

Dans cette œuvre vertigineuse et hallucinatoire, un couple parti se retirer dans un chalet isolé perd toute notion de la réalité…
TIERE / BÊTES / ZWIERZETA
2017 – SUISSE / AUTRICHE / POLOGNE
Réalisé par Greg Zglinski
Avec Birgit Minichmayr, Philip Hochmair, Mona Petri, Mehdi Nebbou, Michael Ostrowski
THEMA MORT
C’est en 2007 que le réalisateur autrichien Jörg Kalt écrit le scénario de Animals, en s’inspirant de la célèbre peinture Relativité de M.C. Escher qui brise toutes les lois connues de l’architecture et de la gravité. Kalt entend bien réaliser le film lui-même, mais il se donne la mort juste après avoir écrit le script, à la grande surprise de son entourage. En découvrant ce script dans le cadre de son travail de commissaire à la Fondation du Film de Zurich, Greg Zglinski, ancien élève de Krzysztof Kieslowski, en tombe amoureux et décide de le porter à l’écran, en dédiant le film à la mémoire de son auteur. « Le tableau Relativité a une dynamique très particulière, c’est une image qui bouge », dit-il. « En le traduisant à l’écran, j’ai cherché à retrouver les mêmes sentiments. Le scénario de Jörg Kalt avait déjà cette forme. Je me suis senti très proche de cette histoire. Mes premiers courts métrages en super 8 ne racontaient pas d’histoires, plutôt des impressions, des rêves. Le rêve a toujours eu beaucoup d’importance dans ma vie. Avec Animals, je suis donc en territoire connu. » (1) Soutenu par l’Institut autrichien du cinéma, le Fonds du cinéma de Vienne et Film Location Austria, Animals (connu aussi sous les titres de Bêtes, Tiere ou Zwierzeta) est une coproduction européenne tournée en 2016 à Vienne, en Suisse en en Pologne.


Zglinski braque sa caméra sur deux bourgeois autrichiens dont le couple bat un peu de l’aile. Anna (Birgit Minichmayr), écrivain pour enfants, s’apprête à écrire son premier roman pour adultes. Son époux Nick (Philip Hochmair), chef cuisinier réputé, s’adonne régulièrement à l’adultère. Tous deux se retirent dans un chalet isolé dans les Alpes suisse pour se concentrer sur leurs créations respectives et tenter de sauver leur mariage fragilisé. Le temps de leur absence, ils louent leur appartement viennois à Mischa (Mona Petri), qui ressemble comme deux gouttes d’eau à Andrea, l’amante secrète de Nick, laquelle vit à l’étage du même immeuble. Sur la route, le couple heurte un mouton. Dès lors, la frontière entre la réalité et l’illusion s’estompe. Le temps, les lieux et même les personnages se confondent. Un parallèle bizarre s’établit bientôt entre le chalet et l’appartement, tous deux présentant la particularité de posséder une porte fermée qui donne sur une pièce mystérieuse.
Sens dessus dessous
Même si Roman Polanski, Alfred Hitchcock et David Lynch semblent influencer cette œuvre déroutante, Greg Zglinski affirme un style très personnel et parvient à embarquer ses spectateurs dans un voyage mental déstabilisant dans lequel les chats parlent, les oiseaux kamikazes se jettent contre les murs, les personnages se dédoublent et les situations finissent par former des boucles vertigineuses. Toutes les théories sont permises, y compris celles du rêve ou de la folie. Grâce à ses acteurs très convaincants, sa mise en scène extrêmement élégantes et son scénario aux circonvolutions hallucinatoires, le spectateur se laisse embarquer dans ce voyage mental perturbé, dans l’espoir qu’il y ait une clef derrière toute cette énigme. Il y en a effectivement une, un peu décevante dans la mesure où elle n’est pas d’une folle originalité, même si elle présente l’intérêt de rationnaliser cette intrigue de prime abord totalement incohérente. Toutes les pièces du puzzle finissent donc par s’assembler au cours d’un dénouement pragmatique, un peu comme si un filtre optique permettait de remettre de l’ordre dans les escaliers biscornus de la Relativité de M.C. Escher.
(1) Extrait d’une interview publiée dans Le Temps en juillet 2018
© Gilles Penso
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