13 ans après Esther, le réalisateur de The Boy réalise une prequel située juste avant les événements tragiques du premier film…
Drôle d’idée de vouloir doter Esther, le formidable film d’horreur psychologique réalisé en 2009 par Jaume Collet-Serra, d’une « prequel » aussi tardive. Treize ans séparent en effet les deux longs-métrages. Dès son annonce le projet semble hasardeux, d’autant que le réalisateur chargé de ce second épisode, William Brent Bell (Stay Alive, The Devil Inside, The Boy et sa suite) tient absolument à solliciter à nouveau Isabelle Fuhrman pour reprendre le rôle principal. Or l’actrice est désormais âgée de 24 ans. Comment peut-elle jouer de manière crédible cette « fillette » maléfique ? Le cinéaste est confiant, s’appuyant sur des effets numériques de rajeunissement, des « tours de passe-passe » à base perspectives forcées, d’astuces de cadrage, de doublures, d’éléments de décor surdimensionnés et de jeux sur les éclairages. Pour le reste, il se repose sur les talents de la comédienne et sur sa capacité à nous faire croire à son personnage. Et le miracle opère. Isabelle Fuhrman entre une fois de plus dans la peau d’Esther, comme si elle avait quitté le rôle la veille, et active immédiatement notre suspension d’incrédulité.
Nous voilà dans l’hiver estonien, en 2007. Une instructrice spécialisée en thérapie artistique prend ses fonctions au Saarne Institute, un centre de soins psychiatriques austère et guère engageant. Dès son premier jour, elle fait la rencontre de la patiente la plus dangereuse des lieux, une certaine Leena. Cette dernière n’est pas ce qu’elle semble être. Sous son apparence d’innocente petite fille d’une dizaine d’années se cache un être machiavélique et passablement perturbé. Grâce à une machination savamment orchestrée, Leena s’évade en laissant derrière elle plusieurs victimes ensanglantées, puis change d’identité. Elle se fait ainsi passer pour Esther Albright, une petite fille disparue depuis quatre ans. Elle s’installe donc à Darien, dans le Connecticut, où l’accueillent ses parents et son grand-frère. Son histoire est bien rôdée : elle a été kidnappée en Russie et est parvenue à s’échapper. Mais son double jeu va-t-il fonctionner jusqu’au bout ?
La pauvre petite orpheline
Esther 2 peut s’apprécier sans avoir vu le premier Esther puisqu’il reprend le récit depuis ses origines, mais mieux vaut d’abord découvrir le film de Jaume Collet-Serra afin de ne pas rater l’effet de surprise initial. Faute de quoi le spectateur se retrouverait dans la même situation que ceux qui ont visionné la prélogie Star Wars sans avoir vu L’Empire contre-attaque, se privant ainsi de l’un des coups de théâtre les plus marquants de l’histoire du cinéma. Cette prequel ne joue donc pas sur l’effet de surprise – du moins pas dans un premier temps – tout en fonctionnant sur un registre voisin de celui de son prédécesseur. Les mécanismes de la peur s’enclenchent sous forme d’un malaise insidieux qui s’installe peu à peu et contamine progressivement tous les personnages. C’est chez la mère que le doute commence d’abord à s’instiller comme un poison. Le policier en charge de l’enquête a lui aussi la puce à l’oreille et cherche à s’assurer de la véritable identité d’Esther. Cette fois-ci, le spectateur bénéficie d’un coup d’avance qui lui permet d’anticiper le drame. Pour autant, la tournure précise que s’apprêtent à prendre les événements nous échappe. D’autant qu’un retournement de situation vertigineux survient à mi-parcours, réorganisant les enjeux sous un angle tout nouveau. Le « twist » est un peu difficile à croire et un tantinet tiré par les cheveux, mais il présente l’intérêt d’être très habile et totalement inattendu. Dommage que le climax en fasse des tonnes, privilégiant l’effet spectaculaire à la subtilité. Mais l’exercice reste très réussi, en grande partie grâce à la justesse des comédiens, parmi lesquels Isabelle Fuhrman tire encore une fois son épingle du jeu dans un registre pourtant très difficile.
© Gilles Penso
Partagez cet article