Dans cette variante mexicaine du mythe de la momie ressuscitée, la tête tranchée d’un guerrier aztèque revient à la vie…
LA CABEZA VIVIENTE
1963 – MEXIQUE
Réalisé par Chano Urueta
Avec Abel Salazar, German Robles, Mauricio Garces, Ana Luisa Peluffo, Guillermo Cramer, Antonio Raxel, Eric de Castillo
THEMA MOMIES
Si La Tête vivante semble être la réponse mexicaine à La Momie d’Universal et à ses suites, il faut reconnaître que le scénario de Federico Curiel et Adolfo Lopez Portillo n’emprunte pas le schéma classique de l’ancien prince tombant amoureux de la réincarnation de sa belle. Le folklore Sud-Américain permet en effet d’écarter le film des clichés pseudo-égyptiens véhiculés par Hollywood (puis les studios anglais Hammer) sans se départir pour autant de l’inévitable vengeance d’outre-tombe frappant les imprudents profanateurs de sépulture. Par le biais de quelques stock-shots savamment disséminés, le prologue situé en 1525 se paie le luxe de nombreux figurants costumés et de panoramas aztèques grandioses. Nous y assistons à une cérémonie sacrificielle au cours de laquelle la tête du grand guerrier aztèque Acatl est enterrée en compagnie du grand-prêtre Xihu et de la princesse Zochiquati. Le flash-forward jusqu’aux années 60 emprunte le même procédé que Le Baron de la terreur : les années s’affichent à l’écran tandis que les images d’arrière-plan symbolisent le temps qui passe. Par cette simple signature visuelle, le réalisateur Chano Urueta inscrit ainsi les deux films dans une certaine continuité, comme faisant partie intégrante d’une « collection ».
En 1963, une expédition scientifique exhume donc les précieuses reliques. Le temps d’un plan surprenant, le corps parfaitement préservé de la belle Zochiquati part littéralement en fumée, comme si l’appel d’air provoqué par l’intrusion des archéologues avait brisé net sa conservation. Nos hommes se rabattent donc sur la tête d’Acatl et le corps vigoureux de Xihu, dans un excellent état d’embaumement. Après son entrée en matière emphatique, La Tête vivante joue la carte de l’économie, répartissant la quasi-totalité de son action dans deux appartements. Véritables équivalents latinos des Christopher Lee et Peter Cushing du cinéma anglais, German Robles et Abel Salazar se donnent une fois de plus la réplique, l’un dans le rôle d’un archéologue cartésien, l’autre sous la défroque d’un policier sceptique. Ensemble, ils s’efforcent d’élucider les meurtres rituels qui frappent un à un les membres de l’expédition.
« Personne n’a le droit de violer la paix des morts… »
L’archéologue se place en bute aux superstitions locales, incompatibles selon lui avec la science moderne. « Nous avons des fusées, nous préparons des voyages sur la Lune, Mars et Vénus » clame-t-il pour étayer sa thèse. Mais lorsque le cœur arraché des victimes est retrouvé près de la tête naturalisée d’Acatl, et lorsque le couteau brandi par la momie de Xihu dégouline de sang, le doute s’immisce peu à peu. Bientôt, le vénérable scientifique découvre que sa propre fille, envoûtée par l’anneau aztèque qu’elle porte au doigt (et qui clignote régulièrement à la manière d’un feu de détresse), n’est pas étrangère aux assassinats qui s’abattent sur son entourage. Le film s’achève sur une séquence de suspense assez efficace, au cours de laquelle tous les protagonistes sont sous influence hypnotique et menacent de se tuer les uns les autres, jusqu’à une révélation finale plutôt habile. Et notre héros de conclure révérencieusement : « personne n’a le droit de violer la paix des morts ».
© Gilles Penso
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