Roger Corman raconte une étrange séance d’hypnose qui ramène une jeune femme dans une vie antérieure où règnent sorcières et démons…
THE UNDEAD
1957 – USA
Réalisé par Roger Corman
Avec Richard Garland, Pamela Duncan, Allison Hayes, Val Dufour, Mel Welles, Dorothy Neumann, Billy Barty
THEMA SORCELLERIE ET MAGIE I VOYAGES DANS LE TEMPS I DIABLE ET DÉMONS
Extrêmement prolifique au milieu des fifties, Roger Corman réalisa pas moins de huit films en 1957, notamment Not of this Earth, Viking Women and the Sea Serpent, L’Attaque des crabes géants, et cet étonnant The Undead. Parallèlement aux extra-terrestres belliqueux, aux crustacés monstrueux et aux serpents de mer, ce stakhanoviste de la mise en scène et de la production s’attaqua ainsi à un récit complexe mêlant sorcellerie, hypnose, diable, voyages dans le temps et réincarnation. Tout ça avec un budget minuscule, une poignée de décors et une petite semaine de tournage à peine. « Je voulais profiter de l’éphémère passion du public pour la réincarnation au milieu des années 1950, comme en témoignaient les excellentes ventes du livre “A la recherche de Bridey Murphy“ », raconte Corman. « Chuck Griffith avait écrit un scénario intitulé The Trance of Diana Love mais l’engouement était déjà passé et nous l’avons sorti sous le titre The Undead. » (1). Le film raconte l’étrange expérience de Quintus Ratcliff (Val Dufour), un étudiant en psychologie qui, après avoir passé sept ans au Tibet, revient voir son professeur. Il le convainc de pratiquer une séance d’hypnose conforme à celles auxquelles il a assisté auprès des chamanes du Népal. Son cobaye sera Diana Love (Pamela Duncan), une prostituée qui accepte de se prêter au jeu du moment qu’on la paie bien. L’objectif de Quintus est de la faire régresser jusque dans une vie antérieure.
Nous la retrouvons donc en plein moyen âge dans la peau d’Hélène, une jeune femme accusée de sorcellerie et condamnée à la décapitation. Tandis qu’elle croupit dans un cachot et s’efforce de ne pas céder aux avances de son gardien disgracieux, elle entend la voix de Diana – c’est-à-dire elle-même dans le futur – et en profite pour s’échapper. A partir de là, elle vit une aventure confuse qui laisse imaginer un certain surmenage chez les scénaristes. Fuyant dans une forêt embrumée qui annonce le cycle d’adaptations d’Edgar Poe que Corman réalisera peu après, elle rencontre le fossoyeur ensorcelé Smokin (Mel Welles), puis la vieille et caricaturale sorcière Meg Maud (Dorothy Neuman). Dans la foulée, nous apprenons que le beau Pendragon (Richard Garland) est amoureux d’Hélène, mais qu’il est lui-même convoité par la sorcière Lydia (Allison Hayes, qui fut l’inoubliable géante d’Attack of the 50 Foot Woman et qui constitue le seul éclat d’un casting par ailleurs assez terne). Lydia est accompagnée d’un diablotin aux oreilles pointues et à la jolie houppette, et tous deux passent la majeure partie du film à se muer en animaux divers : chat noir, lézard, rapaces, chauves-souris ou araignées.
La danse des ghoules
« Pour l’unique décor réel du film, je me suis servi d’une magnifique maison des années 1930, à Beverly Hills, et j’ai soigneusement cadré de sorte que les maisons voisines n’apparaissent pas à l’écran », raconte Corman. « Pour reproduire l’ambiance du Moyen Âge, nous avons construit les décors intérieurs sur le plateau, nous avons fait venir beaucoup d’arbres, avons apporté de la terre par pelletées pour recouvrir le sol en béton, diffusé du brouillard en arrière-plan et avons loué les éléments de décor, accessoires et costumes auprès des établissements fournissant également les films à gros budget. » (2) C’est ainsi que le réalisateur/producteur parvient à boucler son film pour 75 000 dollars seulement. L’un des moments les plus improbables de The Undead est le sabbat des sorcières, présidé par un diable sans panache (un barbu dans un habit noir arborant une grande fourche et incarné par un Richard Devon surjouant à outrance), au cours duquel trois ghoules entament une chorégraphie improbable. Parallèlement, la séance d’hypnose prend des allures de véritable voyage dans le temps, puisque Quintus s’avère capable de traverser les âges pour venir lui-même en aide à Hélène. Le scénario propose alors un dilemme surréaliste : soit Hélène se sacrifie et permet à ses vies futures de se dérouler, soit elle brise le continuum espace-temps et annule du même coup ses prochaines existences. L’idée ne manque pas d’intérêt, mais elle se noie dans un maelström d’incohérences scénaristiques et de péripéties improbables, signe d’une écriture, d’un tournage et d’une production exagérément précipités.
(1) et (2) Extraits de la biographie “Comment j’ai fait 100 films sans jamais perdre un centime” par Roger Corman et Jim Jerome, publiée en 1990
© Gilles Penso
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