KILLJOY (2000)

Invoqué par un lycéen que martyrisent des petites frappes, un clown démoniaque surgit et sème la terreur en ricanant…

KILLJOY

 

2000 – USA

 

Réalisé par Craig Ross Jr.

 

Avec Angel Vargas, Vera Yell, Lee Marks, Dee Dee Austin, Kareem J. Grimes, Corey Hampton, Rani Goulant, Napiera Groves, Arthur Burghardt

 

THEMA DIABLE ET DÉMONS I SAGA KILLJOY I CHARLES BAND

Pour s’inscrire dans la continuité des deux premiers films d’horreur « urbains » qu’ils avaient produits avec un casting exclusivement afro-américain, Ragdoll et The Horrible Doctor Bones, Charles Band et Mel Johnson Jr. envisagent l’histoire d’un clown maléfique sans idée précise de scénario. C’est là qu’intervient Carl Washington, un tout jeune auteur. « J’avais 21 ans et c’était mon premier grand film, donc c’était vraiment, vraiment excitant », se souvient-il. « Pour moi, c’était l’occasion de créer mon propre Freddy Krueger, ou Jason, ou Michael Myers. Je suis très heureux d’être le scénariste qui a lancé la franchise Killjoy, surtout à un si jeune âge. Je leur serai toujours reconnaissant d’avoir eu cette opportunité ! » (1) C’est spontanément que Washington entre en contact avec Mel Johnson Jr., après avoir vu Ragdoll, et lui propose ses services. Le traitement qu’il propose pour cette histoire de clown est suffisamment convaincant pour qu’il soit aussitôt engagé en tant que scénariste. La réalisation est confiée à Craig Ross Jr., qui n’a jusqu’alors signé qu’un seul film, le thriller Capuccino. La bride sur le cou, ce dernier peut choisir ses acteurs et son équipe technique pour mener le tournage comme bon lui semble, dans la mesure où il respecte les drastiques restrictions budgétaires qu’on lui impose.

Killjoy raconte l’histoire de Michael (Kareem J. Grimes), un lycéen gentil et naïf qui en pince pour la jolie Jada (Vera Yell), sa camarade de classe, à qui il propose de l’accompagner pour le bal de fin d’année. Mais Jada est la petite-amie de Lorenzo (William Johnson, vu dans Ragdoll), un gangster qui n’aime pas beaucoup qu’on empiète sur ses plates-bandes. Il roue donc de coups le pauvre Michael, avec ses deux sbires T-Bone (Corey Hampton) et Baby Boy (Rani Goulant). Le soir même, ivre de vengeance, le lycéen s’enferme chez lui, s’entoure de bougies, brandit une poupée de clown et se lance dans une séance de magie noire au cours de laquelle il invoque une entité nommée Killjoy. Or rien ne se produit. Dans la foulée, Lorenzo et ses gorilles le kidnappent et l’emmènent dans les bois pour lui faire peur. Mais un coup de feu intempestif part trop vite et Michael passe aussitôt de vie à trépas. Un an plus tard, Jada a changé de petit ami et Lorenzo poursuit ses activités illicites. C’est le moment que choisit Killjoy, le clown démoniaque et vengeur, pour faire son apparition…

Serial blagueur

Extrêmement mal fichu, d’une stupidité sans pareille, trahissant sans cesse son budget ridicule, Killjoy se révèle pourtant plus distrayant que Ragdoll ou The Horrible Doctor Bones, sans doute parce qu’il ne se prend jamais trop au sérieux, ne perd pas de temps en trop longs préliminaires, évite de nous asséner une chanson rap ou RnB toutes les dix minutes et s’offre les services d’un croquemitaine boute-en-train. Incarné par Ángel Vargas sous un maquillage de David Lange, Killjoy est bien sûr l’intérêt principal du film. Blagueur, insensible aux balles, capable de se téléporter, visiblement doté du don d’ubiquité, ce mixage improbable entre le Pennywise de Ça et le Stanley Ipkiss de The Mask se promène dans un camion de glaces et transporte ses captifs dans un monde parallèle – une espèce d’entrepôt abandonné – où il s’amuse un peu avec eux avant de les tuer. De très vilains effets numériques sont sollicités pour montrer les morts des victimes du clown, qu’on aurait aimé plus originales et mieux mises en scènes. Les trépassés réapparaissent ensuite sous forme de fantômes/zombies amochés, au fil d’une intrigue sans queue ni tête. Visiblement à cours d’idées, le scénariste et le réalisateur nous offrent une scène de douche parfaitement gratuite qui s’attarde sur l’anatomie de la peu pudique Dee Dee Austin, puis font intervenir aux deux tiers du métrage un SDF mystérieux qui nous raconte tout ce que nous venons déjà de voir, au cours de l’une des scènes les plus inutiles de l’histoire du cinéma. Sympathique mais très dispensable, Killjoy donnera naissance à une petite franchise permettant au clown psychopathe de refaire régulièrement des siennes.

 

(1) Propos extraits du livre « It Came From the Video Aisle ! » (2017)

 

© Gilles Penso


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LA DOUBLE VIE DE VÉRONIQUE (1991)

Weronika et Véronique sont deux femmes identiques qui existent sans se connaître, l’une en Pologne, l’autre en France…

LA DOUBLE VIE DE VÉRONIQUE / PODWÓJNE ZYCIE WERONIKI

 

1991 – FRANCE / POLOGNE / NORVÈGE

 

Réalisé par Krzystof Kieslowski

 

Avec Irène Jacob, Halina Gryglaszewska, Kalina Jedrusik, Aleksander Bardini, Wladyslaw Kowalksi, Jerzy Gudejko, Janusz Sterninski, Philippe Volter

 

THEMA DOUBLES

Si La Double vie de Véronique développe un sujet ouvertement surnaturel, liée à l’existence de deux êtres humains identiques connectés par un lien insaisissable, Krzystof Kieslowski décide de ne donner aucune explication aux spectateurs pour laisser son récit ouvert à toutes les interprétations. Plusieurs thèmes du film étaient déjà amorcés dans quelques œuvres précédentes du cinéaste, notamment dans Le Décalogue et Le Hasard. En ce sens, cette Double vie fait un peu office d’œuvre somme, prélude à la très populaire trilogie que Kieslowski dirigera dans la foulée : Trois couleurs : Bleu, Trois couleurs : Blanc et Trois couleurs : Rouge. Au départ, le réalisateur envisage de proposer le rôle de Véronique et de son alter-ego à Andie MacDowell avant de pencher plutôt pour Julie Delpy, dans la mesure où ses deux personnages sont européens. Mais l’audition de la comédienne française ne le convainc pas. Il opte donc finalement pour Irène Jacob, qu’il fera à nouveau jouer dans Trois couleurs : Rouge. Delpy, elle, campera le premier rôle de Trois couleurs : Blanc.

Weronika, une jeune Polonaise atteinte d’une déficience cardiaque, chante avec sa chorale lors d’un concert en plein air lorsque la pluie et une tempête interrompent leur performance. Quelques jours plus tard, elle part pour Cracovie, où sa tante est gravement malade. Avant de partir, elle confie à son père avoir le sentiment étrange de ne pas être seule au monde. Un jour, alors qu’elle se promène sur la Grand-Place, elle aperçoit une touriste française qui lui ressemble comme deux gouttes d’eau et qui la prend en photo. Cette vision la trouble beaucoup. Quelques jours après, lors d’un concert où elle chante en solo, Weronika est victime d’un arrêt cardiaque. Son double, Véronique, est une jeune Française qui vit à Clermont-Ferrand et enseigne la musique…

Brève rencontre

La très belle photographie monochrome de Slawomir Idziak, l’émouvante musique de Zbignew Preisner et le jeu très juste d’Irène Jacob dotent le film d’un charme formel auquel il est difficile de rester insensible. On ne peut pas en dire autant du scénario co-écrit par Krzystof Kieslowski et Krzystof Piesiewicz, qui tourne malheureusement en rond au bout d’un quart d’heure. Le thème ô combien passionnant de deux femmes alter-ego qui ne se connaissent pas et vivent en deux contrées différentes laissait présager des développements narratifs passionnants qu’il faudra hélas nous contenter d’imaginer. La scène de la brève rencontre entre Weronika et Véronique était, à ce titre, fort prometteuse. Que se passe-t-il lorsque deux doubles cohabitent sans le savoir à des milliers de kilomètres de distance et soudain se croisent ? Quelles sont les conséquences, à l’échelle à la fois de l’homme et de l’univers ? Quel est le lien émotionnel qui les unit ? Mais Weronika meurt, et dès lors l’intrigue nous emmène ailleurs. On ne sait plus où Kieslowski veut en venir, la conclusion de son film nous abandonnant à nos frustrations. La Double vie de Véronique reste un bel objet filmique, très apprécié par la critique internationale et récipiendaire de nombreux prix. Mais un développement plus profond et plus captivant de son concept n’aurait pas été pour nous déplaire.

 

© Gilles Penso


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CANDYMAN 3, LE JOUR DES MORTS (1999)

Un troisième épisode parfaitement dispensable dans lequel Tony Todd assure le service minimum au fil d'une intrigue sans surprise…

CANDYMAN, DAY OF THE DEAD

 

1999 – USA

 

Réalisé par Turi Meyer

 

Avec Tony Todd, Donna D’Errico, Jesu Garcia, Alexia Robinson, Mark Adair-Rios, Lupe Ontiveros, Elizabeth Guber

 

THEMA DIABLE ET DÉMONS I SAGA CANDYMAN

La franchise Candyman s’était déjà épuisée au cours du deuxième épisode. Mais dans le monde merveilleux hollywoodien, l’appât du gain est généralement plus fort que la démarche artistique. D’où ce troisième opus, directement exploité en vidéo et parfaitement dénué d’intérêt dans la mesure où il calque la majeure partie de son intrigue sur celle du premier film de la série et ne laisse donc aucune place à la surprise ou l’innovation. Derrière la caméra, le téléaste Turi Meyer signe une mise en scène carrée et anonyme, sans odeur ni saveur, entravé dans ses mouvements par des producteurs qui réduisent le budget au minimum (environ un million de dollars à peine) et le contraignent à des délais de tournage impossibles. En désespoir de cause, Meyer compte visiblement beaucoup sur la photogénie de son actrice principale pour combler les lacunes du script. Il faut dire que celle-ci est gironde, puisqu’il s’agit de la playmate Donna D’Errico, l’une des sirènes à la poitrine hypertrophiée d’Alerte à Malibu

D’Errico incarne ici Caroline, l’arrière-arrière-petite-fille de Daniel Robitaille, ancien peintre de talent devenu le redoutable démon Candyman après avoir été torturé et tué par une horde de blancs jaloux et racistes. Le soir du vernissage des œuvres de son ancêtre, Caroline se prête au jeu publicitaire et ose prononcer cinq fois « Candyman » devant un miroir. La suite est tellement prévisible qu’elle surprend presque par son manque d’audace. Le tueur au crochet surgit donc régulièrement et tue tous les proches de Caroline, qui se retrouve aussitôt accusée des meurtres puisque personne d’autre qu’elle n’a vu le croquemitaine. Coproducteur du film, Tony Todd assure ici le service minimum, répétant inlassablement les deux mêmes phrases tout au long du film, autrement dit « Donne-toi à moi ! » et « Sois ma victime ! ». Turi Meyer use jusqu’à la corde des effets censés faire sursauter le public, et chaque apparition du Candyman est ruinée par le jeu catastrophique de Donna D’Errico, incapable d’exprimer la moindre épouvante.

Fin de série

Même la bande originale se prive du thème envoûtant composé par Philip Glass, dont la production n’a plus les droits. Adam Gorgoni compose donc une musique de remplacement beaucoup moins atmosphérique. Que reste-t-il à sauver de Candyman 3 ? Principalement quelques idées visuelles issues des hallucinations de Caroline, comme ce jaune d’œuf où grandit progressivement une tache de sang jusqu’à ce qu’une abeille n’en surgisse en très gros plan. Quant à l’astuce scénaristique qui permet à Caroline de se débarrasser enfin du démon récidiviste, elle laisse rêveur : il lui suffit de déchirer à coups de crochets l’autoportrait peint de Daniel Robitaille… Pourquoi pas ? A ce stade du calvaire, on est prêt à accepter n’importe quoi pour que le film s’arrête… Contrairement aux deux premiers opus, celui-ci aura été exploité directement en vidéo sans passer par la case de la salle de cinéma. Quelques années plus tard, lorsque Lionsgate évoquera – après le succès de Freddy contre Jason – la possibilité d’un crossover entre la saga Candyman et la franchise Leprechaun, Tony Todd refusera catégoriquement, de peur de ridiculiser encore plus son personnage. La série s’arrêtera donc là… jusqu’à la séquelle tardive de 2021.

 

© Gilles Penso


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DEADGIRL (2008)

En pleine école buissonnière, deux lycéens s’aventurent dans un hôpital abandonné et y découvrent le corps enchaîné d’une jeune fille…

DEADGIRL

 

2008 – USA

 

Réalisé par Michael Sarmiento et Gadi Harel

 

Avec Shiloh Fernandez, Noah Segan, Candice Accola, Andrew DiPalma, Michael Bowen, Jenny Spain

 

THEMA ZOMBIES

Deadgirl a bien failli être un film Troma. Son scénariste Trent Haaga, ayant longtemps œuvré pour la compagnie de Lloyd Kaufman, se tourna naturellement vers les producteurs du Toxic Avenger. Mais ces derniers, pourtant peu réputés pour leur frilosité, n’osèrent pas se lancer dans un film aux thématiques si déviantes. Deadgirl est donc finalement produit par Hollywoodmade, une éphémère compagnie de production basée à Los Angeles dont ce sera le seul fait d’arme notable. Les deux réalisateurs du film, l’Américain Michael Sarmiento et l’Israélien Gadi Harel, collaborent ici pour la première fois et accordent leurs violons autour d’un film au sujet très délicat. Auparavant, les deux hommes s’étaient illustrés séparément dans le domaine de la comédie, Harel avec Opération Midnight Climax (2002) et Sarmiento avec Toi, moi… et mon chien (2007). Or si l’humour affleure aussi dans Deadgirl, ce n’est pas le moteur principal de cette chronique lycéenne malsaine virant au film d’horreur pur et dur. Comme décor principal, les deux cinéastes choisissent un souterrain que les fantasticophiles connaissent déjà. « C’est là qu’a été tournée la mort de Freddy Krueger », nous confie Michael Sarmiento. « Des tas de films ont été tournés là-bas. Avec l’aide de notre chef opérateur, nous nous sommes efforcés d’aborder cet endroit sous un nouvel angle. » (1)

Deux lycéens, Rickie et J.T., décident de sécher les cours et partent explorer un vieil hôpital désaffecté. Dans les tunnels du sous-sol, ils découvrent avec stupeur une pièce où une femme entièrement nue est enchaînée sur une table. Elle semble morte, mais pourtant une vie mécanique l’anime encore. Aussitôt, J.T. décide de profiter de la situation pour abuser de la jeune femme, ce que Rickie refuse catégoriquement. Alors que l’un – révélant des instincts brutaux et primitifs – n’hésite pas une seule seconde à l’idée de faire de cette proie trop facile une esclave sexuelle, l’autre – dont le cœur bat pour une lycéenne avec qui il a échangé un baiser – ne veut rien savoir. Ce choix moral va sérieusement mettre à l’épreuve l’amitié jusqu’alors solide des deux garçons. Evidemment, les choses se compliquent lorsqu’ils découvrent que cette inconnue en tenue d’Eve est un zombie.

La morte-vivante

Voilà donc une variante inattendue autour d’un thème qui a pourtant déjà été accomodé à toutes les sauces. « Assez tôt, nous avons décidé de ne pas utiliser le mot zombie, pour éviter que les gens n’aillent voir le film avec des idées préconçues sur ce genre de film », explique Sarmiento. « En réalité, la fille n’est qu’un prétexte, un catalyseur permettant de savoir quels choix vont faire les deux teenagers, des choix qui détermineront le genre d’adultes qu’ils deviendront. » (2) En effet, Deadgirl soulève plusieurs questions morales intéressantes liées moins aux morts-vivants – ou même à la nécrophilie – qu’au positionnement des adolescents avec leur propre sexualité et aux dérives perverses qui peuvent en découler en cas de perte de contrôle. Lorsque la pulsion l’emporte sur la raison, rien ne va plus, semble vouloir nous dire Deadgirl. Projeté avec succès dans de nombreux festivals autour du monde, le film fut brocardé par un certain nombre de spectateurs ayant sans doute compris son message de travers, y voyant une incitation à la prédation sexuelle et au viol. Lors de sa discrète sortie en salles sur le territoire américain, il fut classé R (« restricted ») pour « sexualité aberrante, nudité graphique, violence sanglante et langage grossier ». Rien que ça !

 

(1) et (2) Propos recueillis par votre serviteur en janvier 2009

 

© Gilles Penso


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CAR CRASH (2017)

Prisonnier d’une boucle temporelle, un médecin tente de sauver sa fille d’un accident mortel qui ne cesse de se répéter…

HA-ROO

 

2017 – CORÉE DU SUD

 

Réalisé par Jo Sun-Ho

 

Avec Kim Myung-min, Byun Yo-han, Shin Hye-sun, Jo Eun-hyung, Jang Dae-woong, Lee Do-yeop, Jang In-ho, Yoo Jae-myung, Ko Sang-ho, Cha Sung-je, Kim Ye-jun

 

THEMA VOYAGES DANS LE TEMPS

Assistant réalisateur sur des films comme Once Upon a Time de Jeong Yong-ki (2008) ou Killer Toon de Kim Yong-gyun (2013), Jo Sun-Ho décide de passer lui-même à la mise en scène en 2017 avec Ha-Roo (littéralement « Un jour »), une histoire de boucle temporelle qu’il co-écrit avec le scénariste Lee Sang-hak et qui s’efforce de s’éloigner un peu des lieux communs auxquels nous ont habitué Un Jour sans fin et ses nombreuses imitations. Pour tenir les deux rôles principaux de son film, Sun-Ho réunit deux acteurs de la mini-série historique Six Flying Dragons, Kim Myung-min et Byun Yo-han. Le premier incarne Joon-yeong, un chirurgien thoracique réputé. Le second joue Min-chul, un ambulancier. Tout commence alors que notre médecin rentre chez lui et voit mourir sous ses yeux sa fille Eun-jung (Jo Eun-hyung), renversée par un taxi. Cet accident provoque aussi la mort d’une femme. Profondément bouleversé, Joon-yeong se réveille dans ce qui semble être le jour précédent. En désespoir de cause, il tente de sauver sa fille mais n’y parvient pas, et la journée se répète encore et encore. Invariablement, dès que sonnent les douze coups de midi, Eun-jung meurt dans le même accident de la route.

Le film commence donc de manière assez classique, évoquant les nombreux exercices de style déclinant le motif de la journée qui n’en finit plus de bégayer, notamment le très recommandable téléfilm 12 : 01 de Jack Sholder. Le principe est en effet connu, dans la mesure où notre infortuné protagoniste, tel le Sisyphe de la mythologie bloqué dans les Enfers, est contraint à chaque fois de courir contre la montre pour essayer de sauver sa fille, en vain. Mais la mécanique se modifie en cours de route avec de nouveaux éléments narratifs qui complexifient la boucle et nous emmènent un peu plus loin des sentiers battus. Les choses se compliquent en effet lorsque notre homme découvre que l’époux de la femme tuée pendant la collision fait lui aussi l’expérience d’une journée qui se répète. Quoi qu’ils fassent, tous deux semblent incapables de sauver leur proche, comme si cette double mort était inscrite dans un destin immuable. 

Un jour sans frein

Bénéficiant d’une mise en scène très élégante ponctuée de morceaux de bravoure surprenants, d’acteurs très impliqués et d’un scénario tortueux à souhait, Car Crash sollicite efficacement le processus d’identification du spectateur. Mais si en cours de route le mystère se désépaissit, le film met aussi à jour un certain nombre de raccourcis scénaristiques pas toujours faciles à avaler. Les motivations et le modus operandi d’un des personnages clé, notamment, manquent singulièrement de crédibilité. Pour autant, ce premier long-métrage reste haletant, le suspense se révèle redoutablement efficace et la durée de 90 minutes sied bien au récit qui n’aurait rien gagné à durer plus longtemps. Jo Sun-Ho signera quelques années plus tard une romance, Hear Me : Our Summer, tandis que Car Crash (primé un peu partout lors de sa tournée mondiale des festivals du cinéma de genre sous son titre international A Day) servira largement d’inspiration au thriller politique de science-fiction Maanaadu signée par le réalisateur indien Venkat Prabhu.

 

© Gilles Penso


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MIMZY, LE MESSAGER DU FUTUR (2007)

Deux gamins découvrent sur une plage une boîte inconnue qui contient des objets mystérieux et les dote de capacités surnaturelles…

THE LAST MIMZY

 

2007 – USA

 

Réalisé par Robert Shaye

 

Avec Timothy Hutton, Joely Richardson, Rainn Wilson, Rhiannon Leigh Wryn, Chris O’Neill, Kathryn Hahn, Michael Clarke Duncan

 

THEMA VOYAGES DANS LE TEMPS

En 1943, la revue Astounding Science Fiction publie la nouvelle Mimsy Were the Borogoves, œuvre d’un certain Lewis Padgett. Derrière ce pseudonyme se cachent les époux écrivains Henry Kuttner et Catherine L. Moore, tandis que le titre énigmatique de ce court récit est emprunté à un vers du poème Jabberwocky de Lewis Carroll. Dix ans plus tard, l’histoire est traduite en français par Boris Vian et publiée sous un titre tout aussi bizarre : Tout smouales étaient les Borogoves ! Si le réalisateur Daniel Le Comte en tire un téléfilm en 1970 pour l’ORTF (avec comme titre alternatif Tout spliques étaient les Borogoves), l’adaptation cinématographique de la nouvelle ne se concrétise que bien plus tard. Une première version de scénario est écrite en 1993, mais elle n’est pas jugée satisfaisante. Cinq auteurs et 19 versions plus tard, le projet Mimzy peut enfin voir le jour. La mise en scène est assurée par Robert Shaye, qui signe là son second long-métrage après la comédie Elles craquent toutes sauf une. Fondateur de New Line Cinema, Shaye est surtout connu pour ses activités de producteur, notamment via les franchises Freddy et Le Seigneur des anneaux dont il fut l’un des maîtres d’œuvre principaux.

Mimzy raconte l’histoire de Noah Wilder (Chris O’Neill) et de sa petite sœur Emma (Rhiannon Leigh Wryn). Lorsque tous deux ouvrent l’étrange boîte qu’ils ont trouvée sur la plage, ils y découvrent quelques bizarreries et un lapin en peluche, que la petite fille baptise Mimzy. D’où viennent ces mystérieux objets, et à quoi peuvent-ils servir ? Nul ne le sait. Peu après cette découverte, les enfants commencent à développer d’extraordinaires capacités. Emma possède désormais d’inexplicables pouvoirs psychiques et Noah, qui n’a jamais été très fort à l’école, devient un génie scientifique. Il est même capable de déplacer des objets par sa seule volonté. Larry white (Rainn Wilson), le professeur de Noah, comprend que les enfants sont en train d’être transformés dans le but d’accomplir quelque chose qui les dépasse… Face aux adultes, face au FBI et aux scientifiques qui s’intéressent à eux et à leurs mystérieux jouets, Emma et Noah vont devoir s’en sortir seuls et protéger leur trésor…

Trop mièvre pour convaincre

Malgré son intéressant potentiel, Mimzy, le messager du futur nous déçoit. Il faut dire que le décalage entre les passionnantes théories scientifiques évoquées et leur application évasive dans le film est vertigineux, pour ne pas dire abyssal. Car Mimzy hésite sans cesse entre la science-fiction pure et dure et la comédie familiale mièvre et puérile, en penchant finalement hélas vers cette deuxième tendance. Dès que le FBI débarque, l’intrigue semble tenter de calquer ses péripéties sur celles de E.T. et rien ne va plus. À partir de là, les enfants s’échappent avec une facilité déconcertante (sous leur impulsion, des cafards camouflent une caméra de surveillance !) puis prennent la poudre d’escampette au volant d’une camionnette (le garçon a appris à conduire en jouant à un jeu vidéo !). Très éloigné du matériau littéraire original – dont il reprend principalement l’idée de jouets venus du futur permettant d’augmenter les capacités des deux jeunes héros -, Mimzy est un film beaucoup trop anecdotique et insipide pour faire date dans l’histoire du cinéma de SF. Ses résultats au box-office furent du reste très en-deçà des attentes du studio New Line

 

© Gilles Penso


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WEDDING NIGHTMARE (2019)

La nuit de noces de Grace se transforme en cauchemar lorsqu’elle découvre les rituels ancestraux de sa belle-famille…

READY OR NOT

 

2019 – USA

 

Réalisé par Matt Bettinelli-Olpin et Tyler Gillett

 

Avec Samara Weaving, Adam Brody, Mark O’Brien, Henry Czerny, Andie MacDowell, Melanie Scrofano, Kristan Bruun, Elyse Levesque, Nicky Guadagni

 

THEMA TUEURS I DIABLE ET DÉMONS

Fondé en 2011 par Matt Bettinelli-Olpin, Tyler Gillett, Justin Martinez et Chad Villella, le collectif « Radio Silence » est une entité destinée dès sa création à la production de programmes cinématographiques et télévisuels (avec un fort penchant pour le fantastique et l’horreur). Après avoir signé un segment pour l’anthologie V/H/S, le film d’épouvante The Baby et un sketch de 666 Road, l’équipe se réunit pour un nouveau long-métrage très prometteur baptisé Ready or Not (« Prêt ou non »), un titre ambigu que les distributeurs français décident de « traduire » par Wedding Nightmare (« Le cauchemar du mariage »). Le duo Matt Bettinelli-Olpin et Tyler Gillett assure la mise en scène (comme pour The Baby) tandis que Chad Villella officie en tant que producteur exécutif. Cette fois-ci, Justin Martinez n’est pas de l’aventure, même si le nom de « Radio Silence » est toujours crédité au générique. La production s’amorce fin 2017, pour un tournage organisé au Canada, principalement à Toronto et dans les alentours. Le scénario, qu’écrivent à quatre mains Guy Busick et R. Christopher Murphy, s’efforce d’équilibrer la comédie noire, le suspense et l’horreur, dans un contexte qui n’est pas sans évoquer certains romans d’Agatha Christie ou même le jeu Cluedo. Pour autant, il ne s’agit pas ici de deviner qui est l’assassin mais plutôt de savoir comment la victime présumée va s’en sortir.

Grace (Samara Weaving), ancienne enfant placée en famille d’accueil, est sur le point d’épouser Alex (Adam Brody), membre de la riche famille Le Domas qui a fait fortune grâce aux jeux de société Domas Family Games. La cérémonie se déroule dans la somptueuse propriété des parents d’Alex, où Grace fait la connaissance de sa belle-famille. Après le mariage, la jeune épouse aimerait bien profiter comme il se doit d’une nuit de noces digne de ce nom, mais il lui faut d’abord se plier à une tradition singulière. Elle apprend que l’ancêtre de la famille, Victor le Domas, a passé un marché avec un mystérieux homme nommé Le Bail lors d’un voyage en bateau. Ce pacte, qui a permis aux Le Domas de bâtir leur empire, impose une obligation : chaque nouvelle personne rejoignant la famille doit tirer une carte d’une boîte énigmatique laissée par Le Bail. Le jeu indiqué sur la carte doit alors être joué par tous les membres de la famille. À minuit, Grace tire une carte et découvre qu’elle doit participer à une partie de cache-cache. Mi perplexe mi amusée, elle n’imagine pas la tournure que s’apprête à prendre la nuit…

Tuer n’est pas jouer

Original, drôle, surprenant, satirique, ponctué de moments de suspense très réussis, Wedding Nightmare est une excellente surprise dont le scénario ne cesse de rebondir. De fait, même si le film convoque deux motifs classiques du cinéma de genre – le pacte diabolique et la chasse à l’homme – le résultat final ne ressemble à rien de connu. Et si l’ombre des Chasses du comte Zaroff plane inévitablement sur ce récit rocambolesque, Matt Bettinelli-Olpin et Tyler Gillett parviennent à nous emmener là où on ne les attend pas, avec en prime quelques savoureux gags sanglants à répétition. En filigrane, le scénario pousse très loin la métaphore du poids des traditions familiales, auxquelles il semble impossible de se soustraire même lorsqu’elles se révèlent absurdes, aberrantes ou amorales. « J’ai réalisé qu’on était capable de faire n’importe quoi si c’était approuvé par la famille », dira à ce propos Alex. Au beau milieu de cette galerie de personnages tous plus détestables et grotesques les uns que les autres, le seul vecteur d’identification possible est la « nouvelle venue », autrement dit Grace. « Tu m’as dit que ta famille était dingue, mais tu ne m’as pas dit que c’étaient des tueurs psychopathes ! » s’exclamera-t-elle à mi-chemin de son éprouvant parcours du combattant au cours duquel le relookage de sa tenue de mariée nous rappellera celui de Leticia Dolera dans [Rec]3. Dommage que les réalisateurs se soient ensuite laissés embarquer dans deux épisodes de Scream conventionnels, avant de retrouver un peu de leur mordant avec Abigail.

 

© Gilles Penso


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LES ENSORCELEUSES (1998)

Deux sœurs sorcières interprétées par Sandra Bullock et Nicole Kidman découvrent le côté incontrôlable de leurs pouvoirs magiques…

PRACTICAL MAGIC

 

1998 – USA

 

Réalisé par Griffin Dunne

 

Avec Sandra Bullock, Nicole Kidman, Aidan Quinn, Stockard Channing, Dianne Wiest, Goran Visnjic, Evan Rachel Wood, Alexandra Artrip, Mark Feuerstein

 

THEMA SORCELLERIE ET MAGIE

Les Ensorceleuses est le second long-métrage de Griffin Dunne. L’acteur irrésistible d’After Hours et du Loup-garou de Londres passa en effet à la mise en scène au milieu des années 90, d’abord avec le téléfilm Duck of Groove et l’un des sketches de Four Tales of Two Cities, puis avec la comédie romantique Addicted to Love qui mettait en scène Matthew Broderick, Meg Ryan et Kelly Preston. Pour Les Ensorceleuses, il s’inspire très librement du roman Practical Magic d’Alice Hoffman, une écrivaine spécialisée dans la littérature destinée aux adolescents et aux jeunes adultes. Face à sa caméra, deux stars alors extrêmement populaires (Sandra Bullock et Nicole Kidman) nous jouent ici une variante soft et romantique des Sorcières d’Eastwick saupoudrée d’un peu de Ma sorcière bien aimée et d’une pincée de Ma femme est une sorcière. Au cours du prologue, nous apprenons que Maria Owens (Caprice Benedetti), accusée de sorcellerie par des villageois superstitieux et colériques du 17ème siècle, lance un sort pour se protéger. Mais ce geste déclenche une terrible malédiction. Désormais, tous les hommes qui épouseront les femmes de sa descendance seront condamnés à trouver une mort prématurée.

La suite nous propulse à la fin des années 90. Sally (Sandra Bullock) et Gillian (Nicole Kidman), lointaines filleules de Maria Owens, sont deux sœurs que tout oppose. La première est une femme sage et réservée, mère de deux enfants et vendeuse de plantes médicinales qui fait tout pour mener une vie normale. La seconde est impulsive, délurée et très extravertie, multipliant les conquêtes et profitant de la vie avec légèreté. Le lien qui les unit reste fort malgré la distance qui les sépare, mais un imprévu va les réunir à nouveau et réveiller leurs dons. Gillian s’est en effet embarquée dans une relation passionnée avec un homme toxique, Jimmy Angelo (Goran Visnjic), qui devient violent et la retient contre son gré. Les deux sœurs recourent alors à la magie pour résoudre la situation, mais leur manque d’expérience tourne à la catastrophe. C’est là qu’intervient l’inspecteur Gary Hallett (Aidan Quinn), venu enquêter sur Jimmy…

Entre drame et guimauve

La présence de Sandra Bullock est toujours réjouissante, et la prestation à contre-emploi de Nicole Kidman s’avère délectable, l’ex-Madame Tom Cruise s’amusant visiblement dans son rôle pétillant et exubérant, loin des personnages froids et distants auxquels elle nous avait habitués. L’alchimie entre les deux actrices fonctionne très bien, même si le réalisateur aura toutes les peines du monde à synchroniser leurs deux prestations. Bullock est en effet adepte d’un nombre de prises minimal pour conserver sa spontanéité, alors que Kidman a tendance à les multiplier sans cesse, sans doute influencée par son travail avec Stanley Kubrick sur Eyes Wide Shut. Ce décalage n’est pourtant pas visible à l’écran. Le problème des Ensorceleuses est ailleurs. L’intrigue met en effet énormément de temps à s’installer, Griffin Dunne s’avérant incapable de rendre justice au texte pétillant du roman original, enchaînant les saynètes anecdotiques sans parvenir à captiver ses spectateurs. Lorsque le récit rebondit enfin à mi-parcours, c’est pour mettre à jour un autre travers du film : son incapacité à trouver le ton juste. Alors que Dunne et ses scénaristes ont en tête une histoire relativement sombre, les cadres de Warner Bros veulent beaucoup plus de légèreté. Résultat : Les Ensorceleuses oscille sans cesse entre le drame et la guimauve et ne nous convainc finalement qu’à moitié. C’est d’autant plus dommage que le potentiel du film – agrémenté d’un casting franchement attrayant – était très prometteur.

 

© Gilles Penso


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LES DENTS DE LA NUIT (2008)

Trois fêtards invétérés parviennent à s’incruster dans une soirée VIP extrêmement élitiste… que tiennent des vampires assoiffés de sang !

LES DENTS DE LA NUIT

 

2008 – FRANCE / BELGIQUE / LUXEMBOURG

 

Réalisé par Vincent Lobelle et Stephen Cafiero

 

Avec Patrick Mille, Julie Fournier, Frédérique Bel, Vincent Desagnat, Hélène de Fougerolles, Sam Karmann, Tchéky Karyo

 

THEMA VAMPIRES

Après avoir réalisé des centaines de spots publicitaires, Vincent Lobelle et Stephen Cafiero décident de s’attaquer à leur premier long-métrage. Motivés par le succès de Shaun of the Dead, les duettistes se mettent en tête de dépoussiérer le vieux mythe des vampires en l’abordant sous l’angle parodique, dans une sorte de relecture modernisée du Bal des vampires. Mais si le classique de Polanski vient naturellement à l’esprit à la lecture du synopsis des Dents de la nuit, Lobelle et Cafiero puisent plutôt leur inspiration dans le cinéma horrifique « classique », leurs films de chevet dans le genre étant de la trempe de Zombie, L’Exorciste, Halloween ou Alien. Rien de très comique, donc, à priori. Lorsqu’ils s’attaquent aux Dents de la nuit, une première version du scénario existe déjà, et les producteurs peinent depuis cinq ans pour essayer de monter le financement du film. Ce sont eux qui finissent par trouver la juste tonalité, celle qui va permettre de débloquer les choses. La réunion d’un casting populaire et la pugnacité des producteurs fait le reste. Le titre lui-même est une habile trouvaille. Au lieu de La Nuit Médicis (qui est le nom original du film), on opte pour un mixage des Dents de la mer et des Griffes de la nuit qui – inconsciemment ou pas – parlera forcément aux amateurs du genre.

Sam (Patrick Mille), Prune (Julie Fournier) et Alice (Frédérique Bel), trois amis inséparables et grands spécialistes du squat dans les soirées, pensent décrocher le jackpot lorsqu’ils obtiennent des invitations pour la légendaire « Nuit des Médicis », une fête VIP mystérieuse qui se tient chaque année dans un château isolé. Mais leur excitation tourne court lorsqu’ils découvrent que leurs hôtes sont des vampires assoiffés de sang et que les invités ne sont là que pour servir de buffet. S’il a été difficile de pénétrer dans cette fête, il va s’avérer quasiment impossible d’en sortir ! Tandis que tous les invités se font tuer les uns après les autres, nos trois larrons vont devoir tout tenter pour s’échapper, armés de pieux improvisés et d’une bonne dose de débrouillardise. Sur leur chemin, ils entraînent dans leur fuite Édouard (Vincent Desagnat), un indécrottable boulet, Serge (Sam Karmann), un dentiste pour stars, et Jessica (Hélène de Fougerolles), une femme de mafieux au QI désastreux.

« Ce soir, évitez de vous faire sucer ! »

Rien de bien subtil n’émerge de ces Dents de la nuit, comme on peut s’y attendre, et ceux qui ne jurent que par Le Bal des vampires en termes de parodies aux dents longues risquent fort de soupirer d’exaspération face à cette comédie potache qui cherche à ratisser large et ne fait jamais dans la dentelle (« Ce soir, évitez de vous faire sucer » annonce d’emblée l’affiche du film !). Pourtant, Les Dents de la nuit ne manque pas d’attraits. Sa petite troupe de comédiens joue le jeu de l’autodérision avec une bonne humeur franchement communicative. Voir Tcheky Karyo cabotiner en comte vampire désabusé, Hélène de Fougerolles jouer la blonde désespérément décérébrée ou Sam Karman entrer dans la peau d’un chirurgien-dentiste imbu de lui-même (qui avoue « prendre du plaisir dans la bouche des autres » !) s’avère très jouissif. D’autre part, l’aspect purement fantastique du film est assumé à 100%, par l’entremise d’effets spéciaux de maquillage extrêmement efficace conçus par le maquilleur Pierre-Olivier Persin (The Substance) et réalisés par une équipe intégrant jusqu’à soixante artistes lorsque des vingtaines de vampires nécessitent leurs bons soins cosmétiques à base de silicone et de latex. Certes, le scénario des Dents de la nuit n’a rien de transcendantal et ses rebondissements ne marqueront guère les mémoires. Mais l’initiative demeure sympathique et le résultat tout à fait divertissant. Bref, voilà un petit plaisir coupable à partager de préférence entre copains.

 

© Gilles Penso


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DANGER DIABOLIK (1968)

Un super criminel, équipé de multiples gadgets et d’un repaire souterrain imprenable, multiplie les forfaits face à une police impuissante…

DANGER DIABOLIK

 

1968 – ITALIE / FRANCE

 

Réalisé par Mario Bava

 

Avec John Philip Law, Marisa Mell, Michel Piccoli, Adolfo Celi, Claudio Gora, Mario Donen, Renzo Palmer, Terry-Thomas

 

THEMA SUPER-VILAINS

Juste après le tournage de Barbarella, le producteur Dino de Laurentiis décide de poursuivre dans la voie de la bande dessinée pop en adaptant un « fumetti » (comics italien) très populaire baptisé Diabolik, œuvre des sœurs Angela et Luciana Giussani. Le premier réalisateur envisagé est Seth Holt (Hurler de peur, Confession à un cadavre), mais De Laurentiis n’est guère satisfait par son approche et c’est finalement Mario Bava qui hérite du bébé. Après avoir incarné l’ange aveugle de Barbarella, John Philip Law entre dans la peau du super criminel Diabolik. Sous les conseils de Roger Vadim, le rôle d’Eva, sa petite-amie, est d’abord confié à Catherine Deneuve, avant que tout le monde n’admette que c’est une erreur de casting. C’est finalement Marisa Mell qui la remplace. Insaisissable, tout de noir vêtu, équipé de gadgets futuristes et caché dans un spectaculaire repaire souterrain, Diabolik ne cesse de déjouer les plans de l’inspecteur de police Ginko (Michel Piccoli). Il dérobe ainsi la coquette somme de dix millions de dollars dans un convoi sur le point de s’embarquer, puis subtilise un collier d’émeraudes dans la tour d’un château pourtant sévèrement gardé. Le chef d’une bande de gangsters (Adolfo Celi), qui souffre de cette concurrence déloyale, décide de faire un pacte avec Ginko afin de se débarrasser une fois pour toutes de Diabolik…

Danger Diabolik est d’abord un régal pour les yeux. Extrêmement stylisé, serti dans une somptueuse photographie Technicolor, le film cligne ouvertement de l’œil vers James Bond dont la popularité est alors en plein essor. La caverne dans laquelle se réfugient Diabolik et sa belle, par exemple, se réfère ouvertement aux repaires des super-vilains les plus exubérants de la saga 007. Si ce n’est que cette fois-ci, ironiquement, le héros du film est le méchant. Adolfo Celi lui-même, interprète du redoutable mafieux qui tente de passer un accord avec la police pour éliminer Diabolik, était le Largo d’Opération tonnerre. Michel Piccoli joue ici un inspecteur dindon de la farce, variante « sérieuse » du Juve incarné par Louis de Funès dans les Fantomas de Hunebelle. À ses côtés, Terry-Thomas est délectable en ministre de l’intérieur dépassé par les événements. Bava s’amuse d’ailleurs à opposer le bavardage incessant des autorités et le mutisme de Diabolik et d’Eva, qui s’expriment plus volontiers par le regard et le langage corporel que par les mots. On note au passage que Mario Bava détourne le fétichisme du cuir noir, qu’il associait jusqu’à présent aux assassins adeptes de l’arme blanche, pour le muer en vecteur de mystère et de séduction.

J’veux du cuir !

Nanti d’un budget de trois millions de dollars – le plus confortable de toute sa carrière de cinéaste -, Mario Bava peut aller jusqu’au bout de ses idées, concoctant quelques séquences d’action mémorables comme la poursuite entre la jaguar et l’hélicoptère à flanc de montagne, l’escalade vertigineuse de la tour par un Diabolik tout de blanc vêtu, le double saut en parachute ou encore le déraillement explosif d’un train sur un pont suspendu. Roi du bricolage et du système D, le réalisateur met à contribution son savoir-faire dans le domaine des maquettes et des perspectives forcées pour minimiser les coûts de certaines séquences et obtenir des résultats frôlant le surréalisme. Décidément très inspiré, le roi du giallo enchaîne les scènes folles, du portrait-robot d’Eva qui se constitue sous forme d’un dessin animé aux ébats amoureux du couple sous des milliers de billets de banque, en passant par le gaz hilarant qui sabote une conférence de presse très sérieuse ou le final baroque qui semble presque cligner de l’œil vers Goldfinger. Bava nous donne vraiment le sentiment de voir une BD s’animer en prises de vues réelles, ce qui n’est pas si fréquent malgré l’infinité de comics qui ont été adaptés à l’écran. Sa vision, son inventivité et ses dons d’esthète font toute la différence. Danger Diabolik ne connaîtra pourtant qu’un succès modéré, annulant l’idée de la suite que De Laurentiis espérait produire dans la foulée. Depuis, le film a largement été réévalué, hissé désormais au rang d’objet de culte, voire de classique d’une époque où le psychédélisme et l’art pop étaient rois.

 

© Gilles Penso


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