Oubliez tout ce que vous croyez savoir sur les super-héros : leur véritable nature n’a rien de très reluisant, bien au contraire !
THE BOYS
2019/2023 – USA
Créée par Eric Kripke
Avec Karl Urban, Jack Quaid, Antony Starr, Erin Moriarty, Jessie T. Usher, Laz Alonso, Chace Crawford, Tomer Capone, Karen Fukuhara, Nathan Mitchell
THEMA SUPER-HÉROS
On croyait avoir tout lu, tout vu et tout entendu sur les super-héros. Le thème ayant été accommodé à toutes les sauces et décliné tous azimuts, il avait peu de chance de nous surprendre encore. Jusqu’à ce que The Boys débarque sur les petits écrans et remette les compteurs à zéro. Désormais, il n’est plus possible d’appréhender les super-justiciers costumés comme autrefois. Pour autant, The Boys n’est pas arrivé de nulle part. Au départ, il s’agit d’une bande dessinée écrite par Garth Ennis dont la publication commence en 2006. Violente, subversive, trash et satirique, cette série de comics détourne les codes habituels des aventures super-héroïques en prolongeant la démarche adoptée par « The Watchmen » – qui consistait déjà à faire tomber de leur piédestal les émules de Superman et Wonder Woman – pour la pousser plus loin… beaucoup plus loin ! Le projet d’une adaptation « live » de cette BD pour les besoins d’une série TV était en soi attrayant, mais il semblait évident que le matériau original risquait de perdre beaucoup de son irrévérence et de ses excès au passage. Or il n’en est rien. Développée par Eric Kripke (Supernatural, Timeless) après qu’un long-métrage réalisé par Adam McKay fut un temps envisagé, la version télévisée de The Boys n’édulcore en rien le propos des comics de Garth Ennis, bien au contraire.
Comme la BD qui l’inspire, The Boys se déroule dans le même monde que le nôtre, à une différence près : plusieurs individus sont dotés de super-pouvoirs et s’affirment aux yeux du public comme des héros. Chacun d’entre eux travaille pour la puissante société Vought qui les commercialise, contrôle leur image et vante leurs exploits imaginaires à travers une série de médias (films, séries TV, réseaux sociaux). En réalité, ces super-justiciers n’ont rien de particulièrement héroïque. Nous ne sommes pas chez Marvel ou DC, et leurs pouvoirs ne leur donnent aucune responsabilité. Au contraire, ils sont mégalomanes, abusifs, gâtés, irresponsables, voire meurtriers. Leur cote de popularité importe bien plus que la justesse de leurs actes. Héros de blockbusters, vitrrines de gros annonceurs publicitaires, portes parole de la propagande gouvernementale lorsque c’est nécessaire, ils ne sont que le produit de la société de consommation qui les a créés. Mais bientôt, un groupe de mercenaires mené par le brutal Billy Butcher décide de faire tomber Vought et ses superstars réunies sous forme d’une équipe, « Les Sept », variante dégénérée des Avengers ou de la Justice League.
Les caprices des dieux
L’amateur de comic books s’amusera à reconnaître des imitations à peine déguisées de Superman, Wonder Woman, Aquaman ou Flash. Le plus terrifiant de tous ces « héros » est Homelander (Le Protecteur), un être tout-puissant qui, sous ses allures de super-soldat à mi-chemin entre le Man of Steel de DC et le Captain America de Marvel, le sourire éclatant, le regard rassurant et le cheveu blond bien peigné, cache des tendances psychopathes incontrôlables. Il se prend pour un dieu capricieux, supérieur à tous les autres êtres de la planète, incapable de distinguer le bien du mal tout en prétendant bien sûr le contraire. Antony Starr, son interprète, entre tant dans la peau du personnage que chacune de ses apparitions provoque un malaise durable. Butcher, lui, a pris les traits de Karl Urban, dont le charisme et l’impressionnante présence physique emportent immédiatement le morceau. Mais le véritable protagoniste de The Boys est Hughie, un sympathique jeune homme qui prend fait et cause pour les « mauvais garçons » le jour où l’un des membres des Sept tue accidentellement sa petite amie. Dans les albums dessinés par Darick Robertson, le personnage avait les traits de l’acteur Simon Pegg. Si en 2019 ce dernier est désormais trop vieux pour jouer le personnage, il accepte d’incarner son père, le rôle d’Hughie étant confié à l’excellent Jack Quaid. Le casting est sans conteste l’un des points forts de The Boys. La série est provocatrice, amorale, gore, mais ce n’est pas un simple jeu de sale gosse conçu pour choquer gratuitement. Ses super-héros au-dessus des lois (mais ce pourraient tout aussi bien être des footballers ou des rock stars) servent en réalité de prétexte à une dénonciation sans fards des travers et des turpitudes de notre société.
© Gilles Penso
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