Le cycle des Universal Monsters s'inaugure avec cette première adaptation officielle du roman de Bram Stoker
DRACULA
1931 – USA
Réalisé par Tod Browning
Avec Bela Lugosi, Helen Chandler, David Manners, Dwight Frye, Edward Van Sloan
THEMA DRACULA I VAMPIRES I SAGA UNIVERSAL MONSTERS
Après le Nosferatu de Murnau, détournant habilement le problème des droits d’auteur, voici la première adaptation officielle du roman de Bram Stoker, qui fut aussi le premier film d’épouvante sonore. Pour simplifier les péripéties du texte initial, les scénaristes ont remplacé le héros Jonathan Harker par Renfield, dans la scène du prologue, et transposé l’histoire au vingtième siècle. Malgré les recommandations des villageois, Renfield, un jeune agent immobilier, se rend donc en Transylvanie pour rencontrer le comte Dracula qui veut acquérir une demeure en Angleterre. Mais Dracula est un vampire, et avec l’aide de ses trois femmes non-mortes, il vampirise Renfield et en fait son esclave, avant de partir à la conquête de l’Angleterre. Le producteur Carl Laemmle et le réalisateur Tod Browning ont eu l’idée de génie de confier à Bela Lugosi le rôle du comte vampire imaginé par Bram Stoker. Enveloppé dans sa cape noire, les traits livides, le regard hypnotiseur et la voix précieuse au fort accent de l’Est, Lugosi est inoubliable en Dracula, et sa première apparition, dans un magnifique château brumeux rempli de toiles d’araignées, de gros rats et de tatous (!), est un véritable morceau d’anthologie.
Le prologue sur la route menant au château (une très belle peinture sur verre), la première rencontre entre Renfield et Dracula (avec la célèbre réplique « je ne bois jamais… de vin »), ou l’affrontement final dans le souterrain du vampire sont également des scènes très visuelles. Notons aussi l’idée de l’étui à cigarette qui fait office de miroir, dans lequel Dracula ne se reflète pas. Mais le reste du temps, la mise en scène s’avère assez figée, empruntant la majeure partie de ses effets au théâtre. D’ailleurs, le scénario adapte plus fidèlement la pièce de Hamilton Deane et John Balderston que le roman de Bram Stoker. Au lieu de profiter de l’avènement du parlant pour utiliser une partition adéquate, Browning délaisse la musique (seulement présente au cours du générique de début, par le biais du « Lac des Cygnes » de Tchaikovsky, et au cours de la scène du concert) au profit des dialogues. Ainsi les événements sont-ils plutôt dits que montrés, comme lorsque Dracula s’enfuit de la maison du Dr Seward sous la forme d’un loup. Du coup, certaines scènes, comme la mort de tout l’équipage du vaisseau transportant Dracula à Londres, ou celle de Lucy vampirisée, n’ont-elles pas la force qu’elles devraient avoir.
« Je ne bois jamais… de vin ! »
Ce Dracula demeure malgré tout une œuvre de très haut niveau, un petit joyau porté en grande partie par le jeu superbe de Lugosi et celui du trop sous-estimé Dwight Frye. Simultanément au tournage de ce Dracula, George Melford mit en scène une version espagnole, dans le même décor et sur le même scénario, selon une méthode souvent pratiquée dans les années 30. Ce Dracula ibérique était interprété par Pablo Alvarez Rubio, Barry Norton, Carlos Villarias et Lupita Tova, et d’aucuns le jugent supérieur à celui de Tod Browning. En 1999, Universal demanda au compositeur Philip Glass de concocter une nouvelle musique pour la réédition du film, laquelle, planante et très discrète, n’apporte à vrai dire pas grand-chose à la bande son originale.
© Gilles Penso
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