Le réalisateur John McNaughton nous conte les méfaits banals, quotidiens et atroces d’un tueur en série pulsionnel… Un film choc !
HENRY, PORTRAIT OF A SERIAL KILLER
1986 – USA
Réalisé par John McNaughton
Avec Michael Rooker, Tom Towlers, Tracy Arnold, David Katz, Anne Bartoletti, Kurt Naebig, Ray Atherton, Eric Young, Mary Demas, Anne Bartoletti, Kristin Finger
THEMA TUEURS
« Il n’est pas Freddy, il n’est pas Jason… Il est réel ». Cette accroche, écrite en gros sur les posters américains d’Henry, portrait d’un serial killer, dit bien le parti pris adopté par John McNaughton : le réalisme avant tout, loin des codes habituels du slasher et du cinéma d’horreur. Pour son premier long-métrage, le réalisateur souhaite frapper fort, même s’il dispose de moyens très limités. Avec un budget de 110 000 dollars, une caméra 16 mm et des acteurs débutants, McNaughton tourne pendant un mois en s’inspirant des faits sanglants perpétrés par deux tueurs en série ayant vraiment existé, Henry Lee Lucas et Otis Toole. Avec l’accord de ses producteurs Malik B. Ali et Waleed B. Ali, les faits réels sont largement réadaptés pour s’intégrer dans la fiction que McNaughton a en tête. Les conditions de tournage sont si précaires que la plupart des seconds rôles sont interprétés par des amis ou des parents du réalisateur. Les décors sont naturels, les costumes et les véhicules appartiennent aux membres de l’équipe et les figurants dans la rue sont de vrais passants. Michael Rooker lui-même travaille comme concierge lorsqu’il auditionne pour incarner Henry, et c’est son véritable uniforme qu’on voit dans le film. Ce système D permanent stimule la créativité de tous et dote surtout le film d’une patine réaliste qui intensifie très efficacement l’effet d’inconfort voulu par son metteur en scène.
Le tout premier plan suscite déjà le malaise. Une jeune femme semble paisiblement endormie dans l’herbe. Mais plus la caméra recule, plus son regard semble figé. Puis le sang apparaît sur sa poitrine. Elle est nue et rigide. Pas de doute, c’est un cadavre. Changement de plan : une main écrase une cigarette dans un cendrier. Pour Henry, tuer est un geste quotidien comme un autre. Et tandis qu’apparaissent d’autres scènes de crime plus sanglantes et atroces les unes que les autres, avec en guise de bande son les hurlements d’horreur poussés pendant le massacre, Henry vaque tranquillement à ses occupations. Il fume, conduit, écoute la radio, puis se met à guetter les jeunes femmes à la sortie des magasins, sans cesse en quête de nouvelles proies. Chez lui, le meurtre est une pulsion incontrôlable qu’il a tranquillement intégrée dans son rythme de vie. « C’est toujours pareil, et c’est toujours différent », confie-t-il à propos de ses meurtres à Otis Toole, son ancien compagnon de cellule, son actuel colocataire et son futur complice. Henry semble hanté par une enfance martyre au cours de laquelle il aurait été violenté par sa mère. Mais ses souvenirs d’enfance sont flous, contradictoires, au point qu’on en vient à douter de leur véracité. Lorsque Becky, la sœur d’Otis, vient emménager provisoirement avec les deux hommes, la situation se complique…
La mort dans l’âme
La mise en scène brute, granuleuse et crue nous évoque parfois la crudité sans concession du Maniac de William Lustig ou du Driller Killer d’Abel Ferrara. Ces captations presque candides du quotidien d’un tueur ayant définitivement effacé toute notion de bien ou de mal font froid dans le dos parce qu’elles sont justement crédibles, presque palpables. La scène perturbante de l’attaque d’une famille filmée au caméscope annonce quant à elle les fausses images documentaires de C’est arrivé près de chez vous et la vogue future du found footage. Henry, portrait d’un serial killer bouscule donc les habitudes. À une époque où le slasher a tendance à tourner à la caricature, où La Colline a des yeux 2, La Revanche de Freddy, Massacre à la tronçonneuse 2 et Jason le mort-vivant transforment leurs figures d’épouvante en croquemitaines clownesques, John McNaughton remet les choses à leur place et nous montre sans filtre ce qu’est un vrai tueur. Dans le rôle principal, Michael Rooker est parfait. Sa mâchoire carrée, sa silhouette massive, son regard bien enfoncé sous une arcade sourcilière proéminente et son physique brutal s’adaptent à merveille à ce personnage secret et taciturne. Il s’en faudrait de peu que le monstre se laisse attendrir par la présence fragile de la sœur de son meilleur ami. Mais y a-t-il encore un salut possible dans cette âme souillée ? Au-delà de l’onde de choc durable qu’Henry, portrait d’un serial killer a provoqué sur le cinéma de genre en général et l’horreur en particulier, le film aura servi de starting-block aux carrières respectives du réalisateur John McNaughton (Borrower, Mad Dog and Glory, Sexcrimes) et de l’acteur Michael Rooker (La Part des ténèbres, Cliffhanger, Replicant, Horribilis, Les Gardiens de la galaxie). Beau pied à l’étrier pour ces deux artistes talentueux.
© Gilles Penso
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