LES LARMES DE LA MALÉDICTION (1963)

La célèbre légende de « la pleureuse » est ressuscitée dans l’une des œuvres phares du cinéma d’épouvante gothique mexicain…

LA MALDICION DE LA LLORONA

 

1963 – MEXIQUE

 

Réalisé par Rafael Baledon

 

Avec Rosita Arenas, Abel Salazar, Rita Macedo, Carlos Lopez Moctezuma, Enrique Lucero, Mario Sevilla, Roy Fletcher

 

THEMA SORCELLERIE ET MAGIE

Des trois volets de la trilogie « malédiction ancestrale » mexicaine produite et interprétées par Abel Salazar (après Le Baron de la terreur et La Tête vivante), Les Larmes de la malédiction est probablement le plus abouti d’un point de vue à la fois esthétique et narratif. La photographie et les décors y sont somptueux, comme en témoigne cette marquante séquence pré-générique qui évoque rien moins que Le Masque du démon de Mario Bava et Les Yeux sans visage de George Franju. Deux chefs d’œuvre absolus du genre. Quoiqu’en l’occurrence il s’agirait plus ici de « visage sans yeux », dans la mesure où la première image du film est celle d’une femme blafarde aux orbites vides tenant en laisse trois énormes dobermans dans une forêt brumeuse et nocturne. Après le quadruple meurtre des occupants d’une carriole, nous faisons connaissance avec Amelia (Rosita Arenas), venue visiter le manoir de sa tante Selma (Rita Macedo) en compagnie de son époux Jaime (Abel Salazar). Or d’étranges rumeurs circulent sur les lieux.

Il faut dire que la bâtisse, inquiétante, n’aurait guère dépareillé dans les adaptations d’Edgar Allan Poe signées Roger Corman (on pense souvent à La Chambre des tortures et La Chute de la maison Usher). Le vent y balaie les feuilles mortes, la cave est emplie de toiles d’araignées et de rats, et d’étranges êtres hantent les lieux. Notamment un serviteur hideux et boiteux au visage à moitié défiguré, un homme bestial enfermé dans le grenier et une sorcière putréfiée figée dans la position de sa mort. Bientôt, le jeune couple doit se rendre à l’évidence : Selma pratique les sciences occultes et entend bien ressusciter « la pleureuse », une sorcière qui fut son ancêtre et dont elle espère acquérir tous les pouvoirs, en se servant de sa nièce pour accomplir un rituel nocturne. Les Larmes de la malédiction collectionne les images saisissantes, comme le miroir qui renvoie à Amelia un reflet morbide, la tête de mort entourée d’une cape noire qui flotte comme une chauve-souris, ou encore le squelette pétrifié qui reprend furtivement des traits vivants.

« La malédiction est dans mon sang, je la sens couler dans mes veines »

Aux références cinématographiques citées ci-dessus, il faut aussi citer le Frankenstein de James Whale, notamment lorsque le serviteur difforme fouette l’homme-bête dans le grenier. Ce dernier nous offre plus loin une séquence mi-émouvante mi-pathétique, au cours de laquelle il contemple avec trouble le portrait du bel homme respectable qu’il fut jadis. Fidèle à ses habitudes, le producteur joue le rôle masculin principal, mais il faut bien reconnaître que les hommes ne sont ici que des victimes, la part belle revenant aux personnages féminins partageant un héritage inéluctable. Et Amelia d’avouer : « La malédiction est dans mon sang. Je la sens courir dans mes veines » Ainsi, au cours d’une séquence étonnante, la jeune femme bat la campagne en quête d’un secours quelconque puis, saisie d’une soudaine pulsion meurtrière, se met à étrangler rageusement un vieil homme avant de se muer à son tour en sorcière aveugle, tandis que des centaines d’yeux se mettent à flotter dans le ciel autour d’elle. La poésie macabre est donc au rendez-vous, nimbant presque chaque image de ce petit chef d’œuvre gothique injustement méconnu.

 

© Gilles Penso


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