Le seul film de Michael Moore qui ne soit pas un documentaire imagine un conflit improbable entre les USA et le Canada…
CANADIAN BACON
1995 – USA
Réalisé par Michael Moore
Avec John Candy, Alan Alda, Rhea Perlman, Kevin Pollak, Rip Torn, Kevin J. O’Connor, Bill Nunn, G.D. Spradin, Steven Wright, Jim Belushi, Dan Aykroyd
THEMA POLITIQUE FICTION
Canadian Bacon fait figure d’exception dans la carrière de Michael Moore, dans la mesure où il s’agit de sa seule œuvre de fiction. Signataire jusqu’alors de trois documentaires (dont le fameux Roger et moi), il allait par la suite poursuivre dans la même discipline avec quelques coups d’éclat tels que Bowling for Columbine, Fahrenheit 9/11 ou Sicko. Le travail de Moore se distingue par son caractère grinçant, son engagement politique et sa propension à se mettre lui-même en scène. L’envie de se frotter à la fiction (et même à la politique-fiction, à deux doigts de la science-fiction) naît pendant la première guerre du Golfe, période où la cote de popularité du président George Bush grimpe soudain à 90% aux États-Unis. Fasciné par ce chiffre – et par le travail de propagande orchestré selon lui par les médias pendant l’opération « Tempête du désert » -, Moore se met à imaginer une situation dans laquelle le président américain déclencherait une guerre arbitraire avec un pays voisin pour conserver le soutien du public. L’idée est séduisante, mais une bonne cinquantaine de sociétés de production tournent le dos au projet, peu convaincues par son potentiel ou sa pertinence. C’est finalement auprès de Maverick Productions, la compagnie de Madonna, que Michael Moore trouve le soutien nécessaire pour mettre en chantier Canadian Bacon.
À mi-chemin entre Docteur Folamour et 1941 (dont la partition, signée John Williams, semble influencer celle d’Elmer Bernstein), cette comédie satirique part donc d’un postulat pour le moins surprenant. Suite à une paix prolongée, l’Amérique vit une cruelle crise économique. Toutes les armes militaires (y compris les missiles) sont vendues aux enchères, les chômeurs se donnent la mort en grand nombre (les policiers gagnent 25 dollars par suicidaire dissuadé, et 50 dollars par corps repêché !) et la cote de popularité du président des États-Unis est au plus bas. Ce dernier n’a plus comme excuse la guerre froide pour garder ouvertes les usines de missiles. Ses conseillers insistent : il faut trouver un nouvel ennemi pour détourner l’attention de l’opinion publique de la crise économique qui progresse dans le pays. Il supplie le nouveau président russe de revenir au bon vieux temps ou du moins de faire semblant d’être une menace. Sa demande étant rejetée, le président n’a qu’un seul pays au monde qui soit assez grand et assez proche pour convaincre le peuple américain qu’il est en danger : le Canada.
Le chant du cygne de John Candy
Le Canada est ici décrit tel qu’il est vu par les Américains, sous un jour très caricatural : propreté et politesse poussées à l’extrême, flegme imperturbable et accent impayable. La scène où le motard (Dan Aykroyd) arrête un camion recouvert de graffitis insultant les Canadiens pour demander au chauffeur (le débonnaire John Candy) de les écrire aussi en français, pour ne pas froisser les Québécois, est savoureuse. Tout comme le journal télévisé américain développant une paranoïa anti-canadienne : « Les Canadiens sont parmi nous ! » scande un slogan, tandis qu’apparaissent à l’écran les photos de William Shatner, Michael J. Fox ou encore Mike Myers ! On note aussi une parodie de Rencontres du 3ème type, à travers le personnage de Honey (Rhea Perlman) qui sculpte en terre glaise une forme verticale qui la fascine, et qui s’avère être la tour de Toronto. Dommage que Michael Moore ne se soit pas laissé aller plus franchement au burlesque. Car tel quel, Canadian Bacon alterne les scènes de délire pur avec des passages beaucoup plus sages sans toujours parvenir à trouver le ton juste. Canadian Bacon sera le dernier film mettant en vedette John Candy, décédé peu après la fin du tournage.
© Gilles Penso
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