Le premier long-métrage de Talal Selhami isole cinq protagonistes dans le désert marocain et éveille leurs démons intérieurs…
MIRAGES
2010 – FRANCE / MAROC
Réalisé par Talal Selhami
Avec Eric Savin, Omra Lotfi, Karim Saidi, Aissam Bouali, Mohamed Choubi, Meryam Raoui, Chaouki El Ofir
THEMA DIABLE ET DÉMONS
Désireux de révéler les jeunes talents de l’industrie de son cinéma local, le gouvernement marocain lance dans les années 2000 un appel d’offre auprès de plusieurs sociétés de productions, avec comme ambition la distribution de films ambitieux aux budgets modestes sur plusieurs territoires. Ainsi naît Mirages, le premier long-métrage très prometteur de Talal Selhami. « Je suis cinéphile depuis que je suis tout petit », nous confie-t-il. « J’ai découvert très jeune et un peu par hasard les films fantastiques et d’horreur. Mon premier souvenir de cinéma sur un petit écran, c’était Elephant Man de David Lynch » (1). Il y a pire comme initiation, nous en conviendrons ! La première idée du jeune réalisateur est d’envisager un huis-clos, solution pratique, efficace et peu coûteuse pour bâtir une intrigue d’épouvante. Mais un tel parti pris ôterait au film sa couleur locale marocaine. Changeant son fusil d’épaule, Talal Selhami décide finalement de partir tourner dehors et de magnifier le désert, qui va presque devenir le personnage principal de Mirages et influer sur le comportement de ses protagonistes. Au fil du récit, il nous semble percevoir l’influence de La Quatrième dimension.
La moindre originalité du film n’est pas de faire découler le fantastique d’une réalité sociale bien concrète. Cinq personnes aux profils distincts se retrouvent en compétition pour décrocher un emploi dans la multinationale Matsuika qui vient de s’implanter à Casablanca. Pour chacun d’entre eux, l’issue de cet entretien entraînera un changement radical de vie. Or le PDG de la société leur propose de participer à une épreuve qui permettra de les départager. Tous acceptent et se retrouvent embarqués dans un minibus aux fenêtres occultées. A l’issue d’un long trajet, un accident survient et tous les cinq se retrouvent isolés en plein désert. Doivent-ils attendre les secours ou s’agit-il du test lui-même ? Bientôt, les démons intérieurs de chacun d’entre eux émergent sous forme de mirages effrayants…
Sables mortels
Le manque de moyens de Mirages est apparent dès les premières séquences, dont les prises de vues approximatives en HD Cam entravent quelque peu la bonne marche du récit. Mais dès que le désert de Marrakech emplit l’écran, le savoir-faire de Talal Selhami et son sens indéniable de la composition dotent le film d’une cinégénie qui ne le quittera plus. « Tourner dans le désert a quelque chose de jouissif, parce que vous êtes coupés du monde et que vous êtes obligé de rester concentré », raconte l’un des acteurs principaux, Aissam Bouali, que le réalisateur repère pour son rôle dans La Vague blanche. « Bien sûr, les conditions étaient difficiles, à cause de la chaleur le jour et du froid la nuit. Mais sans ces conditions-là, nous n’aurions pas obtenu un tel film » (2). Par l’intermédiaire de Bouali, Selhami rencontre les autres acteurs, notamment Karim Saidi qui était apparu dans Munich de Steven Spielberg. Force est de reconnaître que les cinq comédiens principaux crèvent l’écran avec une justesse et un charisme remarquables. Tourné en 21 jours dans des conditions précaires, Mirages ne manque donc pas d’atouts et mérite largement le détour, ne serait-ce parce qu’il marque les premiers pas d’un cinéaste à suivre de près.
(1) et (2) Propos recueillis par votre serviteur en janvier 2011
© Gilles Penso
Partagez cet article