INDIANA JONES ET LE TEMPLE MAUDIT (1984)

Un second épisode explosif qui alterne les séquences d'action ébouriffantes et les moments d'épouvante cauchemardesques

INDIANA JONES AND THE TEMPLE OF DOOM

1984 – USA

Réalisé par Steven Spielberg

Avec Harrison Ford, Kate Capshaw, Amrish Puri, Ke Huy Quan, Roshan Seth, Philip Stone, Roy Chiao, Dan Aykroyd

THEMA EXOTISME FANTASTIQUE I SORCELLERIE ET MAGIE I SAGA INDIANA JONES I SAGA STEVEN SPIELBERG

Premier exemple d’une séquelle signée par Steven Spielberg (qui avait échappé à la tentation après E.T), Indiana Jones et le temple maudit réussit à renouveler le mythe créé trois ans plus tôt. Quoique le terme séquelle soit quelque peu abusif, dans la mesure où ce second Indiana Jones se situe en 1935, soit un an avant Les Aventuriers de l’arche perdue. Lawrence Kasdan étant occupé par le tournage des Copains d’abord, Lucas sollicita deux autres scénaristes avec lesquels il avait collaboré sur American Graffiti : Willard Huyck et Gloria Katz. Tout en conservant les éléments clefs des Aventuriers de l’arche perdue, tant en ce qui concerne le rythme du film que la personnalité de son héros, cet « épisode 2 » met une fois de plus en évidence les influences cinématographiques de Spielberg et Lucas : la comédie musicale avec une séquence d’ouverture délicieusement hollywoodienne, puis la série James Bond au moment où Indiana Jones, paré du même smoking que Sean Connery dans Goldfinger, entre dans un cabaret de Shangaï pour négocier un gros diamant. La bagarre générale qui suit bascule dans une réjouissante frénésie. L’archéologue frôle cent fois la mort, ne devant son salut qu’à une fuite éperdue dans laquelle il entraîne la chanteuse Willie Scott (Kate Capshaw). Fort heureusement, Demi-Lune (Ke Huy Quan), le petit Chinois qui accompagne Indiana, est un as du volant et les tire de ce mauvais pas. Abandonné en plein vol dans un avion sans carburant au-dessus de l’Himalaya, sans pilote et sans parachute, ce trio hétéroclite (symbole de la famille recomposée chère à Spielberg) plonge en canot pneumatique. Emportés par un fleuve indien, ils se retrouvent dans un village où un vieux chaman semble les attendre.

Dès lors, le film bascule progressivement dans le cauchemar, en une descente aux Enfers si profonde que Spielberg aura tendance à renier quelque peu ce second Indiana Jones, rétrospectivement trop sombre à son goût. Les paliers de l’épouvante s’amorcent avec l’abominable repas à la cour du maharadjah de Pancott (serpents surprise, scarabées fourrés, soupes d’yeux et cervelles de singes en sorbet !), s’enchaînent avec la traversée d’un tunnel grouillant d’immondes insectes, dépassent les bornes avec ce sacrifice humain émaillé d’effets particulièrement gore (le cœur arraché, l’homme brûlé vif), et s’achèvent par l’outrage suprême : la transformation du héros en serviteur du mal, après qu’il ait absorbé de force le sang de Kali, tandis que le jeune maharadjah le torture à distance avec une poupée vaudou ! C’est Lucas qui orienta volontairement le film dans cette voie dépressive, car il avait appliqué un tel traitement à L’Empire contre-attaque et s’en montra très satisfait (on ne saurait lui donner tort, dans la mesure ou beaucoup le considèrent comme le meilleur épisode de la saga Star Wars). Le premier titre envisagé était d’ailleurs « Indiana Jones et le Temple de la Mort » !

Entre l'ombre et la lumière

Après avoir atteint une telle noirceur, le script rebondit enfin vers l’action énergisante et positive. En la matière, ce Temple maudit parvient à surpasser son prédécesseur, via deux séquences exceptionnelles : la course-poursuite en wagonnets dans la mine (prévue à l’origine pour Les Aventuriers de l’arche perdue) et le combat sur le pont suspendu à flanc de falaise, combinant prises de vues réelles et animation image par image. « Le mouvement humain est très difficile à imiter », explique l’animateur Tom Saint Amand. « J’ai passé beaucoup de temps à observer les prises de vues réelles de la séquence des wagonnets, notamment la manière dont Harrison Ford bougeait, et j’ai essayé d’incorporer sa gestuelle dans mon animation. Quelques-uns des plans nécessitaient de très longues journées de travail, d’autant qu’il fallait parfois animer simultanément six personnages qui interagissaient entre eux. » (1) Les clins d’œil abondent dans ce second Indiana Jones, du club chinois baptisé Obi Wan (le maître Jedi incarné par Sir Alec Guiness dans La Guerre des étoiles) à la petite apparition de Dan Aykroyd dans le rôle d’un ambassadeur (un renvoi d’ascenseur de Spielberg qui fut lui-même invité à jouer un comptable dans Les Blues Brothers) en passant par des figurants de luxe que repèrent les spectateurs les plus attentifs : Spielberg et Lucas en missionnaires et le producteur Frank Marshall en touriste. Harrison Ford nous rejoue même un remake du fameux gag de l’homme au sabre abattu par un coup de feu… Si ce n’est que cette fois, la poche à revolver d’Indiana est désespérément vide ! Bel exercice de surenchère et de variation sur un thème, oscillant sans cesse entre l’ombre et la lumière, Indiana Jones et le temple maudit entraînera presque aussitôt moult imitations plus ou moins inspirées.

 

(1) Propos recueillis par votre serviteur en septembre 1999.

 

© Gilles Penso

 

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LES AVENTURIERS DE L’ARCHE PERDUE (1981)

George Lucas et Steven Spielberg réinventent la grande aventure et lui donnent le visage d'Harrison Ford

RAIDERS OF THE LOST ARK

1981 – USA

Réalisé par Steven Spielberg

Avec Harrison Ford, Karen Allen, John Rhys-Davies, Denholm Elliot, Paul Freeman, Ronald Lacey, Alfred Molina, Wolf Kahler

THEMA EXOTISME FANTASTIQUE I DIEU, LES ANGES, LA BIBLE I SAGA INDIANA JONES I STEVEN SPIELBERG

Les premiers exploits cinématographiques d’Indiana Jones étaient annoncés à l’époque comme « Le Retour de la Grande Aventure ». Une fois n’est pas coutume, le slogan ne mentait pas, car ce film bourré d’action et d’idées se dévoila au grand public sous forme d’une véritable bande dessinée en trois dimensions ravivant avec une énergie extraordinaire le souffle épique des grandes saga exotiques d’antan. Les influences multiples des Aventuriers de l’arche perdue viennent principalement des serials des années 30, des films d’aventures des années 50 et de la série des James Bond. Après le tournage de Rencontres du troisième type, Steven Spielberg caressait d’ailleurs le projet de réaliser une des aventures de l’agent 007, ayant même tenté de convaincre le producteur Albert Broccoli de l’engager. Le reste de l’histoire est entré dans la légende : en attendant avec angoisse le résultat au box-office de La Guerre des étoiles, George Lucas proposa à Spielberg d’oublier James Bond au profit d’un nouveau héros de son invention, d’après une idée développée avec son ami Philip Kaufman. Le film se situe en 1936. Lorsqu’Indiana Jones fait son apparition dès les premières secondes du métrage, après le fameux fondu enchaîné muant la montagne de Paramount en cime sud-américaine, le cinéphile constate qu’il arbore la même panoplie qu’Humphrey Bogart dans Le Trésor de la Sierra Madre ou que Charlton Heston dans Sous le plus grand chapiteau du monde. Toujours en vadrouille aux quatre coins du monde à la recherche de trésors archéologiques, Jones est souvent entravé par son principal concurrent, le Français René Belloq (Paul Freeman) qui loue ses services à l’Allemagne d’hitler, lequel s’est mis en tête de retrouver l’Arche d’Alliance contenant les tables de la loi brisées par Moïse il y a près de trois mille ans. Tenancière d’un bouge au fin fond du Népal, Marion Ravenwood (Karen Allen) va aider Indiana à récupérer l’Arche sainte avant les nazis… 

Toute la richesse du personnage d’Indiana Jones repose sur une dualité mise en scène au sein de ses activités (alternativement tranquille professeur d’université ou intrépide aventurier) et de sa personnalité (tour à tour maladroit ou au contraire extrêmement habile). Pressenti à l’origine pour tenir ce rôle légendaire, Tom Selleck dut se désister à cause de son engagement sur la série Magnum. Sans doute eut-il incarné un aventurier très convaincant, mais force est de constater que le nom d’Indiana Jones est désormais indissociable de celui d’Harrison Ford. A ses côtés s’animent quelques seconds rôles savoureux, notamment le jovial Sallah (John Rhys-Davies), le conservateur lunaire Marcus Brody (Denholm Elliott) et le sinistre gestapiste Toht (Ronald Lacey). Le film regorge de séquences d’action époustouflantes, comme le prologue dans le temple truffé de piège, le combat contre un Allemand massif sur une piste de décollage, l’attaque des milliers de serpents dans le puits souterrain ou la poursuite en camion qui inspira très probablement le climax de Mad Max 2. Mais chacun de ces moments d’anthologie est contrebalancé par des éclats de rire, le plus célèbre ayant été improvisé à la dernière minute par un Harrison Ford patraque : au lieu d’affronter à coup de fouet un redoutable Égyptien armé d’un sabre, via une spectaculaire bataille que Spielberg avait soigneusement fait storyboarder, Indiana Jones se contente d’abattre son adversaire d’un coup de revolver avant de prendre la tangente l’air blasé !

Le Spectacle avec un grand S

Quant au final, qui visualise la colère de Dieu via l’attaque de spectres flottants et la décomposition grand-guignolesque de ceux qui ont osé profaner l’Arche, il évoque Les Dix Commandements puis bascule dans l’horreur graphique en annonçant plusieurs séquences de Poltergeist. Chef d’œuvre incontesté d’un genre alors moribond, ce premier Indiana Jones est un savant mélange de la mise en scène virtuose de Steven Spielberg et de l’imagination sans borne de George Lucas. Cette collaboration, sur laquelle repose le second slogan du film (« par ceux qui ont créé Les Dents de la mer et La Guerre des étoiles »), était à l’époque un événement à plus d’un titre, car les deux cinéastes avaient prouvé un penchant jamais démenti pour le Spectacle avec un grand S. Bénéficiant en outre d’une écriture sans faille signée Lawrence Kasdan (déjà scénariste de L’Empire contre-attaque), Les Aventuriers de l’arche perdue surprend par sa richesse et sa spontanéité. Et la musique de John Williams, enivrante, suit pas à pas le rythme extraordinairement alerte du film.

 

© Gilles Penso

 

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TEETH (2007)

Le fils du célèbre artiste Roy Lichtenstein imagine le drame d'une jeune fille dont chaque relation sexuelle est vouée à un dénouement très sanglant…

TEETH

2007 – USA

Réalisé par Mitchell Lichtenstein

Avec Jess Weixler, John Hensley, Josh Pais, Hale Appleman, Ashley Springer, Vivienne Benesch, Lenny Von Dohlen

THEMA MUTATIONS

Une jeune fille émascule ses amants avec son vagin hérissé de dents acérées ! Non, il ne s’agit pas du postulat d’une série Z produite par Troma mais de l’argument d’une œuvre sensible, drôle et horrifiante marquant les premiers pas du réalisateur Mitchell Lichtenstein. Si le patronyme de ce cinéaste n’est pas inconnu des esthètes, c’est qu’il est le fils du célèbre peintre Roy Lichtenstein, pilier du pop art. Après avoir été comédien et producteur, Lichtenstein junior décide de passer derrière la caméra pour narrer l’histoire de Dawn (Jess Weixler), une adorable jeune fille qui milite activement dans son lycée pour la chasteté jusqu’au mariage. Cette pruderie excessive s’exerce probablement en opposition à la sexualité extravertie et agressive de son demi-frère Brad (John Hensley). Mais il y a autre chose… Si Dawn refoule tout désir sexuel, c’est peut-être parce qu’elle a du mal à assumer sa propre anatomie. Cette crainte va se révéler fondée le jour où le fringuant Tobey (Hale Appleman) la viole quasiment dans un décor de cascade champêtre digne du Lagon bleu. En réaction à cette agression, le vagin de Dawn montre les dents – au sens propre ! – et sectionne violemment le pénis du jeune homme. Traumatisée, la lycéenne s’apprête à se livrer à la police. Mais les assauts d’autres mâles la poussent à changer d’avis. Désormais, elle utilisera ce « pouvoir » pour se protéger des agresseurs et partir en quête de « son héros », le seul homme susceptible d’être son prince charmant.

Un tel sujet était propice à la caricature, mais telle n’est pas l’intention de Lichtenstein. En un délicat exercice d’équilibre entre la comédie, l’horreur et le drame, il signe un film hors norme, qui entraîne le spectateur dans sa folie dès le générique de début, une vue microscopique soutenue par une partition insolite de Robert Miller digne des meilleures compositions de Danny Elfman. S’il ne refuse pas les traits d’humour décalés (« Je ne vais pas vous mordre » affirme le gynécologue qui s’apprête à examiner Dawn) et les séquences excessivement gores (les excellents maquillages spéciaux de Doug Field ne nous épargnent aucune castration, de préférence en gros plan !), le réalisateur dirige ses comédiens au premier degré, l’intensité et la profondeur de leur jeu contrastant à merveille avec l’incongruité du propos.

« Chaque rose a ses épines… »

Ainsi la belle Jess Weixler nous livre-t-elle une interprétation extraordinaire, aux côtés de l’étonnant John Hensley (familier des amateurs de la série Nip/Tuck) dans le rôle du demi-frère violent et marginal. Les fantasticophiles apprécieront également la prestation de Lenny Von Dohlen, héros de la comédie de science-fiction Electric Dreams qui endosse ici la peau du père de Dawn. Amateur de SF à l’ancienne (Teeth nous offre quelques extraits télévisés du Scorpion noir et de La Gorgone), Lichtenstein ne se prononce pas quant à l’origine de la mutation de son héroïne mais suggère une bonne vieille contamination radioactive, comme le laissent imaginer les deux cheminées fumantes d’une usine nucléaire sur lesquelles s’attarde souvent sa caméra. « Chaque rose a ses épines » annonce l’un des slogans du film. Gageons que les amateurs d’un cinéma insolite trouveront bien des charmes à cette fleur vénéneuse.


© Gilles Penso

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IRON MAN (2008)

Avec la première aventure sur grand écran de Tony Stark, le Marvel Cinematic Universe prend officiellement son envol

IRON MAN

2008 – USA

Réalisé par Jon Favreau

Avec Robert Downey Jr, Terence Howard, Gwyneth Paltrow, Jeff Bridges, Shaun Toub, Samuel L. Jackson, Leslie Bibb

THEMA SUPER-HEROS I SAGA MARVEL I AVENGERS I IRON MAN

Iron Man est le premier film produit de manière autonome par Marvel Studios. Fidèle au récit imaginé en 1963 par Stan Lee, Larry Lieber, Don Heck et Jack Kirby, le scénario (signé par les auteurs de l’excellent Les Fils de l’homme) nous familiarise avec Tony Stark (Robert Downey Jr), un industriel génial et excentrique. L’empire qu’il a bâti brasse des millions grâce aux armes sophistiquées dont il est l’inventeur et le fournisseur. Mais lors de la démonstration d’un nouveau type de missile en Afghanistan, il tombe dans un traquenard et échappe de peu à la mort suite à l’explosion d’une de ses propres mines. Prisonnier d’un groupuscule rebelle, il ne doit sa survie qu’à une opération du cœur de fortune effectuée par son compagnon de geôle. Ses ravisseurs exigent la fabrication d’un exemplaire de son missile dernier cri. Stark construit alors en secret une armure volante ultra-sophistiquée qui lui permet de s’évader. De retour aux Etats-Unis, il décide d’abandonner la vente d’armes et de perfectionner son armure pour défendre des valeurs qui, jusqu’alors, lui étaient totalement étrangères. Mais son associé Obadiah Stane (Jeff Bridges) ne l’entend pas de cette oreille…

Iron Man est avant tout le récit d’une prise de conscience, « l’histoire d’un homme qui découvre son cœur » pour reprendre les termes du scénariste Mark Fergus. En ce sens, le revirement de Tony Stark est exemplaire. Imbu de lui-même, cynique et arrogant, c’est un parfait émule du Nicolas Cage de Lord of War. Les choses changent lorsqu’il devient sa propre victime. C’est une mine de Stark International qui le frappe, une milice attirée par ses inventions qui le kidnappe et, au final, un monstre dont il est le créateur qui l’attaque. Sans perdre son ironie et sa gouaille, l’homme va s’affaiblir, s’humaniser et forger à la sueur de son front le super-héros qu’il a décidé de devenir. Il n’est sans doute pas exagéré d’attribuer 50% de la réussite d’Iron Man à son interprète principal. Car Robert Downey Jr porte littéralement le film sur ses épaules, nous offrant une interprétation tout bonnement irrésistible. A ses côtés, Gwyneth Paltrow campe une assistante délicieuse et Jeff Bridges un rival impressionnant.

Le chevalier et son armure

Jon Favreau et ses scénaristes ayant pris le temps nécessaire pour nous familiariser avec les protagonistes et leurs failles, tout est alors en place pour d’ébouriffantes séquences d’effets spéciaux mixant des armures magnifiques conçues par l’atelier de Stan Winston et des images de synthèse d’un effarant réalisme supervisées par John Nelson (Gladiator, I, Robot). Trois versions différentes du justicier métallique (de plus en plus aérodynamiques) s’animent sous nos yeux ébahis, ainsi qu’un colossal super-vilain digne de Robocop 2« Huit sociétés et trois cents personnes on travaillé sur les effets visuels d’Iron Man pendant douze moins ininterrompus », nous raconte John Nelson. « C’était un long voyage, mais je crois que ça en valait la peine ». (1) Certes, quelques scories parsèment le film, notamment des incohérences scénaristiques parfois énormes et une partition sans inspiration signée Ramin Djawadi (Prison Break). Mais Iron Man n’en souffre pas outre mesure, ouvrant plusieurs portes vers la suite du cycle Marvel sur grand écran.

(1) Propos recueillis par votre serviteur en avril 2008  

© Gilles Penso

 

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MAD MAX (1979)

Le film qui a transformé George Miller en cinéaste mondialement connu et Mel Gibson en superstar

MAD MAX

1979 – AUSTRALIE

Réalisé par George Miller

Avec Mel Gibson, Joanne Samuel, Steve Bisley, Hugh Keays-Byrne, Tim Burns, Roger Ward, Lisa Aldenhoven, David Bracks

THEMA FUTURSAGA MAD MAX

Le carton d’introduction de Mad Max annonce que nous sommes « quelque part dans le futur ». C’est la seule indication spatio-temporelle que nous aurons à nous mettre sous la dent. A-t-on réellement besoin d’en savoir plus ? A peine le métrage commence-t-il que les pneus crissent, les moteurs vrombissent, la tôle se froisse… Il ne faut pas plus de quelques secondes pour que George Miller s’impose comme un cinéaste d’exception, immergeant les spectateurs de son premier long-métrage dans une poursuite automobile hallucinante qui ne cesse qu’au bout de dix minutes de furie mécanique. On n’avait pas vu ça depuis Bullit ou French ConnectionUn fou du volant, auto-proclammé « Chevalier de la Nuit », est pris en chasse par les voitures de la police, jusqu’à ce qu’intervienne le véhicule « Interceptor » piloté par l’agent Max Rockatansky. Les cadrages au format scope, les mouvements fébriles de la caméra, le montage nerveux, tout dans ce prologue est ciselé au millimètre près.

 Le  héros, lui, ne nous est révélé que progressivement : d’abord les bottes, ensuite le dos, puis le regard dissimulé derrière les lunettes noires, jusqu’à ce que le visage d’un tout jeune Mel Gibson débordant déjà de charisme n’emplisse l’écran, iconisant ce Max qui n’a encore rien de « Mad ». Quand une horde de motards dirigée par le psychopathe Toecutter (Hugh Keays-Byrne) investit une petite ville pour récupérer à la gare le cercueil du Chevalier de la Nuit, la nature du film se révèle sans fard : ce récit d’anticipation est en réalité un western d’un nouveau genre. Dans ce futur proche peu engageant, la folie s’est emparée du monde, et des policiers désabusés (surnommés « bronzes » à cause de leur plaque) filent le train à des gangsters équipés de véhicules customisés aux moteurs surgonflés. Le commissariat lui-même est un bâtiment délabré qui semble à l’abandon et résume bien la situation. Lorsque la bande de Toecutter prend au piège Jim Goose, le co-équipier de Max, la violence monte d’un cran. Elle ne quittera plus l’écran, moins visuellement que psychologiquement. 

L'innocence perdue

Car les épreuves de plus en plus douloureuses et de plus en plus éprouvantes que s’apprête à vivre Max vont le changer à tout jamais, au rythme impitoyable des pneus arpentant le bitume comme autant de coups de couteau plantés dans une innocence perdue. A l’issue de ce parcours du combattant, Max bascule et laisse rugir la bête qui sommeille en lui. Ce revirement est symbolisé par un masque de monstre de carnaval qu’il utilisait jadis pour s’amuser avec son tout jeune fils, et qu’il tord désormais de rage entre ses mains. Le point de non-retour est atteint, et Mad Max justifie enfin son titre, s’acheminant inexorablement vers un dénouement nihiliste. Le compositeur Brian May écrit à l’occasion une partition exagérément épique, parfois en décalage avec l’aspect brut de la mise en scène, mais qui dote le récit d’une indéniable dimension tragique. Chef d’œuvre de nervosité et d’efficacité, le premier volet de la saga Mad Max fit découvrir au grand public la richesse potentielle du cinéma australien, remporta le Prix Spécial du Jury du festival d’Avoriaz et rapporta 250 fois son budget estimé à 400 000 dollars.

 

© Gilles Penso

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NEW YORK 1997 (1980)

Dans le futur, New York est devenu une prison à ciel ouvert où sévissent les pires individus de la société…

ESCAPE FROM NEW YORK

1980 – USA

Réalisé par John Carpenter

Avec Kurt Russell, lee Van Cleef, Ernest Borgnine, Donald Pleasence, Isaac Hayes, Harry Dean Stanton, Adrienne Barbeau

THEMA FUTUR I SAGA JOHN CARPENTER

John Carpenter avait déjà détourné les codes du western pour les besoins de son thriller Assaut. Ici, il les transpose quelques années dans le futur. Alors que la ville de New York est devenue un quartier de haute sécurité pour trois millions de criminels, le prisonnier Snake Plissken (Kurt Russell) se voit offrir la liberté s’il peut secourir le président des Etats-Unis (Donald Pleasence) dont l’avion s’est écrasé dans la ville. Pour s’assurer de sa loyauté, on lui inocule une bombe miniature dans le corps qui explosera s’il n’a pas accompli sa mission au bout d’un délai de 24 heures. Lâché dans la jungle urbaine de New York, Snake Plissken se fait quelques alliés en chemin, dont Cabbie (Ernest Borgnine), Maggie (Adrienne Barbeau) et Brain (Harry Dean Stanton), et découvre que le président a été enlevé par la dangereuse bande de Duke (Isaac Hayes)…

Les films de John Carpenter reposent souvent sur une idée simple et diablement efficace. C’est plus que jamais le cas ici, et la mise en scène ciselée du réalisateur d’Halloween s’adapte à merveille à ce concept, profitant largement de toute l’étendue du format Cinémascope pour composer des images nocturnes superbes. D’autant que Carpenter n’a pas son égal pour maîtriser l’unité de lieu et de temps. 24 heures, les rues de New York, un homme seul contre tous : à partir de ces données simples, l’action est savamment orchestrée, avec une prédilection pour les décors sordides, les individus autant bigarrés que dangereux et les situations extrêmes. Le plus étonnant est sans doute que le résultat soit si spectaculaire malgré les faibles moyens du film. « New York 1997 a coûté six millions de dollars, ce qui effectivement était un budget plutôt restreint », confirme John Carpenter. « Nous sommes allés tourner à Saint Louis, où avait eu lieu un grand incendie en 1977. Tout le centre-ville avait été dévasté, et c’est ce qui nous a servi de décor principal. Pour les effets spéciaux, nous avons fait appel à la société de Roger Corman, New World, parce qu’ils étaient très bon marché. » (1) Parmi les talentueux artistes embauchés par Corman à cette époque, James Cameron, bientôt en passe de devenir metteur en scène, s’attela aux matte-paintings décrivant les buildings lointains de New York.

Snake Plissken, nouvelle icône de la science-fiction

Le casting du film, constitué de gueules impayables et de réjouissants seconds couteaux, est dominé par Kurt Russell, l’acteur fétiche du cinéaste, portant sur ses épaules le rôle le plus marquant de sa carrière. Snake Plissken, l’homme dont tout le monde a entendu parler dans ce New York d’apocalypse, celui que l’on croit mort sans que personne ne s’en explique, ce mercenaire débonnaire et antisocial au patch de pirate et à la coupe hippie s’est mué en icône immuable du cinéma d’action et de science-fiction. Il est amusant de noter que le studio envisageait à l’époque de proposer le rôle à Charles Bronson ou Tommy Lee Jones, ce que le cinéaste refusa sans appel. Maintes fois imité, notamment via une myriade de petites productions italiennes, New York 1997 demeure une œuvre résolument à part, un petit miracle que Carpenter lui-même ne parvint pas à égaler lorsqu’il en signa tardivement une poussive séquelle.

(1) propos recueillis par votre serviteur en février 1995

 

© Gilles Penso 

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CONAN LE BARBARE (1982)

Le film ultime de « Sword and Sorcery » qui a fait entrer Arnold Schwarzenegger dans la légende

CONAN THE BARBARIAN

1982 – USA

Réalisé par John Milius

Avec Arnold Schwarzenegger, James Earl Jones, Sandahl Bergman, Max von Sydow, William Smith

THEMA HEROIC FANTASY I SAGA CONAN

Douze mille ans avant notre ère, le jeune Conan reçoit de son père un glaive d’acier et une mission : découvrir le secret de cet alliage que détient le dieu Crom. Mais son village est dévasté par les cavaliers du Nord et sa mère est décapitée par leur chef, Thulsa Doom. Esclave, Conan passe sa jeunesse à actionner la roue d’un moulin, ce qui sculptera son impressionnante musculature. Un jour, il reconquiert la liberté et part avec deux compagnons, le Mongol Subotaï et la ravissante reine des voleurs, à la recherche de Thulsa Doom… Il y a de fortes chances pour que les amateurs du Conan de Robert Howard (dix-sept récits publiés dans « Weird Tales » entre 1932 et 1936) aient été assez déçus par cette adaptation appauvrie en terme de fantasy pure. Où sont donc passés les morts-vivants, les araignées géantes, les statues vivantes, les limaces monstrueuses et les vampires des merveilleuses pages de l’écrivain ? Pour autant, il serait injuste d’en conclure que Conan le barbare, écrit par Oliver Stone et dirigé par John Milius (lui-même scénariste d’Apocalypse Now), soit un échec.

Le producteur Dino de Laurentiis s’étant spécialisé dès le milieu des années 70 dans la mise à mal des grands mythes fantastiques (King Kong, Flash Gordon, Sheena, Dune), on pouvait tout de même craindre le pire. Fort heureusement, si on fait abstraction de la richesse incomparable de son origine littéraire, Conan se révèle être un film d’action mené avec beaucoup d’habileté, mais aussi le mètre étalon de toute l’héroïc fantasy cinématographique à venir. Une grande partie du crédit de cette réussite est à attribuer à Arnold Schwarzenegger, qui s’avère tout simplement parfait dans le rôle du Cimmérien. Ex Monsieur Univers, Ex Hercule, Arnold se rapproche tant du Conan décrit par Howard, ainsi que des magnifiques dessins de Frank Frazetta, qu’il paraît désormais inconcevable d’imaginer un autre acteur dans la peau du personnage.

L'opéra épique de Basil Poledouris

Le film comporte en outre un certain nombre d’attraits et de personnages étonnants : une fiancée coriace pour Conan qui prend les traits de Sandhal Bergman (tous deux effectuant eux-mêmes leurs cascades dans la mesure où aucune doublure convaincante ne fut dénichée pour les remplacer), James Earl Jones en méchant (dont le look et les attitudes sont directement inspirés par les guerriers du Alexandre Nevsky d’Eisentsein), le grand Max Von Sydow (L’Exorciste) en roi viking, et en prime un serpent géant fort impressionnant. Conan le barbare doit également beaucoup à la sublime et emphatique partition de Basil Poeldouris, qui lui donne bien souvent les allures d’opéra wagnérien. Assez curieusement, c’est d’abord Vladimir Cosma, le légendaire compositeur de La Boum et de Rabbi Jacob, qui était pressenti pour composer la musique du film. « Le succès de Diva avait fait connaître mon nom en Amérique », explique-t-il. « De Laurentiis m’a contacté, j’ai fait mes valises, j’étais prêt à partir… Et puis au dernier moment j’ai refusé leur offre, pour une raison très triviale : j’ai la hantise de l’avion ! » (1) Comme quoi, les grandes décisions artistiques du cinéma tiennent parfois à peu de choses.

 

(1) Propos recueillis par votre serviteur en mai 2005

© Gilles Penso 

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L’EXORCISTE (1973)

William Friedkin effectue le grand écart entre l'épouvante suggérée et l'horreur visuelle, clé de la réussite miraculeuse de cette œuvre intense

THE EXORCIST

1973 – USA

Réalisé par William Friedkin

Avec Linda Blair, Max Von Sydow, Ellen Burstyn, Lee J. Cobb, Jason Miller, Kitty Winn, Jack MacGowran, William O’Malley 

THEMA DIABLE ET DEMONS I SAGA L’EXORCISTE

Longtemps estampillé « film le plus terrifiant de tous les temps », L’Exorciste adapte un best-seller écrit en 1971 par William Peter Blatty, lequel s’inspire de faits réels survenus aux Etats-Unis en 1949. Actrice de télévision, Chris McNeil (Ellen Burstyn) est inquiète au sujet de Regan (Linda Blair), sa fille de douze ans. Celle-ci semble anormalement perturbée depuis quelque temps, et de curieux bruits proviennent de sa chambre. Lorsque Regan se met à adopter un comportement anormalement agressif tout en proférant des insanités ordurières, Chris fait appel à la médecine. Mais aucune lésion n’est visible dans son cerveau, et les psychiatres eux-mêmes s’avouent impuissants. Les crises s’avérant de plus en plus violentes, altérant le visage de la gamine jusqu’à la monstruosité, la jeune mère, désemparée, se tourne vers la religion. Deux exorcistes, le père Karras (Jason Miller) et le père Merrin (Max Von Sydow), entrent alors en jeu et découvrent bien vite qu’une entité diabolique a pris possession du corps de Regan. « Mon angle d’attaque était quasiment celui d’un documentaire », explique William Friedkin. « Je n’ai jamais appréhendé L’Exorciste comme un film de monstres à la Frankenstein. J’adore les films d’horreur purs, les films de monstres, mais ce n’était pas mon approche. Pour moi, il s’agissait avant tout d’une histoire explorant les mystères de la foi. Je pense que le démon – ou la force maléfique, appelez-la comme vous voulez – qui habite l’esprit de cette jeune fille innocente cherche en réalité à posséder le jeune prêtre qui est en train de perdre la foi. » (1)

L’étrange alchimie qu’a osée Friedkin, et que s’efforcèrent maladroitement de reproduire ses successeurs et imitateurs, consiste à mêler deux styles de mise en scène à priori antithétiques : l’ultra-réalisme du reportage (notamment lors des premières séquences situées en Irak) et l’épouvante la plus outrancière qui soit, à la limite du grand guignol. D’où les maquillages excessifs du génial Dick Smith, les hectolitres de vomi projetés au visage des exorcistes ou encore les têtes qui tournent à 360°. Miraculeusement, cet audacieux exercice d’équilibre fonctionne à merveille, occasionnant un climat sans cesse dérangeant que Friedkin se complaît à ponctuer de scènes provocantes, la plus célèbre d’entre elles étant la masturbation avec le crucifix. La jeune Linda Blair fut donc doublée à plusieurs reprises, par Eilen Dietz pour les actions trop physiques, par Mercedes McCambridge pour les insultes blasphématoires, et par la contorsionniste Linda Hager pour une scène de « démarche d’araignée » hallucinante qui fut coupée au montage puis réintégrée lors de la ressortie du film en 2000.

L'Empire des Lumières

Malmenant sans cesse ses comédiens pour obtenir les performances les plus réalistes (il n’hésite pas à les gifler, à tirer des coups de feu pour les surprendre ou à les faire secouer sans ménagement par l’équipe technique), Friedkin réalise-là son chef d’œuvre absolu, récipiendaire en 1973 de l’Oscar du meilleur scénario et du meilleur son. La musique du film elle-même est entrée dans la légende. Après avoir envisagé de solliciter Bernard Herrmann et Lalo Schifrin, Friedkin opte pour une approche à la Kubrick en utilisant des morceaux de musique classique contemporaine, auxquels il ajouta le célèbre « Tubular Bells » de MIke Oldfield. « Je cherchais un thème musical dans l’esprit de “La Berceuse” de Brahms, une mélodie simple au piano qui nous ramène à l’enfance », explique-t-il (2). On note que la célèbre séquence du père Merrin débarquant pour la première fois chez les McNeil, dans la lueur surnaturelle d’un lampadaire (et qu’on retrouve sur l’affiche du film), fut inspirée au cinéaste par la peinture « L’Empire des Lumières » de René Magritte.

 

(1) et (2) Propos recueillis par votre serviteur en septembre 2017

 

© Gilles Penso

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JOSHUA (2007)

Le petit Joshua est-il un enfant maléfique aux sombres desseins, ou tout se passe-t-il dans la tête de ses parents névrosés ?

JOSHUA

2007 – USA

Réalisé par George Ratliff

Avec Sam Rockwell, Vera Farmiga, Jacob Kogan, Celia Weston, Dallas Roberts, Michael McKean, Nancy Giles, Linda Larkin

THEMA ENFANTS

A priori, Joshua Cairn n’a rien d’un monstre. Certes, l’exceptionnelle intelligence de ce garçon de neuf ans, sa passion pour l’antiquité égyptienne, ses dons pour la musique et son manque d’intérêt pour le sport le marginalisent quelque peu par rapport à ses petits camarades, mais rien d’anormal n’est à signaler… Jusqu’à la naissance de Lily, sa petite sœur. Dès lors, l’univers bien ordonné de sa famille new-yorkaise aisée commence à se détériorer. Cette inexorable descente aux enfers est-elle due à un spectaculaire « baby blues » poussant la jeune mère à une dépression paranoïaque ? Ce serait l’explication la plus logique. Mais plus les choses dégénèrent, plus le père soupçonne Joshua de mettre son esprit surdoué au service d’une machination machiavélique…

A la manière d’un Michael Haneke se réappropriant le slasher pour en livrer une vision hyperréaliste débarrassée de ses codes habituels, George Ratliff nous raconte l’enfance diabolique sous un jour étonnamment naturaliste. Empruntant ses effets de style au cinéma américain indépendant plutôt qu’au film d’épouvante, le cinéaste nous brosse le tableau d’une famille crédible, portée par des comédiens sensationnels. Brad, le père, est gestionnaire de fonds dans une compagnie d’investissements à haut risque, un self made man ambitieux et un rien arriviste issu d’un milieu catholique modeste (sa mère est évangéliste et adepte du prosélytisme). L’excellent Sam Rockwell (qui fut un méchant mémorable dans Charlie’s Angels et La Ligne verte) prête son charisme et son bagout à ce personnage pivot sur le point de basculer.

Un petit air du Damien de La Malédiction

Abby, la mère, a coupé les ponts avec ses parents et frôle dangereusement la crise de nerfs lorsque les cris de son bébé deviennent trop insistants. Bouleversante, à fleur de peau, Vera Farmiga (Un Crime dans la tête, Les Infiltrés) nous livre là une prestation proprement habitée. Quant à Joshua, dont la froideur, les cheveux bien peignés et le costume impeccable évoquent irrésistiblement le Damien de la trilogie La Malédiction, il prend les traits du quasi-débutant Jacob Kogan, dissimulant soigneusement ses émotions sous un masque glacial. Toute la subtilité du film consiste à bâtir un environnement réaliste et identifiant (les scènes de crise postnatales sentent le vécu !) pour mieux le bousculer au fil de l’intrigue. La terreur que ressentent les adultes est insidieuse, palpable, d’autant que nous ne savons jamais vraiment si l’inquiétude est justifiée ou le fruit d’une imagination trop fertile. Le chien de la maison est-il mort par hasard ? Les cris incessants du bébé sont-ils provoqués par une cause extérieure ? La panique croissante d’Abby est-elle sciemment déclenchée ? La jalousie supposée de Joshua va-t-elle aboutir au drame tant redouté ? Toutes ces interrogations trouvent leur réponse dans un dénouement saisissant, sans tambours ni trompettes mais avec quelques notes de piano, une chansonnette « innocente » et une subtilité qui nimbe le film tout entier. Joshua est un film d’horreur élégant, en quelque sorte, échappant si bien aux étiquettes qu’il fut primé non pas à Gerardmer mais au Festival du Film Indépendant de Sundance.

 

© Gilles Penso

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LE VILLAGE DES DAMNÉS (1960)

Douze femmes d'un village britannique accouchent d'enfants d'origine extra-terrestres doués d'inquiétants pouvoirs

VILLAGE OF THE DAMNED

1960 – GB

Réalisé par Wolf Rilla

Avec George Sanders, Barbara Shelley, Martin Stephens, Michael Gwynn, Laurence Naismith, Richard Warner, Jenny Laird 

THEMA EXTRA-TERRESTRES I ENFANTS

Le Village des damnés fait partie de ces classiques de la science-fiction dont chaque scène ou presque est devenue mythique. A l’origine se trouve un roman écrit en 1957 par John Wyndham, l’auteur de « La Révolte des Triffides ». Contrairement à ce que pourrait faire croire le titre du livre, « Les Coucous de Midwich », il n’est pas ici question d’ornithologie mais d’une armée d’enfants maléfiques semant la terreur chez leurs aînés. Tout commence dans le village anglais de Midwich, frappé un beau jour par un étrange phénomène de perte de conscience collective. Tous les habitants s’y endorment subitement, s’écroulant au sol sans préavis. Les tracteurs tournent en rond, les fers à repasser brûlent sur leurs planches, les robinets coulent inlassablement, et tous les êtres vivants restent inertes pendant plusieurs heures… Cette brutale narcolepsie est délimitée par une zone invisible entourant le village, et tous ceux qui y pénètrent sombrent aussitôt dans les bras de Morphée. Deux mois après cet événement inexplicable, douze femmes de Midwich se retrouvent enceintes, alors qu’aucun acte sexuel ne semble en être à l’origine.

Or cette immaculée conception n’a pas une origine divine mais extra-terrestre, comme en prélude à une invasion massive et parasitaire. D’où la référence aux coucous, connus pour déposer leurs œufs dans les nids des autres oiseaux. Les douze enfants issus de ces grossesses mystérieuses s’avèrent différents du commun des mortels. Parfaitement développés d’un point de vue physique, ils arborent tous une crinière blonde platine bien peignée et un regard glacial. Aucune chaleur humaine ne se dégage d’ailleurs de cette progéniture à l’intelligence bien au-dessus de la moyenne. Lorsqu’ils révèlent leur capacité à lire dans les pensées d’autrui et à influer sur leur comportement, poussant ceux qui les gênent à se suicider brutalement, la menace devient tout à fait tangible. Mais comment lutter contre des enfants capables par simple suggestion de vous inciter à précipiter votre voiture contre un mur, à vous tirer une balle en pleine tête ou à vous immoler ? Le professeur Gordon Zellaby (George Sanders), lui-même père d’une de ces redoutables têtes blondes, va tenter le tout pour le tout…

Le mur de briques…

L’efficacité du récit imaginé par John Wyndham est ici relayée par une mise en scène efficace, nerveuse et dénuée de fioritures. Entrée au panthéon des séquences clef de l’histoire du cinéma fantastique, la vision très inquiétante des enfants fixant sur les adultes un regard lumineux hypnotisant fut obtenue en incrustant sur le visage des jeunes comédiens l’image en négatif de leurs propres pupilles. Quant à leur perruque blonde, les maquilleurs les conçurent autour d’une structure conique laissant subtilement imaginer un crâne surdéveloppé. Mais toutes ces trouvailles n’auraient été que d’ingénieux artifices sans le jeu extraordinaire des acteurs en culottes courtes, dominés par un Martin Stephens tout à fait étonnant. Le suspense final, au cours duquel notre héros s’efforce de se concentrer sur l’image d’un mur de briques pour ne pas laisser les petits monstres pénétrer dans ses pensées, clôt magnifiquement ce chef d’œuvre incontesté.


© Gilles Penso

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