Le célèbre ptéranodon géant japonais surgit pour la première fois dans un long-métrage en couleurs extrêmement spectaculaire…
SORA NO DAIKAIJU RADON
1956 – JAPON
Réalisé par Inoshiro Honda
Avec Kenji Sahara, Yumi Shirakawa, Akihito Hirata, Akio Kobori, Yasuko Nakaya, Minosuke Yanada, Yoshibumi Tajima
THEMA DINOSAURES
Après Godzilla et Le Retour de Godzilla, la compagnie japonaise Toho décide de mettre à l’honneur un nouveau monstre géant et de lui offrir pour la première fois l’écrin de la couleur, fait encore assez rare au milieu des années cinquante. Pour donner corps à cette créature, le scénariste Ken Kuronuma se laisse inspirer par un incident réel survenu dans le Kentucky en 1948 : un pilote de la garde nationale aérienne y trouva la mort après avoir poursuivi en avion ce qu’il pensait être un OVNI. La première idée est de mettre en scène une sorte d’oiseau géant proche de l’archéoptéryx. Mais l’on se rabat finalement sur une version titanesque du ptéranodon, ce fameux reptile volant au crâne surmonté d’une crête qui sillonnait les cieux du Crétacé. D’où son nom japonais de Radon, diminutif de ptéranodon. Aux États-Unis, on préfère inverser les voyelles dans la mesure où Radon est une marque de savon assez connue à l’époque ! En Occident, la bête s’appelle donc Rodan. Le film s’ouvre sur une incroyable découverte faite par des mineurs japonais dans une galerie : une horde d’insectes géants. Soudain, un ptérosaure gigantesque sort d’un œuf qui vient d’éclore, dévore les insectes et s’envole vers la ville, causant ruines et destructions par le simple battement de ses ailes. Bientôt, un autre ptérodactyle se joint à lui. Des cités entières s’écroulent sur leur passage, soufflées par les ouragans qu’ils provoquent en volant. De ville en ville, la radio signale ces créatures infernales auprès desquelles les avions les plus rapides et les plus puissants s’avèrent inefficaces…
Après avoir supporté le poids du costume de Godzilla, l’acteur Haruo Nakajima entre dans la peau de Rodan, autrement dit un costume de 70 kilos fabriqué sur mesure par l’équipe d’Eiji Tsuburaya. Soutenues par des cordes de piano, les gigantesques ailes du ptérosaure reposent sur une structure en bambou fixée aux épaules de Nakajima. Autant dire que le tournage n’est pas une partie de plaisir, notamment lorsque les grands câbles soutenant l’acteur costumé en monstre se rompent alors que la caméra tourne, l’entraînant dans une chute de plus de sept mètres de haut jusque dans l’eau. Passée la frayeur, tout le monde se frotte les mains : la cascade involontaire a été filmée et rendra très bien sur grand écran ! Pour les plans larges qui doivent montrer Rodan en plein vol, l’acteur déguisé cède la place à plusieurs marionnettes que Tusburaya construit à cinq échelles différentes selon les plans. Quant à l’insecte géant Meganulon, il s’agit d’un costume mécanique de quatre mètres cinquante de long actionné par trois manipulateurs.
Les Ailes de l’enfer
Le scénario de Rodan s’appuie sur une mécanique rigoureusement identique à celle de Godzilla. Le monstre préhistorique est donc réveillé par une explosion nucléaire, sème la panique puis finit abattu par les autorités. La différence majeure réside dans le surnombre de créatures : deux ptéranodons géants, qui tardent d’ailleurs à montrer le bout de leur bec, cédant d’abord la place aux monstrueux insectes probablement inspirés des fourmis géantes de Des monstres attaquent la ville. Selon les séquences, les Rodans s’avèrent plus ou moins convaincants. Si certains passages au cours desquels ils battent péniblement des ailes pour décoller accusent leur nature caoutchouteuse et mécanique, les survols des grandes cités sont de toute beauté, les reptiles traversant alors les cieux avec une grâce indiscutable. EIji Tsuburaya se surpasse dans l’une de ses disciplines préférées : la fabrication de décors miniatures. Tous rivalisent de beauté et de minutie, agrémentés parfois de matte paintings et destinés pour la plupart à des destructions spectaculaires. Pour souligner l’impact de la présence des monstres sur le monde, Inoshiro Honda agrémente son film de nombreuses scènes de congrès, de conférences de presse, de réunions scientifiques et de meetings militaires. Quant à la version américaine du montage – celle qui franchira les frontières jusqu’à chez nous -, elle croit bon d’ajouter une voix off envahissante qui paraphrase l’action et administre même quelques leçons de morale. Il n’empêche que Rodan connaitra un beau succès aux États-Unis, comme dans le reste du monde, et permettra à la Toho de poursuivre allègrement dans la voie festive des films de monstres géants.
© Gilles Penso
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