Dans cette relecture insolite de la mythologie grecque, José Garcia incarne un simple d'esprit amoureux et Vincent Cassel un satyre mi-homme mi-bouc
SA MAJESTÉ MINOR
2007 – FRANCE
Réalisé par Jean-Jacques Annaud
Avec José Garcia, Vincent Cassel, Sergio Peris-Mencheta, Mélanie Bernier, Claude Brasseur, Rufus, Jean-Luc Bideaui, Bernard Haller
THEMA MYTHOLOGIE
Sa Majesté Minor est le dixième long-métrage de Jean-Jacques Annaud et le dernier scénario de Gérard Brach, mort quelques jours avant le début du tournage. Pour leur ultime association, le réalisateur de Stalingrad et le scénariste du Bal des vampires (qui œuvrèrent jadis ensemble sur La Guerre du feu, Le Nom de la Rose, L’Ours et L’Amant) ont décidé de s’attaquer à la mythologie grecque. Les grands amateurs de Jason et les Argonautes que nous sommes ne pouvaient que se réjouir d’une telle initiative, mais le résultat a de quoi laisser perplexe. Le récit prend place dans une antiquité imaginaire antérieure aux odyssées narrées par Homère. Sur une île perdue au beau milieu de la mer Egée vit une peuplade primitive coulant des jours paisibles sous l’œil vénérable du patriarche (Jean-Luc Bidaud). Dans la porcherie du village, truies et cochons partagent leur couche avec Minor (José Garcia), un imbécile heureux orphelin et muet. Ce dernier n’est pas insensible au charme de Clytia (Mélanie Bernier), la fille du patriarche, mais elle est déjà promise au poète Karkos (Sergio Peris-Mencheta), fils du teinturier Firos (Claude Brasseur).
Alors qu’il erre dans la forêt voisine, Minor fait la rencontre d’un satyre mi-homme mi-bouc (Vincent Cassel) qui l’initie aux joies du paganisme et lui présente ses amis mythologiques : des nymphes lubriques et un centaure anthropophage. Lorsqu’il revient parmi les siens, Minor fait une chute mortelle du haut d’un olivier et s’apprête à subir les rites funéraires d’usage. Or contre toute attente, le voilà qui revient d’entre les morts, capable désormais de s’exprimer avec une éloquence désarmante. A contrecœur, le devin du village (Bernard Haller) et le prêtre Rectus (Rufus) le sacrent roi. A partir de ce moment, les choses vont se compliquer allégrement…
Entre Fellini et les Robins des Bois !
On n’en finirait plus de citer les qualités de Sa Majesté Minor : un casting haut de gamme, des dialogues désopilants, des effets spéciaux de très haut niveau, des décors extraordinaires, une audace de tous les instants… Faisant fi de toutes modes, Annaud se fait visiblement plaisir, mettant ici à profit sa minutie légendaire et ses connaissances encyclopédiques en matière de culture grecque (d’où une étrange partition ethnique composée par Javier Navarrete, à qui nous devons la magnifique bande originale du Labyrinthe de Pan). Brach, quant à lui, nage en plein surréalisme, abattant volontiers les tabous et les codes moraux qui entravent bien souvent le cinéma hexagonal. Sa Majesté Minor déborde donc de bonnes intentions, mais comme chacun sait l’Enfer en est pavé, et le film finit par s’effondrer sous un trop plein d’idées mal canalisées. Le scénario patine, l’absurdité des rebondissements émousse considérablement leur efficacité, et la destinée des protagonistes ne parvient guère à nous captiver. C’est d’autant plus dommage que les dernières minutes du film laissent entrevoir des moments d’émotion qui manquent cruellement au reste du métrage. Ne sachant trop sur quel pied (de bouc) danser, oscillant entre des gags à la Robins des Bois (RRRrrrr !!! n’est pas loin) et une folie toute fellinienne (on pense parfois à Satyricon), le dixième film de Jean-Jacques Annaud est donc un patchwork déroutant qui manque singulièrement d’unité.
© Gilles Penso
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