SPIDER-MAN NEW GENERATION (2018)

Un film d’une incroyable générosité qui transporte l’homme-araignée dans les méandres vertigineux des mondes parallèles…

SPIDER-MAN INTO THE SPIDER-VERSE

 

2018 – USA

 

Réalisé par Peter Ramsey, Bon Persischetti et Rodney Rothman

 

Avec les voix de Shameik Moore, Jake Johnson, Hailee Steinfeld, Mahershala Ali, Brian Tyree Henry, Lily Tomlin, Luna Lauren Velez, Zoe Kravitz, John Mulaney

 

THEMA SUPER-HÉROS I SAGA MARVEL COMICS I SPIDER-MAN

Après ses prodigieux premiers pas « live » orchestrés par Sam Raimi, sa réinvention peu concluante sous les traits d’Andrew Garfield puis sa récupération par le studio Marvel à l’occasion de Captain America : Civil War puis Spider-Man Homecoming, l’homme araignée de Stan Lee et Steve Ditko redouble d’efforts pour continuer à convaincre le public sur grand écran. Mais comment surpasser la quasi-perfection de Spider-Man et Spider-Man 2 ? Alors que Marvel intègre comme il peut le monte-en-l’air à son Cinematic Universe, Sony, qui possède encore les droits d’exploiter le personnage sous une forme animée, décide de proposer une vision alternative. « Le mot d’ordre était simple : vous avez carte blanche à partir du moment où ce que vous faites ne ressemble pas aux films », explique le co-réalisateur Peter Ramsey. « Nous avons alors décidé de nous lancer dans des expérimentations en essayant de reproduire la sensation que l’on a quand on feuillette un comic book » (1). Lorsque s’affichent tour à tous les logos Sony, Columbia et Marvel, altérés furtivement par des interférences qui changent leur texture et leur style graphique, le spectateur sent bien que quelque chose d’inattendu est en marche. Il n’est pourtant pas prêt à un tel choc.

« Allez, je vous la refais encore une fois » annonce la voix off de Peter Parker avant de nous raconter ses origines en accéléré, histoire de prendre à revers cette manie du reboot qui n’en finit plus de réinventer les super-héros que nous connaissons déjà sur le bout des doigts. Les clins d’œil aux films de Sam Raimi irradient d’emblée l’écran, y compris les passages les plus gênants (la danse de Tobey Maguire dans Spider-Man 3 !). Nous sommes donc dans une démarche postmoderne assumée. Cela suffira-t-il à nous distraire pendant un long-métrage entier ? Oui ! Car le scénario a l’intelligence de ne pas nous emmener là où on l’attend. Le héros de cette histoire n’est pas Peter Parker mais Miles Morales, un jeune étudiant latino que les lecteurs des Marvel comics connaissent bien puisqu’il s’agit d’une version alternative du célèbre super-héros sévissant dans les pages de « Ultimate Spider-Man ». Comment le film compte-t-il donc s’y prendre pour mêler ces deux univers à priori incompatibles ? En convoquant les mondes parallèles, ouvrant ainsi la voie aux délires scénaristiques dans lesquels s’engouffrera le studio Marvel avec Spider Man No Way Home et Doctor Strange in the Multiverse of Madness. Mais ici, les univers multiples ne sont pas une solution de facilité pour faire joujou avec les personnages et les situations. Ils constituent l’essence même du film, sa raison d’être et son challenge majeur : offrir au public une œuvre somme compilant près de soixante ans d’aventures du tisseur de toile.

Le choc des générations

Pour relever ce défi, Peter Ramsey, Bon Persischetti et Rodney Rothman concoctent un film funky, drôle, incroyablement bien rythmé mais aussi très émouvant, portant en substance des thématiques fortes liées à la responsabilité, l’apprentissage et la transmission. Et pour que cette générosité contamine la forme, les partis pris artistiques de Spider-Man New Generation repoussent toutes les limites. L’image de synthèse dernier cri est sollicitée pour donner aux spectateurs le sentiment inédit de regarder de véritables dessins prenant soudain du volume, du corps et du relief, avec en prime la convocation de l’imagerie traditionnelle de la BD (notamment l’incrustation des voix off et des onomatopées). Les nombreuses déclinaisons qu’aura pu connaître l’homme-araignée depuis sa naissance en 1962 – y compris les plus improbables – s’entrechoquent dans cette aventure vertigineuse où s’invitent de nombreux super-vilains réinventés sous des formes parfois inattendues (un Bouffon Vert monstrueux, un Rôdeur survolté, un Caïd monumental, un docteur Octopus au féminin ou encore un Scorpion hispanisant). Après un tel coup d’éclat, Tom Holland aura beau se démener de toutes ses forces dans le Marvel Cinematic Universe, ses exploits nous paraîtront bien fades en comparaisons du feu d’artifice que Spider-Man aura vécu dans le Spider-Verse.

 

(1) Propos recueillis par votre serviteur en mai 2023

 

© Gilles Penso


Partagez cet article

TOY STORY 3 (2010)

Lorsqu’un enfant grandit et quitte la maison familiale pour ses études universitaires, que deviennent les jouets de sa chambre ?

TOY STORY 3

 

2010 – USA

 

Réalisé par Lee Unkrich

 

Avec les voix de Tom Hanks, Tim Allen, Joan Cusack, Don Rickles, Wallace Shawn, John Ratzenberger, Estelle Harris, Laurie Metcalf, Michael Keaton, R. Lee Ermey

 

THEMA JOUETS I SAGA PIXAR

Le succès phénoménal des deux premiers Toy Story, indiscutablement mérité, fit vite germer des envies de troisième épisode auprès des dirigeants de Walt Disney et Pixar Animation. Mais au milieu des années 2000, les deux compagnies se mirent à entretenir de complexes relations d’amour/haine qui faillirent déboucher sur un divorce et se conclurent contre toute attente sous la forme d’une fusion. Le projet Toy Story 3, amorcé en 2004 et imaginé autour d’un rapatriement de Buzz à Taïwan pour cause de réparations, fut donc abandonné puis entièrement ré-imaginé, ce qui explique le délai considérable qui sépare cet épisode du précédent (onze ans !). Et c’est Lee Unkrich, monteur de Toy Story et 1001 pattes et co-réalisateur de Toy Story 2 et Monstres et compagnie, qui fut chargé de diriger en solo ce troisième opus. Généralement, les séquelles tardives peinent à retrouver l’éclat de leurs prédécesseurs, l’inventivité de la création initiale s’étant quelque peu évaporée en cours de route. Toy Story 3 fait exception, ravivant l’enthousiasme qui nous anima en découvrant pour la première fois Woody, Buzz et leurs compagnons en plastique, et clôturant avec maestria une trilogie qui fera date dans l’histoire du cinéma.

Dès le premier Toy Story, John Lasseter avait compris que la performance technique ne présentait qu’un intérêt minime si elle ne servait pas une histoire forte et des personnages attachants. Ainsi son statut envié de « premier long-métrage en image de synthèse » s’effaça-t-il bien vite derrière celui de « chef d’œuvre du film d’animation », ni plus ni moins. Le deuxième épisode parvenait encore à surpasser son modèle en termes d’action, d’humour et d’émotion, tout en adaptant sa facture aux développements technologiques survenus entre temps. Depuis, les images numériques ont connu de nouvelles évolutions tandis que le relief s’est progressivement installé comme le nouveau gimmick incontournable du cinéma à grand spectacle. C’est en toute logique que Toy Story 3 se met au goût du jour, plongeant ses spectateurs dans un univers stéréoscopique immersif et perfectionnant les textures et les animations de ses personnages. Mais ces améliorations « cosmétiques » ne viennent jamais prendre le pas sur l’essence du concept, si forte et si universelle qu’elle continue à toucher avec autant d’impact les enfants et les adultes, chacun puisant dans ce film son lot de divertissement, de sensations fortes ou de nostalgie.

La palette des émotions

Co-écrit par Lee Unkrich, John Lasseter, Andrew Stanton (Nemo, Monstres et compagnie, Wall-E) et Michael Arndt (Little Miss Sunshine), Toy Story 3 nous éblouit par l’originalité de ses séquences d’action, et ce dès un prologue hallucinant qui projette sur grand écran l’imagination fertile d’un enfant transformant les jouets de sa chambre en héros d’épopées colossales et démentielles. Le reste du métrage n’est pas avare en scènes de cette ampleur, les moments de suspense s’appuyant souvent sur la mécanique du « film de prison » pour mieux en détourner les codes. Car la crèche où échouent les héros miniatures n’a rien à envier à Alcatraz, les clans s’y opposant sous la supervision faussement bienveillante d’un vieil ours en peluche aux méthodes douteuses. On le voit, chaque génération trouvera là matière à se réjouir en fonction de ses propres références. C’est aussi dans Toy Story 3 que surviennent quelques-unes des séquences les plus hilarantes jamais concoctées par les petits génies de Pixar, Buzz l’éclair nous livrant à l’occasion une prestation hispanisante pour le moins inattendue tandis que les relations parodiques entre Barbie et Ken valent leur pesant d’or. La richesse du film se mesure finalement à la largesse de sa palette émotive. A ce titre, le final s’avère plus poignant qu’on ne l’aurait cru, titillant la corde que l’on pensait insensibilisée et cherchant à éveiller et à combler l’enfant qui sommeille encore chez chacun d’entre nous.

 

© Gilles Penso


Partagez cet article

TOY STORY 2 (1999)

Un deuxième épisode qui parvient à dépasser en ambition et en folie son prédécesseur, malgré une réalisation semée d’embûches…

TOY STORY 2

 

1999 – USA

 

Réalisé par John Lasseter, Lee Unkrich et Ash Brannon

 

Avec les voix de Tom Hanks, Tim Allen, Joan Cusack, Kelsey Grammer, Don Rickles, Jim Varney, Wallace Shawn, John Ratzenberg, Annie Potts

 

THEMA JOUETS I SAGA PIXAR

Disney envisageait de produire Toy Story 2 avant même la sortie de 1001 pattes, sous forme d’un film à budget réduit commercialisé directement en vidéo. Coutumier du fait, le studio avait déjà initié des suites bon marché de Aladdin, La Belle et la Bête, Pocahontas et Le Roi Lion. Peu mémorables, ces « épisodes 2 » sacrifiaient hélas souvent la qualité au profit de la rentabilité. Lorsque les membres de Pixar discutent de l’éventualité d’une suite de Toy Story avec Disney, ils acceptent de tenter l’expérience sans pour autant réduire leurs ambitions créatives. Mais après quelques mois de travail, l’équipe de John Lasseter n’arrive pas à envisager un film « low cost », au risque de sombrer dans la facilité. Après réflexion, les dirigeants de Disney ne s’opposent pas à l’idée que cette séquelle sorte en salles, mais les choses deviennent complexes dans la mesure où Pixar doit du coup gérer la réalisation simultanée de deux longs-métrages ambitieux : 1001 pattes et Toy Story 2. Deux groupes distincts se lancent donc dans cette double aventure. La « dream team » du premier Toy Story se concentre sur 1001 pattes et une seconde équipe un peu moins expérimentée se met à l’œuvre sur Toy Story 2. En théorie, c’est une sage décision. Mais après une année de labeur, il devient évident que cette organisation ne fonctionne pas. En découvrant les premières images de Toy Story 2, John Lasseter n’a qu’un mot à la bouche : « c’est un désastre ». Que faire ? Épaulé Lee Unkrich, monteur du premier Toy Story, et Ash Brannon, storyboarder sur 1001 pattes, Lasseter n’a que neuf mois pour refaire entièrement Toy Story 2, ce qui semble impossible, mais il y a un délai à respecter vis à vis de Disney qui a déjà programmé la date de sortie du film.

Si le concept narratif initial est conservé, il faut entièrement repenser l’histoire, qui commence lorsque le cowboy Woody, le bras décousu, est abandonné par erreur dans un vide-grenier et échoue dans les mains d’un collectionneur qui veut en faire la vedette d’un salon japonais, aux côtés d’autres jouets issus de la même série vintage : la cowgirl Jessie, le vieux prospecteur Pete et le cheval Pile-Poil. Mais dans cette première version du scénario, les motivations de Woody ne sont pas crédibles et les péripéties trop mécaniques. Deux éléments cruciaux sont donc ajoutés : le pingouin siffleur Wheezy, abandonné sur une étagère poussiéreuse depuis que son sifflet est cassé, et l’histoire de Jessie, abandonnée par la fillette qui l’adorait lorsque celle-ci est devenue adolescente. Désormais, le dilemme que vit Woody devient tangible : doit-il risquer d’être abandonné lui aussi lorsque Andy grandira, ou ne vaut-il pas mieux rejoindre cette nouvelle famille de jouets derrière les vitrines d’un musée ? Comme par un étonnant effet de jeux de miroirs, les multiples rebondissements qu’ont vécu les membres de Pixar pendant l’élaboration de Toy Story 2 (remaniement total de l’équipe et du scénario, effacement accidentel de 90% des fichiers numériques du film puis récupération in-extremis d’une sauvegarde des mêmes fichiers chez une directrice technique en télétravail) semblent trouver leur écho dans le film lui-même. Les petits héros en bois et en plastique y vivent un véritable parcours du combattant ponctué de morceaux de bravoure dépassant en audace et en folies celles du premier Toy Story.

Clins d’œil

On se souvient notamment de l’incroyable séquence de poursuite finale dans l’aéroport, qui commence dans le centre de tri des bagages et s’achève dans un avion sur le point de décoller. Le film abonde de scènes d’action et de suspense de cet acabit, comme la traversée d’une route surchargée par les jouets cachés sous des cônes de signalisation ou la tentative d’évasion de Woody dans l’ascenseur. L’émotion monte aussi d’un cran avec la poignante chanson « When She Loved Me », interprétée par Sarah McLachlan, qui interrompt la narration pendant trois minutes pour narrer les désillusions de la poupée Jessie. Toy Story 2 joue aussi la carte du clin d’œil et de la référence, exercice auquel ne se livrait pas autant son prédécesseur. Le méchant Zurg déclare à Buzz « Je suis ton père » comme dans L’Empire contre-attaque, le tyrannosaure Rex poursuit une voiture miniature en une sorte de remake de Jurassic Park, Buzz effectue le salut des Vulcains de Star Trek, Monsieur Patate se sert de son chapeau comme un projectile à la manière du vilain de Goldfinger… On note aussi la présence de la poupée Barbie (que Mattel n’avait pas voulu faire figurer dans le premier Toy Story) et les épisodes de la vieille série télévisée imaginaire « Woody’s Roundup » dans laquelle les animateurs de Pixar s’efforcent de faire ressembler les images de synthèse à de véritables marionnettes s’animant dans une émission télévisée en noir et blanc, l’effet étant bluffant de réalisme. Énorme succès, Toy Story 2 remporte le Golden Globe du meilleur film et lance aussitôt l’idée d’autres suites possibles.

 

© Gilles Penso


Partagez cet article

MONSTRES CONTRE ALIENS (2009)

Imaginez un mixage déjanté du Blob, de L’Étrange créature du lac noir, de La Mouche noire, de Mothra et de Attack of the 50 Foot Woman

MONSTERS VS. ALIENS

 

2009 – USA

 

Réalisé par Rob Letterman et Conrad Vernon

 

Avec les voix de Reese Witherspoon, Hugh Laurie, Paul Rudd, Seth Rogen, Will Arnett, Kiefer Sutherland, Rainn Wilson, Stephen Colbert

 

THEMA EXTRA-TERRESTRES I NAINS ET GÉANTS I MONSTRES MARINS

Le jour de son mariage, la jolie Susan est heurtée de plein fouet par une météorite. Les conséquences ne tardent pas à se faire sentir : en quelques minutes, elle grandit jusqu’à atteindre la taille de King Kong. Aussitôt, une section spéciale du gouvernement la capture et l’enferme dans une base ultra-secrète où sont retenus d’autres « monstres » comme elle. Elle y rencontre le docteur Cafard, un savant doté d’une tête d’insecte suite à une expérience ratée, le roublard Link, un chaînon manquant entre l’homme et le poisson, Bob, une masse gélatineuse sympathique mais dénuée de cervelle, et Insectosaure, une peluche invertébrée gigantesque à côté de laquelle même Susan ressemble à une Lilliputienne. Pour faire bonne figure, notre infortunée géante est elle-même rebaptisée Génormica et s’apitoie bientôt sur son triste sort… Comme on peut le constater, même si Monstres contre Aliens s’adresse en priorité à un public enfantin et familial, les amateurs purs et durs de science-fiction à l’ancienne sont comblés, car les références aux classiques du genre abondent généreusement.

Les monstres vedettes sont des clins d’œil respectifs à Attack of the 50 Foot Woman et Le Fantastique homme colosse (pour Genormica), La Mouche noire (pour le docteur Cafard), Danger planétaire (pour Bob) et Godzilla et Mothra (pour Insectosaure). Le ton est d’ailleurs donné dès les premières secondes du film, avec cet OVNI échappé des Soucoupes volantes attaquent qui kidnappe l’enfant du logo Dreamworks ! Mais Monstres contre Aliens ne s’arrête pas en si bon chemin, et lorsque le maléfique extra-terrestre Gallaxhar et son armée de clones débarquent sur Terre, les spectateurs ont droit à une hilarante parodie de Rencontres du troisième type qui constitue de toute évidence l’une des scènes les plus drôles de ce réjouissant long-métrage d’animation. Dès lors, comme le titre l’indique clairement, les créatures gardées au secret sont sollicitées pour affronter les envahisseurs d’outre-espace, sans la moindre garantie d’un résultat positif, évidemment…

Les monstres attaquent la ville

Co-réalisé par deux piliers du département animation de Dreamworks, Monstre contre Aliens rappelle logiquement l’esprit pasticheur des trois Shrek, qui cultivait lui aussi un humour multigénérationnel. Mais ici, le studio concurrent Pixar vient également beaucoup à l’esprit, notamment à travers ces créatures improbables cousines de celles de Monstres et compagnie, le look de Génormica qui évoque la femme élastique des Indestructibles et cet alien idiot dont les maladresses rappellent l’excellent court-métrage Extra-terrien. Le film évite cependant tout effet de déjà-vu grâce à ses péripéties incroyablement mouvementées, son grain de folie permanent, ses dialogues percutants et ses gags à répétition. Ceux qui auront la chance de le visionner en relief y verront leur plaisir amplifié, notamment dans les scènes spatiales dotées d’une profondeur insondable ou lors des séquences d’action frénétiques comme la poursuite échevelée dans les rues de San-Francisco. La réussite du film repose également beaucoup sur le soin apporté aux personnages humains, de l’ambitieux fiancé Derek, qui rêve de devenir vedette du petit écran, au général Putsch, qui ne se déplace jamais sans son parachute, en passant par le désopilant Président des États-Unis dont le manque de sang-froid le dispute à la maladresse. Bref, pour reprendre la formule consacrée, voilà de quoi largement amuser petits et grands, le tout sous les accords trépidants du compositeur Henry Jackman, collaborateur de longue date de Hans Zimmer et talentueux émule de John Powell.

 

© Gilles Penso


Partagez cet article

TOY STORY (1995)

Un cow-boy en bois et un cosmonaute en plastique allient leurs forces pour reconquérir le cœur d’un enfant… La machine Pixar est lancée !

TOY STORY

 

1995 – USA

 

Réalisé par John Lasseter

 

Avec les voix de Tom Hanks, Tim Allen, Don Rickles, Jim Varney, Wallace Shawn, John Ratzenberger, Annie Potts, John Morris, Erik von Detten, Laurie Metcalf

 

THEMA JOUETS I SAGA PIXAR

Quatre ans d’efforts auront été nécessaires pour donner naissance à Toy Story, tenant du titre convoité de premier long métrage en images de synthèse. Car si au milieu des années 90 les créations toujours plus réalistes des infographistes fleurissaient déjà de manière foisonnante, jamais un film entier n’avait encore banni toutes prises de vues réelles au profit de la synthèse pure. Pour les besoins d’un projet aussi gigantesque, la structure quasi-artisanale de la compagnie Pixar nécessite d’être revue à la hausse. Ainsi, les vingt-quatre employés initiaux de la société se retrouvent-ils au sein d’une équipe de cent artistes et techniciens. La trentaine d’animateurs réunie sous la supervision de Pete Docter a surtout fait ses armes loin des ordinateurs, dans le domaine du dessin animé traditionnel ou de l’animation en volume. Pour faciliter la tâche de ces artistes pas nécessairement familiarisés avec le travail infographique, le logiciel d’animation de Pixar, conçu sous le mode le plus convivial possible, s’avère l’outil idéal. Les animateurs de Toy Story se prêteront par ailleurs à des séances de mime et de comédie, afin de mieux entrer dans la peau des futurs personnages. Au cours de multiples sessions d’écriture, John Lasseter, Pete Docter, Joe Ranft, Andrew Stanton et Joss Whedon se réunissent pour rédiger les premières moutures du scénario. Lasseter s’inspire de deux jouets de son enfance pour imaginer les héros miniatures du film, un Casper qui parle lorsqu’on tire sur une ficelle et un G.I. Joe.

Dans la version finale du script, établie en janvier 1993, les protagonistes deviendront Woody et Buzz, autrement dit un cow-boy et un chevalier de l’espace hauts comme trois pommes. Selon le principe éprouvé du buddy movie, tous deux sont amenés malgré eux à cohabiter et à lutter, d’abord séparément puis côte à côte, pour reconquérir Andy, l’enfant auquel ils appartiennent. Les jouets choisis dans le film sont une combinaison d’inventions et de jouets réels, de nouveautés et d’anciens modèles. Ainsi évoluent aux côtés des deux héros un Monsieur Patate en pièces détachées, un cochon tirelire, une lampe de porcelaine en forme de jolie bergère, un chien extensible à ressort, un tyrannosaure jovial en plastique, un seau plein de soldats, une boîte remplie de singes, un télécran… Tous les jouets sont animés en fonction des articulations que sont véritablement censés posséder ces personnages en bois ou en plastique, avec toutes les limitations et les rigidités que cela comporte. L’erreur aurait en effet consisté à vouloir doter cette cohorte colorée et joyeuse de mouvements anthropomorphiques ou animaliers hyperréalistes. Le tyrannosaure en plastique baptisé Rex (et imaginé par Joss Whedon) en est un exemple frappant. Si l’on s’amuse à le comparer avec son congénère animé par les artistes d’ILM et du Tippett Studio pour Jurassic Park, on aura une idée de la démarche adoptée.

La course aux jouets

L’un des morceaux de bravoure du film est la scène de poursuite finale, un climax spectaculaire qui combine habilement les jouets, les êtres humains et les décors naturalistes. De l’aveu même du storyboarder Andrew Stanton, cet épisode mouvementé s’inspire d’une prestigieuse anthologie de poursuites cinématographiques, de Bullit à Ben Hur en passant par Les Aventuriers de l’arche perdue et Retour vers le futur 3. On pourrait ajouter The Wrong Trousers, l’une des fameuses aventures de Wallace et Gromit qui, avec une technique beaucoup plus artisanale, se terminait elle aussi par une poursuite franchement spectaculaire. Mais les plus grandes références du film de John Lasseter semblent remonter à bien plus loin. En effet, le principe de Toy Story évoque beaucoup les Puppetoons, ces fameux courts-métrages réalisés entre 1941 et 1949 par George Pal. Rien n’empêche non plus de penser que The Mascot de Ladislas Starevitch, un film de 20 minutes dans lequel des jouets animés image par image se réveillent dans la chambre d’un enfant endormi, ait partiellement servi d’inspiration à l’équipe de Pixar. Fort de ce passé riche en poésie fantastique, Toy Story s’inscrit donc dans une prestigieuse lignée et assume pleinement l’image de synthèse comme outil supplémentaire, sans jamais qu’il ne soit le moteur de l’intrigue ou le prétexte du récit. De fait, rien n’aurait empêché Toy Story d’être un film de marionnettes ou un dessin animé. C’est la combinaison d’un scénario en béton armé, de personnages extrêmement attachants, d’une mise en scène millimétrée, d’interprètes vocaux irrésistibles (avec en tête Tom Hanks et Tim Allen, remplacés avec talent par Jean-Philippe Puymartin et Richard Darbois dans la version française) et d’un outil technologique révolutionnaire qui auront permis à Toy Story de triompher aux quatre coins de la planète. La presse, dithyrambique, multipliera les superlatifs, et John Lasseter recevra à cette occasion un Oscar d’honneur.

 

© Gilles Penso


Partagez cet article

ÉTRANGE NOËL DE MONSIEUR JACK (L’) (1993)

Née de l’esprit foisonnant de Tim Burton, cette fusion impensable entre Noël et Halloween s’est muée en objet de culte intergénérationnel…

THE NIGHTMARE BEFORE CHRISTMAS

 

1993 – USA

 

Réalisé par Henry Selick

 

Avec les voix de Danny Elfman, Chris Sarandon, Catherine O’Hara, William Hickey, Glenn Shadix, Paul Reubens, Ken Page, Edward Ivory, Susan McBride, Debi Durst

 

THEMA CONTES

En 1982, Tim Burton est simple animateur chez les studios Disney, au cours d’une période creuse qui voit naître Taram et le chaudron magique et Rox et Rouky. Pour se distraire, il reprend le célèbre poème de Clement Clarke Moore qui commence par la strophe « It was the night before Christmas » et en écrit une parodie de trois pages baptisée « The Nightmare Before Christmas ». Il l’illustre ensuite, dessine plusieurs storyboards et espère en tirer un téléfilm d’animation d’une vingtaine de minutes narré par son idole Vincent Price, comme c’était déjà le cas pour son court métrage Vincent. Le postulat de départ est un choc entre deux fêtes à priori antithétiques : Noël et Halloween. Avec son ami et associé Rick Heinrichs, Burton propose le projet aux responsables de Disney, qui le trouvent un peu trop sombre et étrange à leur goût. Les autres producteurs contactés s’avèrent tout aussi réticents. Le projet est donc laissé de côté un moment, et Tim Burton réalise au cours des dix années qui suivent Pee Wee’s Big Adventure, Beetlejuice, Edward aux mains d’argent, Batman et Batman le défi. Lorsqu’il retourne voir les responsables de Disney au début des années 90, on lui déroule cette fois-ci le tapis rouge et son ancien projet devient désormais très convoité.

Occupé par la post-production du deuxième Batman et la préparation de Ed Wood, Burton craint par ailleurs de manquer de patience et de minutie pour diriger pendant deux ans un long-métrage entièrement conçu en animation image par image. Il se met donc en quête d’un metteur en scène. C’est Rick Heinrichs qui lui propose Henry Selick, un de leurs anciens collègues des studios d’animation Disney devenu depuis réalisateur de courts-métrages animés, notamment pour MTV. Le film raconte les mésaventures de Jack Skellington, Roi des Citrouilles, et grand ordonnateur de la ville d’Halloween, peuplée de monstres et de créatures étranges friandes de farces macabres. Avide de nouvelles expériences, il découvre par hasard l’entrée de la ville de Noël et décide de prendre le relais du Père Noël. Si Tim Burton n’a pas directement signé ce conte macabre, sa personnalité, elle, y est omniprésente. Visuellement, le film évoque beaucoup Beetlejuice mais aussi les ombres de Batman et les couleurs chamarrées de Edward aux mains d’argent. Il est difficile de ne pas penser également à ses premiers courts métrages en noir et blanc : Vincent, bel hommage à Vincent Price déjà entièrement conçu en animation, et Frankenweenie, parodie canine de Frankenstein évoluant dans des décors très expressionnistes.

Le Roi des Citrouilles

Il faut bien sûr louer le talent trop mésestimé de Henry Selick, sans qui cette folie n’aurait pu être conçue, et celui de Danny Elfman, dont la partition opératique, de toute beauté, ne quitte pas le film une seconde, les chansons étant au moins aussi importantes que les dialogues. Visuellement, artistiquement, esthétiquement, The Nightmare Before Christmas est une réussite totale. Alors que Jurassic Park venait de transformer l’image de synthèse en passage obligatoire en matière d’effets visuels au cinéma, ce gigantesque retour à la bonne vieille animation image par image avait à l’époque quelque chose de très euphorisant. « Avec la technique de la stop-motion, vous sentez l’artiste qui lutte pour obtenir le résultat le plus parfait possible, et qui n’y arrive jamais complètement, parce que c’est impossible », nous explique Henry Selick. « Cette « électricité » entre l’animateur et la figurine est palpable. Une grande partie du charme de l’animation en volume réside dans cet état de fait. » (1) Aujourd’hui encore, les défis techniques et artistiques de L’Étrange Noël de Monsieur Jack demeurent incroyables, et Tim Burton lui-même se sera efforcé de retrouver ce grain de folie à travers des œuvres telles que Les Noces Funèbres ou son propre remake de Frankenweenie. Quant à Jack Skellington, il s’est mué en icône indémodable du cinéma fantastique, ornant les chambres, les vêtements, et les sacs des adolescents de toutes les générations.

 

© Gilles Penso

 

(1) Propos recueillis par votre serviteur en mai 2009


Partagez cet article