DUMBO (2019)

Tim Burton réinvente le classique de Disney en réunissant les deux acteurs vedettes de son mythique Batman le défi

DUMBO

 

2019 – USA

 

Réalisé par Tim Burton

 

Avec Colin Farrell, Eva Green, Michael Keaton, Danny DeVito, Alan Arkin, Nico Parker, Finley Hobbins, Lars Eidinger, Joseph Gatt, Douglas Reith

 

THEMA MAMMIFÈRES I CONTES I SAGA TIM BURTON

Si Tim Burton s’était déjà amusé à revisiter sous forme d’un film « live » l’un des classiques animés des studios Disney, en l’occurrence Alice au pays des merveilles, sa version n’était pas un remake du film de 1951 mais plutôt une variante imaginant les événements survenus après le récit original. Le cas de Dumbo est différent, puisque cette fois-ci nous avons affaire à une relecture assumée du célèbre cartoon réalisé en 1941 par Ben Shapersteen. La démarche est donc la même que celle du Livre de la jungle de Jon Favreau ou de La Belle et la Bête de Bill Condon. À ce jeu, le public ne pouvait qu’être méfiant, d’autant que l’Alice de Burton ne brillait déjà pas par la pertinence de ses choix narratifs. Le scénario de ce nouveau Dumbo est signé Ehren Kruger, un auteur pour le moins éclectique à qui nous devons pèle mêle Scream 3, Le Cercle, Les Frères Grimm ou Ghost in the Shell. Pour la direction artistique, Burton s’appuie sur l’un de ses plus fidèles collaborateurs, en l’occurrence le designer Rick Heinrichs qui reste fidèle au style du cinéaste tout en évitant les signatures esthétiques trop attendues. L’une de ses sources d’inspiration majeures est l’œuvre du peintre Edward Hooper. Afin de pouvoir contrôler tous les aspects visuels de son film et lui donner une patine féerique, Burton opte pour un tournage intégralement en studio, y compris pour les extérieurs. Dumbo est donc filmé sur les plateaux de Pinewood et à l’aérodrome de Cardington.

Le scénario de Kruger prend place en 1919 dans le Missouri. Nous sommes donc au lendemain de la guerre (et accessoirement un siècle avant la date de réalisation du film). Revenu du front amputé d’un bras, Holt Farrier (Colin Farrell), ancien cavalier de cirque, revient sous le chapiteau dirigé par le vénérable Max Medici (Danny DeVito). Mais en son absence le cirque a fait faillite et les chevaux ont été vendus pour éponger les dettes. Holt se retrouve alors chargé de garder les éléphants. Parmi ces derniers se trouve Madame Jumbo, une femelle d’Asie sur le point de donner naissance à son rejeton. Lorsque ce dernier vient au monde, Holt lui découvre des oreilles incroyablement grandes. Max tient à camoufler ces appendices disproportionnés. Mais le secret ne pourra pas être gardé éternellement. A partir de là, l’intrigue rejoint celle du dessin animé de 1941 lui-même inspiré du livre d’Helen Aberson et Harold Pearl. Mais chacun se souvient du Dumbo original, plein de charme mais volontairement économe en rebondissements. Celui de Tim Burton tient à aller plus loin, réservant de fait un certain nombre de surprises aux spectateurs.

Éléphantastique

Loin des remakes serviles de La Belle et la Bête ou d’Aladdin, le Dumbo de Burton s’affirme comme une très belle réinterprétation d’un des « Disney Classics » les plus appréciés par les fans de la première heure. De ce point de vue, ceux qui pouvaient émettre des doutes légitimes sont rassurés. Le réalisateur de Beetlejuice et Edward aux mains d’argent retrouve la fibre poétique et la naïveté enchanteresse qui lui firent souvent défaut au cours des années 2000. Difficile de ne pas savourer cette nouvelle confrontation de Michael Keaton et Danny de Vito, inversant ici les rôles de bon et de vilain qu’ils tenaient dans Batman le défi 27 ans plus tôt. Burton leur adjoint l’une de ses actrices fétiches du moment, Eva Green (Dark Shadows, Miss Peregrine) et en tête d’affiche un nouveau venu dans son univers, Colin Farrell, qui s’avère impeccable (remplaçant au pied levé Will Smith parti jouer dans Bad Boys for Life). Les deux enfants vedette sont tout aussi parfaits, notamment Nico Parker dont le visage rond et les grands yeux semblent avoir été dessinés par Tim Burton lui-même. Bien sûr, la star du film reste l’éléphanteau aux grandes oreilles. Son design est une grande réussite (rarement yeux numériques furent aussi expressifs) et quelques choix de mise en scène audacieux permettent aux spectateurs d’adopter la vue subjective de Dumbo pendant le numéro des clowns ou de vivre une variante de la fameuse séquence psychédélique du cartoon original. La somptueuse bande originale de Danny Elfman ne gâche rien. Au passage, le réalisateur se permet de dresser un portrait au vitriol de l’empire Disney. Il peut sembler incroyable que la maison de Mickey l’ait laissé à ce point mordre la main qui le nourrissait ! Ce n’est pas l’un des moindres charmes inattendus de ce Dumbo « live ».

 

© Gilles Penso


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