ÉTRANGE NOËL DE MONSIEUR JACK (L’) (1993)

Née de l’esprit foisonnant de Tim Burton, cette fusion impensable entre Noël et Halloween s’est muée en objet de culte intergénérationnel…

THE NIGHTMARE BEFORE CHRISTMAS

 

1993 – USA

 

Réalisé par Henry Selick

 

Avec les voix de Danny Elfman, Chris Sarandon, Catherine O’Hara, William Hickey, Glenn Shadix, Paul Reubens, Ken Page, Edward Ivory, Susan McBride, Debi Durst

 

THEMA CONTES

En 1982, Tim Burton est simple animateur chez les studios Disney, au cours d’une période creuse qui voit naître Taram et le chaudron magique et Rox et Rouky. Pour se distraire, il reprend le célèbre poème de Clement Clarke Moore qui commence par la strophe « It was the night before Christmas » et en écrit une parodie de trois pages baptisée « The Nightmare Before Christmas ». Il l’illustre ensuite, dessine plusieurs storyboards et espère en tirer un téléfilm d’animation d’une vingtaine de minutes narré par son idole Vincent Price, comme c’était déjà le cas pour son court métrage Vincent. Le postulat de départ est un choc entre deux fêtes à priori antithétiques : Noël et Halloween. Avec son ami et associé Rick Heinrichs, Burton propose le projet aux responsables de Disney, qui le trouvent un peu trop sombre et étrange à leur goût. Les autres producteurs contactés s’avèrent tout aussi réticents. Le projet est donc laissé de côté un moment, et Tim Burton réalise au cours des dix années qui suivent Pee Wee’s Big Adventure, Beetlejuice, Edward aux mains d’argent, Batman et Batman le défi. Lorsqu’il retourne voir les responsables de Disney au début des années 90, on lui déroule cette fois-ci le tapis rouge et son ancien projet devient désormais très convoité.

Occupé par la post-production du deuxième Batman et la préparation de Ed Wood, Burton craint par ailleurs de manquer de patience et de minutie pour diriger pendant deux ans un long-métrage entièrement conçu en animation image par image. Il se met donc en quête d’un metteur en scène. C’est Rick Heinrichs qui lui propose Henry Selick, un de leurs anciens collègues des studios d’animation Disney devenu depuis réalisateur de courts-métrages animés, notamment pour MTV. Le film raconte les mésaventures de Jack Skellington, Roi des Citrouilles, et grand ordonnateur de la ville d’Halloween, peuplée de monstres et de créatures étranges friandes de farces macabres. Avide de nouvelles expériences, il découvre par hasard l’entrée de la ville de Noël et décide de prendre le relais du Père Noël. Si Tim Burton n’a pas directement signé ce conte macabre, sa personnalité, elle, y est omniprésente. Visuellement, le film évoque beaucoup Beetlejuice mais aussi les ombres de Batman et les couleurs chamarrées de Edward aux mains d’argent. Il est difficile de ne pas penser également à ses premiers courts métrages en noir et blanc : Vincent, bel hommage à Vincent Price déjà entièrement conçu en animation, et Frankenweenie, parodie canine de Frankenstein évoluant dans des décors très expressionnistes.

Le Roi des Citrouilles

Il faut bien sûr louer le talent trop mésestimé de Henry Selick, sans qui cette folie n’aurait pu être conçue, et celui de Danny Elfman, dont la partition opératique, de toute beauté, ne quitte pas le film une seconde, les chansons étant au moins aussi importantes que les dialogues. Visuellement, artistiquement, esthétiquement, The Nightmare Before Christmas est une réussite totale. Alors que Jurassic Park venait de transformer l’image de synthèse en passage obligatoire en matière d’effets visuels au cinéma, ce gigantesque retour à la bonne vieille animation image par image avait à l’époque quelque chose de très euphorisant. « Avec la technique de la stop-motion, vous sentez l’artiste qui lutte pour obtenir le résultat le plus parfait possible, et qui n’y arrive jamais complètement, parce que c’est impossible », nous explique Henry Selick. « Cette « électricité » entre l’animateur et la figurine est palpable. Une grande partie du charme de l’animation en volume réside dans cet état de fait. » (1) Aujourd’hui encore, les défis techniques et artistiques de L’Étrange Noël de Monsieur Jack demeurent incroyables, et Tim Burton lui-même se sera efforcé de retrouver ce grain de folie à travers des œuvres telles que Les Noces Funèbres ou son propre remake de Frankenweenie. Quant à Jack Skellington, il s’est mué en icône indémodable du cinéma fantastique, ornant les chambres, les vêtements, et les sacs des adolescents de toutes les générations.

 

© Gilles Penso

 

(1) Propos recueillis par votre serviteur en mai 2009


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