MAID DROID ORIGINS (2024)

Un concepteur d’androïdes reçoit la visite d’une de ses premières créations : une jeune femme artificielle prise de pulsions homicides…

MAID DROID ORIGINS

 

2024 – USA

 

Réalisé par Rich Mallery

 

Avec Katie Kay, Bryan Brewer, Cassie Ghersi, Fawn Winters, Chris Spinelli, Bryan Mittelstadt, Emiko Ishii, Tyler Delaney

 

THEMA ROBOTS

Voilà bien une suite qu’on n’attendait pas. Sans être honteux, Maid Droid n’était pas non plus un film follement mémorable, s’efforçant d’aborder la thématique de nos relations aux robots avec un budget minuscule, une direction artistique réduite à sa plus simple expression, des acteurs visiblement débutants et une pincée d’érotisme pour faire bonne mesure. Il faut croire que ce long-métrage indépendant fut rentable, puisque Rich Mallery se lance l’année suivante dans une suite, ou plutôt une prequel, d’où le titre Maid Droid Origins. Cela dit, au-delà du concept d’androïdes féminins en tenue de femme de ménage sexy qui finissent par se dérégler, les liens entre les deux films restent assez ténus. Maid Droid et Maid Droid Origins n’ont d’ailleurs aucun personnage en commun, même si quelques indices laissent effectivement entendre que les événements racontés dans celui-ci se déroulent avant ceux du film précédent. Nous avons par exemple ici affaire aux robots du modèle X1, alors que le premier Maid Droid mettait en scène une unité X5. Pour le reste, les deux volets de ce modeste diptyque peuvent s’apprécier indépendamment.

Eve (Katie Kay) est une androïde conçue par la compagnie Syndell pour satisfaire ses clients. Même si elle porte une jolie tenue d’employée de maison, ses missions sont rarement liées au ménage et au repassage. Alors qu’elle fait l’amour avec un homme qui a loué ses services, une pulsion soudaine et inexplicable la pousse à resserrer ses mains autour de son cou et à l’étrangler jusqu’à ce qu’il rende son dernier souffle. Choquée par ce qu’elle vient de faire, ne sachant pas où aller, l’androïde décide de se réfugier chez le roboticien Timothy (Bryan Brewer) qui fut son concepteur. Peut-être saura-t-il lui expliquer pourquoi elle s’est muée en meurtrière. Engagé dans une relation compliquée avec sa femme Belle (Cassie Ghersi), une working girl froide et distante, Timothy se sent très proche d’Eve, qui fut son premier modèle. Il accepte donc de la diagnostiquer pour comprendre ses accès de violence. Mais il opère secrètement en la cachant dans son garage pour éviter d’éveiller les soupçons de Belle. Et bientôt, des sentiments inattendus commencent à se développer entre l’homme et la machine…

Ménage à trois

Rich Mallery est décidément un réalisateur aux intentions insaisissables. De prime abord, Maid Droid Origins est un petit film érotique au vague prétexte science-fictionnel, comme l’annonce son poster aguicheur qui se calque fidèlement sur celui du premier film (à part le remplacement d’actrice, on ne voit guère de différence). Le scénario essaie pourtant de traiter très sérieusement les mêmes thèmes que ceux de Blade Runner, plaçant la capacité des androïdes à rêver, ressentir des émotions, aimer et se faire aimer au cœur de ses enjeux. De fait, ce petit huis-clos joué par une minuscule poignée d’acteurs semble presque vouloir se positionner comme un drame psychologique aux répercussions métaphysique. Le grand écart entre les ambitions du script et la patine du résultat final est vertigineux. Car entre deux échanges de dialogues philosophiques (« Pourquoi est-ce que j’existe ? », « Pour pouvoir profiter des expériences qu’offre le monde »), Mallery dénude gentiment ses deux actrices principales et multiplie les séquences fétichistes, son héros roboticien étant adepte des relations SM. Force est tout de même de reconnaître que l’histoire se tient mieux que celle du premier film et qu’un twist de dernière minute permet de faire rebondir l’intrigue de manière intéressante. Pas de quoi s’extasier, certes, mais l’effort – pour maladroit et erratique qu’il soit – mérite d’être salué.

 

© Gilles Penso


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BUFFY TUEUSE DE VAMPIRES (1992)

Avant la série culte, il y eut ce long-métrage sympathique mais lourdaud avec Kristy Swanson, Donald Sutherland et Rutger Hauer…

BUFFY THE VAMPIRE KILLER

 

1992 – USA

 

Réalisé par Fran Rubel Kuzui

 

Avec Kristy Swanson, Donald Sutherland, Paul Reubens, Rutger Hauer, Luke Perry, Michele Abrams, Hillary Swank, Paris Vaughan, David Arquette, Randall Batinkoff

 

THEMA VAMPIRES

En se laissant inspirer par des films tels que La Nuit de la comète, Génération perdue et Aux frontières de l’aube, Joss Whedon, scénariste des séries Roseanne et Parenthood, imagine un long-métrage qui mêlerait les vampires et les teenagers, en équilibre permanent entre la comédie et l’horreur. La 20th Century Fox se laisse séduire par le concept et lance Buffy tueuse de vampires dont la mise en scène est confiée à Fran Rubel Kuzui (réalisatrice de la comédie acidulée Tokyo Pop). Si le premier rôle est assuré par la jeune Kristy Swanson (La Folle journée de Ferris Bueller, L’Amie mortelle, Hot Shots !), quelques vétérans prestigieux assurent les seconds rôles, notamment Donald Sutherland et Rutger Hauer. Mais Joss Whedon va aller de déconvenue en déconvenue pendant les préparatifs puis le tournage du film. Sa première déception est liée à Sutherland, un acteur dont il admire l’immense talent mais qui décide d’improviser sans cesse, réécrivant ses dialogues et ses scènes jusqu’à les rendre incompréhensibles. Le pire vient cependant des cadres de la Fox, qui trouvent le scénario trop sombre, qui n’en comprennent pas l’humour, et qui le modifient donc totalement jusqu’à le rendre méconnaissable. Furieux, Whedon décide de quitter le tournage et de ne plus y remettre les pieds.

Buffy Summers (Kristy Swanson) est pom-pom girl au lycée Hemery de Los Angeles. Ses principales préoccupations consistent à s’adonner au shopping, traîner avec ses amies snobinardes (parmi lesquelles une toute jeune Hillary Swank) et passer du bon temps avec son petit ami Jeffrey (Randall Batinkoff). Mais dans ses rêves, Buffy imagine qu’elle est un personnage du passé luttant contre un être maléfique nommé Lothos (Rutger Hauer). Un jour, au lycée, elle est abordée par un certain Merrick (Donald Sutherland). Cet homme étrange lui apprend qu’elle est « l’Élue », destinée à tuer les vampires qui règnent à la surface de la Terre, et que son rôle à lui est de la guider. « J’entraîne des filles pour en faire des terreurs », affirme-t-il. « J’ai fait ça au cours de cent vies. » En toute logique, Buffy l’envoie balader. Mais elle est bien obligée de se rendre à l’évidence lorsque Merrick décrit avec précision les rêves récurrents qui la hantent. De plus, la jeune femme découvre bientôt qu’elle possède des capacités surhumaines, comme une agilité, des sens et une endurance accrus. Mais cette lycéenne frivole et désinvolte sera-t-elle à la hauteur de sa mission ?

« J’ai école demain ! »

Face au résultat final, il n’est pas difficile d’imaginer le désarroi de Joss Whedon. Car le film, sous prétexte de séduire le public adolescent, insiste sur la stupidité congénitale de ses personnages principaux. Les pom-pom girls hilares se pâment donc devant un blouson qui leur plaît, gloussent grassement au cinéma et se lancent dans des débats désespérants sur les problèmes environnementaux (selon elles il faudrait soit supprimer la couche d’ozone, soit se débarrasser de tous les insectes, soit arrêter de marcher sur la terre). Les choses passeraient sans doute mieux si Buffy tueuse de vampires assumait son caractère parodique et sa lecture au second degré. Mais le film ne sait visiblement pas sur quel pied danser, comme s’il s’improvisait au fur et à mesure. Il nous faut donc subir des dialogues improbables (« Je n’ai aucune raison d’être dans un cimetière avec un étrange bonhomme qui chasse les vampires alors que j’ai école demain ! »), des séquences grotesques (le vampire qui joue au basket, façon Teen Wolf), des gags mal fichus (le censeur qui distribue des punitions aux cadavres en plein bal de fin d’année) et le cabotinage embarrassant de Sutherland et Hauer. Il faut tout de même reconnaître que Kristy Swanson se donne à fond du point de vue de l’implication physique, multipliant les combats, les acrobaties et les chorégraphies avec une belle énergie. Sa performance élève un peu le niveau du film. Whedon, lui, prendra sa revanche en initiant plus tard la série Buffy et les vampires, bien plus conforme à sa vision première.

 

© Gilles Penso


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HERETIC (2024)

À contre-emploi, Hugh Grant incarne un homme étrange que viennent visiter deux jeunes missionnaires envoyées par une église mormone…

HERETIC

 

2024 – USA / CANADA

 

Réalisé par Scott Beck et Bryan Woods

 

Avec Hugh Grant, Sophie Thatcher, Chloe East, Topher Grace, Elle Young, Julie Lynn Mortensen, Elle McKinnon, Hanna Huffman, Anesha Bailey, Miguel Castillo

 

THEMA TUEURS I DIEU, LES ANGES ET LA BIBLE

Scott Beck et Bryan Woods ayant écrit l’histoire du remarquable Sans un bruit avant de se lancer dans la mise en scène du poussif 65 : la Terre d’avant, il était difficile de savoir à quoi s’attendre face à leur nouvel opus, un thriller horrifique bâti autour du sujet épineux de la croyance religieuse. L’idée leur vient suite à une série de discussions tournant autour de deux films n’ayant à priori aucun lien l’un avec l’autre : Le Souffle de la haine et Contact. « Beaucoup de films d’horreur utilisent le catholicisme comme justification d’une sorte de menace surnaturelle », explique Bryan Woods. « Mais il est très rare de voir des films comme ceux de Stanley Kramer et Robert Zemeckis capables de discourir de manière adulte sur la religion tout en restant destinés au grand public. Nous rêvions nous-mêmes, avec Scott, de réaliser un jour un film qui aborde tous nos sentiments, toutes nos peurs, toutes les choses que nous trouvons belles et terrifiantes à propos de la religion. Mais pour être honnête, cela semblait impossible. » (1) Il faudra un drame personnel, le décès du père de Bryan Woods, pour décider les deux hommes à franchir le pas. Choisir Hugh Grant pour incarner le rôle principal, celui d’un homme étrange au comportement de plus en plus inquiétant, peut sembler surprenant. Mais l’ex-star des comédies romantiques des années 90 cherche justement à casser son image. En ce sens, Heretic tombe à point.

Pour éviter de décrire le mormonisme de manière caricaturale et simpliste, Beck et Woods s’entretiennent avec de nombreux représentants de l’église et poussent même la minutie jusqu’à embaucher dans le rôle des deux jeunes missionnaires du film deux actrices qui furent elles-mêmes élevées dans la religion mormone avant de s’en éloigner. Leur discours, leur comportement et leurs relations sonnent donc très juste. Dès qu’elles entrent en scène, dans le rôle de sœur Barnes et de sœur Paxton, il n’est pas difficile de croire à leurs personnages. L’une semble confiante et plutôt sûre d’elle, l’autre timide et un peu plus introvertie. Elles ont répété leur petite routine de nombreuses fois. Aussi, lorsqu’elles pénètrent sur le seuil de la maison de Monsieur Reed, un homme anglais d’âge moyen aux petites manies étranges, leur numéro est bien rôdé. Sauf que Reed, qui les invite à discuter avec lui dans le salon pendant que sa femme prépare une tarte aux myrtilles, a un comportement de plus en plus déconcertant et se met à aborder le sujet de la religion sous un angle embarrassant qui rend la situation très inconfortable. Peu à peu, les choses vont dégénérer…

Crise de foi

L’aspect le plus fascinant d’Heretic est sa remise en question des croyances, de la foi et de l’endoctrinement. L’intention de Scott Beck et Bryan Woods n’est pas nécessairement de tirer à coups de boulets rouges sur les religions mais d’en démonter les mécanismes et d’analyser ce qui pousse les fidèles à se plier à leurs règles, si irrationnelles et incohérentes soient-elles. L’argument que défend Reed face à ses deux visiteuses repose sur l’idée que chaque confession est l’itération (le plagiat ?) d’une conviction précédente, et que toutes ces variantes finissent par masquer ce qu’est la « vraie religion ». Pour étayer son propos, l’homme multiplie les exemples : les jeux de sociétés, les reprises musicales ou les pensées philosophiques et théologiques réadaptées à la culture populaire. Ainsi, une même citation peut évoquer Voltaire ou Spider-Man, Robert Frost ou la Créature du Marais ! L’immaculée conception elle-même n’a-t-elle pas été revisitée dans La Menace fantôme ? Mais Heretic ne se borne évidemment pas à un simple échange d’opinions autour d’une table basse. Le huis-clos devient de plus en plus étouffant, à mesure que l’invitation de Reed prend la tournure d’un piège dont l’issue semble fatale. Discrète, la mise en scène de Beck et Woods n’en est pas moins redoutablement efficace, osant quelques échappées lyriques comme cet hallucinant plan en plongée au-dessus d’une maquette qui fusionne l’espace d’un instant deux échelles distinctes et rappelle le plan d’ouverture d’Hérédité. Heretic est donc une excellente surprise, doublée d’un joli succès critique et public.

 

(1) Extrait d’une interview publiée dans Gizmodo en novembre 2024

 

© Gilles Penso


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COMME UN LUNDI (2022)

Les employés d’une agence de publicité japonaise se rendent compte qu’ils sont coincés dans une boucle temporelle…

MONDAYS : KONO TAIMURUPU, LOOK JOSHI NI KIDZUNKA SENAI TO OWARANAI

 

2022 – JAPON

 

Réalisé par Ryo Takebayashi

 

Avec Ryo Ikeda, Wan Marui, Makita Sports, Yûgo Mikawa, Koki Osamura, Kotaro Yagi, Haruki Takano, Momoi Shimada

 

THEMA VOYAGES DANS LE TEMPS

Akemi Yoshikawa (Wan Marui), une employée de bureau japonaise, a une échéance urgente à respecter dans le cadre de son travail au sein de l’agence de publicité qui l’emploie. Or ses collègues Takuto Endо̄ (Koki Osamura) et Ken Murata (Yûgo Mikawa) sont convaincus d’être piégés dans une boucle temporelle, ce qui expliquerait pourquoi ils ont le sentiment de revivre sans cesse la même semaine. Après qu’ils aient réussi à lui indiquer l’avenir à plusieurs reprises, et après avoir elle-même revécu les mêmes événements, Yoshikawa se rend compte qu’ils disent la vérité. Ils doivent alors convaincre le reste du personnel, puis trouver la solution pour sortir de cette boucle…

Honoré du prix du meilleur premier film et de celui du meilleur montage aux Japanese Movie Critics Awards, le jeune réalisateur Ryo Takebayashi a choisi le ton de la comédie pour attaquer de front la culture du travail, connue au Japon pour entretenir l’esprit d’équipe d’employés dévoués et loyaux. En piégeant ses personnages dans le bureau d’une agence de pub par le biais d’une boucle temporelle hebdomadaire, le film donne à réfléchir aux limites du modèle nippon. C’est en conscientisant la répétition du quotidien que le scénario se tisse pour faire émerger la valeur de chaque individu, ainsi que le sens que chacun donne à sa vie. Que reste-t-il à celui qui a sacrifié ses rêves, comme le temps qu’il aurait pu passer avec sa famille ou ses amis plutôt que devant son ordinateur au travail ? Au pays des kamikazes et du hara-kiri, si ces rituels ancestraux appartiennent au passé, dans le Japon moderne, le taux de suicide et de burn out par excès de travail n’est pourtant pas anodin, au point que des entreprises sont passées à la semaine de quatre jours pour combattre le fléau.

Vous détestez les lundis ? Elle aussi !

Akemi, elle, rêve d’intégrer une agence concurrente tenue par une femme de pouvoir célèbre qui domine le marché. A cette fin, elle utilise l’anomalie de cette semaine qui se répète pour accélérer la cadence et améliorer son travail. Mais tout s’avère vain, à moins d’arriver à sortir de la boucle temporelle. Pour cela, elle et ses collègues doivent faire preuve de lucidité et s’unir pour s’appuyer sur les compétences de chacun et découvrir ce qui déclenche cette malédiction. Il leur faudra d’abord apprendre à se connaître pour se faire confiance et miser sur tout ce qui les rend uniques en tant qu’individu pour sortir de ce piège temporel. Tourné dans un seul lieu, le bureau, avec un budget restreint et un temps de tournage tout aussi famélique, c’est en redoublant d’inventivité et en maitrisant l’espace dans tous ses recoins que cette comédie, servie avec humour par sa comédienne principale, tire son épingle du jeu.

 

© Quélou Parente


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UNE HACHE POUR LA LUNE DE MIEL (1970)

Un tueur psychopathe assassine méthodiquement les jeunes femmes en robe de mariée pour régler un vieux traumatisme d’enfance…

IL ROSSO SEGNO DELLA FOLIA

 

1969 – ITALIE / ESPAGNE

 

Réalisé par Mario Bava

 

Avec Stephen Forsyth, Dagmar Lassander, Laura Betti, Jesus Puente, Femi Benussi, Antonia Mas, Luciano Pigozzi, Gérard Tichy, Veronica Llimera

 

THEMA TUEURS

En 1968, Mario Bava sort tout juste du tournage de Danger Diabolik, une superproduction financée par Dino de Laurentiis qui n’aura pas le succès escompté et ne se muera que plus tard en film culte. Le cinéaste entend bien ne pas perdre le rythme et accepte donc la proposition du producteur espagnol Manuel Caño, futur réalisateur de quelques curiosités frôlant dangereusement la nanardise comme La Vengeance du zombie ou Tarzan et l’arc-en-ciel. Caño offre à Bava la mise en scène d’Une hache pour la lune de miel, un film d’horreur écrit par Santiago Moncada (La Cloche de l’enfer) et coproduit par Giuseppe Zaccariello (Femina Ridens). Le rôle masculin principal est proposé à l’acteur canadien Stephen Forsyth, que Bava sélectionne principalement pour sa photogénie (et peut-être aussi pour une certaine ressemblance avec John Philip Law qu’il vient de diriger dans Danger Diabolik). Pour lui donner la réplique, le coproducteur Zaccariello propose sa protégée Dagmar Lassander, une comédienne d’origine tchèque habituée aux rôles plus ou moins déshabillés. Mais pendant les préparatifs, l’actrice Laura Betti, qui vient de triompher dans Théorème de Pasolini, appelle Bava pour lui faire savoir son envie de travailler avec lui. Aussitôt, le cinéaste modifie le scénario afin de lui accorder une présence consistante, quitte à bouleverser la cohérence déjà fragile du récit et à provoquer la jalousie de Dagmar Lassander, pas très heureuse de partager le feu des projecteurs avec une « rivale ».

Situé à Paris mais principalement tourné à Barcelone, Une hache pour la lune de miel commence par un générique très coloré en animation, preuve que l’inventif Mario n’a rien perdu de sa créativité. Dès l’entame, les deux principales maladresses du film sautent hélas aux yeux des spectateurs : des dialogues d’une grande naïveté et un jeu d’acteurs très approximatif. Lorsque Stephen Forsyth se rase face à son miroir, se lance en voix off dans un monologue improbable (« Les mystères de la vie ont fait de moi un paranoïaque ») et écarquille les yeux pour bien nous faire comprendre son trouble mental, un rire involontaire saisit les spectateurs. Le scénario de Santiago Moncada, retravaillé officieusement par Mario Bava, Laura Betti et Mario Musy Glori, s’intéresse à un grand designer de robes de mariées qui est incapable de contrôler ses pulsions meurtrières et assassine donc les jeunes femmes lorsqu’elles sont revêtues de leurs tenues de noces… autrement dit la grande majorité des modèles qui travaillent pour lui ! Dans une chambre secrète, il entrepose de nombreux mannequins en plastique revêtus des robes dont il est le designer et s’efforce de comprendre le traumatisme d’enfance qui l’a conduit à la psychopathie…

Les noces funèbres

L’intrigue policière se révélant artificielle et maladroite et le fin mot de l’histoire cherchant ses sources chez Alfred Hitchcock (principalement dans Psychose et Pas de printemps pour Marnie), l’intérêt majeur d’Une hache pour la lune de miel réside ailleurs. Malgré la faiblesse du budget à sa disposition, Bava parvient en effet à transcender cette histoire somme toute sommaire par ses dons d’esthète toujours vivaces, sa mise en scène virtuose et quelques morceaux de bravoure dont il a le secret, déclinant au passage son obsession récurrente pour les mannequins (on pense notamment à Six femmes pour l’assassin qui se déroulait aussi dans le milieu de la haute couture). Nous garderons notamment en mémoire cette séquence de suspense savoureuse au cours de laquelle l’épouse de notre « héros », qu’il vient de trucider, agonise dans l’escalier et perd son sang au moment précis où la police entre dans l’appartement. Le tueur, pour expliquer le cri qu’a entendu le voisinage, montre alors aux policiers le film qu’il est en train de regarder à la télévision : Les Trois visages de la peur ! Jouant sans cesse sur la confusion entre la réalité et l’illusion (qu’elle soit justifiée par les rêves, les fantasmes, les souvenirs ou le monde imaginaire), Une hache pour la lune de miel s’amuse ensuite à faire réapparaître cette défunte. Les autres protagonistes continuent ainsi à voir la mariée assassinée, à la grande frayeur du coupable qui essaie en vain de se débarrasser du sac contenant ses cendres – lequel sac ne cesse de revenir le hanter. Tourné en 1968, le film connaît de gros problèmes de distribution et ne sera distribué que deux ans plus tard. La France n’aura droit qu’à une exploitation en VHS dans les années 80, sous le titre abusif de La Baie sanglante 2 !

 

© Gilles Penso


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LES SÉVICES DE DRACULA (1971)

Peter Cushing affronte deux jumelles maléfiques dans cette histoire de vampire qui, malgré son titre français, n’a rien à voir avec Dracula…

TWINS OF EVIL

 

1971 – GB

 

Réalisé par John Hough

 

Avec Peter Cushing, Dennis Price, Mary Collinson, Madeleine Collinson, Isobel Black, Kathleen Byron, Damien Thomas, David Warbeck, Katya Wyeth

 

THEMA VAMPIRES

Au début des années 70, alors que la Hammer s’apprête à lancer les préparatifs d’un film provisoirement titré Vampire Virgins (« Les vierges vampires »), le producteur Harry Fine découvre dans une double page du magazine Playboy les sœurs jumelles Mary et Madeleine Collinson et prend la décision de concevoir un film entier autour de ces deux jeunes femmes. Ainsi naît Twins of Evil (littéralement « Les jumelles du mal »), dont l’intrigue se situe au 19ème siècle, quelque part en Europe. Pour des raisons pratiques et économiques, le film utilise les mêmes décors que Le Cirque des vampires, distribué un an plus tard. Les Collinson incarnent deux ravissantes sœurs jumelles orphelines, Maria et Frieda Gellhorn, qui quittent Venise pour venir s’installer chez leur oncle Gustav Weil (Peter Cushing). Celui-ci, un puritain exalté, dirige d’une poigne de fer une secte religieuse qui traque partout ceux qui sont soupçonnés de pactiser avec le démon et les soumet à une mort brutale. Mais le véritable instigateur du mal, le comte Karnstein (Damien Thomas), lui échappe. Et bientôt, l’une des deux nièces de Weil se laisse tenter par le malin…

Futur réalisateur attitré du studio Disney (L’île au trésor, La Montagne ensorcelée, Les Visiteurs d’un autre monde, Les Yeux de la forêt) mais aussi signataire de films d’épouvante singuliers (La Maison des damnés, Incubus), John Hough fait démarrer Les Sévices de Dracula sur des chapeaux de roue. En une poignée de minutes, il nous décrit la folie fanatique du personnage incarné par Peter Cushing, à la tête d’une cavalcade de « chevaliers du bien » érigeant un bûcher pour occire une malheureuse accusée de sorcellerie. Ses battues aléatoires, qui semblent plus motivées par la frustration sexuelle que par une supposée croisade divine, sont-elles plus louables que les rites sanglants auxquels s’adonne pour le plaisir le maléfique comte Karnstein, émule lubrique du marquis de Sade ? Difficile à dire. Le refus d’un manichéisme trop tranché n’est pas l’un des moindres atouts de ce film sulfureux témoignant à travers ses écarts érotiques de la tournure prise par les films Hammer au début des années 70.

La fin d’une trilogie ?

 « A quoi bon pencher pour le bien si cela signifie chanter des hymnes et prier toute la journée ? », s’exclame ainsi l’impertinente Frieda, peu insensible aux charmes de Karnstein. Bien entendu, le titre français est gentiment mensonger, puisque Dracula n’a pas sa place dans ce récit qui se laisse plus volontiers influencer par la nouvelle Carmilla de Sheridan le Fanu, déjà source d’inspiration de The Vampire Lovers et de La Soif du vampire. Ces trois films sont d’ailleurs souvent considérés comme les volets d’une même trilogie, même si aucune trame narrative directe ne les relie. Peu avares de leurs charmes, les sœurs Collinson tiennent ici leur premier rôle. Leur prestation est tout à fait honorable, même si elles seront finalement post-synchronisées par des comédiennes britanniques à cause de leur fort accent maltais. Le final de cette fable cruelle, qui fut exploitée aux États-Unis en double programme avec La Fille de Jack l’éventreur, accumule les visions choc et se laisse aller à quelques débordements gore surprenants. Une adaptation en bande-dessinée, illustrée par l’artiste catalan Blas Gallego, sera publiée dans la foulée de la sortie du film.

 

© Gilles Penso


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DANGEREUSE ALLIANCE (1996)

Quatre lycéennes s’initient à la sorcellerie et s’entraînent à lancer des sorts. Mais la magie a des revers très inquiétants…

THE CRAFT

 

1996 – USA

 

Réalisé par Andrew Fleming

 

Avec Robin Tunney, Fairuza Balk, Neve Campbell, Rachel True, Skeet Ulrich, Christine Taylor, Breckin Meyer, Nathaniel Marston, Cliff De Young

 

THEMA SORCELLERIE ET MAGIE

C’est le producteur Douglas Wick (Wolf) et le scénariste Peter Filardi (L’Expérience interdite) qui sont à l’origine de Dangereuse alliance. Leur idée consiste à mêler deux éléments complémentaires : la création d’un cercle très fermé de lycéennes et l’initiation à la sorcellerie. Une fois un premier jet de scénario écrit, Andrew Fleming (Panics) est engagé pour mettre en scène le film. L’expérience combinée des trois hommes, ayant chacun abordé le genre fantastique sous un angle différent, semble pouvoir accoucher d’une œuvre novatrice et prometteuse. La quête des quatre actrices principales n’est pas simple. Après avoir auditionné près d’une centaine de jeunes candidates – parmi lesquelles Angelina Jolie, Scarlett Johansson et Alicia Silverstone -, le choix se porte finalement sur Robin Tunney, Rachel True, Fairuza Balk et Neve Campbell, tandis que Skeet Ulrich est choisi pour incarner un lycéen envoûté. Les spectateurs qui avaient découvert Fairuza Balk sous les traits de la mignonne Dorothy de OZ un monde extraordinaire s’étonneront de la retrouver dans la peau d’une sorcière au look gothique agressif. Quelques mois plus tard, elle allait réapparaître en femme-chat dans L’Île du docteur Moreau de John Frankenheimer. Neve Campbell et Skeet Ulrich, de leur côté, enchaîneront quasi-immédiatement le tournage de Dangereuse alliance avec celui de Scream.

Sarah Bailey (Robin Tunney), une adolescente perturbée, quitte San Francisco pour s’installer à Los Angeles avec son père et sa belle-mère. Dans son nouveau lycée, elle se lie d’amitié avec un trio de filles singulières et marginales. Bonnie Harper (Neve Campbell), dont le dos est couvert de brûlures suite à un accident de voiture, Nancy Downs (Fairuza Balk), qui vit dans une caravane avec sa mère et son beau-père violent, et Rochelle Zimmerman (Rachel True), une jeune fille noire victime de brimades. Ensemble, elles s’adonnent secrètement à la sorcellerie et convainquent Sarah de compléter leur cercle magique. Les quatre éléments étant réunis, elles peuvent demander à Manon, la puissante entité qu’elles adorent, d’exaucer tous leurs souhaits. Au début, leurs sorts fonctionnent à merveille. La blonde raciste qui harcèle Rochelle perd ses cheveux, le beau footballeur qui s’était moqué de Sarah tombe raide amoureux d’elle, les cicatrices et les brûlures de Bonnie disparaissent miraculeusement, Nancy touche l’assurance-vie de son beau-père violent… Mais pratiquer la sorcellerie, c’est comme jouer avec le feu. On n’en mesure pas forcément les conséquences…

Nos sorcières mal aimées

La vision que Dangereuse alliance nous donne de la sorcellerie peut faire sourire, tant elle se barde de clichés. Nos apprenties magiciennes mélangent leur sang avec du vin, allument des bougies, s’habillent tout en noir, marchent au ralenti dans le lycée sur de la musique cool, regardent Ma sorcière bien aimée à la télévision… La subtilité n’est visiblement pas à l’ordre du jour. Les héroïnes elles-mêmes cumulent toutes les névroses adolescentes en un patchwork qui préfère l’accumulation à la profondeur : l’une est suicidaire, l’autre complexée par son physique, la troisième victime de discrimination, la dernière obligée de cohabiter avec un beau-père abusif et violent. Ce sont des sujets sérieux, à ne pas prendre à la légère, mais le film s’en sert principalement de gimmicks. Dans Dangereuse alliance, tout semble ainsi survolé avec superficialité, comme s’il ne fallait pas trop encombrer l’esprit du public teenager auquel le film est principalement destiné. La toute puissante divinité Manon – une invention pure des scénaristes – semble d’ailleurs reléguée au statut d’émule du Génie d’Aladin, exauçant les vœux du quatuor comme s’il surgissait d’une lampe magique. Reconnaissons tout de même les qualités de la mise en scène d’Andrew Fleming, qui nous offre en guise de climax une scène à faire pâlir d’envie la saga Indiana Jones dans laquelle des milliers de bestioles repoussantes envahissent la maison de Sarah. Gros succès en salles, Dangereuse alliance aura droit à une suite tardive en 2020, The Craft : les nouvelles sorcières.

 

© Gilles Penso


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SEA SPARKLE (2023)

Lorsque son père disparaît en mer, une jeune fille tente de prouver qu’un gigantesque monstre marin est la cause du naufrage…

ZEEVONK

 

2023 – BELGIQUE / PAYS-BAS

 

Réalisé par Domien Huyghe

 

Avec Saar Rogiers, Dunia Elwaleed, Sverre Rous, Valentij Dhaenens, Hilde De Baerdermaeker, Thibaud Dooms, Lia Van Heck, Nika Petrovic

 

THEMA MONSTRES MARINS

Alors qu’il était à peine plus âgé que l’adolescente héroïne de son film, le réalisateur Domien Huyghe a cherché en vain des récits pour l’aider à surmonter la mort de son père. Sea Sparkle, son premier film, est venu combler ce manque. C’est en quelque sorte un acte de résilience, comme pour sa sœur, l’autrice et scénariste belge Wendy Huyghe qui co-signe le scénario (basé sur son propre roman éponyme) avec le scénariste flamand Jean-Claude Van Rijckeghem. Léna est une adolescente joyeuse qui vit en bord de mer, fait du skate-board, gagne des compétitions de voile avec ses amis sous la responsabilité et le regard bienveillant d’un ami de la famille, moniteur du club, et avec la complicité de son père Toine, un intrépide navigateur. Tel père, telle fille : à l’instar de son héros, Léna semble n’avoir peur de rien. Les yeux fixés sur l’horizon, son avenir se présente radieux. Jusqu’au jour où le bateau de pêche de son père, parti avec deux autres camarades marins à son bord, ne rentre pas au port. Les cendres des trois hommes à peine dispersées dans la mer, les rumeurs montent.

Ce jour-là, n’était-il pas imprudent de prendre la mer avec une météo qui demandait de faire preuve de vigilance ? Toine n’a-t-il pas, dans sa témérité et avec son enthousiasme, entrainé ses amis dans la mort ? Lena balaie les on-dit, elle a vu le monstre qui a certainement percuté le bateau. Toine ne peut pas être responsable du naufrage. En colère, déterminée, elle va continuer d’enquêter malgré les reproches de son entourage qui ne peut pas croire à cette histoire extravagante. Avec la complicité de Vincent, un jeune garçon solitaire et ingénieux qu’elle va d’abord agresser, sous-estimer et finalement apprécier à sa juste valeur, elle va cheminer vers la résolution de cette énigme, sa façon à elle de supporter l’absence de celui qui était normalement chargé de sa protection, et d’en faire son deuil.

Le kaiju invisible

Avec sa palette d’émotions et d’interactions des plus sensibles, bénéficiant d’une image au plus près des personnages, Sea Sparkle est un film lumineux qui frôle le fantastique et s’en écarte pour mieux nous parler de l’écosystème marin et de créatures non répertoriées que le réchauffement des océans pourrait faire apparaître en Mer du nord. Le film nous fait trembler et rêver au même titre qu’une fiction ancrée sur l’imaginaire, au delà de son but atteint de dépeindre les phases qu’un être humain peut traverser face aux tragédies. Un film suffisamment singulier qui, malgré son absence de kaiju, ou d’animal fabuleux, par ses accents allégoriques et son réalisme, maintient notre curiosité et nous interroge sur la nature du « monstre », à l’instar du Moby Dick d’Herman Melville ou d’Abyss de James Cameron, œuvres fictives entre poésie et pragmatisme. A noter la musique d’Angèle feat. Damso qui donne le ton d’un film et qui ne manquera pas de charmer le jeune public.

 

© Quélou Parente


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LE CIRQUE DES VAMPIRES (1972)

Au 19ème siècle, un village en quarantaine est visité par un cirque ambulant que dirigent de redoutables suceurs de sang…

VAMPIRE CIRCUS

 

1972 – GB

 

Réalisé par Robert Young

 

Avec Adrienne Corri, Thorley Walters, Anthony Higgins, Laurence Payne, John Moulder-Brown, Richard Owens, Lynne Frederick, Elizabeth Seal

 

THEMA VAMPIRES

En découvrant le scénario du Cirque des vampires écrit par Jud Kinberg, James Carreras, président et fondateur de Hammer Films, s’affole. Ses relations avec son fils Michael, à la tête des productions de la compagnie, sont tendues depuis bien longtemps. Il lui fait donc part de ses réserves dans l’un de leurs nombreux échanges épistolaires conservés dans les archives de la Hammer. « Nous avons déjà eu des problèmes considérables par le passé avec la censure », écrit-il. « Je prédis que si le film est tourné tel qu’il est écrit, 50% finira sur le sol de la salle de montage. Essaie un peu d’imaginer les ventes télévisées – qui représentent une grande part de nos revenus. Tu risques de te retrouver avec un film de 50 minutes. Qu’est-il arrivé à nos beaux films de vampires et de Frankenstein que nous faisions sans besoin d’y ajouter tout ce gore et tout ce contenu malsain ? » (1). Nostalgique de l’âge d’or de la Hammer, celui de Frankenstein s’est échappé et Le Cauchemar de Dracula, Carreras Sr. a du mal à épouser l’air du temps et tient à le faire savoir. Son fils lance pourtant la production à peu près telle qu’elle est prévue et en confie les rênes à Robert Young en utilisant les mêmes décors que ceux des Sévices de Dracula.

Futur metteur en scène des comédies britanniques Grandeur et descendance et Créatures féroces, Young n’a encore réalisé aucun long-métrage à cette époque et n’est guère familier avec les méthodes économes de la compagnie. Son tournage finit par prendre un retard considérable. Au bout de sept semaines, Carreras est contraint d’interrompre la production pour stopper l’hémorragie financière et confie les images au monteur Peter Musgrave en lui demandant de se débrouiller avec ce qu’il a. Malgré ces conditions de travail chaotiques, Le Cirque des vampires se tient plutôt bien. L’intrigue se situe en 1810, dans le petit village européen de Schtettel où les jeunes femmes sont corrompues par le comte vampire Mitterhouse (Robert Tayman), maudissant les lieux avant de périr sous les assauts des villageois. Quinze ans plus tard, alors qu’une sorte de peste s’est abattue sur les habitants de Schtettel, le petit « Cirque des Nuits » s’installe dans le village. Or son directeur, Emil (Anthony Higgins), n’est autre que le cousin de Mitterhouse, bien décidé à assouvir une vengeance familiale…

Du sang sur la piste

Le prologue du film donne le ton : nudité, châtiments corporels, sadomasochisme, meurtres sanglants et même la suggestion malsaine d’un acte pédophile. Le spectacle nocturne qu’offre d’ailleurs le cirque aux habitants médusés est loin d’être orthodoxe. N’y voit-on pas une chorégraphie évoquant l’accouplement entre un dompteur de fauve et une femme entièrement nue maquillée en tigre ? De fait, les corps se dénudent souvent dans le film de Young, conformément à la libération des mœurs qui influençait alors le genre fantastique. Mais outre l’érotisme habituellement associé au vampirisme, le mythe se complète ici d’un don magique pour la métamorphose. Non contents de se muer en chauves-souris, les suceurs de sang peuvent adopter l’apparence de fauves, reflet idéal de la bestialité à peine camouflée par leur apparence humaine. L’association du monde du cirque au folklore vampirique est loin d’être inintéressante, même s’il faut reconnaître que l’intrigue du Cirque des vampires finit par patiner un peu en répétant inlassablement les mêmes situations. Les spectateurs attentifs reconnaîtront sous les traits de l’homme fort du cirque, bâti comme une statue d’Hercule, l’acteur David Prowse, qui incarna à deux reprises le monstre de Frankenstein pour la Hammer (dans Les Horreurs de Frankenstein et Frankenstein et le monstre de l’enfer) avant de devenir célèbre sous le casque de Dark Vador. Comme James Carreras l’avait prévu, le film fut sévèrement raccourci et radouci pour son exploitation aux États-Unis et à la télévision.

 

(1) Extrait d’un courrier datant du 26 juillet 1971.

 

© Gilles Penso


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HELL NURSE (2022)

Après avoir été violemment agressée et laissée pour morte, une infirmière pactise avec le diable pour pouvoir se venger…

HELL NURSE

 

2022 – USA

 

Réalisé par Bobby Blood

 

Avec Fiona Kennedy, Nailya Shakirova, Brad Stein, Garvin Lee, Julie Anne Prescott, Bradford Eckart, Lauren Blood, Dai Green, Dorie Knutson Nichols, Rachel Rigall

 

THEMA DIABLE ET DÉMONS

Derrière le pseudonyme de Bobby Blood se cache Bobby Ponte, connu des amateurs de musique punk, rap et métal en tant que batteur des groupes Merauder et Downset. Entre deux concerts, Ponte/Blood réalise des courts-métrages, des clips, des films à sketches et finalement un premier long-métrage, Hell Nurse. « Attention : ce film contient des visions extrêmes de violence, de nudité et de sang » annoncent certaines jaquettes du film, moins pour préserver les spectateurs sensibles que pour attiser la curiosité des autres, bien sûr. Le film se situe dans les années 70, plus précisément quelques semaines avant les événements décrits dans La Nuit des masques si l’on en croit les nombreux clins d’œil au slasher de John Carpenter (notamment la présence de la pierre tombale de Judith Myers dans le cimetière de Smith’s Grove). Le réalisateur tient d’ailleurs à consteller Hell Nurse de clins d’œil au cinéma qu’il aime, qu’il s’agisse du nom de certains personnages (Perkins pour Psychose, Carrie pour le classique de Brian de Palma), d’annonces radio (une publicité pour Un Justicier dans la ville s’entend en début de métrage) ou d’extraits diffusés à la télévision (L’Invasion des araignées géantes et La Malédiction).

Alors qu’elle étudie pour pouvoir devenir infirmière, Darla Perkins (Fiona Kennedy) arrondit ses fins de mois en s’occupant d’un sympathique couple de retraités, les Sinclair. Ces derniers, dont les occupations principales sont le backgammon et les soirées TV, la considèrent un peu comme un membre de leur famille. Mais un soir, trois repris de justice en cavale, Wayne (Brad Stein), Terry (Steve Miller) et Stacy (Rachel Rigall), s’invitent dans la maison, massacrent les Sinclair, violent Darla et la laissent pour morte. Or Darla a survécu. Recueillie dans l’institut psychiatrique de Shady Grove où elle partage sa chambre avec une pensionnaire passablement perturbée, elle quitte les lieux au bout d’un an, visiblement remise de son traumatisme, et commence à travailler comme infirmière assistante dans l’hôpital de Woody Pines. Mais un jour, elle tombe par hasard sur ses agresseurs et décide de prendre sa revanche. Pour y parvenir, Darla fait appel à un culte satanique…

Tripes and Blouses

Hell Nurse sent l’amateurisme à plein nez dès ses premières minutes. Une incrustation hideuse tente de nous faire croire que Darla conduit une voiture, les raccords sont ratés, les décors d’une pauvreté désarmante, les acteurs mauvais comme des cochons, la musique martelée sur un piano qui n’en demandait pas tant, bref ça commence très mal. Pour couronner le tout, l’intégralité des dialogues du film est très maladroitement post-synchronisée. Il y a bien ça et là quelques idées insolites (tous les produits de consommation étiquetés de manière générique avec leur nom écrit en noir sur blanc comme dans le monde achrome d’Invasion Los Angeles), quelques scènes macabres intéressantes (l’héroïne en robe blanche pendue à un arbre au milieu de la nuit, le prêtre satanique qui lui grave le signe du diable sur la poitrine) et une poignée de personnages singuliers (le prêtre lubrique qui met la main aux fesses des infirmières et se masturbe devant les patientes endormies !). Mais tout ça ne mène nulle part. Le spectateur se raccroche alors aux bonnes vieilles recettes du cinéma d’exploitation dont Hell Nurse semble vouloir se réclamer, comme en témoignent les effets de pellicule abîmée façon « grindhouse » : le sexe (via des plans insistants sur la poitrine généreuse de Fiona Kennedy) et le gore (une tête qui explose, une langue arrachée à pleines dents, un visage découpé façon Massacre à la tronçonneuse, un pénis tranché à la scie). Avec une mise en forme un peu plus soignée, le film aurait pu concourir dans la même catégorie que les Terrifier de Damien Leone. Mais le travail de Bobby Blood est beaucoup trop bâclé pour convaincre.

 

© Gilles Penso


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