MOONRAKER (1979)

Pour suivre la mode lancée par La Guerre des étoiles, James Bond troque son smoking contre une combinaison d'astronaute

MOONRAKER

1979 – GB

Réalisé par Lewis Gilbert

Avec Roger Moore, Lois Chiles, Michael Lonsdale, Richard Kiel, Corinne Clery, Bernard Lee, Geoffrey Keen, Toshiro Suga

THEMA ESPIONNAGE ET SCIENCE-FICTION I SAGA JAMES BOND

Suite au triomphe de La Guerre des étoiles, le producteur Albert Broccoli décide de surfer sur la vague du space opera en propulsant James Bond dans le cosmos. Son prétexte est le roman « Moonraker », publié par Ian Fleming en 1958 (et traduit en français par « Entourloupe dans l’Azimut » !). A vrai dire, le livre a pris un sacré coup de vieux en l’espace de vingt ans, et le scénariste Christopher Wood n’en conserve que le titre et quelques idées générales. Le scénario semble quelque peu calqué sur celui de L’Espion qui m’aimait, reprenant un prologue similaire et un super-vilain aux motivations très proches de celles de l’océanographe Stromberg, si ce n’est qu’ici la mer a cédé le pas aux étoiles. James Bond doit ainsi retrouver une navette spatiale qui a disparu au cours de son transfert en avion entre les Etats-Unis et l’Angleterre. Son adversaire est Hugo Drax, l’énigmatique constructeur de la navette qui, par ses projets, menace l’humanité entière. Il compte en effet détruire la population actuelle de la Terre et la repeupler ensuite avec une super race qu’il aura créée à l’aide d’une centaine de jeunes couples réunis dans une gigantesque station spatiale. Pour l’en empêcher, Bond s’associe au docteur Holly Goodhead et lutte contre un groupe de tueurs à la solde de Drax éparpillés partout dans le monde.

Si L’Espion qui m’aimait jouait à fond la carte de la surenchère, que dire de Moonraker ? Ici, l’auto-parodie atteint son comble, et le film multiplie les clins d’œils burlesques, en particulier à travers sa bande son (les trois premières notes du « Zarathoustra » de 2001 l’odyssée de l’espace jouées au cor de chasse, le code d’entrée d’une porte qui sonne avec les cinq notes de Rencontres du troisième type, la musique des Sept mercenaires qui accompagne une poursuite à cheval…). Si la belle Loïs Chiles se tire fort bien de son rôle de Bond Girl employée du programme spatial, c’est encore une fois du côté des méchants que le casting fait des étincelles. Michael Lonsdale compose ainsi un méchant tout en retenue et en duplicité (bien plus raffiné que son rustre modèle littéraire) et Richard Kiel fait son grand retour dans le rôle du colossal Requin aux dents d’acier. Icône désormais indissociable de l’univers de James Bond, ce pittoresque vilain nous offre une vertigineuse séquence au cours de laquelle il mord le câble d’un téléphérique pour faire basculer nos héros dans le vide. Il se rallie finalement du côté des bons lorsqu’il comprend que Drax compte se débarrasser de lui, mais ce sera sa dernière apparition dans un film de la série.

Flash Gordon 007

Nous sommes certes bien plus proches de Buck Rogers et Flash Gordon que d’Ian Fleming, mais il faut reconnaître que le spectateur en a pour son argent. A ce titre, les effets spéciaux du génial Derek Meddings sont de toute beauté, notamment la mémorable apparition de l’immense station orbitale de Drax ou la bataille finale des deux armées d’astronautes (variante spatiale du combat sous-marin d’Opération tonnerre). Quant à John Barry, il compose là une partition grandiose et envoûtante en accord avec les œuvres de science-fiction auxquelles il participa la même année (Star CrashLe Trou noir). Avec 210 millions de recettes mondiales, Moonraker fut à l’époque le film le plus rentable de la série.

 

© Gilles Penso

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LE CAUCHEMAR DE DRACULA (1958)

Le Bela Lugosi blafard et théâtral du studio Universal cède le pas à un Christopher Lee bestial aux crocs acérés et aux yeux injectés de sang

DRACULA / HORROR OF DRACULA

1958 – GB

Réalisé par Terence Fisher

Avec Christopher Lee, Peter Cushing, Michael Gough, Melissa Stibling, Carol Marsh, John Van Eyssen, Miles Malleson 

THEMA DRACULA I VAMPIRES I SAGA DRACULA DE LA HAMMER

Avant sa carrière cinématographique, Christopher Lee envisageait plutôt un avenir musical. C’est presque par hasard qu’il fut contacté par Terence Fisher, dont le flair infaillible avait vu là l’interprète idéal d’un Dracula moderne, à mille lieues de l’incarnation blafarde et théâtrale de Bela Lugosi. Un choix ô combien judicieux. Ce qui attira Lee semble avoir été entre autres la fidélité de l’histoire au texte de Bram Stoker, par la grâce d’un scénario signé Jimmy Sangster. Le récit commence en mai 1895. Jonathan Harker entre comme bibliothécaire dans le château du comte Dracula. En réalité, Jonathan est persuadé que Dracula est un vampire et il veut le démasquer pour mettre un terme à ses agissements. Lors de ses recherches, il se heurte à une femme-vampire et échappe de justesse à sa morsure. Mais il ne peut éviter celle du comte Dracula. Son ami, le docteur Van Helsing, s’inquiète alors de son silence. En découvrant son journal intime, il ne se fait plus d’illusion sur son sort peu avouable, qu’il annonce tristement à Lucy Holmwood, la fiancée de Jonathan. Or Lucy a été vampirisée par l’impitoyable Dracula. Avant que celle-ci ne soit définitivement ralliée à la cause du comte sanglant, Van Helsing s’adjoint les services d’Arthur, le frère de Lucy, et se met en chasse contre Dracula.

Dans le rôle du vampire, Christopher Lee est une révélation, aidé pour certains plans par des canines acérées  et des verres de contact injectés de sang (qui obstruaient complètement sa vue pendant le tournage, occasionnant quelques mémorables prises ratées !). Inspiré par le jeu de German Robles dans Les Proies du vampire, l’altier comédien anglais exhale une aura de fascination bestiale et quasi-érotique qu’aucun interprète n’avait jusqu’alors prêtée au personnage de Dracula. Alors qu’il fut l’année précédente un monstre de Frankenstein peu mémorable dans le pourtant magistral Frankenstein s’est échappé, Lee EST indiscutablement Dracula, retrouvant ici l’excellent Peter Cushing, aussi à l’aise en Van Helsing qu’il le fut en docteur Frankenstein. Leur affrontement final, musclé et dynamique, s’achève par une scène de décomposition anthologique, la Hammer étant également la première à montrer – en couleurs flamboyantes – l’horreur visuelle associée au mythe du comte vampire.

Une nouvelle génération de l'épouvante

La photographie et les décors étant somptueux, véritable marque de fabrique de la firme, et le reste du casting s’avérant très convainquant (avec Michael Gough faisant là ses premiers grands pas dans le cinéma d’épouvante), ce Dracula novateur ouvrit une grande brèche dans ce qu’il conviendra d’appeler une nouvelle génération du cinéma fantastique. Quant à la partition tonitruante de James Bernard, elle est encore dans toutes les mémoires des fantasticophiles. Face à la qualité du résultat et à l’accueil enthousiaste du public, Universal, qui avait presque cédé à contre-cœur à la Hammer les droits de Frankenstein et Dracula, n’hésita plus une seconde et proposa à la firme anglaise de racheter tous les autres monstres de son riche patrimoine. Christopher Lee, quant à lui, se drapera à nouveau de la cape de Dracula pour six autres films estampillés Hammer.

© Gilles Penso

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CHAIR POUR FRANKENSTEIN (1973)

Andy Warhol, Paul Morrissey et Antonio Margheriti unissent leurs talents pour concevoir une version trash et excessive du mythe de Mary Shelley… en relief !

FLESH FOR FRANKENSTEIN / CARNE PER FRANKENSTEIN

1973 – ITALIE

Réalisé par Paul Morrissey

Avec Joe Dallessandro, Udo Kier, Dalila di Lazzaro, Monique Van Vooren, Arno Juerging, Srdjan Zelenovic, Nicoletta Elmi

THEMA FRANKENSTEIN

Suite aux nombreux films underground qu’ils signèrent ensemble dès la fin des années 60, Andy Warhol et Paul Morrisey décidèrent de tenter une nouvelle expérience : un film d’horreur produit par le premier et réalisé par le second, avec l’aide du metteur en scène Antonio Margheriti. Le résultat de cette association est Chair pour Frankenstein, une adaptation parfaitement délirante du roman de Mary Shelley. L’apparent classicisme formel du film  – décors, costumes, musique – ne contraste que plus violemment avec ses débordements érotico-gore excessifs, qui semblent avant tout avoir été conçus pour choquer le bourgeois et soulever la controverse. Udo Kier incarne ici le plus illuminé de tous les barons de Frankenstein. Marié avec sa propre sœur (Monique Van Vooren), il déclame des répliques aussi hallucinantes que : « si nous réussissons à découvrir l’obsédé parfait, nos chances seront très grandes, et le mâle ainsi créé sera le fornicateur de ma femelle zombie » ! Et de raconter tout ça en cousant tranquillement des morceaux de cadavres !

Doté d’ambitions carrément nazifiantes, il veut créer une nouvelle race aryenne pour repeupler la terre, « la vraie incarnation de la race serbe », et choisit la tête de sa créature mâle en fonction de son nez grec ! Ses fonctions de chirurgien lui facilitent grandement la tâche pour disposer des corps dont il a besoin dans le but d’effectuer les prélèvements qui serviront à « construire » ses créatures. Très vite pourtant, la matière première manque et il jette alors son dévolu sur les gens des villages environnants. Au comble de cette « folie créatrice », c’est vivants qu’il finira par dépecer ses « donneurs ». Guidé par sa folie créatrice, Frankenstein parviendra effectivement à donner une vie à deux êtres esthétiquement parfaits, un mâle (Srdjan Zelenovic) et une femelle (Dalila di Lazzaro), mais ceux-ci refusent de se laisser manipuler par leur créateur et la révolte ne tardera pas à gronder…

Le sang gicle en 3D

Éviscérations diverses, décapitations au sécateur, jets de sang et d’organe éclaboussent joyeusement le métrage, tandis que l’érotisme le plus morbide s’étale à l’écran. Le baron s’accouple ainsi à sa « femelle zombie » pas encore vivante, tandis que sa sœur et épouse se laisse volontiers gagner par les charmes de la créature male et du valet incarné par Joe Dallessandro. Quant au climax, il atteint les sommets du genre : la femme de Frankenstein succombe à l’étreinte de la créature mâle, la femelle voit sa cicatrice ventrale grande ouverte par la langue lubrique de l’assistant Otto (Arno Juerling), lequel est étranglé par Frankenstein, ce dernier se retrouvant finalement empalé par une lance au bout de laquelle se suspend son foie avant que le mâle ne finisse par s’auto-éventrer ! Les cinq cadavres s’entassent alors sur le sol du laboratoire, tandis que le valet, attaché au plafond, s’apprête à devenir victime des expériences des deux enfants du Baron, à peine âgés d’une dizaine d’années ! Tourné en relief, Chair pour Frankenstein remporta un grand succès au moment de sa sortie puis de sa réexploitation en 1982, avant de devenir un hit en vidéo. La même équipe tourna dans la foulée Du sang pour Dracula, bénéficiant en outre du même casting et des mêmes décors.

 

© Gilles Penso

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BLADE RUNNER (1982)

Ridley Scott adapte un célèbre roman de Philip K. Dick et signe une œuvre phare qui servira de référence à plusieurs générations de cinéastes

BLADE RUNNER

1982 – USA

Réalisé par Ridley Scott

Avec Harrison Ford, Rutger Hauer, Sean Young, Edward James Olmos, M. Emmet Walsh, Daryl Hannah, William Sanderson

THEMA FUTUR I ROBOTS

Œuvre emblématique de la littérature de science-fiction, « Les Androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? » permit à Philip K. Dick de marcher sur les traces d’Isaac Asimov en s’interrogeant sur l’âme et l’empathie des robots créés par l’homme. Passionnant de bout en bout, le roman n’en est pas moins austère et complexe, ce qui ne rebuta pourtant guère Ridley Scott, rasséréné par le succès de sa première incursion dans le genre, le légendaire Alien. Son adaptation restructure et redynamise le récit, sans en évacuer les questionnements métaphysiques. Nous sommes en 2019. La cité foisonnante de Los Angeles est sans cesse survolée par la police. Des « répliquants », androïdes hyper-sophistiqués, ont détourné un vaisseau pour se cacher dans la ville. Seul l’ex-flic Deckard (Harrison Ford) peut les repérer. On le déniche dans une gargote des bas quartiers pour l’amener auprès de Tyrell (Joe Turkel), le père scientifique des répliquants. Il est accueilli par une superbe créature, Rachel (Sean Young), que Tyrell lui demande de surveiller de près. Mais dans ce monde futuriste où les apparences sont trompeuses, sa mission a-t-elle une chance d’aboutir ? D’autant que le charme de Rachel ne le laisse pas indifférent…

Pour imaginer le Los Angeles de 2019, Ridley Scott (qui citera souvent Blade Runner comme « son film le plus complexe et le plus personnel ») reprend les grandes lignes futuristes de Metropolis pour les adapter à sa propre vision. Sa mégalopole grouillante, battue par une pluie incessante, obscurcie par une nuit permanente et tapissée de messages publicitaires interactifs, s’avère incroyablement réaliste. Le futur décrit par Blade Runner est sans conteste l’un des plus réalistes jamais portés à l’écran, et l’on ne compte plus les films d’anticipation qui en ont subi l’influence, de Batman à Dark City en passant par The CrowLe Cinquième élément, La Menace fantôme ou Minority Report. Aux innombrables trouvailles de l’équipe du superviseur des effets visuels Douglas Trumbull s’ajoute une extraordinaire direction artistique de David Snyder. Certaines maquettes recyclées de L’Empire contre-attaque (le Faucon Millenium), de Dark Star (le vaisseau des héros) et de Rencontres du troisième type (la soucoupe volante en forme de saucière) sont disséminées dans les vastes panoramas de la ville, mais même les yeux les plus attentifs auront bien du mal à les repérer. Comme pour Alien, mais à une plus grande échelle, les éléments science-fictionnels sont filmés avec un tel naturel qu’ils s’intègrent sans heurt dans un contexte rapidement banalisé et accepté par le spectateur.

Les codes du film noir transposés dans le futur

« Il faut savoir que Ridley Scott est un homme dont la créativité est incessante », nous racontait Wesley Sewell, qui collabora aux effets visuels de nombre de ses films. « Il est tout le temps en train d’essayer des choses, de chercher des idées et des possibilités. Ainsi ne cesse-t-il de dessiner de nouveaux plans tous les jours. C’est un excellent graphiste, et à la fin des tournages ses storyboards commencent à ressembler à de véritables œuvres d’art. Il faut dire qu’il possède lui-même de nombreuses œuvres picturales d’artistes variés qu’il utilise en guise d’inspiration et de référence » (1). Au-delà de son contexte futuriste, Blade Runner est aussi et surtout un polar dans la pure règle de l’art. Harrison Ford (à contre-emploi total si on le compare à ses deux rôles vedettes précédents, Han Solo et Indiana Jones) est le portrait typique du privé minable, et la magnifique Sean Young répond exactement aux critères des femmes fatales dont tombent amoureux ces archétypes du film noir. A leurs côtés, Rutger Hauer et Daryl Hannah excellent en robots terrifiants d’humanité et de candeur. La lutte désespérée des androïdes pour survivre – alors que le « héros » a pour mission de les abattre – pose en substance la question du bien et du mal. Une question qui reste bien sûr sans réponse, au mépris d’un manichéisme pourtant fréquent en tel contexte. Mort avant que Blade Runner ne soit achevé, Philip K. Dick aura cependant eu la joie de découvrir une bobine d’essai d’une quarantaine de minutes exhibant les plus beaux effets spéciaux du film, qui lui sera dédié.

 

(1) Propos recueillis par votre serviteur en avril 2005 

 

© Gilles Penso

 

Pour en savoir plus…

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300 (2006)

Zack Snyder signe une adaptation brutale, graphique et sans concession du roman graphique de Frank Miller et Lynn Varley

300

2006 – USA

Réalisé par Zack Snyder

Avec Gerard Butler, Lena Headey, David Wenham, Dominic West, Vincent Regan, Michael Fassbender, Rodrigo Santoro

THEMA HEROIC FANTASY

Zack Snyder n’est plus à un défi près. Après son remake réussi de Zombie, il décide d’adapter « 300 », une BD de Frank Miller et Lynn Varley évoquant un épisode mémorable de l’antiquité grecque : la farouche résistance du roi Leonidas 1er et de ses trois cent guerriers spartiates contre les centaines de milliers de Perses dirigés par le conquérant Xerxès. Soucieux de restituer l’esprit et le graphisme du comic book, Snyder se plie aux mêmes méthodes que Roberto Rodriguez sur Sin City, autrement dit un tournage sur fond bleu et une profusion d’effets numérique. Malgré tout, le cinéaste évite le statisme inhérent aux cases d’une bande dessinée. Son film bouge, tremble, hurle avec une férocité et une bestialité qui s’imposent rapidement comme une véritable marque de fabrique.

Magnifiquement éclairé, savamment composé, chaque plan a les allures d’une peinture d’un autre âge soudain douée de vie. D’ailleurs, ces Spartiates sculptés comme des dieux antiques ne semblent-ils pas issus du pinceau d’un David ? A cette beauté formelle, Zack Snyder adjoint une violence physique quasi-surréaliste. Les membres voltigent, les têtes s’expulsent hors des cous, le sang jaillit de toutes parts, sans que rien ne semble pouvoir atténuer cette sauvagerie. On sent bien que le réalisateur connaît ses classiques, qu’Excalibur et Conan le barbare ne sont jamais très loin. Pour autant, 300 ne leur ressemble pas, revendiquant fièrement sa singularité de tous les instants. L’un des pièges du récit était la monotonie qu’aurait pu induire l’accumulation des scènes de batailles. Or, coupant court à tout effet répétitif, Snyder joue la carte du crescendo. Chaque combat est plus ardu, plus sanglant, plus complexe que le précédent.

« Ce soir nous dînons en Enfer ! »

Et si les premiers pugilats nous permettent d’apprécier le génie stratégique des Spartiates, maniant avec une adresse infinie leurs boucliers et leurs lances pour compenser la faiblesse de leurs effectifs, les dernières phases de la guerre basculent de plain-pied dans l’heroïc-fantasy la plus débridée. Car bientôt, les envahisseurs n’ont plus rien d’humain. Géant aux allures de Troll déchaîné, hideux démons masqués, éléphants titanesques, rhinocéros antédiluvien animent ainsi cette folle sarabande, tandis qu’à la cour du roi Xerxès, les femmes possédées se déhanchent lascivement autour d’un homme-bouc qui a tous les attributs du Diable. L’autre grand atout du film est son casting de premier choix, dominé par un Gerard Butler impérial. Le regard fou, le muscle saillant, il harangue ses troupes avec enthousiasme, criant dès l’aube « Spartiates, profitez de votre petit-déjeuner, parce que ce soir nous dînons en Enfer ! » Visiblement porté par l’ampleur du spectacle, le compositeur Tyler Bates s’en donne lui aussi à cœur joie. Empruntant ses chœurs au Carmina Burana dans les moments les plus épiques, entremêlant instrumentations ethniques et voix arabisantes lorsque la tragédie le réclame (dans la droite lignée des travaux de Hans Zimmer et Lisa Gerard sur Gladiator), il n’hésite pas à faire hurler des guitares électriques outrageusement anachroniques lors des combats les plus furieux et les plus spectaculaires du film. 300 se vit plus qu’il ne se regarde, et cette expérience sensitive inédite s’avère des plus réjouissantes.

 

© Gilles Penso  

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LES AMOURS D’HERCULE (1960)

Une aventure mythologique riche en monstres et en péripéties dans laquelle Jayne Mansfield fait les yeux doux au fils de Zeus

GLI AMORI DI ERCOLE

1960 – ITALIE / FRANCE

Réalisé par Carlo Ludovico Bragaglia

Avec Mickey Hargitay, Jayne Mansfield, Massimo Serato, René Dary, Moira Orfei, Gil Vidal, Sandrine, Rossela Como

THEMA MYTHOLOGIE I DRAGONS I VEGETAUX

Les Travaux d’Hercule et Hercule et la reine de Lydie furent de jolis succès au box-office, incitant bon nombre de producteurs italiens à s’emparer à leur tour du mythe. D’où Les Amours d’Hercule, qui capitalise sur la présence de la sculpturale Jayne Mansfield. Profitant qu’Hercule soit occupé à l’un de ses travaux, le roi Enée fait attaquer son village et assassiner son épouse Mégarée. Le demi-dieu défonce alors les portes du palais avec un tronc d’arbre pour provoquer Enée en combat singulier. Mais le roi a été tué par son conseiller Lycos – le fourbe de l’histoire – et Hercule n’a que sa fille Déjanire à se mettre sous la dent. Le deuil ne pesant pas trop lourd sur ses épaules, il se laisse séduire par la souveraine et la sauve même de l’attaque d’un taureau qui s’apprêtait à la piétiner. Mais il déchante en apprenant qu’elle est déjà fiancée à Achelous. Lycos voit là un bon prétexte pour semer la discorde et s’emparer du trône. Il organise l’assassinat d’Achelous et fait retomber le crime sur le fils de Zeus.

Il faut bien avouer que les premières péripéties des Amours d’Hercule s’avèrent assez absurde, d’autant que la finesse du jeu de Mickey Hargitay, dans le rôle titre, est toute relative. Le film bascule enfin dans le fantastique lorsqu’Hercule atteint « la gorge de l’Enfer » et pénètre dans la grotte de l’Hydre de Lerne, qui prend ici les allures d’un dragon tricéphale. Le monstre n’est qu’une grande marionnette de parc d’attractions aux mouvements mécaniques assez limités, mais son intervention demeure l’un des meilleurs moments du film. D’où le titre américain du film : Hercules vs. The Hydra. Une autre scène mémorable s’ensuit, celle où Hyppolite, la reine des Amazones, transforme ses anciens amants en arbres. Le réalisateur nous offre le spectacle surréaliste d’arbres plus ou moins anthropomorphes animés de mouvements vaguement humains sur une colline sinistre et enfumée. Pour séduire Hercule, Hyppolite avale un philtre magique qui la dote de l’apparence de Déjanire. Notre pauvre culturiste en jupette ne sait alors plus où donner de la tête.

Dragons, yétis et hommes-arbres

Le scénario gagne peu à peu en intérêt au fil des fourberies de Lycos et d’Hyppolite, laquelle finira ses jours dans l’étreinte d’un des hommes-arbres qu’elle a créés, tandis qu’Hercule repart, tous muscles saillants, à la rescousse de la belle Déjanire. La bataille finale s’achemine vers un dénouement prévisible, mais le film nous réserve un ultime rebondissement avec l’intervention improbable d’un homme singe de deux mètres de haut aux allures de yéti hargneux qui, tel un deus ex machina, surgit pour occire Lycos. Ainsi les vilains ne sont-ils pas ici défaits par Hercule mais par des créatures surnaturelles, comme si les dieux donnaient un petit coup de pouce à un héros pas assez entreprenant à leur goût. Le monstre velu joue un petit remake de La Belle et la Bête en s’ébaubissant face à la grâce de Déjanire, jusqu’à ce qu’Hercule ne s’engage avec lui dans un combat de catch pataud et n’emporte enfin sa promise sur son fier destrier, aux accents d’une partition lourdement chargée en chœurs masculins. Les Amours d’Hercule n’apporte pas grand-chose au mythe, certes, mais c’est un spectacle honorable qui s’apprécie sans déplaisir ni langueur.


© Gilles Penso

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LE SEIGNEUR DES ANNEAUX : LA COMMUNAUTE DE L’ANNEAU (2001)

C'était impossible et pourtant Peter Jackson l'a fait : porter à l'écran la monumentale saga littéraire de J.R.R. Tolkien

LORD OF THE RINGS – THE FELLOWSHIP OF THE RING

2001 – NOUVELLE-ZELANDE

Réalisé par Peter Jackson

Avec Elijah Wood, Ian McKellen, Viggo Mortensen, Orlando Bloom, John Rhys-Davies, Christopher Lee, Liv Tyler

THEMA HEROIC FANTASY I DRAGONS I SAGA LE SEIGNEUR DES ANNEAUX

Après l’échec du dessin animé de Ralph Bakshi, la trilogie littéraire de J.R.R. Tolkien semblait à tout jamais inadaptable. Jusqu’à ce que Peter Jackson ne s’attelle à la gigantesque tâche avec un succès impensable. Et pourtant, qui aurait misé sur cet adolescent attardé auteur de sommets du gore burlesque tels que Bad Taste, Braindead et Les Feebles ? Le jovial barbu amateur de zombies avait déjà surpris tout le monde en opérant un virage à 180° lors du troublant Créatures célestes. Cette œuvre révélait déjà un fort penchant pour l’héroïc fantasy, les rêves des deux héroïnes étant peuplés de licornes, de papillons géants et de châteaux médiévaux. Mais avec la trilogie Le Seigneur des Anneaux, c’est à une entreprise autrement plus colossale que s’est attaqué Jackson, d’autant qu’il s’est mis en tête de tourner les trois films dans la foulée – chacun durant tout de même trois heures – et loin des studios hollywoodiens, sur sa terre néo-zélandaise natale.

Le projet semblait dément, mais comment ne pas lui donner raison au vu du résultat ? Qu’il s’agisse de la transcription du texte initial excessivement dense en scénario intelligible et captivant, du choix des décors naturels sublimes, du casting irréprochable ou des impressionnants moyens techniques mis en œuvre, La Communauté de l’Anneau ne dénote d’aucune faute de goût. Tout y est grandiose, magnifique, émouvant, essoufflant. Les superlatifs manquent pour décrire les qualités de cette épopée, s’attachant aux pérégrinations de neuf héros aussi dissemblables que faire se peut (trois humains, quatre minuscules hobbits, un elfe et un nain) qui se fixent la mission de détruire un anneau magique forgé par le maléfique Sauron. On n’en finirait plus de citer les séquences sublimes qui rythment le film, à l’image de ce surréaliste torrent prenant la forme de chevaux au galop pour mieux écarter les cavaliers noirs de Sauron.

Le premier acte d'un opéra

Pour concevoir les multiples créatures fantastiques qui peuplent son récit, Jackson s’est octroyé les services de son vieux complice Richard Taylor et de Randy Cook, ancien spécialiste de l’animation image par image reconverti à la 3D. C’est l’occasion, pour Jackson, de rendre hommage à Ray Harryhausen, l’un de ses maîtres à penser. Notamment avec la séquence de la Moïra, qui met en scène un monstre marin tentaculaire, un gigantesque Troll et le fameux Balrog, sorte de redoutable dragon incandescent. “Pour la scène du Troll, nous avons utilisé le principe de la capture de mouvement non seulement pour l’actreur qui mimait la gestuelle du monstre, mais aussi pour les mouvements de caméra, ce qui permettait de le filmer comme s’il s’agissait d’un reportage, avec des mouvements brusques et saccadés”, raconte Randy Cook (1). La structure du scénario désobéit aux règles dramaturgiques habituellement établies, car non seulement le récit s’interrompt sans véritable climax, malgré une bataille entre hommes et Orques assez mouvementée, mais en plus il prend le temps de s’attarder sur chaque personnage et chaque enjeu sans se soucier véritablement des rythmes inhérents aux grands films d’action. En cela, il se rapprocherait plus du premier acte d’un opéra. Impression que confirme la partition d’Howard Shore, qui nous surprend lui aussi dans un registre où on ne l’attendait pas. Car le compositeur attitré de David Cronenberg, habitué jusqu’alors aux univers minimalistes, nous livre ici une musique flamboyante et emphatique.

(1) Propos recueillis par votre serviteur en mai 1999.

 

© Gilles Penso

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SUNSHINE (2007)

Une expédition de la dernière chance part dans l'espace pour raviver le soleil qui menace de s'éteindre

SUNSHINE

2007 – GB

Réalisé par Danny Boyle

Avec Cillian Murphy, Chris Evans, Rose Byrne, Michelle Yeoh, Hiroyuki Sanada, Cliff Curtis, Troy Garity, Benedict Wong

THEMA SPACE OPERA

Après s’être frotté au film d’horreur avec 28 jours plus tard, Danny Boyle emprunte les voies du space opera. Nous sommes dans le futur, et le soleil est en train de s’éteindre, menaçant l’éradication de toute forme de vie sur Terre (un postulat déjà présent dans des romans de SF tels que « Le Ciel est Mort » de John Campbell ou « La Cité des Astres » d’Arthur C. Clarke). En l’an 2050, l’expédition Icarus s’est élancée en direction de l’astre solaire dans le but d’y faire exploser un engin nucléaire et de le réactiver. Mais cette mission a échoué et l’équipage a cessé de donner le moindre signe de vie avant d’atteindre sa cible. Sept ans plus tard, le vaisseau Icarus 2 va tenter de reprendre la mission là où elle fut interrompue. A son bord, huit membres d’équipage s’activent patiemment aux diverses tâches quotidiennes qui leur sont allouées. Le réalisme de ces protagonistes et la banalisation de leur besogne nous évoquent beaucoup Alien, d’autant que le casting, impeccable, évacue toute superstar et ne comporte que quelques visages familiers (principalement Cillian Murphy, héros de 28 jours plus tard, Chris Evans, torche humaine des Quatre Fantastiques, et Michelle Yeoh, fine lame de Tigre et dragon).

En cours de trajet, l’équipage capte le signal de détresse du premier vaisseau Icarus. Faut-il le rejoindre ? Tous s’accordent à dire que leurs prédécesseurs n’ont sans doute pas survécu depuis si longtemps, et que rien ne doit perturber leur objectif premier. Mais Icarus 1 possède la même bombe nucléaire qu’Icarus 2. La récupérer donnerait deux fois plus de chances à la mission de réussir. La majorité accepte donc d’accoster le vaisseau à la dérive. Mais c’est à partir de là que l’expédition va virer au cauchemar…

La fascination quasi-surnaturelle qu'exerce le soleil

Danny Boyle n’a rien perdu de son inventivité et a su se réapproprier le genre pour le moderniser. Sa mise en scène est directe et efficace, sa musique évacue l’orchestre symphonique habituel au profit d’une partition électro-pop étonnante, ses trucages numériques sont de très haut niveau et ses effets de style rivalisent d’ingéniosité : les images subliminales qui créent un malaise indicible, les filtres déformants qui altèrent la vision, les brefs arrêts sur image qui font perdre la notion du temps ou encore le design sonore ultra méticuleux jouant sur les bruits de brûlures. Mais il faut bien avouer que derrière ces apparats formels, Sunshine ne parvient guère à éviter les clichés inhérents à ce type de récit (2010, Armageddon, Fusion-the Core, Mission to Mars…). Même si Boyle s’efforce de surprendre son spectateur, la trame demeure désespérément linéaire et les incidents de parcours exhalent tous un parfum de déjà vu : avaries mécaniques, sorties dans l’espace qui tournent mal, vaisseau partiellement endommagé, déviation de trajectoire, dilemmes difficiles et sacrifices nécessaires… Sans compter que les héros passent le plus clair de leur temps à appuyer sur des boutons, traverser des coursives et regarder des moniteurs de contrôle. Quant au climax, terriblement confus, il nous laisse quelque peu sur notre faim. C’est d’autant plus dommage que le scénario d’Alex Garland laissait la porte ouverte au mysticisme et à la métaphysique, à travers la fascination quasi-surnaturelle qu’exerce le soleil sur la majorité des protagonistes.

© Gilles Penso 

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STAR TREK LE FILM (1979)

Motivé par le succès de La Guerre des étoiles, l'équipage de l'Enterprise s'envole pour sa première mission sur grand écraé

STAR TREK – THE MOTION PICTURE

1979 – USA

Réalisé par Robert Wise

Avec William Shatner, Leonard Nimoy, DeForest Kelley, James Doohan, Walter Koenig, Persis Khambata

THEMA SPACE OPERA I FUTUR I EXTRA-TERRESTRES I SAGA STAR TREK

En 1978, soit une décennie après le premier épisode de la mythique série Star Trek, Paramount décide de relancer le succès planétaire de la franchise avec une seconde série TV plus luxueuse. Mais le succès mitigé de Galactica, diffusé par Universal, refroidit Paramount. En même temps, coup sur coup, La Guerre des étoiles et Rencontres du troisième type s’avèrent être des triomphes spectaculaires sur grand écran. La décision s’impose alors d’elle-même : la suite de la série Star Trek sera un long métrage. La réalisation échoit à Robert Wise (Le Jour où la terre s’arrêta et La Maison du diable, tout de même !). Etranger à l’univers Star Trek, il visionne des dizaines d’épisodes puis prend deux décisions importantes : imposer le retour de Monsieur Spock, non prévu au départ, et remplacer les pyjamas de l’équipage par un uniforme digne de ce nom. L’intrigue se situe en plein XXIIIème siècle. Les contrôleurs de la station Epsilon 9 assistent impuissants à la désintégration de trois croiseurs appartenant aux Klingons par un envahisseur étranger qui fonce à toute vitesse sur la Terre. Missionné pour enquêter sur cette inquiétante affaire, l’amiral Kirk (William SHatner, fidèle au poste) reprend les commandes du vaisseau de combat USS Enterprise, une mission de haute confiance que lui confie par la Fédération des Planètes Unies. La toute belle Ilia (Persis Khambata), venue de la planète Delta, et Spock (Leonard Nimoy, toujours), le Vulcanien, se joignent à l’équipage. Le voyage s’avère long et éprouvant. Dès qu’il approche de l’envahisseur, le vaisseau spatial est englouti, et Ilia enlevée par une sonde laser. Nos héros finissent par découvrir avec stupeur le secret  du cerveau de l’envahisseur, qui répond à l’énigmatique appellation « V-Ger »…

Les magnifiques effets visuels du film, supervisés par le génial Douglas Trumbull (2001 l’odyssée de l’espaceRencontres du troisième type) ont de quoi surprendre les téléspectateurs habitués aux sempiternels plans timides de l’Enterprise passant devant une planète ou traversant sagement l’espace. Les exploits d’ILM sur La Guerre des étoiles ont en effet incité l’équipe du film à ne plus se montrer avare en grandioses séquences intergalactiques. D’où l’inflation d’un budget estimé à 40 millions de dollars, le plus élevé jamais alloué à un long-métrage jusqu’alors. Mais était-ce une raison pour que la caméra s’attarde aussi lentement sur les vaisseaux, étirant jusqu’à l’ennui la visite du nouvel Enterprise par un Kirk émerveillé, ou rallongeant sans commune mesure certaines séquences purement contemplatives ?

Un peu trop contemplatif ?

Robert Wise reconnut lui-même avec le recul que, s’il en avait eu le temps, il aurait raccourci le film de six ou sept minutes. Et c’est justement ce problème de rythme qui érode parfois l’impact de ce premier Star Trek cinématographique. C’est d’autant plus regrettable que son scénario repose sur une idée fabuleuse, inspirée par plusieurs épisodes de la série T.V., et qui ne prend tout son sens qu’au cours d’un impressionnant dénouement. Le coup d’envoi fut cependant donné à une série de longs-métrages voués au succès. Pour inaugurer en beauté ce nouveau départ, le compositeur Jerry Goldsmith a oublié le thème célébrissime d’Alexander Courage pour écrire une somptueuse partition symphonique, structurée autour d’un motif majestueux devenu un classique à son tour, et repris quelques années plus tard pour servir de thème principal à la série Star Trek : la nouvelle génération.

© Gilles Penso  

VENDREDI 13 (1980)

Un slasher efficace mais sans grande originalité, qui sera pourtant le point de départ d'une longue franchise horrifique

FRIDAY THE 13th

1980 – USA

Réalisé par Sean S. Cunningham

Avec Betsy Palmer, Adrienne King, Mark Nelson, Harry Crosby, Laurie Bartram, Kevin Bacon, Ari Lehman, Jeannine Taylor

THEMA TUEURS I SAGA VENDREDI 13

Promu au rang de genre cinématographique par Psychose en 1960, puis popularisé par La Nuit des masques dix-huit ans plus tard, le slasher a définitivement été banalisé par Vendredi 13. Au vu de l’ « œuvre », on ne peut s’empêcher de se demander pourquoi, comme on ne cesse de s’étonner face à l’incroyable longévité de la série de films qu’il initia. Car cette succession métronomique de meurtres violents, qui calque son mécanisme sur La Baie sanglante de Mario Bava tout en imitant les effets de style de John Carpenter sans hésiter à cultiver un humour gras à la Porky’s, n’a rien à priori de transcendant. Jason Voorhees, le tueur au masque de hockey qui terrorisera des générations d’adolescents, n’est ici qu’un enfant attardé mort avant le début du film, à cause de la négligence des moniteurs d’une colonie de vacances, occupés à boire, se droguer et copuler au lieu de se préoccuper des têtes blondes dont ils sont responsables. Résultat : Jason se noie dans le lac avoisinant, entachant à tout jamais la réputation du camp de Crystal Lake. Vingt ans plus tard, un groupe de jeunes gens revient investir les lieux, avec la ferme intention de relancer les activités du camp et d’oublier le drame passé. Mais ils vont déchanter lorsqu’un tueur redoutable s’évertue à les assassiner un à un, de préférence lorsqu’ils absorbent des substances illicites ou jouent à la bête à deux dos.

Réactionnaire en diable, le meurtrier agit ainsi en sanglant défenseur des bonnes vieilles valeurs morales judéo-chrétiennes d’antan. S’agit-il du fantôme revanchard de Jason, revenu hanter les parages ? La dernière bobine du film révèle la véritable identité du psycho-killer, que nous tairons pour les rares fantasticophiles ne connaissant pas encore le fin mot de l’histoire. Certes, les crimes orchestrés par le maquilleur Tom Savini sont souvent imaginatifs et colorés (une hache plantée en plein visage, une flèche qui s’enfonce dans un œil, une autre qui traverse la gorge d’un malheureux incarné par le tout jeune Kevin Bacon), mais ils ne suffisent évidemment pas à combler l’attente d’un spectateur un tant soi peu exigeant. D’autant qu’entre les assassinats, il ne se passe strictement rien d’intéressant.

Chuintements et halètements

Les acteurs jouent comme des savates, leurs personnages et leurs dialogues n’ont aucune consistance, les violons d’Harry Manfredini s’inspirent lourdement de ceux de Bernard Herrmann (avec tout de même une signature sonore mémorable faite de chuintements et de halètements), Sean S. Cunningham abuse de la caméra subjective pour s’efforcer de créer de la tension (imitant sans vergogne le prologue de La Nuit des masques), et les filles se déshabillent un peu dans l’espoir de tirer le public de sa torpeur. Vendredi 13 s’apprécie donc principalement à l’aide de la touche « accéléré » de la télécommande. A l’issue du film,  l’unique survivante du massacre est frappée par une vision subite et cauchemardesque du monstrueux Jason surgissant des flots, inspirée probablement du dénouement choc de Carrie. Sauf qu’ici, la vision est prémonitoire, puisque l’ami Jason ne cessera, dès lors, de poursuivre son œuvre vengeresse, via des dizaines de longs-métrages à l’intérêt tout à fait discutable.

© Gilles Penso

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