RETOUR VERS LE FUTUR (1985)

Une relecture surprenante du thème du voyage dans le temps qui a consacré Michael J. Fox comme superstar

BACK TO THE FUTURE

1985 – USA

Réalisé par Robert Zemeckis

Avec Michael J. Fox, Christopher Lloyd, Lea Thompson, Crispin Glover, Thomas F. Wilson, Claudia Wells 

THEMA VOYAGES DANS LE TEMPS I SAGA RETOUR VERS LE FUTUR

Certains films sont naturellement en état de grâce. Par le biais d’une prodigieuse alchimie, les acteurs, les réalisateurs, les scénaristes, les compositeurs y sont au sommet de leur art. Retour vers le futur est de cette trempe. Jamais Michael J. Fox, Christopher Lloyd, Crispin Glover ou Lea Thompson, tous excellents comédiens, ne trouveront un rôle aussi marquant que celui qu’ils tiennent ici. Robert Zemeckis, qui s’était jusqu’alors principalement distingué avec un sympathique mais peu révolutionnaire démarcage d’Indiana Jones, A la Poursuite du diamant vert, révèle d’un seul coup toute l’ampleur de son talent. Le compositeur Alan Silvestri nous régale d’une partition digne de John Williams, le co-scénariste Bob Gale démontre une minutie peu apparente dans le script de 1941 qu’il écrivit pour Spielberg. Bref Retour vers le futur déborde de talents et de savoir-faire.

L’un des secrets de son succès est d’avoir su exhumer un thème classique du cinéma de science-fiction, le voyage dans le temps, pour le moderniser, le truffer d’humour et en tirer toutes les possibilités narratives possibles et imaginables (une voie que suivront notamment L’Aventure intérieure et Chérie J’ai rétréci les gosses). Le héros est Marty Mc Fly (incarné par Michael J. Fox, après des essais infructueux réalisés avec Eric Stolz), un adolescent épris de rock’n roll et de la charmante Jennifer (Claudia Wells). Sa famille n’est guère reluisante : son père George (Crispin Glover) est un écrivain raté, sa mère Lorraine (Lea Thompson) est alcoolique et ses frères et sœurs insupportables. Son amitié avec un vieux savant farfelu et génial, Emmet Brown (Christopher Lloyd), l’amène à expérimenter une voiture reconvertie en machine à voyager dans le temps et à basculer trente ans en arrière. Là, il retrouve ses parents encore adolescents et s’apprête malgré lui à briser deux tabous : bouleverser le continuum espace temps et concrétiser le complexe d’Œdipe !

Le complexe d'Œdipe

Le mélange de comédie, de science-fiction, de héros teenagers et de rock’n roll n’est pas toujours heureux. Un film comme Howard une nouvelle race de héros de Willard Huyck démontre les limites de ce cocktail. Or Retour vers le futur ne « fait » pas jeune, il EST jeune, fougueux, rythmé au tempo des années 80 sans jamais chercher à forcer le trait. On peut certes reprocher au film de cultiver sans demi-mesure la politique des « battants » chère à l’Amérique de Ronald Reagan, qui transparaît également beaucoup dans S.O.S. Fantômes. Mais le plaisir que procure Retour vers le futur n’en est jamais gâché. Le comique est issu des situations impossibles dans lesquelles se fourrent les héros et d’un casting extrêmement intelligent. Il faut également – et surtout – saluer la richesse du scénario de Zemeckis et Gale, jonglant en virtuose avec les paradoxes temporels et s’amusant à disséminer tout au long du récit des détails apparemment anodins qui s’avèrent finalement jouer un rôle fondamental au fur et à mesure des péripéties sans cesse rebondissantes. Ce perfectionnisme se retrouve dans la mise en scène de Zemeckis, qui achève son film sur un climax d’anthologie clignant de l’œil vers l’une des cascades les plus fameuses d’Harold Lloyd.

 

© Gilles Penso

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LE JOUR DES MORTS-VIVANTS (1986)

Troisième épisode de la trilogie des morts-vivants, cet opus nihiliste permet à George Romero de développer sa satire des instances gouvernementales et de l'armée

DAY OF THE DEAD

1986 – USA

Réalisé par George A. Romero

Avec Lori Cardille, Terry Alexander, Joseph Pilato, Jarlath Conroy, Anthony Dileo Jr, Richard Liberty, Sherman Howard 

THEMA ZOMBIES I SAGA LES ZOMBIES DE ROMERO

Il y eut d’abord la nuit (Night of the Living Dead) puis l’aube (Dawn of the Dead). Voici donc le jour (Day of the Dead), troisième volet d’une trilogie dont chaque épisode est autant la suite que le remake du précédent. Ce nouvel opus était d’autant plus attendu que Zombie demeure aux yeux de beaucoup le meilleur film jamais réalisé sur le thème des morts-vivants. Après la vieille maison et le supermarché, George Romero choisit d’enfermer ses protagonistes dans un abri anti-atomique, troquant l’esprtit révolutionnaire de 1968 et la critique du consumérisme de 1977 contre un acerbe pamphlet antimilitariste. Dans ce nouveau huis clos propice aux tensions en tout genre, une poignée de rescapés, des savants et des militaires, résistent aux assauts répétés des morts-vivants qui ont envahi la Terre. Se supportant de moins en moins, les scientifiques et les soldats luttent aussi entre eux, ce qui finit par faciliter l’infiltration des zombies dans le bunker. « Les personnages ne sont pas les mêmes d’un épisode à l’autre parce que chaque histoire se déroule à une époque différente au sein d’une même “mythologie” », explique Romero. « Les films sont très différents les uns des autres, du point de vue du style et de l’atmosphère. Par exemple, on ne peut pas vraiment dire que Le Jour des morts-vivants soit la séquelle de Zombie. A titre personnel, cet épisode est mon préféré de la trilogie » (1)

Des moments extraordinaires parsèment le film, notamment les plans démentiels de la ville désertée où se répandent dans l’indifférence générale des centaines de billets de banque, ainsi que les séquences avec le zombie apprivoisé Bub, ou encore le prologue onirique où l’héroïne est attaquée par des centaines de bras qui déchirent les murs qui l’entourent (réminiscence d’une séquence hallucinatoire du Répulsion de Roman Polanski). De son côté, le maquilleur Tom Savini est allé bien plus loin que dans Zombie, ses effets spéciaux composant parfois des centaines de visages décomposés et surréalistes, au lieu des simples visages blafards et bleutés du film précédent. « Tom Savini m’a appris comment détourner l’attention du public, comment attirer l’œil du spectateur dans une direction pour qu’il ne puisse pas voir ce qui se passait de l’autre côté de l’écran », explique le ténor des maquillages spéciaux Greg Nicotero, dont Le Jour des morts-vivants fut le premier travail en tant qu’assistant.  « C’était du travail d’illusionniste. » (2)

Un film misanthrope ?

Dommage, malgré tout, que Romero ait choisi un trop-plein de dialogues successifs pour illustrer le différend qui oppose de plus en plus violemment les scientifiques et les militaires. Le rythme du film s’en ressent. Les oppressantes luttes intestines du premier film et l’action soutenue du second n’atteignent jamais ici la même intensité, malgré une claustrophobie fort bien restituée. « Nous étions alors dans une époque de méfiance et d’incertitudes », raconte Romero. « Tout le monde perdait foi dans le gouvernement, l’industrie et l’armée. Voilà pourquoi mes héros rampent au fond d’un trou. Finalement, le personnage le plus sympathique, dans ce film est Bub le zombie. C’est un film plus sombre et plus triste que les deux autres. » (2) Fidèle à son habitude, le cinéaste opte pour un dénouement ouvert. Le carnage final n’épargnera qu’une poignée de survivants qui partiront en hélicoptère vers une île déserte, seul refuge à leurs yeux susceptibles de les extraire aux griffes des zombies mais aussi de leurs semblables. De là à dire que Le Jour des morts-vivants est un film misanthrope…

 

(1) et (3) Propos recueillis par votre serviteur en juillet 2005
(2) Propos Recueillis par votre serviteur en mars 2014

© Gilles Penso

 

Pour en savoir plus

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INDIANA JONES ET LE ROYAUME DU CRANE DE CRISTAL (2008)

Un quatrième épisode tardif qui peine à retrouver la magie de ses prédécesseurs malgré de nouvelles trouvailles et une bonne humeur communicative

INDIANA JONES AND THE KINGDOM OF THE CRYSTAL SKULL

2008 – USA

Réalisé par Steven Spielberg

Avec Harrison Ford, Karen Allen, Shia La Beouf, Cate Blanchett, Ray Winstone, John Hurt, Jim Broadbent, Andrew Divoff

THEMA EXOTISME FANTASTIQUE I EXTRA-TERRESTRES I INSECTES ET INVERTEBRESSAGA INDIANA JONES I STEVEN SPIELBERG

Lorsqu’Harrison Ford, Sean Connery, Denholm Elliott et John Rhys-Davies s’éloignèrent à dos de cheval à la fin d’Indiana Jones et la dernière croisade, comme dans la dernière case d’un album de Lucky Luke, la saga semblait bel et bien terminée. Mais les héros des années 80 ont la peau dure. Après les retours successifs de Rocky Balboa, John McLane et John Rambo, pourquoi un Indiana Jones sexagénaire n’aurait-il pas droit lui aussi à son come-back ? Repoussant sans cesse ce projet annoncé dès 1995, George Lucas, Steven Spielberg et Harrison Ford ont enfin pu accorder leurs agendas et surtout s’appuyer sur un scénario propre à les satisfaire, œuvre de David Koepp (Jurassic ParkSpider-Man, La Guerre des mondes). L’action de ce quatrième épisode se situe au début des années 50, et après un nouveau jeu visuel sur le logo de la montagne Paramount, Spielberg nous ramène dans un lieu mythique : le colossal entrepôt du gouvernement américain où était stockée l’Arche d’Alliance à la fin des Aventuriers de l’Arche Perdue. Là, de vilains Soviétiques aussi caricaturaux que l’étaient les nazis des films précédents, menés d’une poigne de fer par l’officier Irina Spalko (Cate Blanchett), obligent Indiana Jones et son ami George McHalle (Ray Winstone) à retrouver un mystérieux artefact : une caisse contenant un objet hautement magnétique, ramené de Roswell en 1947, dans laquelle gît un corps momifié qui n’a visiblement rien d’humain…

Sans la moindre retenue, ce quatrième Indiana Jones ose ainsi marier l’exotisme fantastique avec la science-fiction pure et dure, sans pour autant dénaturer les fondements de la saga. Au lieu d’opter pour un foisonnement numérique comme le fit Lucas pour la seconde trilogie Star Wars, Spielberg entend bien remonter aux sources. Il filme donc sur pellicule, privilégie les cascades réelles et les effets spéciaux de plateau, et semble surtout se faire plaisir. Car cette quatrième aventure, tout autant imprégnée que les autres de l’ambiance des serials des années 30 et des BD d’Hergé, ressemble surtout à une récréation, une pause détente que le cinéaste s’octroie après l’éprouvant Munich. Les acteurs s’en donnent à cœur joie, Shia La Beouf excelle dans le rôle du sympathique « bad boy », les retrouvailles entre Harrison Ford et Karen Allen sont savoureuses, bref tout le monde semble prendre du bon temps.

Une équipe trop confiante ?

Revers de la médaille, la rigueur scénaristique, le rythme serré et le découpage ciselé ne sont plus vraiment au rendez-vous, comme si l’équipe du film, trop confiante, gardait tranquillement la bride sur le cou. Le récit n’a donc rien de vraiment palpitant, les séquences d’action ne marqueront pas les mémoires (à l’exception peut-être d’une folle poursuite motorisée dans la jungle et de l’attaque d’une horde de fourmis voraces) et le climax digne d’X-Files risque d’en dérouter plus d’un. Force est de constater par ailleurs que le directeur de la photographie Janusz Kaminski ne parvient jamais vraiment à accorder son style visuel à la patine délicieusement rétro qu’avait créée son prédécesseur Douglas Slocombe, signant du coup une mise en image hybride et souvent délavée. Le bonheur que procure le visionnage d’Indiana Jones et le royaume du crâne de cristal est donc principalement nostalgique, doublé de la promesse d’une nouvelle saga possible dont le héros serait Mutt Williams, le propre fils d’Indy.

© Gilles Penso

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REPULSION (1965)

En début de carrière, Roman Polanski et Catherine Deneuve nous décrivent la lente plongée dans la folie meurtrière d'une jeune femme inhibée et introvertie

REPULSION

1965 – GB

Réalisé par Roman Polanski

Avec Catherine Deneuve, Ian Hendry, John Fraser, Yvonne Furneaux, Patrick Wymark, Renne Houston, Valerie Taylor

THEMA TUEURS

Répulsion s’inscrit à l’aune de la carrière de Roman Polanski et Catherine Deneuve. Le réalisateur de Chinatown n’ayant pas encore fait ses preuves et la star du Dernier métro étant loin de l’image glacialement élégante qu’elle allait véhiculer quelques décennies plus tard, le champ des possibles était vaste. Polanski utilise alors Deneuve comme vecteur de ses angoisses et de ses obsessions, ébauchant les chefs d’œuvre de l’épouvante que seront Rosemary’s Baby et Le Locataire. La future égérie de Michel Demy incarne ici Carole, une jeune Française introvertie qui travaille dans un cabinet d’esthétique de Londres et partage son appartement avec sa sœur Hélène (Yvonne Furneaux, héroïne de La Malédiction des pharaons). Cette dernière vit une aventure un peu sordide avec un homme marié mais est sexuellement épanouie. On ne peut en dire autant de Carole. Renfermée sur elle-même, distante, le regard perdu, elle semble presque développer une phobie vis-à-vis du genre masculin. Son vague flirt avec un homme du quartier en atteste. Dès qu’il tente de l’embrasser, elle prend la poudre d’escampette, se frotte la bouche compulsivement puis rentre chez elle se brosser les dents !

Deneuve livre là une interprétation remarquable, surchargeant son jeu de tics nerveux, se rongeant les ongles, dépoussiérant nerveusement sa chemise de nuit ou se frottant sans cesse l’arête du nez. Parfois, elle s’arrête dans la rue, prostrée face à une fissure qui se creuse dans le trottoir… Une fissure qu’elle est peut-être la seule à apercevoir. La nuit, lorsque les ébats de sa sœur et de son amant son trop bruyants, le trouble de la jeune femme s’approfondit. Mais c’est encore pire lorsqu’Hélène part en vacances avec son homme. Livrée à elle-même, Carole va basculer dans la folie. La psychopathie meurtrière n’est pas loin. Deux hommes, l’amoureux transi et le gérant de l’immeuble, en feront les frais…

Le lent abandon de la raison

Nimbé dans une belle photographie en noir et blanc, bénéficiant d’une bande son extrêmement travaillée et réalisé avec des moyens très modestes, Répulsion est une extraordinaire peinture de la solitude, de la dépression, de la perte de repères et de l’abandon de la raison. Mais au drame réaliste, Polanski préfère l’épouvante surréaliste, comme en témoignent les hallucinations qui frappent la blonde héroïne : des fissures immenses se creusent dans les murs, des hommes pénètrent dans sa chambre à coucher pour la violer, des mains crispées traversent les murs du couloir pour l’agripper (version horrifique du corridor aux chandeliers de La Belle et la Bête). En laissant tout décrépir autour d’elle (la baignoire déborde, les pommes de terre pourrissent sur le plan de travail, un lapin se décompose dans une assiette), Carole marque son abandon définitif du monde réel. L’appartement en décrépitude symbolise alors la déchéance interne du personnage. C’est son cerveau qui prend l’eau, son crâne qui se fissure. C’est elle qui est fêlée. A l’issue d’un récit éprouvant, le film s’achève à peu près comme s’achèvera Le Locataire, jusqu’à une image ultime laissant imaginer que la folie était déjà en sommeil chez la jeune femme depuis sa prime enfance.

 

© Gilles Penso

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THE STUFF (1985)

Et si le dessert préféré des consommateurs était en réalité une matière extra-terrestre dévorant les gens de l'intérieur ?

THE STUFF

1985 – USA

Réalisé par Larry Cohen

Avec Michael Moriarty, Andrea Marcovicci, Garrett Morris, Paul Sorvino, Scott Bloom, Danny Aiello, Patrick O’Neal, James Dixon

THEMA BLOB I EXTRA-TERRESTRES

Fidèle à ses habitudes, Larry Cohen met ici en vedette son vieil ami Michael Moriarty, héros trois ans plus tôt d’Epouvante sur New York, et se livre à l’une de ses activités préférées : marier en un étrange cocktail le fantastique outrancier hérité des années 50 et la satire sociale moderne. Ici, c’est la publicité, les fast-food et la société de consommation qui sont en ligne de mire, et même si l’on eut aimé que la critique soit plus acerbe et mieux développée, le scénario de Cohen fait mouche plus d’une fois. L’auteur/réalisateur utilise pour son propos le « Stuff » (littéralement le « Truc »), une friandise blanche et visqueuse qui s’inspire directement des mashmallows en pot dont raffolent les Américains, la marque la plus connue en la matière s’appelant « Fluff » !

Ici, pas de demi-mesure : ce dessert qu’adorent petits et grands est en réalité une matière vivante extra-terrestre qui dévore les gens de l’intérieur et les mue en automates serviles dénués d’émotions. Larry Cohen revisite ainsi Danger planétaire et L’Invasion des profanateurs de sépulture, en les teintant de l’humour et de la désinvolture qui sont sa marque de fabrique. Cette légèreté de ton est principalement véhiculée par Moriarty, qui incarne Moe Rutherford, un expert en espionnage industriel enquêtant sur le Stuff pour le compte d’une société concurrente. Les effets spéciaux qui donnent vie au blob sucré, mélange de maquettes et de trucages mécaniques, sont souvent basiques mais toujours très réussis, et le film se permet même quelques séquences gore assez excessives, histoire de visualiser les méfaits du Stuff une fois qu’il a été ingéré. D’où des moments assez dégoulinants où hommes et animaux vomissent des litres de matière blanchâtre en se déformant hideusement, secoués par de terribles spasmes.

Le yaourt qui tue !

Moins horrifiques mais tout aussi spectaculaires, on garde également en mémoire les étonnants passages où le Stuff rampe au sol et sur les murs, ou envahit carrément une chambre d’hôtel dans laquelle se sont réfugiés nos héros. Le cinéaste tire ainsi parti au mieux d’un budget pourtant très modeste. Comme s’il voulait malgré tout rendre son film accessible à un public familial, Cohen a donné l’un des rôles principaux à un petit garçon, Scott Bloom, dans le rôle du malheureux Jason dont la famille a été intégralement « contaminée »… Ce qui n’est pas sans évoquer le jeune héros des Envahisseurs de la planète rouge, lui aussi en proie à des adultes possédés par des aliens. A ce titre, la séquence où père, mère et frère sourient artificiellement, en insistant pour que Jason ingère à son tour le Stuff qui a envahi tous les étages du réfrigérateur, s’avère assez inquiétante. Mais cet aspect paranoïaque, que Cohen exploita avec une redoutable efficacité dans la série Les Envahisseurs, passe ici au second plan, au profit d’un ton récréatif et distancié. C’est tout le paradoxe de Cohen, qui ne peut pas s’empêcher de mêler les genres. Du coup, la mayonnaise ne prend pas toujours, comme le prouve ce final très classique et très premier degré, avec intervention massive de l’armée, assaut général et explosions en tous genres, qui nous laisse un peu sur notre faim.

© Gilles Penso  

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L’ATTAQUE DE LA MOUSSAKA GEANTE (2000)

Dans la Grèce des années 2000, de jolies extra-terrestres transforment une moussaka en blob géant et mortel !

THE ATTACK OF THE GIANT MOUSSAKA / I EPITHESI TOU GIGANTIAIOU MOUSAKA

2000 – GRECE

Réalisé par Panos Koutras

Avec Yannis Aggelakas, Myriam Vourou, Christos Mantakas, Gregory Patrikareas, Eugene Dimitriou, Themis Bazaka

THEMA EXTRA-TERRESTRES I BLOB

Pour son premier long-métrage, Panos Koutras s’est lancé un défi pour le moins surprenant : réaliser une parodie des films de science-fiction des années 50 en y intégrant deux des clichés les plus communément associés à la Grèce : la moussaka et l’homosexualité ! Le résultat est un délirant fourre-tout qui semble croiser les univers de Pedro Almodovar, Tim Burton, John Waters et Ed Wood. Ainsi, près de vingt ans après L’Attaque des tomates tueuses, voici L’Attaque de la moussaka géante. Nous sommes à Athènes, au début des années 2000. Dans une villa luxueuse, le plus jeune ministre grec et son épouse Joy, très portée sur la cocaïne, se disputent en plein dîner. Excédé, leur fils Aris quitte la table et va donner sa part de moussaka au chien. Soudain, une soucoupe volante psychédélique surgit dans le ciel nocturne. A son bord se trouvent un quatuor de superbes extra-terrestres femelles en bikini affriolant, dont la plastique sculpturale semble égaler la stupidité béate.

Soucieuses de téléporter l’une d’entre elles, nommée Gora, sur la planète Terre, elles envoient vers le sol un rayon lumineux, mais le résultat n’est pas du tout celui escompté. En effet, le rayon irradie la moussaka, et aussitôt celle-ci se met à grandir de manière alarmante, atteignant en un clin d’œil la taille d’un immeuble de six étages. Dès lors, le film prend les allures de pastiche de Danger planétaire, car la colossale masse d’aubergine, de béchamel et de viande hachée rampe dans les rues de la ville en émettant d’affreux bruits de succion et sème une mort brûlante sur son passage, aspergeant les citoyens de jets d’huile mortels. Aux premières loges de ce terrible spectacle se trouvent des astrophysiciens homosexuels en blouse rose et Tara, un travesti rondouillard qui rêve de devenir styliste ou top-model (ou les deux) et qui se rendait à une fête disco en compagnie de ses deux amis Dimis et Chanel. Tandis que le monde entier s’interroge sur l’origine et les motivations de cet abominable monstre culinaire, les victimes se multiplient, muant progressivement Athènes en ville fantôme.

Entre Pedro Almodovar, Jon Waters et Ed Wood

Panos Koutras en profite pour dresser un portrait satirique des médias en général et de la télévision en particulier, le film étant scandé de flash d’information témoignant heure par heure de l’avancée dramatique des événements. La bourgeoisie athénienne en prend aussi pour son grande, à coup de quelques salves vitriolées joyeusement disséminées. Les trucages numériques qui donnent vie à la moussaka géante et à la soucoupe volante sont pour le moins grotesques et donnent l’impression d’avoir été réalisés par des enfants chahuteurs sur un petit PC. Mais grâce au caractère loufoque du film, de telles approximations passent comme des lettres à la poste. D’autant que Koutras eut toutes les peines du monde à trouver le financement de cette Attaque de la moussaka géante, tous les investisseurs du pays l’ayant pris pour un gentil psychopathe lorsqu’il leur fit part du projet. Sa persévérance a depuis porté ses fruits, puisqu’au bout de trois longues années de tournage et avec la participation de nombreux amis improvisés comédiens ou techniciens, le réalisateur a vu son film se muer en véritable objet de culte.

© Gilles Penso  

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ATTENTION AU BLOB ! (1972)

L'une des futures stars de la série Dallas passe derrière la caméra pour mettre en scène une suite / remake / parodie du Blob

BEWARE ! THE BLOB

1972 – USA

Réalisé par Larry Hagman

Avec Robert Walker Jr, Gwynne Gilford, Richard Stahl, Richard Webb, Godfrey Cambridge, Marlene Clark, Carol Lynley

THEMA BLOB I EXTRA-TERRESTRES I SAGA LE BLOB

Cette suite / remake du classique Danger planétaire, réalisé quelques quinze ans plus tôt, repose sur le même principe que son modèle, et fut un temps connue sous le titre un tantinet absurde de Son of Blob. Afin de la faire analyser, l’ingénieur Chester Hargis a rapporté du Pôle Nord une mystérieuse masse rouge gélatineuse conservée dans la glace. Par inadvertance, son épouse Marianne décongèle la substance, qui va se transformer en une matière animée capable d’engloutir tout être vivant. Une mouche et un chat en feront les frais, avant que le « Blob » ne se mette en quête de hors-d’œuvre plus consistants. Aucun obstacle ne semble désormais résister à l’entité informe qui ne cesse de grossir à mesure qu’elle engloutit ses victimes humaines. Après avoir semé la panique dans toute la ville, dévorant la moitié de ses habitants, le Blob envahit entièrement un complexe sportif dans lequel sont prisonniers le patron de l’établissement et un jeune couple…

 

L’ensemble du film est très marqué par le style des seventies, notamment à travers les tenues pas possibles de ses héros, la fête d’anniversaire funky en diable, et ce couple de beatniks jouant de la guitare dans un tunnel en quête de recherche acoustique. Exit le rock’n roll, les courses de voiture et les émules du James Dean de La Fureur de vivre qui s’animaient dans Danger planétaire. Ici, c’est l’esprit post-Easy Rider qui prime. La scène la plus drôle du film est d’ailleurs celle du coiffeur qui, à sa grande surprise, reçoit comme client un jeune homme à la tignasse excessivement abondante qu’on croirait issu de Hair. Du coup, le film oscille bizarrement entre la parodie déjantée et l’épouvante sérieuse, sans vraiment parvenir à choisir le ton juste. Ainsi, entre autres clins d’œil référentiels, Godfrey Cambridge, le géologue qui sera l’une des premières victimes de sa découverte, est en train de regarder Danger planétaire à la télé avant d’être dévoré des pieds à la tête.

Les excès des seventies

Les jeunes héros sont ici un couple particulièrement insignifiant, et Steve McQueen était tout de même autrement plus charismatique que cet inexpressif Robert Walker Jr en pattes d’éléphant. Le Blob lui-même est réalisé avec toutes sortes de matières rouge vif plus ou moins liquides. Mais le film est avare en effets spéciaux. Ainsi, le spectateur amateur n’a-t-il jamais la satisfaction de voir les victimes se faire engloutir, et lorsque le Blob atteint des proportions gigantesques, nous n’avons jamais l’occasion de le contempler dans son entier, via des plans larges apocalyptiques à la Godzilla, et ce manque d’emphase s’avère assez frustrant. Le dénouement, quant-à-lui, recycle le traditionnel faux happy end sur un ton parodique, ce qui nous vaut un gag final plutôt délectable. Attention au Blob a acquis une certaine popularité du fait qu’il fut réalisé par Larry Hagman, lequel allait triompher une décennie plus tard en interprétant le cynique JR de la série Dallas. Du coup, les distributeurs vidéo, jamais à court d’idées promotionnelles, éditèrent-ils le film en 1982 accompagné d’un imparable slogan : « le film que JR a réalisé » !
 

© Gilles Penso

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LA MARQUE (1957)

Pour sa deuxième aventure sur grand écran, le professeur Quatermass affronte des blobs extra-terrestres désireux d'envahir notre planète

QUATERMASS II

1957 – GB

Réalisé par Val Guest

Avec Brian Donlevy, John Longden, Sid James, Bryan Forbes, William Franklyn, Vera Day, Charles Lloyd Pack, Tom Chatto

THEMA BLOB I EXTRA-TERRESTRES I SAGA QUATERMASS

Également connu en France sous le titre trompeur de Terre contre satellites, La Marque raconte la suite des aventures du professeur Bernard Quatermass, amorcées au cinéma avec Le Monstre en 1956. Un an plus tard, Val Guest retrouve le scénariste Nigel Kneale et le comédien Brian Donlevy pour un nouveau thriller de science-fiction particulièrement bien ficelé. Quatermass 2 démarre sur des chapeaux de roues, invitant le spectateur à prendre l’action en route sans le moindre préliminaire. Un jeune couple en voiture fonce en pleine nuit à la recherche d’un hôpital et manque d’entrer en collision avec le véhicule de Quatermass. Ce dernier s’arrête pour leur venir en aide et découvre que le jeune homme souffre d’un mal étrange. Une marque purulente en forme de V orne sa joue, et il bascule bien vite dans la démence. Terrifiée, la jeune fille accuse de tous les maux des pierres mystérieuses qui seraient tombées du ciel dans une petite ville en pleine campagne britannique.

Tandis que Quatermass entreprend de faire analyser les pierres, le centre d’étude spatiale où il officie détecte une pluie d’objets non identifiés venus des étoiles. Le vaillant professeur (toujours aussi savoureusement irascible et autoritaire) mène sa propre enquête dans la bourgade en question et découvre une usine sévèrement gardée et entourée de secret. Pour pouvoir y pénétrer, il va devoir se heurter aux rouages rouillés de l’administration, dans une lutte très kafkaïenne, et s’adjoindre l’assistance de son ami l’inspecteur Lomax (John Longden) de Scotland Yard. Lorsqu’il découvre le fin mot de l’histoire, il n’en croit pas ses yeux. Des extra-terrestres en forme de blobs hideux et gigantesques souhaitent en effet s’établir sur Terre. Pour parvenir à leurs fins, ils contaminent et manipulent les humains à l’aide d’une substance vivante contenue dans les pierres tombées du ciel.

« Ils sont parmi nous… »

La tension croît donc progressivement dès la première minute du film, en même temps qu’un sentiment de paranoïa qui sait pourtant éviter les lieux communs rattachés au thème du « ils sont parmi nous » popularisé par L’Invasion des profanateurs de sépultureLa Marque ne recule pas devant les séquences d’horreur pure, la plus marquante étant sans conteste l’homme brûlé par un humus visqueux en combustion qui descend une longue échelle puis vient s’écrouler devant Quatermass avant d’agoniser en fumant. Les blobs eux-mêmes sont d’abord vus furtivement à travers un hublot de l’usine qui sert à les acclimater progressivement à l’atmosphère terrestre. Effrayante, cette vision évoque les textes de Lovecraft, comme en témoigne cet extrait de « L’Appel de Chthulhu » : « Le monstre était indescriptible – aucun langage ne saurait rendre de tels chaos de folie immémoriale et hurlante, cette hideuse contradiction de toutes les lois de la matière, de l’énergie et de l’ordre cosmique. » Lorsque les monstres s’échappent en détruisant l’usine, le film emprunte le registre de Godzilla, mais les maquettes sont réussies et l’atmosphère nocturne permet de préserver l’aspect cauchemardesque du climax. Bref, Quatermass 2 est une réussite indéniable, annonçant un troisième épisode encore plus audacieux.

 

© Gilles Penso

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LE BLOB (1988)

Un remake excessif, drôle et très gore du classique Danger planétaire, co-écrit par Chuck Russell et Frank Darabont

THE BLOB

1988 – USA

Réalisé par Chuck Russell

Avec Kevin Dillon, Shawnee Smith, Donovan Leitch, Joe Seneca, Candy Clark, Jeffrey DeMunn, Del Close, Paul McCrane

THEMA BLOB I EXTRA-TERRESTRES I SAGA LE BLOB

En 1958, Danger planétaire mettait en scène un des monstres les plus originaux de l’histoire du cinéma. Quatorze ans plus tard, Attention au Blob ! en proposait une variante parodique. Qu’est-ce qu’un remake de plus, réalisé trente ans après l’original, allait bien pouvoir apporter ? Chuck Russell, réalisateur d’un honorable Freddy 3, répond à cette question avec une efficacité indiscutable : Le Blob version 1988 se pare d’une horreur très graphique, de personnages atypiques et d’un humour sous-jacent ne venant jamais désamorcer le sérieux des scènes d’épouvante. Le tout avec une spontanéité et une modestie qui rendent forcément l’entreprise sympathique. Co-scénariste de Russell, Frank Darabont allait plus tard connaître la gloire en réalisant Les Evadés et La Ligne verte.

Au cours du prologue du nouveau Blob, comme dans moult films de SF, une météorite s’écrase dans une tranquille petite ville américaine du nom d’Arbeville. Le rocher venu de l’espace contient une masse gélatineuse, minuscule au départ, qui happe brusquement le bras d’un clochard. Celui-ci est conduit à l’hôpital par trois adolescents, Paul Taylor, sa petite amie Meg Penny, et Brian Flagg, le mauvais garçon du coin, qui fume, boit, fait de la moto, porte un blouson en cuir et défie les autorités. Un voyou typique des années 80, en somme. Le blob se met à dévorer le clochard, littéralement coupé en deux au niveau de la taille, ainsi que Paul, puis commence à prendre des proportions gigantesques. Terrifiés, Meg et Brian s’enfuient, tandis que le blob se glisse dans les égouts d’où il va pouvoir tranquillement continuer ses ravages. L’armée tente alors d’intervenir…

Une version burlesque de The Thing

Aidé par des effets spéciaux particulièrement spectaculaires, mixant maquillages spéciaux, maquettes et animation image par image, Russell décrit l’évolution inexorable de cette chose infâme sous un jour très inquiétant. L’une des idées réjouissantes du scénario consiste à nous laisser croire que les protagonistes obéissent à des conventions héritées du slasher de base et s’acheminent donc vers des destinées très prévisibles. Or tout bascule assez rapidement. Ainsi, celui qui répondait trait pour trait aux caractéristiques du héros (genre Steve McQueen dans la première version) ne survit pas à la première bobine, à la grande surprise du spectateur. Le relais est pris par le « mauvais garçon » qu’on avait classé, à priori, parmi les premières victimes potentielles. Le reste du film est à l’avenant, le film accumulant d’autant plus d’imprévus que l’on croit être en terrain connu. C’est également le cas des morts violentes, comme ce teenager englouti par son flirt en pleine séance de drague en voiture, cet employé d’un restaurant avalé littéralement par son évier, ou ces spectateurs en charpie dans une salle de cinéma ! Certaines séquences d’horreur marchent ainsi sur les traces de The Thing, auquel ce Blob reprend l’idée d’une chose multiforme habitant ses victimes de l’intérieur pour mieux pouvoir les dévorer. Même le faux happy-end réussit à surprendre. Une très agréable surprise donc, que ce nouveau Blob, sans conteste le volet plus réussi d’une étrange trilogie.

 

© Gilles Penso

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RENCONTRES DU TROISIEME TYPE (1977)

Le film dont rêvait Steven Spielberg, et que le succès des Dents de la mer lui permit de concrétiser

CLOSE ENCOUNTERS OF THE THIRD KIND

1977 – USA

Réalisé par Steven Spielberg

Avec Richard Dreyfuss, François Truffaut, Teri Gar, Melinda Dillon, Bob Balaban, Cary Guffey, Lance Henriksen

THEMA EXTRA-TERRESTRES I SAGA STEVEN SPIELBERG

« Depuis que je suis enfant, j’ai toujours voulu faire un film sur les OVNIS, qui constituaient pour moi l’un des éléments les plus fascinants de la mythologie contemporaine, et c’est ce qui a donné naissance à Rencontres du troisième type » raconte Steven Spielberg. « Avant Les Dents de la mer, personne ne s’intéressait au projet. » (1) Fan de SF depuis toujours, le cinéaste prend avec Rencontres du troisième type le contre-pied des invasions extraterrestres agressives qui pullulaient sur les écrans depuis le début des années 50, à l’exception de quelques perles rares comme Le Jour où la terre s’arrêta. Plusieurs faits étranges introduisent le récit. Des avions disparus depuis la dernière guerre sont retrouvés en parfait état de marche dans le désert mexicain. En ville, des pannes d’électricité surviennent soudain. Des chercheurs, dirigés par Claude Lacombe (François Truffaut), en déduisent une future rencontre extra-terrestre. L’électricien Roy Neary (Richard Dreyfuss), Jillian Guiler (Melinda Dillon) et son fils Barry (Cary Guffey) ont reçu intuitivement un message des visiteurs. Bientôt, Barry disparaît dans un flot de lumières et Roy quitte travail et famille pour se rendre sur le lieu de la rencontre…

Rarement film aura autant titillé l’imaginaire fébrile de l’enfant subsistant en chaque spectateur. Avec une sublime naïveté, Spielberg offre à son public en pleine béatitude les plus belles images d’OVNI jamais filmées, des images que nous rêvions de voir « avant même notre naissance » d’après Ray Bradbury en personne ! A travers l’adulte encore immature interprété par Richard Dreyfuss, le spectateur trouve un parfait terrain d’identification et de projection. Quasi surréaliste en pleine science-fiction, la présence de François Truffaut (un linguiste qui ne sait pas parler l’anglais !) apporte une touche insolite supplémentaire du meilleur cru.  « J’ai choisi François Truffaut parce que je l’avais vu jouer dans L’Enfant sauvage », explique Spielberg. « J’étais venu à Paris pour faire un casting d’acteurs français, j’ai vu entre 20 et 25 comédiens, mais le rôle avait été écrit en pensant à lui. Je n’aurais jamais imaginé qu’il accepte. Truffaut et moi avons travaillé plusieurs mois ensemble sur le film, et nous avons appris à nous connaître. Un jour, il m’a dit : “tu devrais travailler avec des enfants, parce que tu es un enfant toi-même.“ Je n’ai jamais oublié ce conseil. » (2) Quelques années plus tard, Spielberg suivra ce conseil en réalisant E.T. l’extra-terrestre.

 

Symboles et faux-semblants

Avec ce vaisseau spatial “déguisé” en voiture, ces hélicoptères pris pour des OVNIS, ces cinq notes de musique lancinantes d’origine inconnue, cette forme montagneuse indéterminée, Spielberg joue avec les symboles et les faux-semblants. Le surréalisme est aussi de la partie, sous la forme d’un navire échoué dans le désert de Gobi, ou d’un vaisseau mère gigantesque qui, bien qu’il soit plus gros qu’une montagne, réussit à se cacher derrière elle. Deux plans qui figurent parmi les plus beaux trucages de l’histoire du cinéma. Rencontres du troisième type est enfin une parabole de la lumière divine apparue derrière la Mont Sinaï, un extrait des Dix Commandements aperçu sur un écran de TV officialisant le parallèle. Douglas Trumbull (2001 l’odyssée de l’espace, Star Trek le film) a réalisé pour ce film quelques-uns des effets spéciaux les plus beaux de sa carrière, et John Williams a composé à l’occasion la plus étrange et la plus envoûtante de ses partitions. Même Carlo Rambaldi, d’ordinaire si peu inspiré (le King Kong de l’année précédente), a réalisé ici un extra-terrestre de toute beauté, nimbé de lumières surexposées. Rencontres du troisième type est donc le film ultime sur les OVNIS, l’œuvre de référence. Abyss, Independence Day, les X-Files et bien d’autres lui doivent presque tout. On note que le film existe dans trois versions distinctes : le montage original tel qu’il fut distribué en 1977, l’”édition spéciale” que Steven Spielberg ressortit en 1980, et une ultime édition spécifiquement concoctée pour la sortie en DVD, qui contient les meilleurs passages des deux versions précédentes et qu’on sera donc tenté de préférer.

(1) et (2) Propos recueillis par votre serviteur en janvier 2012.

© Gilles Penso

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