LES OISEAUX (1963)

Le plus fantastique des films d'Alfred Hitchcock raconte l'agressivité soudaine et inexplicable d'une nuée de volatiles

THE BIRDS

1963 – USA

Réalisé par Alfred Hitchcock

Avec Tippi Hedren, Rod Taylor, Jessica Tandy, Suzanne Pleshette, Veronica Cartwright, Ethel Griffies, Charles McGraw

THEMA REPTILES ET VOLATILES

Si Alfred Hitchcock a souvent flirté avec le fantastique, notamment à travers les cauchemars surréalistes de La Maison du docteur Edwards ou l’atmosphère d’épouvante qui nimbe Rebecca et Les Amants du Capricorne, ses films les plus directement rattachés au genre sont les célèbres Psychose et Les Oiseaux, paradoxalement tous deux issus d’un fait divers réel. Alors que les cinéastes de SF des années 50 jetèrent leur dévolu sur les insectes et les reptiles mutants, l’auteur de La Mort aux trousses prend le pari d’effrayer son public avec des animaux à priori inoffensifs, voire des symboles habituels de la paix et de l’harmonie, ce qui constitue en soi un véritable tour de force. L’héroïne du film, Mélanie Daniels, fait la connaissance chez un marchand d’oiseaux de Mitch Brenner. Séduite par ce bel avocat, elle le rejoint sur l’île de Bodega Bay. En traversant un bras de mer, une mouette la blesse au front. Le lendemain, des oiseaux attaquent les enfants réunis pour l’anniversaire de Cathy, la jeune sœur de Mitch. Ce n’est que le prologue d’une menace qui s’étend bientôt à toute la région…

Le passage le plus mémorable des Oiseaux est probablement cette séquence apparemment anodine au cours de laquelle Mélanie, assise sur un banc, attend patiemment la sortie des classes, tandis que peu à peu les corbeaux s’amoncellent derrière elle jusqu’à atteindre un nombre démesuré, faisant basculer l’anecdote dans l’épouvante en l’espace de quelques minutes. La structure du scénario tout entier est à l’image de cette scène mémorable, jouant avec minutie la carte du crescendo. Car si la première attaque ne concerne qu’une seule mouette sur le port, le final offre la vision dantesque d’une véritable marée de volatiles envahissant littéralement tout l’espace vital des héros. Avec, au beau milieu du métrage, une délirante séquence de destruction autour d’une pompe à essence. Là, le film affirme ouvertement son appartenance au fantastique, nous offrant l’étonnante vision subjective des oiseaux contemplant le monde des humains qu’ils viennent de dévaster, grâce à une superbe peinture sur verre signée Albert Whitlock. Le dénouement, quant à lui, évite le double cliché des explications scientifiques (nous ne saurons jamais pourquoi les oiseaux attaquent) et des solutions miracles de dernier recours (pour une fois les humains sont impuissants face à la menace animale).

Expérimentations

Le choix de l’absence de musique est plus discutable. On sait Hitchcock friand d’expériences nouvelles (le relief du Crime était presque parfait, le décor unique de Lifeboat, les plans-séquence de La Corde), mais il a également prouvé par le passé combien pouvait gagner en impact émotionnel une séquence soutenue par une partition judicieuse, surtout lorsque celle-ci est signée Bernard Herrmann. Au titre des réserves, on pourra aussi regretter des préliminaires interminables, même s’il est évident que les événements qui suivent n’en sont que plus surprenants. Les Oiseaux, en tout cas, frôle bien souvent le génie, et l’atteint même en quelques magistrales séquences, s’inscrivant dans la filmographie de son prestigieux cinéaste comme l’une de ses œuvres les plus abouties.

 

© Gilles Penso

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DUEL (1971)

Ce téléfilm haletant tiré d'une nouvelle de Richard Matheson expose déjà tout le talent d'une jeune réalisateur nommé Steven Spielberg

DUEL

1971 – USA

Réalisé par Steven Spielberg

Avec Dennis Weaver, Jacqueline Scott, Eddie Firestone, Lou Frizzell, Gene Dynarski, Lucille Benson, Tim Herbert

THEMA TUEURS I SAGA STEVEN SPIELBERG

La télévision a joué un rôle majeur dans l’apprentissage de Steven Spielberg. Enfant, il y découvrit la série mythique La Quatrième dimension de Rod Serling, mais aussi des classiques hollywoodiens des années 30. En toute logique, c’est sur le petit écran qu’il fit ses premières armes, réalisant le premier coup d’éclat de sa carrière avec ce téléfilm remarquable dont le concept se résume presque à son titre laconique. « Un jour, ma secrétaire chez Universal m’a conseillé de lire le dernier Playboy » raconte-t-il. « Elle venait d’y découvrir une nouvelle écrite par Richard Matheson qui s’appelait « Le duel ». J’ai lu cette histoire étonnante, et j’ai aussitôt vu le film dans ma tête : l’homme, la voiture, le camion. Mais j’ai découvert que quelqu’un avait déjà obtenu les droits d’adaptation chez Universal. Je suis allé voir le producteur George Eckstein et lui ai montré le pilote de la série Columbo que j’avais réalisé, et dont j’étais assez fier. Il l’a beaucoup aimé et a cherché à convaincre les gens d’ABC de me laisser diriger le film. Au départ, ils m’ont trouvé trop jeune. Ils voulaient un vétéran, pas un gamin. George s’est battu pour moi, et a finalement  réussi à les persuader que j’étais l’homme de la situation. »  (1) 

Si l’on résume l’histoire de Duel, il n’y a pas à priori de quoi s’enthousiasmer. Sur une route californienne, David Mann (Dennis Weaver), un automobiliste, a remarqué qu’un énorme camion lui cherche noise, et il essaie de le semer. Bientôt, les provocations du camion dépassent les simples jets de fumée nauséabonde ou les queues de poisson. Le poids lourd tente carrément d’écrabouiller la petite automobile rouge. Terrifié, Mann cherche par tous les moyens, mais en vain, à découvrir l’identité du camionneur fou. Sur un canevas réduit ainsi à sa plus simple expression, Spielberg a bâti une œuvre à suspense aux frontières d’Alfred Hitchcock (on pense à Janet Leigh au volant de sa voiture dans Psychose ou à Cary Grant poursuivi par l’avion de La Mort aux trousses) et de La Quatrième dimension, le rapprochement avec la série de Rod Serling s’expliquant en partie par la présence de Richard Matheson au poste de scénariste. Il est évident, et il le sera encore plus dans la suite de son œuvre, que Spielberg adore plonger les personnages ordinaires dans des situations extraordinaires. L’identification avec David Mann (dont le nom de famille en dit long) n’en est que plus aisée pour le spectateur, ignorant comme lui pourquoi il a été choisi somme cible par un camionneur qui restera une entité complètement mystérieuse. Le doute plane d’ailleurs jusqu’au bout quant à la nature de l’agresseur. Avons-nous affaire à un tueur psychopathe ayant troqué le couteau ou la hache contre un poids-lourd ? S’agit-il d’une entité surnaturelle, ce qui expliquerait la vitesse impensable à laquelle se déplace le semi-remorque lors de ses « accès de fureur » ? A moins qu’il n’y ait aucun chauffeur et que le camion soit animé d’une vie propre, comme le laisse imaginer la séquence du snack-bar où David Mann cherche en vain à identifier le routier alors que le véhicule semble l’attendre, seul, sur le parking ?

L'homme et le monstre

Le spectateur se surprend à applaudir la scène finale au cours de laquelle le camion monstrueux explose enfin, libérant le héros et le public de ce cauchemardesque poursuivant. « Road movie » d’un genre très particulier tourné en peu de temps, avec un petit budget et un matériel léger, Duel contourne ces handicaps par un découpage savant, à base de multi-angularités et de jeux sur les avant-plans qui deviendront les marques de fabrique de Spielberg. Il est d’ailleurs intéressant de constater que le découpage des séquences où la voiture est prise en chasse par le poids lourd sera repris presque à l’identique dans Jurassic Park au moment où le tyrannosaure course la jeep. Car l’efficacité des cadrages et du montage ne dépend ni du budget, ni de l’époque. C’est une valeur sûre universelle. L’affiche de Duel transfigure d’ailleurs l’image du camion jusqu’à lui donner les allures d’un dinosaure carnassier, sosie du tyrannosaure du poster de Jurassic Park. Prémonition ou suite dans les idées ? A la base, Duel est un téléfilm exemplaire que bon nombre de productions conçues pour le grand écran devraient prendre pour modèle, tant sa mise en scène et son art de la capture de l’intérêt sont savamment maîtrisés. Il connaîtra d’ailleurs les honneurs d’une sortie en salle en Europe, suite à un remontage et à l’ajout de quelques scènes additionnelles.

 

(1) Propos recueillis par votre serviteur en janvier 2012.

© Gilles Penso

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KING KONG CONTRE GODZILLA (1962)

Ce match au sommet entre deux des plus grands monstres de tous les temps n'est finalement qu'une petite bagarre anecdotique

KINGU KONGU TAI GOJIRA

1962 – JAPON

Réalisé par Inoshiro Honda

Avec Tadao Takashima, Kenji Sahara, Mie Hama, James Yagi, Yu Fujiki, Michael Keith, Harry Holcombe, Ichiro Arishma 

THEMA SINGES I DINOSAURES I SAGA KING KONG I GODZILLA

A l’instar des joueurs de football, les grands monstres s’échangent parfois d’une équipe à l’autre. Ainsi la compagnie nippone Toho rachète-t-elle à la RKO les droits du personnage de King Kong au début des années soixante pour qu’il affronte son champion national Godzilla. Le scénario qui préside à cet affrontement au sommet est en réalité le recyclage officieux d’un projet non abouti de Willis O’Brien, créateur des effets spéciaux du King Kong original. En 1962, au cœur de la guerre froide, un tel combat était riche en symbole, les scénaristes ne se souciant guère, par ailleurs, de la mort des deux monstres dans les films les ayant mis en vedette auparavant. L’importance était surtout de créer l’événement en capitalisant sur ces deux têtes d’affiche titanesques, mises en scène pour la première fois en couleurs et en écran large. Assez paradoxalement, la créature la plus réussie du film n’est ni le gorille géant, ni le dinosaure radioactif, interprétés avec une conviction toute relative par des comédiens dans des costumes à la coupe évasive, mais une superbe pieuvre géante, visqueuse à souhait, contre laquelle lutte King Kong sur son île. La scène est supervisée par un Eiji Tsuburaya au sommet de son art, alternant au montage un céphalopode réel ou une réplique en caoutchouc.

Découvert par les envoyés d’une compagnie pharmaceutique sur une île du Pacifique, Kong est drogué avec des baies au narcotique puis ramené en radeau au Japon. Évidemment, il ne tarde guère à s’échapper et à causer maintes destructions. Quant à Godzilla, brutalement réveillé par un sous-marin nucléaire, il surgit d’un iceberg en Arctique et se dirige lui aussi vers le Japon (la glace qui le retenait prisonnier se référant sans doute au final du Retour de Godzilla). Le dinosaure saccage un train et le gorille attaque un métro, au cours de scènes de destructions rendant des hommages respectifs au King Kong et au Godzilla originaux. Le manque de crédibilité du costume des monstres vedettes est un peu rattrapé par la beauté des maquettes et la qualité des trucages optiques. Les deux créatures géantes semblant indestructibles, les autorités décident de provoquer un affrontement entre elles. Kong est endormi, transporté dans les airs par des ballons, dans une séquence quasi-surréaliste, prélude à un match de catch antédiluvien au cours duquel les interprètes des deux monstres (Shoichi Hirose et Haruo Nakajima) s’en donnent à cœur joie. 

Qui a gagné le combat ?

Comme à l’époque du premier Godzilla, les distributeurs américains rajoutent des plans explicatifs truffés de détails psuedo-scientifiques risibles où il est question de « dinosaurus rex », de « spigosaurus » et de « plésioridé », tandis que la bande originale de ce nouveau montage emprunte des extraits musicaux de L’Étrange créature du lac noir. Même si la rumeur laisse entendre que le vainqueur du combat final diffère selon le montage japonais ou américain, c’est une fausse idée. Kong gagne dans les deux versions – Godzilla étant encore considéré comme une force maléfique à l’époque – et poursuivra ses aventures nippones en 1967 dans King Kong s’est échappé. La seule différence à noter se situe dans la bande son. Dans la version originale, le rugissement des deux monstres retentit, laissant imaginer la survie de Godzilla. Chez les Américains, en revanche, seul le grondement du grand singe est audible…

 

© Gilles Penso

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LES SOUCOUPES VOLANTES ATTAQUENT (1956)

Le magicien des effets spéciaux Ray Harryhausen visualise une armada extra-terrestre bien décidée à conquérir notre planète

EARTH VS. THE FLYING SAUCERS

1956 – USA

Réalisé par Fred F. Sears

Avec Hugh Marlowe, Joan Taylor, Donald Curtis, Morris Ankrum, John Zaremba, Thomas Browne Henry

THEMA EXTRA-TERRESTRES

La mode étant aux soucoupes volantes au milieu des années 50, le producteur Charles Schneer décida de se pencher sur le sujet en s’inspirant de l’ouvrage « Flying Saucers From Outer Space » du major Donald E. Keyhoe, un récit prétendument véridique dont le titre servit de nom au projet. Dans la première version du script, un groupe d’explorateurs découvrait l’épave d’une soucoupe au milieu de la jungle. Après réécriture, le film s’ouvre sur le survol d’un centre de contrôle de missiles américains Avant que les ovnis ne puissent atterrir, les militaires de la base ouvrent le feu, mais ils sont rapidement désintégrés par les rayons extra-terrestres. Le docteur Russel Marvin est alors contacté par un des envahisseurs. Les extra-terrestres, d’une constitution fragile mais protégés par une armure en métal, habitent une planète mourante et désirent s’installer sur Terre. Après que Marvin se soit concerté avec ses coéquipiers et avec le général Hanley, une bataille contre les envahisseurs s’amorce, au cours de laquelle la Terre est sauvagement attaquée par les soucoupes. Entre-temps, l’une des créatures de l’espace passe l’arme à gauche. L’examen de son corps prouve la sensibilité de ces êtres aux hautes fréquences radio. Conçues selon ce principe, des armes sont alors employées afin d’abattre les soucoupes meurtrières…

Même si, avec l’impitoyable recul des années, Les Soucoupes volantes attaquent a pris un sacré coup de vieux, il faut savoir qu’il procura une véritable peur panique à l’époque de sa sortie, en pleine période de guerre froide et de frayeur relative aux phénomènes d’ovnis. Les soucoupes volantes créées, animées et incrustées par le génial Ray Harryhausen sont restées dans toutes les mémoires, malgré la profusion de vaisseaux spatiaux à l’époque, à tel point que Tim Burton les imitera fidèlement pour son Mars Attacks !. Les scènes finales, au cours desquelles les monuments de Washington sont démolis les uns après les autres, s’avèrent particulièrement impressionnantes. Seul film sans monstre au palmarès de Harryhausen, Les Soucoupes volantes attaquent souffre quelque peu de cette absence. « Nous voulions faire un film aux allures semi-documentaires », nous explique-t-il. « L’une des grosses difficultés était donc d’intéresser les spectateurs non pas à des créatures vivantes mais à des ronds de métal. » (1)

Les stars du film sont des ronds de métal

Les seules créatures présentées aux spectateurs sont des extra-terrestres en combinaisons de caoutchouc grossières, maladroits démarquages de l’imposant Gort du Jour où la Terre s’arrêta. Leur vrai visage, mixage entre l’imagerie de l’alien tel que le décrivent les témoignages et des caractéristiques reptiliennes, n’apparaît qu’une seule fois dans le film, très furtivement. Le film de Sears demeure un intéressant témoignage sur la SF des fifties, qui prenait très au sérieux ce qui, passé au filtre du temps, ne peut que difficilement s’apprécier sans second degré. Sa sortie en double programme avec The Werewolf, en juillet 1956, lui assura même un meilleur score au box-office que celui du Monstre vient de la mer, la précédente collaboration de Schneer et Harryhausen.

 

(1) Propos recueillis par votre serviteur en février 2004.

 

© Gilles Penso

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LE MONSTRE VIENT DE LA MER (1955)

Tous aux abris ! Une pieuvre géante surgit dans la baie de San Francisco et détruit le pont du Golden Gate…

IT CAME FROM BENEATH THE SEA

1955 – USA

Réalisé par Robert Gordon

Avec Kenneth Tobey, Faith Domergue, Donald Curtis, Ian Keith, Dean Maddox Jr, Chuck Griffiths, Harry Lauter, Del Courtney

THEMA MONSTRES MARINS

Assez impressionné par Le Monstre des temps perdus et par son succès au box-office, le producteur Charles H. Schneer décida en 1955 de se lancer dans un film racontant à peu près la même histoire, si ce n’est qu’une pieuvre géante remplaçait le dinosaure atomique et que San Francisco relayait New York. Schneer réussit à intéresser au projet le génie des effets spéciaux Ray Harryhausen et obtint de lui quelques dessins préparatoires éloquents qu’il présenta à Sam Katzman, afin de trouver un financement. Il parvint ainsi à débloquer quelque 150 000 dollars, un bien maigre budget qu’il géra au mieux, aidé largement par l’inventivité de Ray Harryhausen. Celui-ci passa de longues heures à étudier le comportement de pieuvres réelles en aquarium, afin de reproduire fidèlement leurs déplacements et d’en capter les postures les plus « dramaturgiques ». Par souci d’économie, il construisit un monstre à six tentacules au lieu de huit. « Eviter de construire et d’animer deux tentacules permettait à la fois un gain de temps et d’argent », nous confirme-t-il. « Je pense que personne n’y prête attention, dans la mesure où il y a toujours au moins un tentacule en mouvement ». (1)

Le film commence dans l’océan Pacifique, où un sous-marin dirigé par le capitaine Pete Mathews (Kenneth Tobey) est attaqué par une force radio-active inconnue. Le docteur Lesley Joyce (Faith Domergue, héroïne des Survivants de l’infini) pense que le submersible est entré en collision avec une pieuvre gigantesque. De fait, un gros morceau de chair irradiée est retrouvé accroché au bâtiment. La taille de la créature semble due à des particules radio-actives qu’elle aurait absorbées. Bientôt, le monstre fait surface à la baie de San Francisco… Le maire de la ville ayant interdit au réalisateur Robert Gordon et à son équipe de filmer le pont du Golden Gate, promis à un sort cataclysmique dans le scénario, une grande quantité de stock-shots d’archive et de maquettes furent mis à contribution. En mêlant habilement la figurine animée, les décors miniatures et les prises de vues réelles, Harryhausen nous offre des visions dantesques comme celle où le monstre tentaculaire attaque un navire en pleine nuit, une image qui semble issue des gravures du siècle dernier dans lesquelles le légendaire Kraken engloutissait d’infortunés bâtiments.

Une version moderne du Kraken

Le clou du film demeure cependant la destruction du Golden Gate Bridge, cédant sous les assauts répétés des infernaux tentacules. A l’origine, il fut question de tourner le film en relief, un procédé très en vogue à l’époque, mais le temps et l’argent nécessaires à une technique de ce type jouèrent finalement en sa défaveur. Pour se placer dans la mouvance du succès d’It Came From Outer Space (Le Météore de la nuit) de Jack Arnold, le film, baptisé pendant le tournage « The Monster From the Sea », est retitré pour sa sortie It Came From Beyond the Sea. Présenté en double programme avec La Créature au Cerveau Atomique d’Edward L. Cahn, le film de Robert Gordon se comporte plutôt bien au box-office, sans atteindre cependant les scores de celui du Monstre des temps perdus, dont il demeure une imitation un peu appauvrie.

 

(1) Propos recueillis par votre serviteur en février 2004.

© Gilles Penso

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LES DENTS DE LA MER (1975)

Le premier blockbuster de l'histoire du cinéma fit jaillir aux yeux du monde entier le talent précoce de Steven Spielberg

JAWS

1975 – USA

Réalisé par Steven Spielberg

Avec Roy Scheider, Robert Shaw, Richard Dreyfuss, Lorraine Gary, Murray Hamilton, Carl Gottlieb, Jeffrey Kramer

THEMA MONSTRES MARINS I SAGA LES DENTS DE LA MER I STEVEN SPIELBERG

Après Duel et Sugarland Express, Steven Spielberg s’attaque à l’adaptation de « Jaws », un best-seller de Peter Benchley, et signe un remarquable exercice de style sur le thème pourtant éculé des attaques animales, dont le modèle phare demeure Les Oiseaux. A cause de l’irresponsabilité du maire d’Amity, petite station balnéaire de la Côte Est des Etats-Unis, avide de sauvegarder la réputation de celle-ci, et de l’entêtement des commerçants attirés par l’afflux touristique, un gigantesque requin blanc, déjà coupable de la mort d’une nageuse, d’un pêcheur et d’un petit garçon, va pouvoir continuer à se repaître tranquillement des amateurs de baignade venus en foule sur la plage restée ouverte. Après une nouvelle attaque mortelle du poisson carnassier, le shérif Martin Brody décide de braver une fois pour toutes les autorités municipales et d’affronter le monstrueux mangeur d’hommes. Il s’octroie pour ce faire l’aide de l’océanographe Matt Hooper et du pêcheur Quint.

La première heure du film est faite d’angoisses collectives, d’apparitions, de fausses alertes et de magistraux effets de mise en scène, dont le point culminant est une scène d’attente pesante sur une plage bondée. Spielberg y transpose ses phobies les plus intimes, notamment une peur panique de l’eau et de ce qui peut s’y cacher. Puis le film prend, pour sa seconde moitié, la tournure d’un huis-clos mettant en valeur le talent des trois acteurs principaux. La progression psychologique du trio, leurs oppositions, leurs confidences, décrites parallèlement aux apparitions choc du monstre, sont des modèles de narration, et surclassent aisément tout ce que les films catastrophes, omniprésents à l’époque, ont décrit en la matière.

Un cauchemar logistique mué en succès miraculeux

Pour éviter de montrer trop souvent le requin (qui ne supporte guère les gros plans prolongés sans dévoiler sa nature mécanique), Spielberg use avec bonheur de la métonymie, l’aileron ou la bouée accrochée à son flanc évoquant le monstre entier à tout moment. Cette méthode a également l’avantage de laisser s’exprimer l’imagination du spectateur, plus efficace que n’importe quel effet spécial. Elle sera d’ailleurs réutilisée pour le tyrannosaure de Jurassic Park, dont la présence pesante sera suggérée par le tremblement de l’eau dans un gobelet en plastique. Le succès du film est d’autant plus miraculeux que son tournage fut un cauchemar logistique sans précédent, les conditions météorologiques s’avérant hostiles. « J’ai travaillé avec des enfants et avec des animaux au fil de ma carrière », raconte Spielberg, « et je n’ai jamais trouvé ça difficile. Ce qui est vraiment difficile, insurmontable, c’est de travailler avec l’eau. Je n’ai jamais refait un seul film dans l’eau depuis Les Dents de la mer, parce que c’est impossible ! Vous ne pouvez rien faire ! » (1) Il faut bien sûr mentionner la formidable contribution de John Williams à la puissance et l’efficacité du film. L’inoubliable thème en crescendo que le compositeur a écrit pour souligner chaque apparition du requin participe autant à la mise en scène que le moindre cadrage ou effet de montage.
 
(1) Propos recueillis par votre serviteur en janvier 2012
  
© Gilles Penso

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DES MONSTRES ATTAQUENT LA VILLE (1953)

Cette histoire de fourmis titanesques modifiées par l'atome a lancé la mode des films d'insectes géants

THEM !

1953 – USA

Réalisé par Gordon Douglas

Avec James Whitmore, Edmund Gwenn, Joan Weldon, James Arness, Onslow Stevens, Sean McClory, Chris Drake

THEMA INSECTES ET INVERTEBRES

Avant d’attaquer le tournage de Them !, Gordon Douglas avait déjà réalisé une bonne soixantaine de longs métrages, avec une prédilection pour l’aventure, le western, le film de guerre et le polar. Dire que l’homme avait déjà roulé sa bosse est donc un doux euphémisme. Nerveuse, sans apparats, sa mise en scène colle à merveilles à ce « monster movie » imaginé par le scénariste George Worthing Yates (futur auteur de quelques classiques du genre comme Le Monstre vient de la mer, Les Soucoupes volantes attaquentLe Fantastique homme colosse ou King Kong contre Godzilla). Une voiture-patrouille de la police arrive dans une région désertique des Etats-Unis. Là, des policiers découvrent une maison saccagée. Peu après, l’un d’eux meurt mystérieusement, tandis que ses collègues rencontrent une petite fille traumatisée par une terrifiante apparition, qui se contente de répéter inlassablement « Them ! Them ! Them ! » (autrement dit « Elles ! »). Il faut finalement se rendre à l’évidence : des monstres hantent la région. Ces créatures s’avèrent être des fourmis ayant atteint des proportions gigantesques à la suite d’une mutation provoquée par une explosion atomique. Un groupe de savants descend dans la colossale fourmilière où les monstres cachent leurs œufs. Mais les insectes géants, malgré leur taille, se faufilent partout et se reproduisent très rapidement. Un navire est bientôt envahi, et les transporte jusque dans les égouts de New York. La police et les chercheurs vont tenter de les éliminer tout en sauvant deux enfants égarés dans les égouts.

Des monstres attaquent la ville est le pionnier d’une très longue série de films sur les insectes géants, dont il se distingue par sa mise en scène convaincante et son scénario novateur (si l’on excepte l’origine atomique des monstres et la jolie fille du savant, deux clichés inusables dans le genre). Le prologue, situé dans un désert sombre et sinistre, distille avec efficacité une angoisse lancinante. Les cliquetis inquiétants et stridents que produisent les créatures, le souffle lugubre du vent, la petite fille prostrée incapable d’expliquer ce qu’elle a vu, les différents endroits dévastés par des êtres apparemment gigantesques sont autant d’éléments alimentant cette atmosphère pesante. Lorsque paraît enfin l’un des monstres, le réalisme n’est pas celui escompté.

Un succès inespéré

Car la technique consiste ici à filmer des répliques mécaniques grandeur nature de fourmis, ce qui s’avère moins payant, en matière de crédibilité, que l’usage de figurines animées image par image, ou l’incrustation de véritables insectes filmés en macro. Mais le résultat reste très au-dessus de la moyenne, grâce à un jeu astucieux sur l’éclairage, le découpage et la bande son. La visite de la fourmilière, l’attaque nocturne des monstres sur le navire, ou l’invasion finale des égouts figurent parmi les moments forts du film. Warner Bros envisageait à l’origine de tourner le film en couleurs et en relief, mais les producteurs se ravisèrent finalement, peu enclins à gonfler le budget d’un film à l’impact financier incertain. Des monstres attaquent la ville fut pourtant le plus gros succès du studio en 1954.


© Gilles Penso

 

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L’ÉTRANGE CRÉATURE DU LAC NOIR (1954)

Jack Arnold transforme une légende urbaine en l'un des monstres les plus iconiques de l'histoire du cinéma

CREATURE FROM THE BLACK LAGOON

1954 – USA

Réalisé par Jack Arnold

Avec Richard Carlson, Julie Adams, Richard Denning, Antonio Moreno, Nestor Paiva, Whit Bissell, Bernie Gozier, Henry Escalante

THEMA MONSTRES MARINS I SAGA L’ETRANGE CREATURE DU LAC NOIR I UNIVERSAL MONSTERS

Après avoir usé jusqu’à la corde Dracula, Frankenstein, le loup-garou et la momie, à coup de séquelles, de cross-over et de parodies, les studios Universal avaient besoin d’un nouveau monstre, propre à enrichir un peu leur mythique bestiaire. Le producteur William Alland s’inspira donc d’une légende urbaine, prétendant qu’un homme-poisson vivrait quelque part en Amazonie, et se lança dans cette Étrange créature du lac noir appelée à devenir un classique. On y suit une expédition paléontologique aux abords d’un sinistre lagon, constituée d’une petite équipe de spécialistes : le professeur David Reed, l’industriel Mark Williams, le plongeur Carl Maia et sa fiancée scientifique Kay Lawrence.Tout ce beau monde se retrouve bientôt nez à nez avec un chaînon manquant entre l’homme et le poisson, qui les agresse en se sentant envahi sur son propre territoire, puis s’émeut face à la beauté de Kay. Au cours d’une mémorable séquence de ballet aquatique, le monstre marin, tapi au fond de son lagon, imite les mouvements gracieux de la belle qui fait innocemment trempette dans son joli maillot de bain blanc. La musique d’Hans J. Slater et les cadrages en caméra subjective de cette séquence inspireront Steven Spielberg lorsqu’il s’attellera vingt ans plus tard aux Dents de la mer.

Même si Bud Westmore, alors à la tête du département maquillages spéciaux d’Universal, s’octroya la paternité de cette étrange créature, il faut savoir qu’elle fut le fruit du travail d’une solide équipe de sculpteurs et de designers, notamment de la talentueuse Millicent Patrick. Cette dernière imagina en effet le look définitif du monstre, s’inspirant entre autres du « Moine des Mers », une bête marine apparaissant sur une vieille gravure du 17ème siècle. A la demande de Jack Arnold, la présence des branchies fut accentuée sur la tête du monstre, ce qui lui valut son surnom de « Gill Man » (« l’homme aux branchies »). Interprétée tour à tour par Ricou Browning (sous l’eau) et Ben Chapman (à la surface), elle ne fait d’abord que de furtives apparitions, sa main palmée et griffue surgissant lentement des eaux tandis que la bande originale d’Hans J. Slater s’affole avec tonitruance. Puis elle se montre au grand jour, exhibant sa surréaliste anatomie mi-humanoïde mi-écailleuse.

Le triangle amoureux

Jack Arnold donne ici la vedette à Richard Carlson, déjà héros du Météore de la nuit, pilier d’un petit groupe de comédiens très convaincants. Le scénario s’enrichit d’une rivalité amoureuse marquée entre David et Mark, autour de la belle Kay par ailleurs courtisée par la créature, ce qui fait beaucoup pour une seule femme. Entièrement reconstitué en Floride (pour les extérieurs) et aux studios Universal (pour les intérieurs), le décor du lagon amazonien est criant de vérité et lugubre à souhait. Sorti en pleine vogue des films en trois dimensions, L’Étrange créature du lac noir bénéficia à l’époque d’une imposante campagne publicitaire, clamant haut et fort qu’il s’agissait du premier film en relief avec des séquences sous-marines.

 

© Gilles Penso

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TARANTULA (1955)

Jack Arnold cultive les phobies de son public en signant l'un des films de monstres géants les plus mémorables de tous les temps

TARANTULA

1955 – USA

Réalisé par Jack Arnold

Avec John Agar, Mara Corday, Leo G. Carroll, Nestor Paiva, Ross Elliott, Edwin Rand, Raymond Bailey, Hank Patterson 

THEMA ARAIGNEES

Après l’homme-poisson de L’Étrange créature du lac noir, Jack Arnold livre à la science-fiction des années 50 un autre monstre mémorable avec Tarantula, bien vite propulsé au rang de classique du genre. Dans son laboratoire situé en plein désert arizonien, le professeur Dreemer (Leo G. Carroll) expérimente une nourriture artificielle destinée à préserver les générations futures de la famine. Hélas, la substance chimique qu’il produit a le fâcheux effet de déformer les humains et d’accroître les dimensions des autres animaux. Eric Jacobs, l’un des assistants du savant, malformé à la suite d’une injection de ce produit expérimental, devient fou furieux, détruit le laboratoire et libère une énorme tarentule que Dreemer utilisait comme cobaye. L’araignée ne cesse de grandir et commence à tuer du bétail, puis des hommes. La mise en scène très efficace de Jack Arnold, s’appuyant sur des trucages d’un réalisme surprenant, sait susciter un climat d’angoisse permanent. Tarantula émerge donc sensiblement du lot des films de monstres géants tournés à la même époque.

La première apparition de la tarentule, grande comme une pieuvre et collée à une vitre derrière Leo G. Carroll, s’avère déjà très effrayante. Plus tard, lorsque le monstre attaque de nuit un fermier, c’est l’horreur pure qui prend le relais. Les séquences choc s’ensuivent alors sans discontinuer : l’agression d’un cheval encerclé par les immenses pattes velues, l’apparition du faciès arachnéen hideux à la fenêtre d’une chambre… Jusqu’à cette scène génératrice d’une tension extrême, au cours de laquelle des militaires regagnent tant bien que mal leurs véhicules pour fuir, tandis que l’araignée grande comme une colline avance lentement vers eux sur la route nocturne.

C'est Clint Eastwood qui tue le monstre !

Parallèlement aux évolutions très spectaculaires de la tarentule géante, dues au talent apparemment sans bornes du maître ès effets spéciaux Clifford Stinne, Jack Arnold décrit les ravages physiques progressivement causés au professeur Dreemer, atteint d’acromégalie par la grâce des maquillages spéciaux de Bud Westmore. Car le savant a été soumis à sa propre substance par son assistant Jacobs, devenu fou, lequel s’est enfui dans le désert pour y mourir dans de terribles souffrances. Le film prend, du coup, un ton pathétique qui sait éviter les pièges du mélodrame. Dommage que l’idylle entre le solide John Agar et la belle Mara Corday ne contourne pas aussi habilement les clichés, s’enlisant tranquillement dans la romance convenue. Au cours d’un dénouement abrupt cédant lui aussi quelque peu au déjà vu et s’inspirant visiblement de celui de King Kong, un tout jeune Clint Eastwood dont on ne voit que le regard déjà très perçant, lâche sur l’araignée une bombe au napalm du haut de son avion de chasse. La cauchemardesque araignée finit ainsi ses jours à quelques pas de la bourgade qu’elle s’apprêtait à dévaster. Le film marqua tant le public qu’il contribua à populariser un sous-genre du cinéma fantastique amorcé dix-huit mois plus tôt par Des monstres attaquent la ville : le film d’invasion d’insectes et d’arachnides géants, dont il demeure encore à ce jour l’un des mètres étalons.


© Gilles Penso

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LE CABINET DU DOCTEUR CALIGARI (1920)

Le directeur d'un hôpital psychiatrique organise des meurtres qu'il fait commettre à l'un de ses patients somnambules

DAS KABINETT DES DOKTOR CALIGARI

1920 – ALLEMAGNE

Réalisé par Robert Viene

Avec Conrad Veidt, Werner Krauss, Friedrich Feher, Lil Dagover, Hans Heinz Von Twardowki, Rudolf Lettinger

THEMA MEDECINE EN FOLIE

Œuvre phare de l’expressionnisme cinématographique allemand, film quasi-expérimental, Le Cabinet du docteur Caligari se distingue par ses décors biscornus, peints et extravagants, ainsi que par son ambiance inquiétante et onirique. Son accueil fut des plus mitigés en 1920, et c’est la patine du temps qui, peu à peu, le dota du statut de classique. En matière d’irréalisme, le record du film est peut-être atteint par la peinture du village de 1830 où prend place l’intrigue, dans laquelle les maisons sont enchevêtrées les unes dans les autres sans la moindre logique architecturale. Les cellules de l’asile psychiatrique et le bureau du docteur Caligari, où se déroulent plusieurs scènes clefs du film, sont tout aussi mémorables. Immenses, déformés, ces décors torturés ramènent sans cesse les individus à de ridicules proportions. Le scénario du film s’avère tout aussi labyrinthique, truffé qu’il est de retournements de situations, et se structure autour de la question : qui est fou ?

Le docteur du titre, directeur d’un hôpital psychiatrique interprété par Werner Krauss, organise chaque soir un meurtre dont aucune preuve ne peut l’accuser. En effet, il n’est responsable qu’indirectement de chacun de ses crimes, puisqu’il convoque l’un de ses malades, un somnambule halluciné nommé Cesare auquel l’impressionnant Conrad Veidt prête ses traits. Caligari le laisse ainsi parcourir les toits obliques de la ville et commettre ses forfaits sanglants dans la nuit. Le somnambule revient ensuite à l’hôpital, personne ne pouvant soupçonner le docteur ou l’un de ses malades. Intrigué par cette étrange affaire, le jeune Franz décide de mener sa propre enquête. Suivant le docteur jusque dans un asile d’aliénés, il tombe sur un grimoire révélant qu’un criminel nommé Caligari sévissait déjà cent ans plus tôt. Ce récit alambiqué, conçu au lendemain de la première guerre mondiale et de la défaite allemande, est l’œuvre combinée de trois hommes à l’imagination fertile : Hans Janowitz, profondément marqué par l’assassinat nocturne d’une passante auquel il assista partiellement dans une ruelle de Hambourg, Carl Meyer, au passé de marchand forain, et Robert Wiene, dont le père finit ses jours dans un hôpital psychiatrique.

La torsion des décors et de l'intrigue

Visuellement, Le Cabinet du docteur Caligari joue sur les enchaînements entre scènes par des fermetures d’iris sur les visages des personnages, et met en image d’étonnantes idées visuelles comme Caligari, en train de basculer dans la folie, voyant son nom s’afficher et briller partout autour de lui. Les acteurs ont un jeu très outrancier, en accord avec les habitudes de l’époque, sauf Conrad Veidt qui, en somnambule livide, annonce le Nosferatu de Murnau (il dort dans une boîte qui ressemble fort à un cercueil) et le Monstre de Frankenstein qu’interprétera Boris Karloff onze ans plus tard. La torsion extrême des décors et de l’intrigue se justifient au moment du dénouement du film, révélant que toute l’histoire nous est racontée par un fou dans un hôpital psychiatrique. Cette idée scénaristique, fort surprenante, est due à Fritz Lang, qui était pressenti à l’origine pour réaliser le film, mais qui fut contraint de se désister pour œuvrer sur le serial Les Araignées.  


© Gilles Penso

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