DOOMWATCH (1972)

Alors qu’il enquête sur les conséquences d’une marée noire, un scientifique met à jour un secret inavouable sur une île britannique…

DOOMWATCH

 

1972 – GB

 

Réalisé par Peter Sasdy

 

Avec Ian Bannen, Judy Geeson, John Paul, Simon Oates, Jean Trend, Joby Blanshard, George Sanders, Percy Herbert

 

THEMA MUTATIONS

Doomwatch est d’abord une série télévisée britannique diffusée avec un certain succès sur la BBC entre 1970 et 1972. Comme son titre l’indique (combinaison de deux mots évoquant les notions de « destin » et de « surveillance »), ce show de science-fiction créé par Gerry Davis et Kit Pedler tire la sonnette d’alarme contre les risques environnementaux, les expériences scientifiques contre-nature et la mise à mal de notre planète par une technologie et une industrialisation hors-contrôle. Dans la foulée de sa diffusion, la petite compagnie anglaise Tigon, qui cherche malgré ses petits moyens à rivaliser avec la prestigieuse Hammer (nous lui devons quelques sympathiques curiosités comme La Maison ensorcelée, La Nuit du maléfice ou Le Monstre des oubliettes), récupère les droits de la série pour en tirer une adaptation cinématographique. Si le scénario du film est signé Clive Exton (L’Étrangleur de la place Rillington, La Malédiction de la vallée des rois, Kalidor), Kit Pedler reste impliqué en tant que consultant. À la mise en scène, nous retrouvons un vétéran des productions Hammer, en l’occurrence Peter Sasdy qui avait participé au renouvellement de quelques grandes figures de l’épouvante classique alors que la firme commençait à amorcer sa pente descendante. Il signa ainsi Une messe pour Dracula, Comtesse Dracula et La Fille de Jack l’éventreur.

Ian Bannen joue le rôle du docteur Del Shaw, membre de l’organisation Doomwatch chargée de veiller sur tous les dangers de pollution et d’atteinte à l’environnement. Suite à une marée noire, il part faire des relevés sur l’île isolée de Balfe. Là, l’accueil des habitants s’avère pour le moins glacial, et l’on sent bien qu’un secret inavouable couve parmi les autochtones. Curieux, Shaw décide de prolonger son séjour. Il faut dire que les beaux yeux de l’institutrice Victoria Brown (Judy Geeson) ne le laissent pas insensible. Au fil de son enquête, il découvre que les poissons pêchés sur l’île sont anormalement gros. En les disséquant, il y décèle une hormone de croissance étrange. De toute évidence, leur consommation a créé une mutation sur l’île. Les hommes sont ainsi atteints d’acromégalie et de comportements violents. Shaw met également à jour une zone de l’île nommée Castle Rock dans laquelle l’armée entrepose depuis des années des déchets radioactifs. Or à côté de ces déchets se trouvent d’autres fûts d’origine inconnue. Ce sont des hormones de croissance expérimentales, produites par une industrie chimique dans le but d’en faire des compléments alimentaires, puis abandonnée après des résultats désastreux constatés sur les animaux cobayes. N’est-il pas trop tard pour enrayer la contamination ?

Scientifiquement correct ?

Doomwatch bénéficie d’une mise en scène très stylisée (Sasdy se laisse visiblement inspirer par ce sujet atypique pour tenter quelques expérimentations), d’un casting solide duquel émergent quelques savoureux seconds rôles (notamment George Sanders, échappé du Village des damnés, sous l’uniforme d’un amiral soupe au lait) et d’une approche volontairement naturaliste de son argument de science-fiction. Car on sent bien, à travers les diverses théories scientifiques énoncées, que le film a bénéficié d’un important travail de documentation et de consultation technique, comme c’était d’ailleurs déjà le cas sur la série. Cette qualitéest à mettre au compte de Kit Pedler dont le passé dans la médecine et la science permettent d’apporter un précieux cachet « scientifiquement correct ». Doomwatch n’est donc pas traité sous un angle purement fantastique, malgré le maquillage monstrueusement saisissant des contaminés de l’île qui se heurtent à nos héros au cours du climax. Ces partis-pris ont sans doute désarçonné les spectateurs de l’époque qui, persuadés d’avoir affaire à un film d’horreur pur et dur (c’est ainsi que Tigon en fit la promotion), s’étonnèrent face à cet étrange thriller dont les monstres se révèlent bien plus pathétiques que réellement effrayants. Embassy Pictures, qui distribua le film sur le territoire américain, entretint d’ailleurs ce malentendu en le rebaptisant Island of the Ghouls (« L’île des ghoules » !). Doomwatch mérite en tout cas d’être redécouvert, sa singularité et sa tonalité insaisissable étant ses atouts majeurs.

 

© Gilles Penso


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