Une jeune fille issue d’une famille de suceurs de sang refuse de tuer les humains pour se nourrir jusqu’à une rencontre inattendue…
VAMPIRE HUMANISTE CHERCHE SUICIDAIRE CONSENTANT
2023 – CANADA
Réalisé par Ariane Louis-Seize
Avec Sara Montpetit, Félix-Antoine Bénard, Steve Laplante, Sophie Cadieux, Noémie O’Farrell, Marie Brassard, Gabriel-Antoine Roy, Madeleine Péloquin
THEMA VAMPIRES
C’est du Québec que nous vient Vampire humaniste cherche suicidaire consentant, premier long-métrage que sa réalisatrice Ariane Louis-Seize co-écrit avec Christine Doyon et qu’elle tourne à Montréal pendant un mois (dont deux semaines en pleine nuit) au cours de l’automne 2022. Issue de l’Institut National de l’image et du son, comme la grande majorité des membres de son équipe technique, Louis-Seize fait ses premières armes sur une série de courts-métrages avant d’effectuer le grand saut. Si les deux personnages centraux du film, incarnés tout en subtilité et en retenue par Sara Montpetit et Félix-Antoine Bénard, pourraient parfaitement s’échapper d’une œuvre de Tim Burton (la fille ténébreuse et blafarde aux longs cheveux noirs et le marginal rachitique aux grands yeux écarquillés), la cinéaste ne cède jamais aux attraits du gothisme d’Épinal. Son scénario s’ancre dans un cadre certes atemporel mais ouvertement contemporain ou du moins réaliste, que le directeur de la photographie Shawn Pavlin nimbe d’une touche légèrement expressionniste. Les jeux d’ombres se glissent donc volontiers entre les lignes de cette étrange romance vampirique.
Nous découvrons d’abord Sasha, une petite fille adorable mais dont les parents sont inquiets. En effet, ses canines n’ont pas encore poussé et elle ne montre pas le moindre instinct sanguinaire. Voilà qui est fâcheux quand on appartient à une famille de vampires ! Le constat que fait leur médecin n’a rien de rassurant : « C’est la compassion de votre fille qui est stimulée quand elle voit des gens mourir, pas sa faim. » Devenue adolescente, Sasha continue de se nourrir à la paille en puisant dans les stocks de poches de sang conservés dans le frigo. Il faudra pourtant bien un jour qu’elle accepte de partir chasser, comme les siens, et qu’elle tue pour pouvoir subvenir à ses besoins. C’est alors qu’elle rencontre Paul, un lycéen aux idées noires maltraité par ses camarades. « J’aime pas la vie et ça me ferait plaisir de la donner pour une bonne cause si jamais l’occasion se présentait », dit-il au milieu d’une réunion des « dépressifs anonymes ». Le titre à rallonge du film trouve alors tout son sens : la buveuse de sang allergique au meurtre et le jeune homme déçu par l’existence vont-ils pouvoir s’accorder ?
Le sang des innocents
La tonalité de Vampire humaniste cherche suicidaire consentant évolue en même temps que les états d’âme de Sasha. La loufoquerie des premières séquences cède ainsi progressivement le pas à une atmosphère de comédie dramatique douce-amère où le vampirisme sert de prétexte à la description sans fard du mal-être des adolescents en quête d’une raison d’être, d’une identité et d’une place dans un monde dont ils se sentent étrangers. Ce n’est donc pas à un pastiche de film d’horreur que nous avons affaire – ce qu’aurait pu laisser imaginer son prologue – mais plutôt à un récit initiatique dont le caractère surnaturel totalement assumé permet de grossir le trait. Sous l’influence d’œuvres telles que Les Prédateurs de Ridley Scott ou Only Lovers Left Alive de Jim Jarmush (dont elle ne cherche jamais pour autant à imiter le style), Ariane Louis-Seize trouve à travers la figure du vampire le moyen idéal de cerner la solitude, l’incommunicabilité et la pulsion de mort propres à cette période à la fois fascinante et terrifiante qu’est la sortie de l’enfance et le passage à l’âge adulte. Les premiers émois amoureux s’invitent aussi dans ce film qui sait rester léger malgré tout et qui remporta à travers le monde un nombre conséquent de récompenses au gré de ses passages en festivals.
© Gilles Penso
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