SOUS LA SEINE (2024)

Parisiennes, parisiens, vous êtes priés d’évacuer de toute urgence les quais et les berges : un requin géant se faufile entre les péniches !

SOUS LA SEINE

 

2024 – FRANCE

 

Réalisé par Xavier Gens

 

Avec Bérénice Bejo, Nassim Lyes, Léa Léviant, Sandra Parfait, Aksel Ustun, Aurélia Petit, Marvin Dubart, Daouda Keita, Ibrahima Ba, Anne Marivin, Stéphane Jacquot

 

THEMA MONSTRES MARINS

Xavier Gens n’est plus à un défi près. Un premier long-métrage choc qui marche sur les traces de Tobe Hooper (Frontière(s)), de l’action musclée et survitaminée (Hitman, Farang), un récit post-apocalyptique nihiliste (The Divide), de l’horreur surnaturelle (The Crucifixion), une fable marine aux confins des univers de Lovecraft (Cold Skin)… Alors pourquoi pas une version parisienne des Dents de la mer ? Le projet est amené par les producteurs Édouard Duprey et Sébastien Auscher, mais pour pouvoir financer une telle entreprise, il faut « pactiser avec le diable », autrement dit accepter une diffusion directe sur la plateforme Netflix sans passer par la case cinéma. Xavier Gens n’est pas dupe. Réunir près de 20 millions d’euros pour un tel film via un circuit de distribution classique aurait été impossible. Si le concept peut faire sourire (« un requin sous la Tour Eiffel »), le cinéaste n’entend pas s’inscrire dans la lignée de Sharknado. « J’avais envie de prendre ce genre de films au premier degré », explique-t-il. « Je me suis servi d’un pitch de série Z un peu nanardesque, qui peut être casse-gueule, pour pouvoir raconter un film qui fait part de mes obsessions et de mes convictions écologiques, qui propose une ironie dramatique sur la réalité » (1). Car depuis le classique de Spielberg, les requins n’ont plus si mauvaise presse et font partie d’un écosystème qu’il est urgent de préserver.

Le scénario de Sous la Seine s’inscrit donc dans une prise de conscience environnementale. C’est d’ailleurs dans l’épouvantable vortex de déchets en plastique du Pacifique Nord que démarre le film, siège du trauma initial de Sophia, l’héroïne campée par Bérénice Bejo. L’équipe de plongeurs dont elle fait partie est décimée par un squale à la croissance accélérée et au comportement anormalement agressif. Nous la retrouvons trois ans plus tard, désormais guide dans un aquarium parisien et toujours très marquée par le drame (elle vit seule, déprime en revoyant les vidéos du bon vieux temps et se nourrit de bonbons Haribo). Comme la formule établie par Herman Melville dans « Moby Dick » a fait ses preuves, Sophia va subitement se retrouver confrontée à son ennemi juré dans la mesure où le monstre marin a encore muté et se love désormais sous la Seine, prêt à bondir sur la première proie qui croisera ses mâchoires. Un malheur n’arrivant jamais seul, la ville de Paris s’apprête à accueillir pour la première fois les championnats du monde de triathlon, autrement dit des centaines de nageurs prêts à se transformer en amuse-gueule sous les yeux du public…

Bête de Seine

L’audace d’un tel projet, l’ampleur de ses ambitions artistiques et techniques et les moyens mis à sa disposition (autorisant un large déploiement d’effets spéciaux numériques et animatroniques) forcent le respect et permettent de passer outre ses personnages gentiment archétypaux, ses répliques qui ne sonnent pas toujours très justes et ses rebondissements un peu abracadabrants. C’est surtout là que se mesure l’écart abyssal entre l’accueil reçu par un tel film sur sa terre natale et outre-Atlantique. Alors que les critiques américains louent le caractère résolument divertissant de Sous la Seine, leurs homologues français s’offusquent violemment et crient au nanar. Bien sûr, le huitième long-métrage de Xavier Gens n’a rien d’un chef d’œuvre et le Bruce de Steven Spielberg peut tranquillement dormir sur ses deux ouïes. Mais pourquoi ne pas accepter cette distrayante série B pour ce qu’elle est ? Côté acteurs, donnons une mention spéciale à Anne Marivin, génialement détestable en maire de Paris à mi-chemin entre Murray Hamilton dans Les Dents de la mer et Anne Hidalgo (dont nous serions curieux de connaître la réaction face à cette caricature pas très flatteuse). Quant au climax, il prend des proportions dantesques impensables en rejouant les cartes de l’équilibre alimentaire de la planète.

 

(1) Extrait d’un entretien diffusé sur BFM en juin 2024

 

© Gilles Penso


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