange que viennent visiter deux jeunes missionnaires envoyées par une église mormone…

HERETIC

 

2024 – USA / CANADA

 

Réalisé par Scott Beck et Bryan Woods

 

Avec Hugh Grant, Sophie Thatcher, Chloe East, Topher Grace, Elle Young, Julie Lynn Mortensen, Elle McKinnon, Hanna Huffman, Anesha Bailey, Miguel Castillo

 

THEMA TUEURS I DIEU, LES ANGES ET LA BIBLE

Scott Beck et Bryan Woods ayant écrit l’histoire du remarquable Sans un bruit avant de se lancer dans la mise en scène du poussif 65 : la Terre d’avant, il était difficile de savoir à quoi s’attendre face à leur nouvel opus, un thriller horrifique bâti autour du sujet épineux de la croyance religieuse. L’idée leur vient suite à une série de discussions tournant autour de deux films n’ayant à priori aucun lien l’un avec l’autre : Le Souffle de la haine et Contact. « Beaucoup de films d’horreur utilisent le catholicisme comme justification d’une sorte de menace surnaturelle », explique Bryan Woods. « Mais il est très rare de voir des films comme ceux de Stanley Kramer et Robert Zemeckis capables de discourir de manière adulte sur la religion tout en restant destinés au grand public. Nous rêvions nous-mêmes, avec Scott, de réaliser un jour un film qui aborde tous nos sentiments, toutes nos peurs, toutes les choses que nous trouvons belles et terrifiantes à propos de la religion. Mais pour être honnête, cela semblait impossible. » (1) Il faudra un drame personnel, le décès du père de Bryan Woods, pour décider les deux hommes à franchir le pas. Choisir Hugh Grant pour incarner le rôle principal, celui d’un homme étrange au comportement de plus en plus inquiétant, peut sembler surprenant. Mais l’ex-star des comédies romantiques des années 90 cherche justement à casser son image. En ce sens, Heretic tombe à point.

Pour éviter de décrire le mormonisme de manière caricaturale et simpliste, Beck et Woods s’entretiennent avec de nombreux représentants de l’église et poussent même la minutie jusqu’à embaucher dans le rôle des deux jeunes missionnaires du film deux actrices qui furent elles-mêmes élevées dans la religion mormone avant de s’en éloigner. Leur discours, leur comportement et leurs relations sonnent donc très juste. Dès qu’elles entrent en scène, dans le rôle de sœur Barnes et de sœur Paxton, il n’est pas difficile de croire à leurs personnages. L’une semble confiante et plutôt sûre d’elle, l’autre timide et un peu plus introvertie. Elles ont répété leur petite routine de nombreuses fois. Aussi, lorsqu’elles pénètrent sur le seuil de la maison de Monsieur Reed, un homme anglais d’âge moyen aux petites manies étranges, leur numéro est bien rôdé. Sauf que Reed, qui les invite à discuter avec lui dans le salon pendant que sa femme prépare une tarte aux myrtilles, a un comportement de plus en plus déconcertant et se met à aborder le sujet de la religion sous un angle embarrassant qui rend la situation très inconfortable. Peu à peu, les choses vont dégénérer…

Crise de foi

L’aspect le plus fascinant d’Heretic est sa remise en question des croyances, de la foi et de l’endoctrinement. L’intention de Scott Beck et Bryan Woods n’est pas nécessairement de tirer à coups de boulets rouges sur les religions mais d’en démonter les mécanismes et d’analyser ce qui pousse les fidèles à se plier à leurs règles, si irrationnelles et incohérentes soient-elles. L’argument que défend Reed face à ses deux visiteuses repose sur l’idée que chaque confession est l’itération (le plagiat ?) d’une conviction précédente, et que toutes ces variantes finissent par masquer ce qu’est la « vraie religion ». Pour étayer son propos, l’homme multiplie les exemples : les jeux de sociétés, les reprises musicales ou les pensées philosophiques et théologiques réadaptées à la culture populaire. Ainsi, une même citation peut évoquer Voltaire ou Spider-Man, Robert Frost ou la Créature du Marais ! L’immaculée conception elle-même n’a-t-elle pas été revisitée dans La Menace fantôme ? Mais Heretic ne se borne évidemment pas à un simple échange d’opinions autour d’une table basse. Le huis-clos devient de plus en plus étouffant, à mesure que l’invitation de Reed prend la tournure d’un piège dont l’issue semble fatale. Discrète, la mise en scène de Beck et Woods n’en est pas moins redoutablement efficace, osant quelques échappées lyriques comme cet hallucinant plan en plongée au-dessus d’une maquette qui fusionne l’espace d’un instant deux échelles distinctes et rappelle le plan d’ouverture d’Hérédité. Heretic est donc une excellente surprise, doublée d’un joli succès critique et public.

 

(1) Extrait d’une interview publiée dans Gizmodo en novembre 2024

 

© Gilles Penso


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COMME UN LUNDI (2022)

Les employés d’une agence de publicité japonaise se rendent compte qu’ils sont coincés dans une boucle temporelle…

MONDAYS : KONO TAIMURUPU, LOOK JOSHI NI KIDZUNKA SENAI TO OWARANAI

 

2022 – JAPON

 

Réalisé par Ryo Takebayashi

 

Avec Ryo Ikeda, Wan Marui, Makita Sports, Yûgo Mikawa, Koki Osamura, Kotaro Yagi, Haruki Takano, Momoi Shimada

 

THEMA VOYAGES DANS LE TEMPS

Akemi Yoshikawa (Wan Marui), une employée de bureau japonaise, a une échéance urgente à respecter dans le cadre de son travail au sein de l’agence de publicité qui l’emploie. Or ses collègues Takuto Endо̄ (Koki Osamura) et Ken Murata (Yûgo Mikawa) sont convaincus d’être piégés dans une boucle temporelle, ce qui expliquerait pourquoi ils ont le sentiment de revivre sans cesse la même semaine. Après qu’ils aient réussi à lui indiquer l’avenir à plusieurs reprises, et après avoir elle-même revécu les mêmes événements, Yoshikawa se rend compte qu’ils disent la vérité. Ils doivent alors convaincre le reste du personnel, puis trouver la solution pour sortir de cette boucle…

Honoré du prix du meilleur premier film et de celui du meilleur montage aux Japanese Movie Critics Awards, le jeune réalisateur Ryo Takebayashi a choisi le ton de la comédie pour attaquer de front la culture du travail, connue au Japon pour entretenir l’esprit d’équipe d’employés dévoués et loyaux. En piégeant ses personnages dans le bureau d’une agence de pub par le biais d’une boucle temporelle hebdomadaire, le film donne à réfléchir aux limites du modèle nippon. C’est en conscientisant la répétition du quotidien que le scénario se tisse pour faire émerger la valeur de chaque individu, ainsi que le sens que chacun donne à sa vie. Que reste-t-il à celui qui a sacrifié ses rêves, comme le temps qu’il aurait pu passer avec sa famille ou ses amis plutôt que devant son ordinateur au travail ? Au pays des kamikazes et du hara-kiri, si ces rituels ancestraux appartiennent au passé, dans le Japon moderne, le taux de suicide et de burn out par excès de travail n’est pourtant pas anodin, au point que des entreprises sont passées à la semaine de quatre jours pour combattre le fléau.

Vous détestez les lundis ? Elle aussi !

Akemi, elle, rêve d’intégrer une agence concurrente tenue par une femme de pouvoir célèbre qui domine le marché. A cette fin, elle utilise l’anomalie de cette semaine qui se répète pour accélérer la cadence et améliorer son travail. Mais tout s’avère vain, à moins d’arriver à sortir de la boucle temporelle. Pour cela, elle et ses collègues doivent faire preuve de lucidité et s’unir pour s’appuyer sur les compétences de chacun et découvrir ce qui déclenche cette malédiction. Il leur faudra d’abord apprendre à se connaître pour se faire confiance et miser sur tout ce qui les rend uniques en tant qu’individu pour sortir de ce piège temporel. Tourné dans un seul lieu, le bureau, avec un budget restreint et un temps de tournage tout aussi famélique, c’est en redoublant d’inventivité et en maitrisant l’espace dans tous ses recoins que cette comédie, servie avec humour par sa comédienne principale, tire son épingle du jeu.

 

© Quélou Parente


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UNE HACHE POUR LA LUNE DE MIEL (1970)

Un tueur psychopathe assassine méthodiquement les jeunes femmes en robe de mariée pour régler un vieux traumatisme d’enfance…

IL ROSSO SEGNO DELLA FOLIA

 

1969 – ITALIE / ESPAGNE

 

Réalisé par Mario Bava

 

Avec Stephen Forsyth, Dagmar Lassander, Laura Betti, Jesus Puente, Femi Benussi, Antonia Mas, Luciano Pigozzi, Gérard Tichy, Veronica Llimera

 

THEMA TUEURS

En 1968, Mario Bava sort tout juste du tournage de Danger Diabolik, une superproduction financée par Dino de Laurentiis qui n’aura pas le succès escompté et ne se muera que plus tard en film culte. Le cinéaste entend bien ne pas perdre le rythme et accepte donc la proposition du producteur espagnol Manuel Caño, futur réalisateur de quelques curiosités frôlant dangereusement la nanardise comme La Vengeance du zombie ou Tarzan et l’arc-en-ciel. Caño offre à Bava la mise en scène d’Une hache pour la lune de miel, un film d’horreur écrit par Santiago Moncada (La Cloche de l’enfer) et coproduit par Giuseppe Zaccariello (Femina Ridens). Le rôle masculin principal est proposé à l’acteur canadien Stephen Forsyth, que Bava sélectionne principalement pour sa photogénie (et peut-être aussi pour une certaine ressemblance avec John Philip Law qu’il vient de diriger dans Danger Diabolik). Pour lui donner la réplique, le coproducteur Zaccariello propose sa protégée Dagmar Lassander, une comédienne d’origine tchèque habituée aux rôles plus ou moins déshabillés. Mais pendant les préparatifs, l’actrice Laura Betti, qui vient de triompher dans Théorème de Pasolini, appelle Bava pour lui faire savoir son envie de travailler avec lui. Aussitôt, le cinéaste modifie le scénario afin de lui accorder une présence consistante, quitte à bouleverser la cohérence déjà fragile du récit et à provoquer la jalousie de Dagmar Lassander, pas très heureuse de partager le feu des projecteurs avec une « rivale ».

Situé à Paris mais principalement tourné à Barcelone, Une hache pour la lune de miel commence par un générique très coloré en animation, preuve que l’inventif Mario n’a rien perdu de sa créativité. Dès l’entame, les deux principales maladresses du film sautent hélas aux yeux des spectateurs : des dialogues d’une grande naïveté et un jeu d’acteurs très approximatif. Lorsque Stephen Forsyth se rase face à son miroir, se lance en voix off dans un monologue improbable (« Les mystères de la vie ont fait de moi un paranoïaque ») et écarquille les yeux pour bien nous faire comprendre son trouble mental, un rire involontaire saisit les spectateurs. Le scénario de Santiago Moncada, retravaillé officieusement par Mario Bava, Laura Betti et Mario Musy Glori, s’intéresse à un grand designer de robes de mariées qui est incapable de contrôler ses pulsions meurtrières et assassine donc les jeunes femmes lorsqu’elles sont revêtues de leurs tenues de noces… autrement dit la grande majorité des modèles qui travaillent pour lui ! Dans une chambre secrète, il entrepose de nombreux mannequins en plastique revêtus des robes dont il est le designer et s’efforce de comprendre le traumatisme d’enfance qui l’a conduit à la psychopathie…

Les noces funèbres

L’intrigue policière se révélant artificielle et maladroite et le fin mot de l’histoire cherchant ses sources chez Alfred Hitchcock (principalement dans Psychose et Pas de printemps pour Marnie), l’intérêt majeur d’Une hache pour la lune de miel réside ailleurs. Malgré la faiblesse du budget à sa disposition, Bava parvient en effet à transcender cette histoire somme toute sommaire par ses dons d’esthète toujours vivaces, sa mise en scène virtuose et quelques morceaux de bravoure dont il a le secret, déclinant au passage son obsession récurrente pour les mannequins (on pense notamment à Six femmes pour l’assassin qui se déroulait aussi dans le milieu de la haute couture). Nous garderons notamment en mémoire cette séquence de suspense savoureuse au cours de laquelle l’épouse de notre « héros », qu’il vient de trucider, agonise dans l’escalier et perd son sang au moment précis où la police entre dans l’appartement. Le tueur, pour expliquer le cri qu’a entendu le voisinage, montre alors aux policiers le film qu’il est en train de regarder à la télévision : Les Trois visages de la peur ! Jouant sans cesse sur la confusion entre la réalité et l’illusion (qu’elle soit justifiée par les rêves, les fantasmes, les souvenirs ou le monde imaginaire), Une hache pour la lune de miel s’amuse ensuite à faire réapparaître cette défunte. Les autres protagonistes continuent ainsi à voir la mariée assassinée, à la grande frayeur du coupable qui essaie en vain de se débarrasser du sac contenant ses cendres – lequel sac ne cesse de revenir le hanter. Tourné en 1968, le film connaît de gros problèmes de distribution et ne sera distribué que deux ans plus tard. La France n’aura droit qu’à une exploitation en VHS dans les années 80, sous le titre abusif de La Baie sanglante 2 !

 

© Gilles Penso


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LES SÉVICES DE DRACULA (1971)

Peter Cushing affronte deux jumelles maléfiques dans cette histoire de vampire qui, malgré son titre français, n’a rien à voir avec Dracula…

TWINS OF EVIL

 

1971 – GB

 

Réalisé par John Hough

 

Avec Peter Cushing, Dennis Price, Mary Collinson, Madeleine Collinson, Isobel Black, Kathleen Byron, Damien Thomas, David Warbeck, Katya Wyeth

 

THEMA VAMPIRES

Au début des années 70, alors que la Hammer s’apprête à lancer les préparatifs d’un film provisoirement titré Vampire Virgins (« Les vierges vampires »), le producteur Harry Fine découvre dans une double page du magazine Playboy les sœurs jumelles Mary et Madeleine Collinson et prend la décision de concevoir un film entier autour de ces deux jeunes femmes. Ainsi naît Twins of Evil (littéralement « Les jumelles du mal »), dont l’intrigue se situe au 19ème siècle, quelque part en Europe. Pour des raisons pratiques et économiques, le film utilise les mêmes décors que Le Cirque des vampires, distribué un an plus tard. Les Collinson incarnent deux ravissantes sœurs jumelles orphelines, Maria et Frieda Gellhorn, qui quittent Venise pour venir s’installer chez leur oncle Gustav Weil (Peter Cushing). Celui-ci, un puritain exalté, dirige d’une poigne de fer une secte religieuse qui traque partout ceux qui sont soupçonnés de pactiser avec le démon et les soumet à une mort brutale. Mais le véritable instigateur du mal, le comte Karnstein (Damien Thomas), lui échappe. Et bientôt, l’une des deux nièces de Weil se laisse tenter par le malin…

Futur réalisateur attitré du studio Disney (L’île au trésor, La Montagne ensorcelée, Les Visiteurs d’un autre monde, Les Yeux de la forêt) mais aussi signataire de films d’épouvante singuliers (La Maison des damnés, Incubus), John Hough fait démarrer Les Sévices de Dracula sur des chapeaux de roue. En une poignée de minutes, il nous décrit la folie fanatique du personnage incarné par Peter Cushing, à la tête d’une cavalcade de « chevaliers du bien » érigeant un bûcher pour occire une malheureuse accusée de sorcellerie. Ses battues aléatoires, qui semblent plus motivées par la frustration sexuelle que par une supposée croisade divine, sont-elles plus louables que les rites sanglants auxquels s’adonne pour le plaisir le maléfique comte Karnstein, émule lubrique du marquis de Sade ? Difficile à dire. Le refus d’un manichéisme trop tranché n’est pas l’un des moindres atouts de ce film sulfureux témoignant à travers ses écarts érotiques de la tournure prise par les films Hammer au début des années 70.

La fin d’une trilogie ?

 « A quoi bon pencher pour le bien si cela signifie chanter des hymnes et prier toute la journée ? », s’exclame ainsi l’impertinente Frieda, peu insensible aux charmes de Karnstein. Bien entendu, le titre français est gentiment mensonger, puisque Dracula n’a pas sa place dans ce récit qui se laisse plus volontiers influencer par la nouvelle Carmilla de Sheridan le Fanu, déjà source d’inspiration de The Vampire Lovers et de La Soif du vampire. Ces trois films sont d’ailleurs souvent considérés comme les volets d’une même trilogie, même si aucune trame narrative directe ne les relie. Peu avares de leurs charmes, les sœurs Collinson tiennent ici leur premier rôle. Leur prestation est tout à fait honorable, même si elles seront finalement post-synchronisées par des comédiennes britanniques à cause de leur fort accent maltais. Le final de cette fable cruelle, qui fut exploitée aux États-Unis en double programme avec La Fille de Jack l’éventreur, accumule les visions choc et se laisse aller à quelques débordements gore surprenants. Une adaptation en bande-dessinée, illustrée par l’artiste catalan Blas Gallego, sera publiée dans la foulée de la sortie du film.

 

© Gilles Penso


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DANGEREUSE ALLIANCE (1996)

Quatre lycéennes s’initient à la sorcellerie et s’entraînent à lancer des sorts. Mais la magie a des revers très inquiétants…

THE CRAFT

 

1996 – USA

 

Réalisé par Andrew Fleming

 

Avec Robin Tunney, Fairuza Balk, Neve Campbell, Rachel True, Skeet Ulrich, Christine Taylor, Breckin Meyer, Nathaniel Marston, Cliff De Young

 

THEMA SORCELLERIE ET MAGIE

C’est le producteur Douglas Wick (Wolf) et le scénariste Peter Filardi (L’Expérience interdite) qui sont à l’origine de Dangereuse alliance. Leur idée consiste à mêler deux éléments complémentaires : la création d’un cercle très fermé de lycéennes et l’initiation à la sorcellerie. Une fois un premier jet de scénario écrit, Andrew Fleming (Panics) est engagé pour mettre en scène le film. L’expérience combinée des trois hommes, ayant chacun abordé le genre fantastique sous un angle différent, semble pouvoir accoucher d’une œuvre novatrice et prometteuse. La quête des quatre actrices principales n’est pas simple. Après avoir auditionné près d’une centaine de jeunes candidates – parmi lesquelles Angelina Jolie, Scarlett Johansson et Alicia Silverstone -, le choix se porte finalement sur Robin Tunney, Rachel True, Fairuza Balk et Neve Campbell, tandis que Skeet Ulrich est choisi pour incarner un lycéen envoûté. Les spectateurs qui avaient découvert Fairuza Balk sous les traits de la mignonne Dorothy de OZ un monde extraordinaire s’étonneront de la retrouver dans la peau d’une sorcière au look gothique agressif. Quelques mois plus tard, elle allait réapparaître en femme-chat dans L’Île du docteur Moreau de John Frankenheimer. Neve Campbell et Skeet Ulrich, de leur côté, enchaîneront quasi-immédiatement le tournage de Dangereuse alliance avec celui de Scream.

Sarah Bailey (Robin Tunney), une adolescente perturbée, quitte San Francisco pour s’installer à Los Angeles avec son père et sa belle-mère. Dans son nouveau lycée, elle se lie d’amitié avec un trio de filles singulières et marginales. Bonnie Harper (Neve Campbell), dont le dos est couvert de brûlures suite à un accident de voiture, Nancy Downs (Fairuza Balk), qui vit dans une caravane avec sa mère et son beau-père violent, et Rochelle Zimmerman (Rachel True), une jeune fille noire victime de brimades. Ensemble, elles s’adonnent secrètement à la sorcellerie et convainquent Sarah de compléter leur cercle magique. Les quatre éléments étant réunis, elles peuvent demander à Manon, la puissante entité qu’elles adorent, d’exaucer tous leurs souhaits. Au début, leurs sorts fonctionnent à merveille. La blonde raciste qui harcèle Rochelle perd ses cheveux, le beau footballeur qui s’était moqué de Sarah tombe raide amoureux d’elle, les cicatrices et les brûlures de Bonnie disparaissent miraculeusement, Nancy touche l’assurance-vie de son beau-père violent… Mais pratiquer la sorcellerie, c’est comme jouer avec le feu. On n’en mesure pas forcément les conséquences…

Nos sorcières mal aimées

La vision que Dangereuse alliance nous donne de la sorcellerie peut faire sourire, tant elle se barde de clichés. Nos apprenties magiciennes mélangent leur sang avec du vin, allument des bougies, s’habillent tout en noir, marchent au ralenti dans le lycée sur de la musique cool, regardent Ma sorcière bien aimée à la télévision… La subtilité n’est visiblement pas à l’ordre du jour. Les héroïnes elles-mêmes cumulent toutes les névroses adolescentes en un patchwork qui préfère l’accumulation à la profondeur : l’une est suicidaire, l’autre complexée par son physique, la troisième victime de discrimination, la dernière obligée de cohabiter avec un beau-père abusif et violent. Ce sont des sujets sérieux, à ne pas prendre à la légère, mais le film s’en sert principalement de gimmicks. Dans Dangereuse alliance, tout semble ainsi survolé avec superficialité, comme s’il ne fallait pas trop encombrer l’esprit du public teenager auquel le film est principalement destiné. La toute puissante divinité Manon – une invention pure des scénaristes – semble d’ailleurs reléguée au statut d’émule du Génie d’Aladin, exauçant les vœux du quatuor comme s’il surgissait d’une lampe magique. Reconnaissons tout de même les qualités de la mise en scène d’Andrew Fleming, qui nous offre en guise de climax une scène à faire pâlir d’envie la saga Indiana Jones dans laquelle des milliers de bestioles repoussantes envahissent la maison de Sarah. Gros succès en salles, Dangereuse alliance aura droit à une suite tardive en 2020, The Craft : les nouvelles sorcières.

 

© Gilles Penso


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SEA SPARKLE (2023)

Lorsque son père disparaît en mer, une jeune fille tente de prouver qu’un gigantesque monstre marin est la cause du naufrage…

ZEEVONK

 

2023 – BELGIQUE / PAYS-BAS

 

Réalisé par Domien Huyghe

 

Avec Saar Rogiers, Dunia Elwaleed, Sverre Rous, Valentij Dhaenens, Hilde De Baerdermaeker, Thibaud Dooms, Lia Van Heck, Nika Petrovic

 

THEMA MONSTRES MARINS

Alors qu’il était à peine plus âgé que l’adolescente héroïne de son film, le réalisateur Domien Huyghe a cherché en vain des récits pour l’aider à surmonter la mort de son père. Sea Sparkle, son premier film, est venu combler ce manque. C’est en quelque sorte un acte de résilience, comme pour sa sœur, l’autrice et scénariste belge Wendy Huyghe qui co-signe le scénario (basé sur son propre roman éponyme) avec le scénariste flamand Jean-Claude Van Rijckeghem. Léna est une adolescente joyeuse qui vit en bord de mer, fait du skate-board, gagne des compétitions de voile avec ses amis sous la responsabilité et le regard bienveillant d’un ami de la famille, moniteur du club, et avec la complicité de son père Toine, un intrépide navigateur. Tel père, telle fille : à l’instar de son héros, Léna semble n’avoir peur de rien. Les yeux fixés sur l’horizon, son avenir se présente radieux. Jusqu’au jour où le bateau de pêche de son père, parti avec deux autres camarades marins à son bord, ne rentre pas au port. Les cendres des trois hommes à peine dispersées dans la mer, les rumeurs montent.

Ce jour-là, n’était-il pas imprudent de prendre la mer avec une météo qui demandait de faire preuve de vigilance ? Toine n’a-t-il pas, dans sa témérité et avec son enthousiasme, entrainé ses amis dans la mort ? Lena balaie les on-dit, elle a vu le monstre qui a certainement percuté le bateau. Toine ne peut pas être responsable du naufrage. En colère, déterminée, elle va continuer d’enquêter malgré les reproches de son entourage qui ne peut pas croire à cette histoire extravagante. Avec la complicité de Vincent, un jeune garçon solitaire et ingénieux qu’elle va d’abord agresser, sous-estimer et finalement apprécier à sa juste valeur, elle va cheminer vers la résolution de cette énigme, sa façon à elle de supporter l’absence de celui qui était normalement chargé de sa protection, et d’en faire son deuil.

Le kaiju invisible

Avec sa palette d’émotions et d’interactions des plus sensibles, bénéficiant d’une image au plus près des personnages, Sea Sparkle est un film lumineux qui frôle le fantastique et s’en écarte pour mieux nous parler de l’écosystème marin et de créatures non répertoriées que le réchauffement des océans pourrait faire apparaître en Mer du nord. Le film nous fait trembler et rêver au même titre qu’une fiction ancrée sur l’imaginaire, au delà de son but atteint de dépeindre les phases qu’un être humain peut traverser face aux tragédies. Un film suffisamment singulier qui, malgré son absence de kaiju, ou d’animal fabuleux, par ses accents allégoriques et son réalisme, maintient notre curiosité et nous interroge sur la nature du « monstre », à l’instar du Moby Dick d’Herman Melville ou d’Abyss de James Cameron, œuvres fictives entre poésie et pragmatisme. A noter la musique d’Angèle feat. Damso qui donne le ton d’un film et qui ne manquera pas de charmer le jeune public.

 

© Quélou Parente


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LE CIRQUE DES VAMPIRES (1972)

Au 19ème siècle, un village en quarantaine est visité par un cirque ambulant que dirigent de redoutables suceurs de sang…

VAMPIRE CIRCUS

 

1972 – GB

 

Réalisé par Robert Young

 

Avec Adrienne Corri, Thorley Walters, Anthony Higgins, Laurence Payne, John Moulder-Brown, Richard Owens, Lynne Frederick, Elizabeth Seal

 

THEMA VAMPIRES

En découvrant le scénario du Cirque des vampires écrit par Jud Kinberg, James Carreras, président et fondateur de Hammer Films, s’affole. Ses relations avec son fils Michael, à la tête des productions de la compagnie, sont tendues depuis bien longtemps. Il lui fait donc part de ses réserves dans l’un de leurs nombreux échanges épistolaires conservés dans les archives de la Hammer. « Nous avons déjà eu des problèmes considérables par le passé avec la censure », écrit-il. « Je prédis que si le film est tourné tel qu’il est écrit, 50% finira sur le sol de la salle de montage. Essaie un peu d’imaginer les ventes télévisées – qui représentent une grande part de nos revenus. Tu risques de te retrouver avec un film de 50 minutes. Qu’est-il arrivé à nos beaux films de vampires et de Frankenstein que nous faisions sans besoin d’y ajouter tout ce gore et tout ce contenu malsain ? » (1). Nostalgique de l’âge d’or de la Hammer, celui de Frankenstein s’est échappé et Le Cauchemar de Dracula, Carreras Sr. a du mal à épouser l’air du temps et tient à le faire savoir. Son fils lance pourtant la production à peu près telle qu’elle est prévue et en confie les rênes à Robert Young en utilisant les mêmes décors que ceux des Sévices de Dracula.

Futur metteur en scène des comédies britanniques Grandeur et descendance et Créatures féroces, Young n’a encore réalisé aucun long-métrage à cette époque et n’est guère familier avec les méthodes économes de la compagnie. Son tournage finit par prendre un retard considérable. Au bout de sept semaines, Carreras est contraint d’interrompre la production pour stopper l’hémorragie financière et confie les images au monteur Peter Musgrave en lui demandant de se débrouiller avec ce qu’il a. Malgré ces conditions de travail chaotiques, Le Cirque des vampires se tient plutôt bien. L’intrigue se situe en 1810, dans le petit village européen de Schtettel où les jeunes femmes sont corrompues par le comte vampire Mitterhouse (Robert Tayman), maudissant les lieux avant de périr sous les assauts des villageois. Quinze ans plus tard, alors qu’une sorte de peste s’est abattue sur les habitants de Schtettel, le petit « Cirque des Nuits » s’installe dans le village. Or son directeur, Emil (Anthony Higgins), n’est autre que le cousin de Mitterhouse, bien décidé à assouvir une vengeance familiale…

Du sang sur la piste

Le prologue du film donne le ton : nudité, châtiments corporels, sadomasochisme, meurtres sanglants et même la suggestion malsaine d’un acte pédophile. Le spectacle nocturne qu’offre d’ailleurs le cirque aux habitants médusés est loin d’être orthodoxe. N’y voit-on pas une chorégraphie évoquant l’accouplement entre un dompteur de fauve et une femme entièrement nue maquillée en tigre ? De fait, les corps se dénudent souvent dans le film de Young, conformément à la libération des mœurs qui influençait alors le genre fantastique. Mais outre l’érotisme habituellement associé au vampirisme, le mythe se complète ici d’un don magique pour la métamorphose. Non contents de se muer en chauves-souris, les suceurs de sang peuvent adopter l’apparence de fauves, reflet idéal de la bestialité à peine camouflée par leur apparence humaine. L’association du monde du cirque au folklore vampirique est loin d’être inintéressante, même s’il faut reconnaître que l’intrigue du Cirque des vampires finit par patiner un peu en répétant inlassablement les mêmes situations. Les spectateurs attentifs reconnaîtront sous les traits de l’homme fort du cirque, bâti comme une statue d’Hercule, l’acteur David Prowse, qui incarna à deux reprises le monstre de Frankenstein pour la Hammer (dans Les Horreurs de Frankenstein et Frankenstein et le monstre de l’enfer) avant de devenir célèbre sous le casque de Dark Vador. Comme James Carreras l’avait prévu, le film fut sévèrement raccourci et radouci pour son exploitation aux États-Unis et à la télévision.

 

(1) Extrait d’un courrier datant du 26 juillet 1971.

 

© Gilles Penso


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HELL NURSE (2022)

Après avoir été violemment agressée et laissée pour morte, une infirmière pactise avec le diable pour pouvoir se venger…

HELL NURSE

 

2022 – USA

 

Réalisé par Bobby Blood

 

Avec Fiona Kennedy, Nailya Shakirova, Brad Stein, Garvin Lee, Julie Anne Prescott, Bradford Eckart, Lauren Blood, Dai Green, Dorie Knutson Nichols, Rachel Rigall

 

THEMA DIABLE ET DÉMONS

Derrière le pseudonyme de Bobby Blood se cache Bobby Ponte, connu des amateurs de musique punk, rap et métal en tant que batteur des groupes Merauder et Downset. Entre deux concerts, Ponte/Blood réalise des courts-métrages, des clips, des films à sketches et finalement un premier long-métrage, Hell Nurse. « Attention : ce film contient des visions extrêmes de violence, de nudité et de sang » annoncent certaines jaquettes du film, moins pour préserver les spectateurs sensibles que pour attiser la curiosité des autres, bien sûr. Le film se situe dans les années 70, plus précisément quelques semaines avant les événements décrits dans La Nuit des masques si l’on en croit les nombreux clins d’œil au slasher de John Carpenter (notamment la présence de la pierre tombale de Judith Myers dans le cimetière de Smith’s Grove). Le réalisateur tient d’ailleurs à consteller Hell Nurse de clins d’œil au cinéma qu’il aime, qu’il s’agisse du nom de certains personnages (Perkins pour Psychose, Carrie pour le classique de Brian de Palma), d’annonces radio (une publicité pour Un Justicier dans la ville s’entend en début de métrage) ou d’extraits diffusés à la télévision (L’Invasion des araignées géantes et La Malédiction).

Alors qu’elle étudie pour pouvoir devenir infirmière, Darla Perkins (Fiona Kennedy) arrondit ses fins de mois en s’occupant d’un sympathique couple de retraités, les Sinclair. Ces derniers, dont les occupations principales sont le backgammon et les soirées TV, la considèrent un peu comme un membre de leur famille. Mais un soir, trois repris de justice en cavale, Wayne (Brad Stein), Terry (Steve Miller) et Stacy (Rachel Rigall), s’invitent dans la maison, massacrent les Sinclair, violent Darla et la laissent pour morte. Or Darla a survécu. Recueillie dans l’institut psychiatrique de Shady Grove où elle partage sa chambre avec une pensionnaire passablement perturbée, elle quitte les lieux au bout d’un an, visiblement remise de son traumatisme, et commence à travailler comme infirmière assistante dans l’hôpital de Woody Pines. Mais un jour, elle tombe par hasard sur ses agresseurs et décide de prendre sa revanche. Pour y parvenir, Darla fait appel à un culte satanique…

Tripes and Blouses

Hell Nurse sent l’amateurisme à plein nez dès ses premières minutes. Une incrustation hideuse tente de nous faire croire que Darla conduit une voiture, les raccords sont ratés, les décors d’une pauvreté désarmante, les acteurs mauvais comme des cochons, la musique martelée sur un piano qui n’en demandait pas tant, bref ça commence très mal. Pour couronner le tout, l’intégralité des dialogues du film est très maladroitement post-synchronisée. Il y a bien ça et là quelques idées insolites (tous les produits de consommation étiquetés de manière générique avec leur nom écrit en noir sur blanc comme dans le monde achrome d’Invasion Los Angeles), quelques scènes macabres intéressantes (l’héroïne en robe blanche pendue à un arbre au milieu de la nuit, le prêtre satanique qui lui grave le signe du diable sur la poitrine) et une poignée de personnages singuliers (le prêtre lubrique qui met la main aux fesses des infirmières et se masturbe devant les patientes endormies !). Mais tout ça ne mène nulle part. Le spectateur se raccroche alors aux bonnes vieilles recettes du cinéma d’exploitation dont Hell Nurse semble vouloir se réclamer, comme en témoignent les effets de pellicule abîmée façon « grindhouse » : le sexe (via des plans insistants sur la poitrine généreuse de Fiona Kennedy) et le gore (une tête qui explose, une langue arrachée à pleines dents, un visage découpé façon Massacre à la tronçonneuse, un pénis tranché à la scie). Avec une mise en forme un peu plus soignée, le film aurait pu concourir dans la même catégorie que les Terrifier de Damien Leone. Mais le travail de Bobby Blood est beaucoup trop bâclé pour convaincre.

 

© Gilles Penso


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LE MÉDIUM (2023)

Un médium, qui hérite de la capacité de sa défunte mère de communiquer avec les personnes décédées, fait face à une demande inhabituelle…

LE MÉDIUM

 

2023 – SUISSE

 

Réalisé par Emmanuel Laskar

 

Avec Emmanuel Laskar, Maud Wyler, Louise Bourgoin, Noémie Lvovsky, Alexandre Steiger, Maxence Tual, Christophe Paou, Leslie Bernard, Anne-Elodie Sorlin

 

THEMA FANTÔMES

Le Médium est une jolie (et sombre) histoire de deuils, d’amour et de fantômes qui ne sont pas prêts à accepter la mort et continuent de hanter leur maison et les âmes qu’ils aiment toujours et qu’ils répugnent à quitter. Certains vivants ne sont pas mieux lotis qu’eux lorsqu’ils les ont en permanence dans leur tête. C’est ainsi que le médium de l’histoire joue un rôle essentiel, car lui seul peut communiquer avec les âmes dans l’au-delà et donc tenter de négocier leur départ avec elles. En effet, la vie avec des fantômes s’avère compliquée, le propre de leur existence étant justement d’exister par ceux qu’ils hantent, même lorsque c’est par amour. Entre dépendance et habitudes, l’amour perdu ne se retrouve plus, c’est bien connu, et les amants délaissés peuvent toujours chercher, dit la chanson. Chercher l’oubli, en perdre le sommeil, mais éventuellement le retrouver lorsque le médium en question sort de sa fonction et tombe amoureux d’Alice, une jolie veuve artiste-peintre (Louise Bourgoin) que son défunt mari architecte continue d’aimer et surveiller.

Le jeune médium, Michael Monge (interprété par le metteur en scène et scénariste du film, Emmanuel Laskar), ayant hérité des dons de sa mère décédée (la réalisatrice Noémie Lvovsky lui prête ses traits et apparaît ici en guest-star), sa sœur voudrait bien le voir reprendre son commerce pour les sauver de la ruine. Mais Michael se contente, sans grand enthousiasme, de son emploi de professeur de musique et ne tient pas du tout à exploiter financièrement la clientèle de sa mère. C’est devant le chagrin d’Alice, qu’il a aimé dès le premier regard, et pour l’aider à surmonter son deuil, qu’il va au moins faire semblant et que la vie va reprendre ses droits.

Amours perdus et chers fantômes

Comme dans le film d’Elise Girard Sidonie au Japon, lui-même inspiré de L’Aventure de Madame Muir, il ne s’agit pas ici de fantômes destinés à faire peur, mais simplement d’êtres qui, après avoir habité nos vies, continuent de hanter nos cœurs. Tendrement métaphoriques, nous pensons évidemment au fait que les fantômes qui ne partent pas sont peut-être simplement retenus par les pensées des vivants. Quelles que soient nos croyances, Emmanuel Laskar signe un film agréable qui déroule son histoire tout en douceur et en autodérision, pour nous faire réfléchir encore sur le sens de nos vies et la place de la douleur face à la perte des êtres aimés.

 

© Quélou Parente


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COMTE YORGA, VAMPIRE (1970)

Robert Quarry incarne un émule de Dracula sévissant dans le Los Angeles des années 70…

COUNT YORGA, VAMPIRE

 

1970 – USA

 

Réalisé par Bob Kelljan

 

Avec Robert Quarry, Roger Perry, Michael Murphy, Michael Macready, D.J. Anderson, Judy Lang, Edward Walsh

 

THEMA VAMPIRES

Count Yorga, vampire a bien failli être un film pornographique soft. C’est en tout cas sous cette forme que le projet est initialement envisagé, sous le titre de The Loves of Count Iorga, Vampire ! Le cinéma d’exploitation fait alors la joie des salles spécialisées et un marché florissant s’offre aux films adultes de tous poils. Le producteur Michael Macready contacte l’acteur Robert Quarry pour en tenir le rôle principal, mais celui-ci n’accepte qu’à une seule condition : oublier la pornographie au profit d’un film d’horreur pur et dur. Samuel Z. Arkoff, directeur d’American International Pictures, fait alors retitrer le film (même si l’orthographe « Iorga » avec un I apparaît encore sur plusieurs copies) et réoriente sa tonalité. L’érotisme est certes toujours présent, mais de manière moins frontale, laissant la part belle à la violence et au sang, conformément aux goûts d’une frange du public de l’époque. La mise en scène est confiée à Bob Kelljan, qui n’a alors réalisé que l’obscur Flesh of My Flesh, dans lequel il tient lui-même la vedette et qu’il co-dirige justement avec le producteur Michael Macready. Kelljan allait ensuite poursuivre dans une voie similaire (Le Retour du Comte Yorga, Scream Blacula Scream) avant de se spécialiser dans les séries TV jusqu’en 1982, date de son décès.

C’est la voix off de George Macready, fils du producteur du film, qui ouvre les hostilités. L’histoire débute à Los Angeles lors d’une séance de spiritisme organisée par Donna (Donna Anderson), en présence de ses amis Paul (Michael Murphy), Erica (Judy Lang) et le charismatique comte Yorga (Robert Quarry), un hypnotiseur récemment installé aux États-Unis après avoir quitté l’Europe. Yorga avait entretenu une relation avec la mère de Donna peu avant son décès, insistant pour qu’elle soit enterrée malgré ses volontés d’être incinérée. Après la séance, Paul et Erica raccompagnent le comte chez lui. Mais leur camionnette s’enlise inexplicablement dans la boue. Contraints de passer la nuit sur place, ils deviennent les victimes du comte, qui s’avère être un vampire : il assomme Paul et mord Erica. Le lendemain, le couple revient à Los Angeles, désorienté et incapable de se rappeler les événements de la nuit. Leur ami, le docteur Jim Hayes (Roger Perry), remarque alors qu’Erica souffre d’une perte de sang inexplicable. Plus tard, elle est surprise en train de dévorer un chaton ! La jeune femme est désormais prise d’accès de violence, de tentatives de séduction envers Paul et de moments de lucidité où elle s’effondre, terrifiée par ce qu’elle est en train de devenir…

« La magnificence au-delà de l’existence »

Nous voilà donc face à une version seventies de l’histoire de Dracula qui en reprend les mêmes motifs et la même structure narrative. La mise en scène brute et moderne de Bob Kelljan privilégie les caméras portées et les lumières naturelles, tandis que les dialogues laissent les personnages tourner en dérision les séances de spiritisme et le vampirisme – pour mieux s’en inquiéter plus tard face au surgissement du surnaturel dans leur quotidien. Interprété avec beaucoup de charisme par Robert Quarry, Yorga, venu tout droit de sa Bulgarie natale, annonce à ses victimes : « La magnificence au-delà de l’existence, c’est ce que je donne ». Son assistant hideux Brudah est incarné par Edward Walsh. Le film dépasse ses simples ambitions de pur produit d’exploitation pour révéler d’indiscutables qualités d’écriture et de réalisation. Les acteurs sont globalement convaincants, l’atmosphère contemporaine se teinte de gothisme et le scénario parvient habilement à contourner l’éternelle question : « Mais pourquoi ne vont-ils pas chercher la police ? » Par ailleurs, une tension très palpable se joue dans les séquences où les héros rendent visite au comte en pleine nuit et tentent de gagner du temps en attendant le lever du jour. Ayant échappé de peu à une classification X à cause de son contenu violent et sexuel, Comte Yorga, vampire connaîtra un joli succès, surtout en drive in, et aura droit à une suite réalisée par la même équipe : Le Retour du comte Yorga.

 

© Gilles Penso


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