Les joyeux freaks imaginés par Charles Addams vivent leur première aventure sur grand écran sous la direction de Barry Sonnenfeld…
THE ADDAMS FAMILY
1991 – USA
Réalisé par Barry Sonnenfeld
Avec Anjelica Huston, Raul Julia, Christopher Lloyd, Jimmy Workman, Christina Ricci, Carel Struycken, Judith Malina
THEMA FREAKS I MAINS VIVANTES
Le succès des aventures de la famille Addams, d’abord sous forme dessinée à partir de 1938 puis dans la fameuse série TV de 1964, allait tôt ou tard se décliner sur grand écran. Le sujet semblait à priori taillé sur mesure pour Tim Burton. Mais ce dernier est occupé au début des années 90 à préparer Batman le défi et doit donc se désister. Le second réalisateur contacté est Terry Gilliam. Son grain de folie et son style singulier pourraient a priori se prêter sans trop de mal à l’univers créé par Charles Addams. Mais l’ex-Monty Python passe lui aussi son tour, sans doute pour éviter justement de se conformer à un concept déjà existant. La production change alors son fusil d’épaule et se tourne vers un metteur en scène débutant : Barry Sonnenfeld. Il s’agit cependant d’un risque mesuré, dans la mesure où ce n’est pas un nouveau venu à Hollywood. Sonnenfeld a en effet a signé la photographie d’un grand nombre de longs-métrages à succès tels que Sang pour sang, Arizona Junior, Big, Quand Harry rencontre Sally, Miller’s Crossing ou Misery. Après la valse des réalisateurs vient celle des scénaristes. Caroline Thompson et Larry Wilson écrivent une première version du script, remanié ensuite par toute une batterie d’auteurs.
La qualité de la direction artistique de La Famille Addams saute d’emblée aux yeux. Visuellement – mais aussi musicalement avec la très belle partition de Mark Shaiman -, le film est une réussite indiscutable dont l’esthétique évoque inévitablement celle de Tim Burton. Le penchant naturel que le film exprime pour les êtres atypiques, marginaux et macabres est une autre réminiscence directe des obsessions du réalisateur de Beetlejuice. Pour autant, Sonnenfeld parvient à exprimer sa propre personnalité et à imposer une vision originale. L’autre point fort du film est son casting. Il n’était pas simple de faire oublier les visages immortalisés par le show télévisé des années 60. A contre-courant de la femme fatale vampirique qu’incarnait jadis Carolyn Jones, Anjelica Huston campe une Morticia mélancolique d’une classe absolue. Face à elle, le Gomez que revisite Raul Julia est un hidalgo fier et ardemment romantique. Christopher Lloyd excelle en Fester blafard et grimaçant, tandis que la toute jeune Christina Ricci (dix ans au moment du tournage) est une parfaite Mercredi.
Les liens du sang
Si la patine du film est irréprochable, on ne peut en dire autant du récit lui-même. A la fois anecdotique et alambiqué, le scénario accuse sa rédaction hétérogène par une infinité de plumes successives. Cette histoire de faux Fester tentant de profiter de la crédulité de la famille Addams pour s’emparer de leurs biens n’a rien de foncièrement palpitant, et c’est dans les détails que le spectateur trouvera matière à se réjouir : les nombreux éléments fantastiques qui hantent le manoir par exemple (le portail animé d’une vie propre, la peau d’ours féroce, les tableaux qui s’animent, les livres vivants, des plantes un peu trop affectueuses) ou les saynètes satiriques tournant en dérision les gens « bien comme il faut ». Dans ce domaine, on n’est pas près d’oublier le spectacle des enfants Addams s’entretuant sur scène, avec force jets de sang, au beau milieu d’une très conventionnelle fête d’école ! On saluera aussi les superbes et discrets effets visuels qui donnent vie à la Chose. Mise en mouvement avec dextérité par le mime Christopher Hart et parfois remplacée par une figurine en stop-motion pour les plans les plus acrobatiques, cette « bête aux cinq doigts » se révèle bien plus dynamique que la version des sixties qui restait généralement confinée dans sa boîte. Malgré un tournage un peu chaotique et plusieurs dépassements budgétaires, La Famille Addams est un succès planétaire. La carrière de réalisateur de Barry Sonnenfeld part ainsi sur des chapeaux de roue. Les Valeurs de la famille Addams sortira sur les écrans deux ans plus tard.
© Gilles Penso
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