Seule dans sa grande maison isolée, une jeune femme doit faire face à une invasion extra-terrestre…
NO ONE WILL SAVE YOU
2023 – USA
Réalisé par Brian Duffield
Avec Kaitlyn Dever, Zack Duhame, Lauren Murray, Geraldine Singer, Dane Rhodes, Daniel Rigamer, Dari Lynn
THEMA EXTRA-TERRESTRES
Scénariste de The Babysitter, Underwater et Love and Monsters, Brian Duffield écrit en 2019 No One Will Save You sans le support d’une compagnie de production particulière, persuadé que le concept finira par trouver acquéreur. Notre homme a le nez creux, puisque 20th Century Studio, filiale de Disney, a le coup de cœur pour son script et en fait l’acquisition en avril 2021. Cette histoire étant purement visuelle (huit mots de dialogue pour 90 minutes de métrage, il fallait oser !), Duffield a plein d’idées en tête pour la mise en scène et négocie auprès du studio pour réaliser le film lui-même. Ce sera son second long-métrage après la comédie fantastico-horrifique Spontaneous. Kaitlyn Dever incarne Brynn, une couturière qui vit toujours dans la maison de son enfance et qui pleure la perte de sa mère, Sarah, et de sa meilleure amie, Maude. Pour l’aider à faire son deuil, elle construit dans son salon une ville modèle en miniature. Son intérieur a ceci d’étrange qu’il a les allures d’une maison de poupée dans laquelle le temps se serait arrêté. Il est d’ailleurs difficile de comprendre à quelle époque se situe le film. Si un ordinateur portable apparaît furtivement dans le film, Brynn semble vivre dans un monde rétro où les téléphones sont filaires et analogiques, où les photos se prennent avec des polaroïds et où le courrier s’écrit sur papier et s’envoie par enveloppe. Des petites lampes éclairent les pièces, des peluches et des papillons ornent sa chambre, comme si elle refusait de sortir de l’enfance.
L’autre singularité liée au personnage est son statut de paria. Lorsqu’elle fait de brèves incursions dans la petite ville dont sa maison est séparée de quelques kilomètres, c’est pour croiser des regards hostiles, pour ne pas dire haineux. Que s’est-il donc passé pour isoler à ce point notre héroïne de ses semblables ? Il nous faudra beaucoup de temps pour le comprendre. Toujours est-il que le titre original, qu’on pourrait traduire par « Personne ne te sauvera », joue sur le double sens du verbe « save », évoquant à la fois le secours (autrement dit le sauvetage) et le salut (de l’âme ?). Les diffuseurs français, eux, se contentent du prosaïsme en choisissant Traquée, un titre déjà utilisé chez nous pour Someone to Watch Over Me de Ridley Scott. Mais alors pourquoi faut-il sauver Brynn ? Pourquoi est-elle traquée ? La réponse ne tarde pas à venir. Une nuit, seule chez elle comme toujours, elle est réveillée en sursaut par des bruits inquiétants. Un intrus est entré dans sa maison. Or ce n’est pas un être humain…
Histoire sans paroles
Brian Duffield connaît ses classiques. Il paie donc son tribut à plusieurs incontournables du genre, notamment du côté de Steven Spielberg (on pense beaucoup à la scène d’enlèvement du petit Barry dans Rencontres du troisième type et à la séquence de la planque de La Guerre des mondes) et du M. Night Shyamalan de Signes. Mais la démarche n’a rien du clin d’œil cinéphilique ni de la citation. Si le réalisateur s’empare de ce passif, c’est pour mieux le réinventer à sa manière. Inventive, sa mise en scène ne cesse de multiplier les trouvailles pour éviter la monotonie d’une situation qui finit par s’étirer. Car tel est le piège de Traquée : un film-concept au point de départ qui accroche ses spectateurs dès les premières minutes mais peine un peu à évoluer sans se répéter. Il faut certes saluer l’implication totale de l’actrice Kaitlyn Dever (qui joue quasiment le film sans aucun partenaire et sans le moindre dialogue), le recours chaque fois que possible aux effets animatroniques (toujours plus convaincants que leurs contreparties numériques, en tout cas dans le cas présent) et un final qui – s’il laissera beaucoup de monde perplexe – a le mérite de surprendre. En découvrant le film, Stephen King s’est fendu d’une de ses fameux dithyrambes prouvant son amour inconditionnel pour le genre. « Brillant, audacieux, impliquant, effrayant », s’exclame-t-il. « Il faut remonter soixante ans en arrière, à un épisode de La Quatrième dimension intitulé « Les Envahisseurs », pour trouver quelque chose de semblable » (1). Sans partager tout à fait l’enthousiasme du King, reconnaissons au film de Duffield son audace et ses partis pris radicaux qui changent un peu du tout-venant.
(1) Post de Stephen King sur Twitter le 25 septembre 2023.
© Gilles Penso
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