Cette comédie musicale bourrée d’effets spéciaux spectaculaires tente de nous donner un aperçu de ce que sera notre monde dans le futur…
JUST IMAGINE
1930 – USA
Réalisé par David Butler
Avec John Garrick, Maureen O’Sullivan, El Brendel, Marjorie White, Frank Albertson, Hobart Bosworth, Kenneth Thomson, Mischa Auer, Ivan Linow, Joyzelle Joyner
THEMA FUTUR
L’Amour en l’an 2000 est une épopée de science-fiction extrêmement ambitieuse doublée d’un mélodrame, d’une romance, d’un vaudeville et d’une comédie musicale. Autant dire que le long-métrage de David Butler (un cinéaste à l’œuvre depuis la fin des années 20) n’entre pas facilement dans les cases et fait figure d’exception tant il s’amuse à mélanger les genres. Tout commence par des images du New York de 1880. Les chevaux battent le pavé en trainant leurs carioles, les passants déambulent paisiblement, les vélos glissent sur la chaussée… Puis nous faisons un bond en avant de cinq décennies. En 1930, le même quartier a bien changé. Un trafic ininterrompu de voitures et d’autobus sature les rues, les klaxons retentissent, les passants slaloment dangereusement entre les véhicules lancés à vive allure… Sur sa lancée, le film propose de faire un nouveau bond dans le temps de cinquante ans. Nous voilà donc dans le lointain futur… de l’année 1980. Les gens n’ont plus de noms mais des numéros, le gouvernement décide qui doit épouser qui, des pilules ont remplacé les aliments et les bébés s’achètent dans des distributeurs. Désormais, on ne se déplace plus en voiture mais en aéroplane. D’où de très impressionnants panoramas où des avions traversent les cieux par centaines au milieu de buildings gigantesques tandis que les métros se faufilent comme des serpents géants sur des ponts aériens.
Ces visions fantastiques, qui évoquent beaucoup Metropolis et dont la direction artistique est assurée par Stephen Goosson (Horizons perdus), sont obtenues à l’aide de maquettes et de peintures sur verre conçues par une poignée de génies d’effets spéciaux comme Ralph Hammeras (20 000 lieues sous les mers), Willis O’Brien et Marcel Delgado (King Kong). Plusieurs technologies futuristes exhibées dans le film s’avèrent étonnamment prophétiques, du sèche-mains électrique au visiophone en passant par les vidéo-conférences. D’autres sont parfaitement fantaisistes, comme la machinerie utilisée par un médecin pour ramener à la vie un homme mort en 1930 grâce à des rayons de son invention. On note que l’équipement électrique mis en scène dans cette séquence est l’œuvre de Kenneth Strickfaden, qui le réutilisera un an plus tard dans le Frankenstein de James Whale. L’Amour en l’an 2000 (un titre français un peu à côté de la plaque) nous subjugue donc régulièrement par ses trucages étonnants, ses mille trouvailles visuelles et ses superbes designs art-déco réinventant sous un jour futuriste les tendances esthétiques des années 30.
Détour vers le futur
Tout cet arsenal ne parvient pas totalement à masquer le simplisme du scénario, qui s’attache principalement aux amours contrariés de J-21 (John Garrick) et LN-18 (Maureen O’Sullivan, la future Jane de Tarzan). Les passages du film qui ont le plus mal vieilli sont certainement les séquences humoristiques assurées par El Brendel, rapidement pénible dans son long sketch de faire-valoir idiot au fort accent suédois (qui exprime sa nostalgie des années 30 à travers la réplique récurrente « redonnez-moi le bon vieux temps ! »). Œuvre composite, le long-métrage de David Butler est aussi une comédie musicale, interrompant donc régulièrement le fil de sa narration pour intercaler des chansons d’opérette susurrées par les protagonistes. Le film vire même au space opera au moment où nos héros s’envolent vers la planète Mars pour y découvrir de belles indigènes en tenues exotiques et une tribu primitive agressive, avec en prime un spectaculaire numéro musical tribal se déployant au pied d’une gigantesque statue au regard menaçant. Nous voilà soudain à mi-chemin entre Georges Méliès et Buck Rogers. Le vaisseau spatial créé pour le film (en version miniature et grandeur nature) sera d’ailleurs réutilisé dans le sérial Flash Gordon de 1936. Alors certes, L’amour en l’an 2000 est un film imparfait et souvent dénué de finesse. Mais quel spectacle ! Quelle démesure ! Quelle générosité ! Redécouvrir cette œuvre bien des années plus tard permet de mesurer la folle audace de cette superproduction délirante dont on ne connaît pas d’équivalent.
© Gilles Penso
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