Grand amateur des films de monstres de Ray Harryhausen et Willis O’Brien, Brett Piper se lance dans une version spatiale de « L’île mystérieuse »…
MYSTERIOUS PLANET
1982 – USA
Réalisé par Brett Piper
Avec Paula Taupier, Boydd Piper, Michael Quigley, Bruce Nadeau, Vance Dallas, Hanna Landy, Marilyn Mullen, Bernard Nero, George Seavey, Cynthia Vacca
THEMA SPACE OPERA
Pour son premier long-métrage, Brett Piper voit grand. Il souhaite adapter « L’île mystérieuse » de Jules Verne tout en y intégrant des éléments du « Monde perdu » de Conan Doyle, le tout dans l’espace pour surfer sur la vague lancée par La Guerre des étoiles. Le scénario concerne un équipage d’astronautes qui atterrit sur une planète mystérieuse, suite à un orage magnétique. En l’explorant, ils découvrent des sauriens monstrueux et une indigène, puis s’opposent à une flotte ennemie, avant de quitter enfin ces lieux hostiles. Brett Piper n’a plus qu’un petit problème à régler : trouver l’argent pour réaliser son film. « J’ai trouvé un investisseur dans le New Hampshire pour le financer », nous raconte-t-il « Dix de ses amis pouvaient mettre chacun quelques centaines de dollars dans le projet » (1). Au bout d’un an d’attente, le jeune cinéaste se retrouve donc avec un budget de 5000 dollars et se lance sans plus tarder dans la préparation de son film. Les comédiens sont tous des amateurs, le compositeur fait là ses premiers pas et tous les autres postes sont occupés par Piper lui-même, qui achète à l’occasion une caméra Bolex 16 mm pour 125 dollars.
Soucieux de truffer son film d’effets spéciaux, Piper passe outre son manque d’expérience et, c’était à craindre, le résultat, pour ambitieux qu’il soit, laisse souvent à désirer. Ni les peintures sur verre figurant les paysages extra-terrestres (avec un clin d’œil manifeste à la montagne du crâne de King Kong), ni les timides scènes de vaisseau spatial (qui évoquent celles de Star Crash), ni les effets de rayons laser réalisés en décolorant des portions de pellicule image par image ne s’avèrent très convaincants. Mais le film vaut surtout pour ses nombreuses créatures inspirées par les travaux des rois de la stop-motion Ray Harryhausen et Willis O’Brien. Si leur animation et leur intégration dans les prises de vues réelles sont toujours à la limite du passable, l’originalité de leur morphologie et l’enthousiasme évident de Piper au moment de leur conception sont appréciables. La première créature qu’ils rencontrent est un escargot géant à deux têtes qui rampe sur la plage, dévore l’un d’entre puis retourne dans l’océan, à la façon de l’archélon d’Un million d’années avant JC.
« Tu n’as rien senti d’inexplicable par ici ? »
Au cours de leurs errances sur la planète mystérieuse, nos astronautes (quatre hommes, une femme et un grand type avec une cagoule qui représente visiblement un robot ou un cyborg) passent devant un serpent démesuré qui escalade les arbres et un gros dinosaure quadrupède au crâne cuirassé qui se nourrit sans leur prêter attention, puis sont attaqués par une créature volante aux allures de dragon. Avec ses serres d’aigle à trois doigts longs et griffus, ses grandes ailes de chauve-souris, sa queue de reptile et sa grosse tête de tyrannosaure, le monstre ressemble à un mélange du rhédosaurus du Monstre des temps perdus et des harpies de Jason et les Argonautes. Ce bestiaire fantaisiste se complète avec un plésiosaure qui émerge d’un lac à la manière de celui du Fils de Kong et un lézard cyclope affublé d’une longue queue et de tentacules. On ne pourra pas reprocher à Piper son manque d’inventivité et de générosité. Alors certes, le montage, la photographie, le jeu des acteurs, les dialogues (« Tu n’as rien senti d’inexplicable par ici ? ») et la musique électronique sentent l’amateurisme à plein nez, mais comment ne pas saluer l’audace d’un tel projet ? Malgré toutes ses faiblesses, Mystérieuse planète finit d’ailleurs par rapporter 20 000 dollars, soit quatre fois son prix de revient, un bénéfice qui sera partagé entre Piper et son producteur.
(1) Propos recueillis par votre serviteur en juin 1998
© Gilles Penso
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