Dans le Téhéran des années 1980, une jeune mère et sa fille sont exposées aux affres de la guerre Iran-Irak… mais aussi à de redoutables démons…
UNDER THE SHADOW
2016 – GB / JORDANIE / QATAR
Réalisé par Babak Anvari
Avec Narges Rashidi, Avin Manshadi, Bobby Naderi, Arash Marandi, Aram Gashemy, Soussan Farrokhnia, Ray Haratian, Hamid Djavadan
THEMA DIABLE ET DÉMONS
Ce film de terreur très efficace, qui évoque par moments le Dark Water de Hideo Nakata et le cinéma d’épouvante de James Wan, emprunte certes des mécanismes connus mais se les réapproprie avec panache, en s’appuyant sur une maîtrise indiscutable du hors champ, des effets sonores, du silence, bref de tout ce que le langage cinématographique offre comme latitude pour laisser s’installer une épouvante durable et intense. Ce travail d’orfèvre est d’autant plus remarquable que Babak Anvari réalise là son premier long-métrage, après une pratique intensive du format court pour « se faire les dents ». Financé avec des capitaux venus du Qatar, de la Jordanie et du Royaume Uni, Under the Shadow est tourné en langue perse et produit par la compagnie anglaise Wigwaw Films. Si l’intrigue se déroule en Iran (pays natal du réalisateur) le film est intégralement tourné en Jordanie. Under the Shadow se distingue avant tout par sa capacité à inscrire le fantastique dans un contexte historique, politique et social bien réel. Les phénomènes paranormaux n’interviennent d’ailleurs qu’après que les personnages et leurs problématiques tangibles nous aient été exposés.
En 1988, au cœur de la guerre qui oppose l’Iran et l’Irak, la condition de la femme à Téhéran est loin d’être idyllique. Empêchée de poursuivre ses études de médecine à cause de son implication dans un mouvement d’opposition étudiant, Shideh (Narges Rashidi) doit élever seule sa fille Dorsa (Avin Manshadi) pendant les bombardements incessants qui frappent la ville. Son époux médecin Iraj (Bobby Naderi), lui, est mobilisé sur le front. Malgré les protestations de ce dernier, Shideh décide de rester en ville au lieu de s’installer dans une région plus sûre du pays auprès de ses beaux-parents. Peu rassurée par ce climat de guerre permanent, la petite Dorsa se pelotonne contre sa poupée préférée Kimia, persuadée qu’elle pourra la protéger. Bientôt, un jeune garçon s’installe dans le voisinage. Ses parents ayant été tués pendant une attaque, il est désormais muet. Mais il semble cacher un lourd secret…
À l’ombre des démons
Faire intervenir des Djinns démoniaques en pareille situation aurait pu sembler incongru. Les monstres surnaturels ont-ils leur place dans un récit aussi tangible ? Mais les créatures mythiques ne se contentent pas de se juxtaposer à ce contexte historique et social. Elles s’y enracinent solidement et provoquent une terreur insidieuse, non seulement chez les deux protagonistes mais aussi auprès des spectateurs. La peur suscitée par les Djinns est d’autant plus efficace que le cinéaste décide de nous en montrer le moins possible, laissant l’imagination faire le plus gros du travail. Bien sûr, on ne peut s’empêcher d’apprécier la charge métaphorique de ce spectre aux allures de voile islamique attaquant sans relâche une femme musulmane moderne séduite par la culture occidentale, qui pratique la gymnastique devant son téléviseur et refuse les conseils de son mari au lieu de se soumettre comme le voudrait la tradition. Under the Shadow a fait la tournée des festivals, y remportant de nombreux prix à travers le monde avant d’être distribué sur de nombreux territoires.
© Gilles Penso
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