Un remake appauvri du classique de Paul Verhoeven qui se distingue tout de même par plusieurs idées originales et quelques partis pris audacieux
Un remake de Robocop, franchement, était-ce une bonne idée ? Paul Verhoeven est un cinéaste tellement jusqu’au-boutiste que toute tentative de réexploitation commerciale de son œuvre se solde généralement par un échec embarrassant, comme en témoignent Robocop 3, la série Robocop, la séquelle de Basic Instinct ou le remake de Total Recall. Seul Irvin Kershner aura réussi à rendre hommage au travail du Hollandais violent avec un Robocop 2 encore plus extrême que son modèle. José Padilha allait-il reproduire un tel miracle ? Malgré une filmographie jusqu’alors engagée et peu consensuelle, le cinéaste brésilien se voit ici contraint d’entrer dans les normes d’une superproduction à 100 millions de dollars classifiée PG-13. Les excès gore du premier Robocop se sont donc évaporés. Oubliés les gerbes de sang et les corps en liquéfaction. Le propos s’est-il édulcoré pour autant ? Pas vraiment. Radical dans son portrait d’une société américaine autocentrée, cynique dans sa description de la paranoïa sécuritaire du gouvernement US, ce nouveau Robocop est un film très politisé. Qui l’eut cru ?
Le prologue nous plonge au cœur d’une opération de pacification de Téhéran. Un arsenal robotique arpente les rues et contrôle les identités d’une population docile, jusqu’à ce qu’explose une violence d’autant plus percutante qu’elle est réaliste. En transportant les problématiques du film initial sur le terrain militaire, Padilha et son scénariste Joshua Zetumer poussent donc la référence à Verhoeven jusqu’à se réapproprier le discours de Starship Troopers. La suite du film reprend dans les grandes lignes l’intrigue du premier Robocop, mais sans jamais atteindre la même intensité, avouons-le. ED 209, le robot vedette de 1987, n’est plus un personnage emblématique mais un simple obstacle que le film multiplie et dépersonnalise dans l’espoir un peu vain de décupler l’impact des scènes d’action le mettant en scène. Le redoutable gangster jadis incarné par Kurtwood Smith cède ici le pas à un mafieux sans charisme dont les agissements nous laissent souvent indifférent.
Les aberrations de la société de consommation
Mais les véritables atouts de ce Robocop cru 2014 résident ailleurs, dans les nombreuses séquences n’offrant aucun élément de comparaison avec le classique de Verhoeven pour prolonger ses thématiques sur d’autres niveaux de narration. A la tête de la multinationale OmniCorp, possédant le monopole de l’industrie robotique sur le sol américain, le personnage de Raymond Sellars incarné par Michael Keaton symbolise à merveille les aberrations d’une société de consommation décérébrée à grands coups d’opérations marketing offensives. A ce titre, le scénario nous offre de vertigineuses mises en abîme, les réunions marketing d’OmniCorp reflétant très probablement celles des cadres de MGM et Columbia. « Les gens ne savent pas ce qu’ils veulent, il faut penser à leur place » dira en substance Sellars à ses publicitaires, au moment où l’on décide de noircir l’armure de Robocop. Dans le rôle du docteur Dennett Norton, architecte de la résurrection d’Alex Murphy, Gary Oldman offre une autre dimension au récit, la relation fusionnelle qu’il établit avec sa « créature » n’étant pas sans évoquer le syndrome du docteur Frankenstein. Quant à Samuel L. Jackson, s’il cabotine comme un diable, c’est pour mieux tourner en ridicule le pouvoir insensé des médias au pays d’Oncle Sam. Alors certes, ce Robocop n’est pas parfait et ne vaut pas son illustre modèle. Mais les émotions nouvelles qu’il véhicule et ses parti pris audacieux méritent largement qu’on s’y attarde.
© Gilles Penso
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