Le cinéaste magicien Karel Zeman adapte librement Jules Verne et transporte ses héros sur une comète où règnent des dinosaures…
NA KOMETA
1969 – TCHECOSLOVAQUIE
Réalisé par Karel Zeman
Avec Emil Horvath Junior, Magda Casarykova, Frantisek Filipovski, Josef Vetrovec, Cestmir Randa, Jirina Jirakowa
THEMA DINOSAURES I EXOTISME FANTASTIQUE
L’Arche de Monsieur Servadac marque la fin d’une période pour le réalisateurKarel Zeman. C’est en effet sa dernière histoire tirée d’un roman de Jules Verne (en l’occurrence « Hector Servadac » publié en 1877), et son dernier long-métrage avec des comédiens en chair et en os. Toujours féru de satire sociale et de fantaisie débridée, le cinéaste tchèque situe son film en 1888. Suite à un séisme survenu en Méditerranée occidentale, un morceau de la Terre se détache et s’envole. Cette nouvelle comète entraîne avec elle la garnison française d’une ville d’Afrique du Nord, des nomades arabes, des trafiquants d’armes, une jeune fille kidnappée à l’intention de l’émir, des commerçants, des navigateurs, un trio d’amoureux, le rocher de Gibraltar et ses tenaces Britanniques… Un tel point de départ est évidemment un terrain propice aux effets spéciaux magiques de Zeman qui, fidèle à son habitude, se plaît à marier les techniques.
L’animation image par image est mise à contribution pour une séquence totalement absurde dans laquelle, venue de nulle part, une horde de dinosaures surgit du désert et s’approche du fort où sont réfugiés les militaires. La séquence a sans doute nécessité un travail intensif, car plusieurs dizaines de sauriens traversent l’écran en même temps. Se libérant des contraintes pédagogiques et paléontologiques de son Voyage dans la préhistoire, Karel Zeman se permet bon nombre de libertés sur la morphologie de ses dinosaures, qui manquent singulièrement de réalisme. Mais la scène en question est la plus impressionnante du film, d’autant que le mélange des dinosaures avec les acteurs est impeccable, malgré des proportions parfois un peu évasives. Constatant que les coups de feu n’effraient aucunement les monstres, les militaires se rendent compte que le bruit de la chute de plusieurs casseroles provoque chez eux une réaction de fuite. Voici donc tous nos héros qui jettent littéralement leurs canons, mettent en place un système de rampes à casseroles et parviennent à faire fuir les gigantesques sauriens en provoquant un vacarme épouvantable.
Darwin en folie
Une autre scène évoque beaucoup Voyage dans la préhistoire dans la mesure où le héros, passant en bateau devant une île, aperçoit des reptiles antédiluviens et s’extasie devant les forêts du Carbonifère. Mais là aussi, Karel Zeman ne s’embarrasse plus de rigueur scientifique. Et le cinéaste d’enchaîner sur une séquence burlesque dans laquelle, pour symboliser l’évolution des espèces, il montre un poisson sur pattes qui avance de manière un peu ridicule. Son corps se recouvre de poils, sa mâchoire de crocs, une queue touffue lui pousse, et il se transforme en sanglier bipède, ce qui ouvre l’appétit du cuisinier du bateau précédemment cité. Il faut l’avouer, L’Arche de Monsieur Servadac est moins inventif que des films tels que L’Invention diabolique ou Le Baron de Crac, d’autant que son humour et ses longs dialogues tombent souvent à plat, et que son dénouement use le bon vieux cliché « tout ça n’était qu’un rêve ! ». Mais grâce aux touches de magie dont il s’est fait une spécialité, Karel Zeman parvient tout de même à en faire une œuvre unique et rafraîchissante.
© Gilles Penso
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