Les Monty Pythons se lancent dans leur premier long-métrage de fiction, une épopée médiévale fantaisiste et délirante…
MONTY PYTHON AND THE HOLY GRAIL
1975 – GB
Réalisé par Terry Gilliam et Terry Jones
Avec Graham Chapman, John Cleese, Eric Idle, Terry Gilliam, Terry Jones, Michael Palin, Connie Booth, Carol Cleveland, Neil Innes, Ben Duffell, John Young
THEMA HEROIC FANTASY I DIEU, LES ANGES, LA BIBLE I SORCELLERIE ET MAGIE
Entre la troisième et la quatrième saison de leur show télévisé Monty Python’s Flying Circus, les six trublions qui surent dynamiter la télévision britannique avec leur humour « nonsensique » et leur grain de folie inimitable décident de se lancer dans l’écriture d’un long-métrage. Un premier film leur avait certes déjà été consacré, sous le titre And Now for Something Completely Different (« traduit » en France par La Première folie des Monty Pythons), mais il s’agissait alors d’une compilation de sketches issus des deux premières saisons de leur émission. Cette fois-ci, le groupe vise la fiction. Leur idée : raconter la quête du roi Arthur et des Chevaliers de la Table Ronde sous un angle burlesque et parodique. Le défi est de taille, d’autant que le budget à leur disposition est très limité (moins de 300 000 livres) et que le duo Terry Gilliam et Terry Jones n’a encore réalisé aucun film. Ce sera donc une expérience d’apprentissage pur s’appuyant sur le même sens comique que celui du Flying Circus : des saynètes isolées reliées l’une à l’autre de manière évasive, des interludes en animation conçus par Gilliam et des digressions joyeusement absurdes. Comme toujours, les Monty Pythons jouent chacun de nombreux rôles, tout comme la majorité des acteurs du film, dont le tournage se déroule majoritairement sur des sites naturels captés en Ecosse.
Dès le générique de début, le délire bat son plein, avec des sous-titres suédois incompréhensibles et des mentions qui n’ont aucun sens. Puis apparaît le roi Arthur (Graham Chapman), trottinant à pied tandis que son écuyer Patsy (Terry Gilliam) imite le bruit des sabots d’un cheval avec deux morceaux de noix de coco. Les Pythons ne nous trompent donc pas sur la marchandise et annoncent très vite la couleur. Ces deux personnages décalés – qui se prennent très au sérieux, ce qui renforce évidement le comique de la situation – parcourent la Grande-Bretagne à la recherche d’hommes pour rejoindre les Chevaliers de la Table Ronde. Bientôt, Sir Bedevere le sage (Terry Jones), Sir Lancelot le brave (John Cleese), Sir Galahad le pur (Michael Palin) et Sir Robin le pas très brave (Eric Idle) se joignent à lui, accompagnés de leurs écuyers et de quelques ménestrels adeptes de chansons embarrassantes. Dieu leur apparaît alors, écartant les nuages pour leur ordonner de partir à la recherche du Saint Graal.
Sacrés gags
Le moyen-âge boueux et misérable décrit dans Sacré Graal s’inspire en partie des films de Pasolini. Cette influence sera réutilisée par Terry Gilliam dans Jabberwocky, qui sent lui aussi la saleté, la misère et la pestilence. Les gags du film partent dans tous les sens et nous ravissent par leur liberté totale. Parfois, ce sont des dialogues délirants à rallonge (le débat autour du poids des alouettes, le paysan syndicalo-anarchiste qui milite pour un gouvernement équitable, la discussion pour déterminer si une femme est une sorcière ou non). D’autres fois, ce sont des effets purement cartoonesques (le parachutage des vaches et des moutons, le chevalier géant à trois têtes). Sans compter les écarts sanglants (le chevalier noir découpé en morceaux qui continue à se battre), les numéros musicaux (la chanson de Camelot, la ritournelle de Robin), les séquences en animation découpée (Dieu qui s’adresse aux chevaliers, la « bête noire » dans la caverne), les intermèdes anachroniques (la mort de l’historien « célèbre » et les gendarmes qui enquêtent) ou les gags qui n’ont absolument aucun sens (les chevaliers qui disent « Ni »). Sacré Graal ne se fixe donc ni règle, ni limite, surprenant sans cesse ses spectateurs qui se demandent bien où ce délire va les mener. Pour un coup d’essai c’est un coup de maître. Il n’était pourtant pas simple d’adapter au format d’un long-métrage l’humour si particulier des Monty Pythons, fait de situations absurdes, de ruptures inattendues, de décalage permanent et de « cadavres exquis » surréalistes. Le groupe enchaînera avec La Vie de Brian et Le Sens de la vie avant que Terry Gilliam se lance avec succès dans une carrière solo – sans jamais complètement oublier l’esprit « Python » de ses débuts.
© Gilles Penso
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