LA VIE DE BRIAN (1979)

Après avoir revu et corrigé le mythe du roi Arthur, les Monty Pythons nous proposent leur version du Nouveau Testament…

LIFE OF BRIAN

 

1979 – GB

 

Réalisé par Terry Jones

 

Avec Graham Chapman, John Cleese, Michael Palin, Terry Gilliam, Eric Idle, Terry Jones, Terence Bayler, Carol Cleveland, Kenneth Colley, Neil Innes, John Young

 

THEMA DIEU, LES ANGES, LA BIBLE

Sacré Graal avait été un galop d’essai cinématographique extrêmement concluant pour les Monty Pythons, même si sa mise en scène ne fut pas un long fleuve tranquille. Tiraillé entre les envies souvent contradictoires de ses deux réalisateurs, ce pastiche médiéval eut toutes les peines du monde à trouver sa forme définitive. Et c’est presque par miracle que les Pythons parvinrent non seulement à le terminer mais surtout à conquérir le grand public. D’un commun accord, Terry Gilliam et Terry Jones décident de ne pas coréaliser leur prochain film choral. Jones sera donc seul en charge de la mise en scène de La Vie de Brian, tandis que Gilliam (qui a déjà fait ses premières armes en tant que réalisateur solo avec Jabberwocky) assurera la direction artistique. L’idée de s’attaquer cette fois-ci au Nouveau Testament titille assez rapidement les six trublions qui se délectent déjà à l’idée de revisiter la Bible à leur sauce. Mais la société EMI, qui s’était engagé à financer le film, se retire du projet à cause d’un scénario jugé blasphématoire. Après un procès qui se règle à l’amiable, c’est finalement George Harrison qui réunit les quatre millions de livres sterling nécessaires à la mise en chantier de La Vie de Brian via sa toute nouvelle compagnie de production Handmade Films. L’ex-Beatle n’hésite pas à hypothéquer sa maison londonienne et son immeuble de bureaux, trop heureux à l’idée de voir un nouveau film des Monty Pythons sur grand écran.

Le générique en animation qui ouvre La Vie de Brian, conçu par Gilliam avec son style surréaliste inimitable, est rythmé par une chanson interprétée par une émule de Shirley Bassey qui semble vouloir parodier les « James Bond songs ». Nous découvrons alors les Rois Mages, pressés de découvrir l’enfant Jésus et de le couvrir de cadeaux. Mais ils se trompent de maison et débarquent chez les Cohen, reçus par une femme acariâtre qui vient d’accoucher du jeune Brian. Devenu adulte, celui-ci prend les traits de Graham Chapman et va connaître bien malgré lui un destin proche de celui du Christ. Victime des circonstances extérieures qui jouent souvent en sa défaveur, Brian gagne sa vie en vendant des friandises improbables dans une arène (« larmes de vierges », « otaries marinées », « langues de lézards »), adhère au Front populaire judéen, lutte contre les Romains, est compromis dans l’enlèvement de l’épouse de Ponce Pilate et devient soudain sans le vouloir un gourou adulé par une foule de partisans l’ayant proclamé prophète.

Prophète de fin d’année

Tourné en Tunisie, où il recycle à la fois les décors et les figurants de la mini-série Jésus de Nazareth de Franco Zeffirelli, La Vie de Brian témoigne d’une augmentation sensible de moyens et de scope depuis Sacré Graal . Les Monty Pythons (qui interprètent à eux six une quarantaine de personnages différents) ont les moyens de leurs folles idées et ne se réfrènent pas. Sans bien sûr renoncer au goût de l’absurde dont ils ont fait une véritable marque de fabrique, ils bâtissent une intrigue à la structure plus classique et plus fluide que dans leur film précédent. Le scénario n’est donc pas constitué d’un collage de vignettes comiques et s’efforce de suivre pas à pas le destin de Brian. Pour autant, le délire bat toujours son plein. Les lapidations, les luttes entre romains et résistants, les guerres intestines entre les différentes factions révolutionnaires, tout prend ici une tournure joyeusement ridicule. Le summum du délire est sans doute atteint avec le surgissement d’un vaisseau spatial habité par deux extra-terrestres improbables qui embarquent momentanément Brian dans le cosmos. « Nous ne savions pas quoi faire de Brian » confesse Terry Gilliam, en charge de cette séquence spécifique. « Il se retrouvait au sommet d’une tour et nous devions le sauver d’une manière ou d’une autre, alors j’ai dit : “OK, utilisons un vaisseau spatial !“ Star Wars était sorti peu de temps auparavant, et c’était l’occasion de lui adresser un clin d’œil. » (1) Mais derrière le délire ambiant, La Vie de Brian est aussi un pamphlet redoutablement efficace contre la foi aveugle, le fanatisme religieux, la quête désespérée des messies et des sauveurs. Et lorsqu’en guise d’épilogue tous les crucifiés chantent en chœur « Regardons toujours le bon côté de la vie », le rire franc se mêle à une ironie grinçante trahissant une nature humaine décidément indécrottable.

 

(1) Extrait d’une interview parue sur Yahoo ! Entertainment en avril 2019

 

© Gilles Penso


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NIMITZ, RETOUR VERS L’ENFER (1980)

Kirk Douglas incarne le commandant d’un porte-avion des années 80 qui se retrouve propulsé en 1941, juste avant l’attaque de Pearl Harbor…

THE FINAL COUNTDOWN

 

1980 – USA

 

Réalisé par Don Taylor

 

Avec Kirk Douglas, Martin Sheen, Katharine Ross, James Farentino, Ron O’Neal, Charles Durning, Victor Mohica

 

THEMA VOYAGES DANS LE TEMPS

C’est Peter Douglas, fils de Kirk et frère de Michael, qui est à l’origine de Nimitz, retour vers l’enfer. Après un prometteur début de carrière dans le domaine de la photographie de presse, Douglas décide de se lancer dans la production. En attendant de pouvoir concrétiser l’adaptation du roman de Ray Bradbury Something WIcked This Way Comes – qui deviendra La Foire des ténèbres en 1983 -, il se lance dans une histoire de voyage dans le temps dont il propose le rôle principal à son père et la réalisation à Don Taylor (un solide artisan ayant déjà emballé quelques films fantastiques efficaces comme Les Évadés de la planète des singes, L’Île du docteur Moreau ou Damien : La Malédiction 2). Pour les besoins de Nimitz, le jeune producteur obtient la pleine collaboration du ministère de la Défense américain. L’U.S. Navy met ainsi à sa disposition le porte-avion du titre, un grand nombre d’avions militaires et une cinquantaine de soldats assurant la figuration. Pour autant, le budget du film est raisonnable et la production reste indépendante. Pour donner la réplique à Kirk, Peter aimerait solliciter son frère Michael, mais ce dernier est alors très occupé par la post-production du Syndrome chinois – dont il est producteur – et doit donc décliner l’offre. C’est finalement Martin Sheen, tout droit sorti de d’Apocalypse Now, qui le remplace, aux côtés de Katharine Ross (Les Femmes de Stepford) et James Farentino (Réincarnations).

En début de métrage, le commandant du porte-avions Nimitz (Kirk Douglas) reçoit bien malgré lui la visite de Lasky (Martin Sheen), envoyé par le Ministère de la Défense pour vérifier les méthodes de fonctionnement à bord et proposer le cas échéant des améliorations. Alors que la météo annonçait une journée ensoleillée, le climat commence à faire des siennes, et bientôt un gigantesque cyclone fait son apparition dans le ciel avant d’engloutir purement et simplement le navire. Lorsque le calme revient, tout semble redevenu normal. Mais l’équipage capte bizarrement des émissions de radio des années 40. Quant aux photographies de reconnaissance d’un des avions, elles montrent la baie de Pearl Harbor telle qu’elle était en 1941. Bientôt, les hommes à bord du Nimitz voient toute la flotte japonaise approcher de Pearl Harbor. Ils comprennent alors l’invraisemblable vérité : ils ont remonté le temps jusqu’au 7 décembre 1941. Un terrible dilemme se présente à eux : doivent-ils les envoyer par le fond (ce que leur permet leur puissance de feu moderne) ou refuser d’intervenir pour ne pas bouleverser le cours de l’histoire ?

Le dilemme

Les conséquences d’une modification du continuum espace-temps et les paradoxes temporels qui pourraient en découler sont les aspects les plus fascinants du scénario. Même si le récit nous semble ne pas exploiter pleinement les complexités morales liées au choix que doivent faire nos protagonistes, chacun est amené à se positionner. « Une fois que l’événement a eu lieu, il ne faut pas qu’on le manipule » affirme ainsi le commandant Owens campé par James Farentino. Dommage que le fier capitaine qu’incarne Kirk Douglas semble prendre tout ça avec beaucoup de détachement, suscitant une distanciation pénalisante vis-à-vis de la gravité de la situation. Une écriture plus rigoureuse du personnage aurait permis de resserrer les enjeux et d’accroitre l’efficacité globale du film. Il n’en demeure pas moins que Nimitz est un exercice de style fascinant, ses séquences d’action anachroniques – comme celle des deux supersoniques prenant en chasse des Zéro japonais – n’étant pas sans évoquer celles des Guerriers de l’apocalypse sorti sur les écrans un an plus tôt et reposant sur un principe voisin. Pour économiser sur le budget tout en ménageant des moments spectaculaires, Nimitz emprunte plusieurs séquences de l’attaque de Pearl Harbor à Tora ! Tora ! Tora ! de Richard Fleischer et Kinji Fukasaku. Les effets visuels de la tempête magnétique, eux, sont l’œuvre de Maurice Binder, célèbre designer des génériques de nombreux James Bond. Le film de Don Taylor multiplie les moments de suspense et de surprise jusqu’à un habile retournement final de situation. Succès modéré au moment de sa sortie, Nimitz, retour vers l’enfer finira par générer un certain culte au fil des ans.

 

© Gilles Penso


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LES VISITEURS 2 : LES COULOIRS DU TEMPS (1998)

On prend – presque - les mêmes et on recommence, mais la formule miracle du premier film s’est éventée, hélas…

LES VISITEURS 2 : LES COULOIRS DU TEMPS

 

1998 – FRANCE

 

Réalisé par Jean-Marie Poiré

 

Avec Christian Clavier, Jean Reno, Muriel Robin, Marie-Anne Chazel, Christian Bujeau, Claire Nadeau, Jean-Luc Caron, Philippe Nahon, Patrick Burgel

 

THEMA VOYAGES DANS LE TEMPS I SORCELLERIE ET MAGIE I SAGA LES VISITEURS

Le succès sans précédent des Visiteurs ne pouvait évidemment pas rester sans suite. Après le navrant Les Anges gardiens, Jean-Marie Poiré et Christian Clavier s’attellent donc à ce nouvel opus en respectant des règles très hollywoodiennes : plus de budget, plus d’effets spéciaux, plus d’actions, plus de rebondissements… et un scénario quasi-similaire, pour ne pas trop dépayser le spectateur. Clavier, Jean Réno, Marie-Anne Chazel et Christian Bujeau reprennent donc leurs personnages là où Les Visiteurs les avaient laissés. Petite différence tout de même : Valérie Lemercier refuse de réendosser le double rôle de Béatrice/Frénégonde. « Le scénario me plaisait moins que le premier », avoue l’actrice. « Alors, pourquoi refaire la même chose en moins bien ? Vous savez, on accepte parfois de faire un film sans trop savoir ce qu’il peut donner. Mais là, franchement, je ne le sentais pas… La suite ne m’a pas donné tort. » (1) C’est finalement Muriel Robin qui prend le relais. L’idée est pour le moins incongrue, car on a beau apprécier les talents de la comédienne rompue à l’art du one woman show, comment ne pas être embarrassé par son affligeant numéro qui consiste à singer sans l’once d’une finesse la prestation de Lemercier dans l’opus précédent ? Pourquoi diable Poiré n’a-t-il pas offert à Muriel Robin un autre rôle, ce qui eut été mille fois plus logique ? Hélas, ce choix est loin d’être la seule faute de goût de cette séquelle.

Le comte Godefroy de Montmirail (Jean Reno) est enfin parvenu à retourner dans son époque, convaincu d’avoir ramené avec lui son fidèle écuyer, Jacquouille la Fripouille (Christian Clavier). Il croit également avoir évité le meurtre de son futur beau-père, le duc Fulbert de Pouille (Philippe Nahon). En réalité, Jacquouille, séduit par les plaisirs de la vie au vingtième siècle, a échangé sa place avec son descendant, Jacques-Henri Jacquart, qu’il a envoyé au Moyen Âge. De son côté, Godefroy célèbre son mariage avec Frénégonde (Muriel Robin). Mais les festivités sont brutalement interrompues par l’arrivée furieuse du duc Fulbert, qui dénonce la disparition soudaine de ses bijoux, dont une précieuse relique : « La dentelette de Sainte Rolande ». Le responsable du vol n’est autre que Jacquouille, qui avait dissimulé ces bijoux dans une cachette lors des funérailles du duc avant son voyage dans le temps, afin de les récupérer plus tard au 20ème siècle. Pour pouvoir épouser Frénégonde, Godefroy se voit contraint de mener l’enquête et de retrouver les bijoux et la relique disparus…

Le charme est rompu

Plus que jamais, le Jean-Marie Poiré qui sut nous offrir le désopilant Père Noël est une ordure et l’irrésistible Mes meilleurs copains nous manque cruellement. L’homme se repose ici sur ses acquis, jugeant bon de jouer la carte de l’accumulation en espérant ainsi annihiler les sens du public. Puisque les spectateurs semblent avoir aimé les ingrédients des Visiteurs, le cinéaste multiplie les gros plans déformés par le grand angle, les faux raccords, les effets de montage hystériques, les effets spéciaux numériques voyants, les cris et les hurlements, comme s’il suffisait de tripler la dose d’un bon cocktail pour en retrouver la saveur. Même si la pauvre Muriel Robin n’avait pas été contrainte de singer sans conviction le jeu de Lemercier, Les Visiteurs 2 se serait tout de même noyé dans ses propres excès. Dès les premières minutes, le constat est hélas sans appel : le charme est rompu. Quelques gags surnagent certes ici et là, Clavier continue à nous arracher un ou deux sourires (ajoutant à son double rôle de Jacquouille et Jacquart deux autres trublions, Prosper le purineur et Jacquouillet), mais le cœur n’y est plus. Le succès est certes au rendez-vous dans les salles de cinéma mais le concept a de toute évidence atteint ses limites. Poiré reviendra pourtant à la charge à deux autres reprises, avec le remake américain Les Visiteurs en Amérique en 2001 et la suite tardive Les Visiteurs : la révolution en 2016.

 

© Gilles Penso


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BIGGLES (1986)

Un homme d’affaires des années 80 se retrouve inexplicablement propulsé en pleine première guerre mondiale pour secourir un pilote anglais…

BIGGLES

 

1986 – GB / USA

 

Réalisé par John Hough

 

Avec Neil Dickson, Peter Cushing, Alex Hyde-White, Fiona Hutchison, Marcus Gilbert, William Hootkins, Alan Polonsky, Francesca Gonshaw, Michael Siberry

 

THEMA VOYAGES DANS LE TEMPS

Le film de guerre Le Crépuscule des aigles de John Guillermin avait rameuté les foules et renfloué les caisses de la 20th Century Fox en 1966. Le studio concurrent Universal décide alors de s’engouffrer dans la brèche en proposant son propre film militaire aérien en s’inspirant de la série de romans à succès que l’écrivain W.E. Johns a consacré à l’aviateur de la première guerre mondiale James Bigglesworth, alias Biggles. Le scénario est écrit par Chris Bryant, les repérages s’effectuent en Algérie, plusieurs répliques d’avions d’époque sont construites, James Fox (The Servant, La Poursuite impitoyable) est pressenti pour le rôle principal, bref les choses semblent bien parties. Mais le budget grimpe et le projet est annulé malgré les dépenses déjà engagées. Dès lors, Biggles va jouer l’Arlésienne. En 1979, Dudley Moore est devenu bankable grâce à Elle de Blake Edwards et se verrait bien dans la peau de Biggles. Un film le mettant en vedette est donc sérieusement envisagé, mais il ne se concrétise pas.  Trois ans plus tard, c’est Jeremy Irons qui est annoncé dans l’uniforme du pilote. Il faut finalement attendre 1984 pour que Biggles démarre vraiment, avec un réalisateur expérimenté derrière la caméra, John Hough (La Maison des damnés, Les Yeux de la forêt), et une étoile montante dans l’uniforme de Biggles, Neil Dickson (repéré dans la série biblique A.D.).

Au départ, Biggles est censé être un film d’aventures sur fond de première guerre mondiale surfant sur le triomphe des Aventuriers de l’arche perdue et d’Indiana Jones et le temple maudit. Mais entretemps, un nouveau phénomène débarque sur les écrans : Retour vers le futur. L’aventure rétro ne suffit pas, il faut désormais y ajouter de la science-fiction et si possible des voyages dans le temps. Tant pis pour les puristes des romans originaux. Le scénario est donc entièrement remanié par John Groves et Kent Walwin pour s’efforcer de cocher toutes les cases. Le film commence au milieu des années 80. Jim Ferguson (Alex Hyde-White), un businessman vivant à New York, est inexplicablement transporté en 1917, où il sauve la vie du fringant pilote du Royal Flying Corps James « Biggles » Bigglesworth (Neil Dickson) qui vient de se faire abattre lors d’une mission de reconnaissance photographique. Avant qu’il ne puisse comprendre ce qui s’est passé, Jim est renvoyé en 1986. Il reçoit alors la visite de l’ancien commandant de Biggles, William Raymond (Peter Cushing), qui vit désormais dans le Tower Bridge à Londres. Raymond lui expose sa théorie selon laquelle Ferguson et Biggles sont des « jumeaux temporels », transportés spontanément dans le temps lorsque l’autre est en danger de mort…

Les jumeaux temporels

Sa conception ayant été un peu chaotique, Biggles est un film hybride qui semble hésiter entre plusieurs genres sans vraiment parvenir à se décider. L’influence de Retour vers le futur est très visible, tout comme celle de Philadelphia Experiment avec lequel il présente plusieurs points communs. Mais contrairement aux films de Robert Zemeckis et Stewart Raffill, il ne s’embarrasse ni de rigueur, ni de logique, ni même d’explication claire. Seule nous est livrée la vaseuse théorie énoncée par un Peter Cushing qu’on a toujours plaisir à revoir, même si son rôle reste ici relativement anecdotique et s’il nous paraît très maigre et affaibli. Ce sera du reste sa dernière apparition à l’écran. Le reste du casting est sans éclat, malgré le capital sympathie de Neil Dickson. Biggles capitalise beaucoup sur ses séquences d’acrobaties aériennes qui, pour spectaculaires qu’elles soient, évoquent plus volontiers des numéros de cascadeurs forains que de véritables batailles dans les cieux de 14-18. Supervisées par le réalisateur de seconde équipe Terry Coles, qui avait effectué un travail similaire sur La Bataille d’Angleterre de Guy Hamilton, elles ne manquent certes pas d’audace. La séquence de l’hélicoptère qui atterrit et redécolle sur le wagon d’un train qui roule à près de 70 kilomètres/heure, par exemple, est une grande première. Pas foncièrement mémorable, Biggles rachète les facilités de son scénario par un traitement humoristique pleinement assumé et un second degré omniprésent, comme en témoigne son excentrique épilogue.

 

© Gilles Penso


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30 JOURS DE NUIT (2007)

Coincés dans une petite ville d’Alaska pendant un mois complet sans soleil, un shérif et une poignée de survivants affrontent de monstrueux vampires…

30 DAYS OF NIGHT

 

2007 – USA

 

Réalisé par David Slade

 

Avec Josh Hartnett, Melissa George, Danny Huston, Ben Foster, Mark Boone Junior, Mark Rendall, Amber Sainsbury, Manu Bennett, Megan Franich, Joel Tobeck

 

THEMA VAMPIRES

Lorsque Steve Niles imagine l’histoire de 30 jours de nuit, c’est avec l’intention d’en tirer un scénario pour le cinéma. Mais tous les studios auxquels il présente le projet tournent des talons, peu intéressés par le concept. En désespoir de cause, Niles change son fusil d’épaule et opte pour un autre médium : une série de comic books, dont il confie les dessins à Ben Templesmith. Par une de ces ironies du sort dont Hollywood a le secret, les albums ont suffisamment de succès pour attirer Columbia Pictures, qui avait pourtant rejeté initialement la proposition de Niles. Une adaptation sur grand écran se met donc en route, sous les bons auspices de deux producteurs spécialisés dans l’épouvante : Sam Raimi et Robert Tapert. Raimi envisage un temps de réaliser lui-même le film, mais choisit finalement de laisser quelqu’un d’autre passer derrière la caméra. Ce sera David Slade, dont le premier long-métrage Hard Candy avait fait grand bruit deux ans plus tôt. Slade s’installe avec son équipe en Nouvelle-Zélande pour un tournage de trois mois au cours duquel la plupart des séquences de nuit sont reconstituées en plein jour. Pleinement investis dans leurs rôles, Josh Hartnett et Melissa George donnent le meilleur d’eux-mêmes, effectuant chaque fois que possible leurs propres cascades, combats et séquences d’action.

L’histoire de 30 jours de nuit se déroule dans la ville de Barrow, située au cœur de l’Alaska. Tandis que les habitants se préparent à affronter l’hiver, marqué par un mois complet de nuit polaire, un mystérieux étranger (Ben Foster) débarque d’un grand navire et commence à saboter les moyens de communication ainsi que les transports, plongeant la ville dans le chaos. Le shérif de Barrow, Eben Oleson (Josh Hartnett), mène l’enquête et découvre que son épouse Stella (Melissa George) a raté le dernier vol pour quitter la ville et se voit contrainte d’y rester pour les trente prochains jours. Cette nuit-là, l’horreur frappe. Grâce à l’aide de « l’étranger », un groupe de vampires, mené par le sanguinaire Marlow (Danny Huston), envahit la ville et massacre une grande partie de la population. Les quelques survivants, dont la famille d’Eben, trouvent refuge dans une maison barricadée, munie d’un grenier secret, où ils tentent désespérément de se protéger des créatures assoiffées de sang qui rôdent autour d’eux.

Vive le sang d’hiver

Le froid hivernal est un support d’épouvante souvent très efficace, ce que prouvait magistralement The Thing de John Carpenter. David Slade le confirme en nous offrant une vision surprenante d’un mythe qu’on pensait pourtant connaître par cœur. Oubliez les dandys élégants et raffinés d’Entretien avec un vampire. Ici, les suceurs de sang sont des bêtes sauvages, des créatures primitives s’exprimant par rugissements et autres cris gutturaux, tout en exhibant des mâchoires de requins ensanglantées. Nous sommes finalement plus proches du zombie que du comte Dracula (auquel le personnage de « l’étranger » semble malgré tout faire allusion, calquant ses agissements sur celui de Renfield). D’ailleurs, plusieurs séquences du film évoquent La Nuit des morts-vivants, tandis que la séquence de la petite fille fait écho à celle de L’Armée des morts. 30 jours de nuit est une prodigieuse réussite, se distinguant par sa photographie somptueuse, son montage et son découpage au cordeau, ses maquillages spéciaux particulièrement efficaces, son suspense implacable, sa brutalité sans concession, son interprétation solide (Hartnett en tête). Bref, voilà une variante rafraîchissante (dans tous les sens du terme) qui confirme tout le bien que nous pensions de David Slade. Deux mini-séries (Blood Trails, Dust to Dust) et une suite (30 Jours de nuit 2 : Jours sombres) seront produites dans la foulée.

 

© Gilles Penso


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PRISON OF THE DEAD (2000)

Cinq amis se retrouvent dans une geôle abandonnée depuis des siècles et réveillent involontairement trois bourreaux zombies…

PRISON OF THE DEAD

 

2000 – USA

 

Réalisé par David DeCoteau

 

Avec Patrick Flood, Jeff Peterson, Sam Page, Kim Ryan, Alicia Arden, Michael Guerin, Debra Mayer, Claudiu Trandafir, Constantin Barbulescu, Mac Fyfe

 

THEMA ZOMBIES I SAGA CHARLES BAND

Pour Charles Band, Prison of the Dead marque la fin d’une époque, puisque c’est le dernier film tourné sur les plateaux de Castel Film Romania de Bucarest, où le fructueux producteur a pris ses habitudes depuis près d’une décennie. Le décor de prison désaffectée dans lequel se déroule cette minuscule série B d’épouvante présente la particularité d’avoir accueilli quelques semaines plus tôt les prises de vues d’un long-métrage beaucoup plus argenté, en l’occurrence Highlander Endgame de Doug Aarniokoski. L’idée originale de Prison of the Dead est développée par le réalisateur David DeCoteau et le scénariste Matthew Jason Walsh sous le titre de travail Creepies. Au départ, c’est Dave Parker (Les Morts haïssent les vivants) qui est envisagé pour le scénario et la mise en scène. Mais Charles Band ne lui laisse qu’un petit mois pour écrire et préparer, ce qui lui semble beaucoup trop court. DeCoteau, habitué aux préparatifs et aux tournages express, le remplace donc au pied levé en se cachant derrière l’un de ses nombreux pseudonymes, en l’occurrence Victoria Sloan. Le budget de Prison of the Dead est tellement serré qu’aucun compositeur n’est engagé pour signer la bande originale, DeCoteau se débrouillant avec des bouts de musique écrits par David Bryan pour La Main des ténèbres.

Kristof St. Pierce (Patrick Flood), un jeune homme riche et excentrique, invite ses anciens amis de lycée — Allie (Kim Ryan), Bill (Jeff Peterson) et Michele (Debra Mayer) — à se réunir sous le prétexte de l’enterrement de leur ami Calvin (Sam Page). Le groupe, passionné par les phénomènes paranormaux, se retrouve dans un funérarium construit sur les ruines d’une ancienne prison utilisée pour torturer et exécuter des sorcières au 17e siècle. Les trois invités apprennent qu’ils sont en réalité là pour un concours organisé par le père de Kristof, lequel offre une prime d’un million de dollars à ceux qui prouveraient l’existence de la mythique « Tallon Key », une clé légendaire ouvrant une porte abritant des secrets anciens. Pour compliquer un peu les choses, trois autres anciens camarades de lycée, Rory (Michael Guerin), Jeff (Mac Fyfe) et Kat (Alicia Arden), viennent en cachette pour leur jouer un mauvais tour en réponse aux frasques de Kristof. Les choses prennent une tournure affolante lorsqu’une séance de Ouija réveille accidentellement les cadavres de trois bourreaux animés soudain par une envie furieuse de massacrer tous ceux qui croiseront leur chemin…

"Eurotrash"

Hélas, comme souvent chez David DeCoteau, les personnages n’ont pas une once de crédibilité. Leur comportement, leurs dialogues, leurs relations, rien ne sonne juste. Et même si les jeunes acteurs s’efforcent de réciter leurs répliques avec un maximum de conviction, bien malin sera celui qui comprendra de quoi le scénario de Matthew Jason Walsh veut nous parler. De possessions diaboliques ? De fantômes ? De zombies ? Prison of the Dead a tout de même un atout parfaitement assumé par le réalisateur : son envie d’émuler les films d’horreur espagnols. « J’apprécie beaucoup les films d’exploitation étrangers, comme La Révolte des morts-vivants et ses suites, qui ont cette fameuse qualité “Eurotrash“ », avoue DeCoteau. « Chaque fois que je le peux, notamment dans les films que je réalise en Roumanie, j’essaie d’incorporer cette atmosphère. » (1) Effectivement, il est difficile de ne pas penser aux zombies de la saga des Templiers d’Amando de Ossorio lorsque ces bourreaux enterrés depuis des siècles émergent au ralenti de la terre qui les ensevelissait. Le visage squelettique, le corps recouvert d’une bure élimée, les mains armées d’armes blanches, ils errent dans les ruines très photogéniques du Castel Studio que DeCoteau ponctue d’éclairs, fidèle à son habitude de « cacher la misère » et de combler les vides avec une ambiance orageuse (comme dans Witchouse ou Totem). C’est sans conteste l’aspect le plus intéressant du film. Pour le reste, Prison of the Dead est vite vu/vite oublié, comme la grande majorité des films Full Moon de l’époque.

 

(1) Extrait d’une interview publiée dans Bright Lights Film Journal en août 1999.

 

© Gilles Penso


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NOSFERATU (2024)

Le réalisateur de The Witch et The Lighthouse réinvente le classique de Murnau sous un angle baroque et excessif…

NOSFERATU

 

2024 – USA / GB / HONGRIE

 

Réalisé par Robert Eggers

 

Avec Lily-Rose Depp, Bill Skarsgård, Nicholas Hoult, Aaron Taylor-Johnson, Willem Dafoe, Emma Corrin, Ralph Ineson, Simon McBurney, Adéla Hesova, Milena Konstantinova

 

THEMA DRACULA I VAMPIRES

S’il est aujourd’hui considéré comme un des jalons incontournables de l’histoire du septième art, le Nosferatu de F.W. Murnau fut le fruit d’un important compromis, dans la mesure où la production n’eut pas les moyens de payer les droits d’adaptation du Dracula de Bram Stoker et en tira donc une version officieuse (ce qui ne fut pas du tout du goût de la veuve de l’écrivain, comme on peut l’imaginer). Mais la force du film et son impact furent tels qu’il parvint sans mal à s’extraire de l’ombre de son immense prédécesseur littéraire pour imposer sa propre imagerie. De fait, il servit de terreau à d’autres création cinématographiques singulières : Nosferatu fantôme de la nuit de Werner Herzog, L’Ombre du vampire d’E. Elias Merhige, le peu connu Nosferatu de David Lee Fisher et désormais celui de Robert Eggers. Voir le réalisateur de The Witch à la tête d’une telle entreprise procède d’une certaine logique, dans la mesure où il rendait déjà un hommage direct au cinéma expressionniste en général – et à Murnau en particulier – dans The Lighthouse. Dès le lycée, d’ailleurs, Eggers montait sur scène une adaptation théâtrale du classique de 1922. Il fallait donc bien qu’un jour où l’autre notre homme se frotte frontalement au redoutable comte Orlock.

Annoncé dès 2015, ce Nosferatu mettra pourtant près d’une décennie à se concrétiser. En toute logique, Robert Eggers envisage de confier le rôle féminin principal à Anya Taylor-Joy, qu’il avait révélée dans The Witch. Mais le film tardant à entrer en production, cette dernière finit par être occupée ailleurs, en l’occurrence sur le tournage de Furiosa. C’est finalement Lily-Rose Depp qui la remplace, et force est de constater que la jeune actrice donne pleinement de sa personne, livrant une impressionnante performance à fleur de peau. Son malheureux époux, bientôt dépassé par les événements, est incarné par Nicholas Hoult qui, ironiquement, campait l’assistant de Dracula dans Renfield. Willem Dafoe, quant à lui, retrouve Eggers après The Lighthouse et The Northman pour entrer dans la peau d’un émule du docteur Van Helsing. Sa présence dans le film est d’autant plus savoureuse qu’il incarnait lui-même le comte Orlock – ou du moins son interprète Max Schreck – dans L’Ombre du vampire. Restait à trouver l’interprète idéal du monstre. Habitué aux métamorphoses – il fut le Pennywise de Ça, le Kro des Eternels ou encore Eric Draven dans The Crow -, Bill Skarsgård se prête au jeu avec tant d’intensité qu’il ressortira lessivé de cette expérience.

Quelles noces feras-tu ?

Volontairement, Eggers s’éloigne du look popularisé par les films précédents pour tenter une autre approche, en équilibre instable entre la monstruosité décrépie et les vestiges d’une aristocratie en bout de course. D’où le détournement de certaines caractéristiques physiques attribuées à Vlad Tepes, prince de Valachie du 15ème siècle qui inspira le personnage de Dracula. Le cinéaste n’oublie pas pour autant de rendre hommage à ses prédécesseurs. L’ombre de Murnau plane au sens propre sur de nombreuses séquences du film, notamment à travers les silhouettes des mains griffues d’Orlock qui rampent sur les murs ou recouvrent la cité tout entière pour bien signifier l’emprise du vampire sur les pauvres humains à sa merci. Mais l’esthétique convoquée par Eggers paie aussi son tribut à Herzog, notamment via la sarabande des porteurs de cercueils, l’invasion des rats dans la ville ou la pâleur diaphane de Lily-Rose Depp qui succède à celle d’Isabelle Adjani. Les scènes du château d’Orlock sont d’ailleurs filmées dans les mêmes décors que ceux du Nosferatu de 1979. Persuadé que la juste tonalité de son récit passe par un refus ostensible de la demi-mesure, Eggers pousse Skarsgård à exagérer sa voix gutturale, Dafoe à forcer le trait de ses interventions exaltées, Depp à surcharger ses alternances de neurasthénie et d’hystérie. Les noces contre-nature entre la belle et la bête prennent par conséquent une tournure monstrueuse s’achevant sur un climax déchirant où l’amour et la mort fusionnent définitivement.

 

© Gilles Penso


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LE CLUB DES MONSTRES (1981)

Des vampires et des goules surgissent dans ce film à sketches qui donne la vedette à Vincent Price, John Carradine et Donald Pleasence…

THE MONSTER CLUB

 

1981 – GB

 

Réalisé par Roy Ward Baker

 

Avec Vincent Price, John Carradine, Donald Pleasence, Anthony Steel, Barbara Kellerman, Simon Ward, Britt Ekland, Stuart Whitman, Richard Johnson

 

THEMA VAMPIRES

Le Club des monstres est l’occasion pour le producteur Milton Subotsky d’adapter un roman de R. Chetwynd-Hayes, dont il porta plusieurs nouvelles à l’écran à l’occasion de Frissons d’outre-tombe. C’est aussi un moyen pour lui de renouer un peu tardivement avec l’un des genres narratifs favoris de la firme Amicus dont il fut le cofondateur avec Max J. Rosenberg : le film à sketches. Son envie initiale est de réunir six des plus grandes stars masculines de l’horreur dans le même film : Vincent Price, Donald Pleasence, John Carradine, Peter Cushing, Christopher Lee et Klaus Kinski. Finalement, seuls les trois premiers répondent à l’appel, les autres passant leur tour pour des raisons diverses. L’introduction, la conclusion et les transitions de ce film anthologique sont assurées par Price et Carradine. Incarnant respectivement le vieux vampire Erasmus et l’écrivain spécialisé dans l’épouvante Chetwynd Hayes (donc le véritable auteur ayant inspiré le scénario), ils bavardent tous deux autour d’une table en forme de cercueil dans le « Club des Monstres ». Ce lieu, qu’on eut souhaité plus visuellement inventif, est une espèce de night-club où se dandinent des figurants masqués et où des groupes de pop/rock chevelus vocifèrent d’insupportables chansons que le réalisateur Roy Ward Baker nous inflige hélas en intégralité.

Le premier des trois récits du Club des monstres est une fable triste et morale qui s’intéresse à une cupide jeune femme (Barbara Kellerman), poussée par son fiancé (Simon Ward) à s’approprier la riche collection d’un Shadmock, un être singulier qui carbonise tout ce qui le contrarie. La seconde histoire aborde le vampirisme avec humour, puisqu’elle s’intéresse à un chasseur de suceurs de sang qui a pour métier d’enfoncer dans le cœur de ses victimes le pieu fatidique. Mais seul le dénouement de ce sketch, aidé par la prestation de Donald Pleasence, vaut vraiment le coup d’œil. Dans le troisième et dernier segment, un cinéaste, effectuant les repérages de son prochain film, tombe sur un village hanté par des goules. Ce récit est sans doute le plus réussi des trois, servi par le jeu très convaincant de Stuart Whitman. On regrette en revanche l’affreuse musique synthétique composée par Alan Hawkshaw, qui dénote par rapport aux partitions très belles – bien qu’un peu envahissantes – des deux premiers sketches signées Douglas Gamley et John Georgiadis.

Strip-tease intégral

Le Club des monstres nous laisse donc une impression mitigée pas vraiment à la hauteur du talent de Roy Ward Baker, qui nous offrit par le passé des films de la trempe de The Vampire Lovers, Les Monstres de l’espace ou Docteur Jekyll et Sister Hyde. L’image de Vincent Price et John Carradine qui, au cours du final, se trémoussent sur la piste de danse, pourra au choix faire sourire ou susciter une gêne irrépressible. Nous sommes de toute évidence à la fin d’un certain âge d’or du cinéma fantastique britannique que plus personne – ni les acteurs, ni le réalisateur, ni le producteur, ni les scénaristes – ne sait trop comment gérer. D’où le sentiment d’un film un peu dépassé par son époque, dont la meilleure idée visuelle est peut-être celle du strip-tease intégral d’une danseuse qui termine son show sous forme de squelette, le tout en ombres chinoises animées. Une image finale certes anecdotique mais d’une jolie poésie macabre. Succès très modéré en salles, Le Club des monstres aura plus de chance lors de sa distribution en vidéo. Depuis, certains produits dérivés créés à l’époque en série limitée (l’adaptation graphique, la bande originale, l’édition de poche du roman) s’arrachent à prix d’or chez les collectionneurs.

 

© Gilles Penso


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JOSH KIRBY : TIME WARRIOR ! CHAPITRE 3 – TRAPPED ON TOYWORLD (1996)

Dans ce troisième épisode, le jeune voyageur temporel Josh Kirby se retrouve propulsé dans un monde peuplé de jouets vivants…

JOSH KIRBY TIME WARRIOR ! CHAPTER 3 : TRAPPED ON TOYWORLD

 

1996 – USA

 

Réalisé par Frank Arnold

 

Avec Corbin Allred, Derek Webster, Buck Kartalian, Sharon Lee Jones, Barrie Ingham, Jennifer Burns, Lucian Cojocaru, J.P. Hubbell

 

THEMA VOYAGES DANS LE TEMPS I JOUETS I SAGA CHARLES BAND I JOSH KIRBY

Les aventures de Josh Kirby se suivent et ne se ressemblent pas. Et il faut saluer l’audace des scénaristes et des metteurs en scène qui, faisant fi des ridicules budgets à leur disposition, parviennent à placer leurs ambitions relativement haut et à surprendre sans cesse les jeunes spectateurs auxquels cette saga science-fictionnelle est destinée. À la fin du second épisode, nous quittions notre héros en mauvaise posture, projeté dans l’espace hors de la machine à voyager dans le temps du professeur Irwin 1138. À la manière du Bruce Campbell de L’Armée des ténèbres, il chute en hurlant et atterrit en catastrophe dans une forêt inconnue. En réalité, c’est toujours le même décor naturel roumain, sans cesse réutilisé d’un épisode à l’autre, que les réalisateurs tentent de faire passer à chaque fois pour des sites différents. Nous ne sommes pas dupes, mais la série Josh Kirby est typiquement le genre de spectacle qu’il faut savoir apprécier en suspendant son incrédulité. Tout fait un peu faux, tout sent le bricolage, mais ce qui pourrait être rédhibitoire se mue presque en qualité. Les acteurs semblent s’amuser comme des gamins dans une chambre d’enfant, suscitant de fait une sorte de connivence avec les spectateurs.

Dans la forêt inconnue où il s’est crashé, Josh (Corbin Allred) rencontre Annie (Sharon Lee Jones), une poupée avenante qui a une taille humaine, et Theodore (Lucian Cojocaru), un énorme ours en peluche amical mais bougon. Le voilà dans Toyworld, un monde étrange où lui-même est considéré comme une espèce rare :  un « non jouet ». Le créateur de tous les habitants de Toyworld est un vieux bricoleur sympathique (Buck Kartalian) qui s’appelle – évidemment – Gepetto. Un échange de dialogue apparemment anecdotique entre Josh et Annie pose en substance la question de l’éternelle insatisfaction de tout un chacun, l’herbe semblant toujours plus verte ailleurs. « Les jouets ne changent pas, ils ne grandissent pas, nous chantons toujours les mêmes chansons et dansons toujours les mêmes danses » se plaint ainsi la poupée face à sa vie routinière, enviant le libre-arbitre des « non jouets ». « Vous n’avez qu’à vous amuser sans vous soucier des devoirs ou des brutes à l’école », rétorque Josh. Après cette brève leçon de philosophie, le jeune voyageur temporel découvre que son ennemi juré, le vil Zoetrope (Derek Webster), l’a suivi jusque dans ce pays imaginaire, toujours engoncé dans sa redoutable armure futuriste…

Toys Are Us

Au-delà d’Annie et Theodore, Toyworld se révèle peuplé d’une infinité de créatures improbables : un œuf à la coque moustachu, un soldat aux sourcils dignes de Groucho Marx, un troll édenté amateur d’énigmes et des centaines de figurants dont les costumes (dinosaures, clowns, lapins, singes, pingouins, ballerines, grooms, cowboys) semblent avoir été loués dans un magasin de farces et attrapes. Les décors eux-mêmes donnent le sentiment d’avoir été fabriqués dans un atelier créatif d’école primaire, à grand renfort de carton, de bouts de bois et de polystyrène. Bien sûr, Trapped on Toyworld n’entend pas rivaliser avec les productions Disney et se positionne ouvertement comme un conte de fées low cost. On pense parfois au court-métrage Hansel et Gretel que Tim Burton bricola en 1983, avec ses accessoires en plastique, ses murs en carton-pâte et ses panoplies à la coupe évasive. Quelque part, tout ce semi-amateurisme contribue au caractère attachant de l’œuvre. Mais il faut bien reconnaître que le scénario tire à la ligne et peine à remplir les 90 minutes règlementaires. Après une grande bataille de tartes à la crème en guise de climax, un nouveau cliffhanger en fin de métrage annonce le quatrième épisode.

 

© Gilles Penso


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MARIE (2024)

Vous connaissez tous l’histoire de Jésus, mais que savez-vous de sa mère ? Cette « prequel » vous dit tout…

MARY

 

2024 – USA / UK

 

Réalisé par D.J. Caruso

 

Avec Noa Cohen, Ido Tako, Ori Pfeffer, Hilla Vidor, Dudley O’Shaughnessy, Anthony Hopkins, Ray Clark, Mili Avital, Stephanie Nur, Ait ben Azzouz Brahim

 

THEMA DIEU, LA BIBLE, LES ANGES

Voilà longtemps que la vie de Jésus intéresse le cinéma, réinventée à travers le prisme de réalisateurs aussi dissemblables que Pier Paolo Pasolini, Franco Zeffirelli, Martin Scorsese, Mel Gibson ou même les Monty Pythons. La génitrice du Christ, en revanche, n’eut pas si souvent les honneurs des écrans (même si Kevin Connor et Catherine Hardwicke, entre autres, se penchèrent sur son histoire). Persuadé qu’un grand film restait à consacrer à la vie de la Sainte Vierge, celle par qui le miracle de l’immaculée conception se révéla au monde, si l’on en croit le Nouveau Testament, D.J. Caruso (Paranoïa, LŒil du mal, Numéro quatre) se lança dans l’aventure. « Je voulais inspirer, en particulier les jeunes téléspectateurs, en les poussant à se dire : “Wow, cette fille pourrait être mon amie“ », confesse le cinéaste. « Je sais qu’elle est cette icône que nous vénérons tous, mais en même temps, elle était aussi une jeune femme qui prit des décisions compliquées et vécut des choses difficiles. Je voulais la rendre humaine pour qu’elle soit accessible à tous. » (1). Catholique pratiquant à la foi inébranlable, Caruso appréhende de fait la mise en scène de Marie comme une sorte d’acte sacré. « Nous sommes en mission pour le Seigneur » affirmaient les Blues Brothers. Notre homme pourrait en dire autant.

Soucieux de rendre justice aux personnages tels que les décrit la Bible, le réalisateur travaille avec la bénédiction – au sens propre et figuré ! – de l’évêque David G. O’Connell, « conseiller spirituel » pendant le tournage, et du pasteur Joel Osteen, producteur exécutif du film. Le scénariste lui-même, Timothy Michael Hayes, consulte bon nombre de sommités représentant les trois grandes religions monothéistes avant d’attaquer l’écriture. Pas moins de 75 versions du script seront nécessaires avant l’obtention d’une version définitive validée par tout le monde. Pour autant, Marie prend ses distances avec un matériau original qui, de toutes façons, se prête à toutes les interprétations. Le personnage de Joseph, notamment, est beaucoup plus jeune que la représentation traditionnelle. Caruso tient à conter une romance candide et pure, ce qu’une trop grande différence d’âge entre le charpentier et la sainte aurait selon lui entravé. Dans sa volonté de toucher le jeune public, le réalisateur n’hésite pas à emprunter certains tics des blockbusters de studio, comme cette voix off de Marie, façon super-héros, qui annonce d’emblée aux spectateurs : « Vous croyez connaître mon histoire, mais ce n’est pas le cas ». Finalement, Marie s’appréhende comme une « origin story », la volonté de Caruso étant visiblement d’en faire une sorte de prequel de La Passion du Christ.

Il est né le divin enfant

Il faut reconnaître que Marie est un film de facture très honnête, réalisé avec efficacité dans de beaux décors marocains, interprété avec conviction par une poignée de comédiens solides. Si Anthony Hopkins – seul visage célèbre du casting -, cabotine volontiers sous la défroque d’un roi Hérode qu’on croirait échappé d’une pièce de Shakespeare, la méconnue Noa Cohen se révèle très à son aise dans le rôle pas simple de l’enfant devenue femme puis mère, en un subtil mélange de force et de fragilité, de soumission à l’autorité rigide et de révolte face aux carcans d’une société redoutablement archaïque. Hélas, le film se montre incapable de prendre de la hauteur, de transporter ses spectateurs, de se gorger d’emphase, de lyrisme et de fulgurance. Marie reste désespérément plat, même dans ses brefs accès de violence, dans ses recours frontaux au surnaturel (via les interventions de l’archange Gabriel et d’un démon luciférien) ou dans ses moments de suspense (la traque, l’incendie final). Rien ne dépasse, tout est très sage, très propre, très convenable. Sans doute D.J. Caruso s’est-il trop laissé brider par sa propre fascination pour le sujet, manquant du recul nécessaire pour transcender cette histoire avec l’audace nécessaire. Marie aurait pu être un grand film. Ce n’est finalement qu’un téléfilm luxueux qui ne marquera sans doute pas les mémoires.

 

© Gilles Penso


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