La franchise Predator prend une tournure inattendue sous forme d’un survival situé au 18ème siècle sur le territoire d’une tribu indienne…
PREY
2022 – USA
Réalisé par Dan Tratchenberg
Avec Amber Midthunder, Dakota Beavers, Stormee Kipp, Michelle Thrush, Julian Black Antelope, Dane Di Liegro
THEMA EXTRA-TERRESTRES I SAGA PREDATOR
En 2016, le réalisateur Dan Trachtenberg (10 Cloverfield Lane) et le scénariste Patrick Aison (les séries Wayward Pines et Jack Ryan) développent l’idée d’une prequel de Predator située dans le grand ouest américain en plein 18ème siècle. Le concept est audacieux, mais entretemps le studio 20th Century Fox initie une suite plus « classique » réalisée par Shane Black, The Predator. Il faut attendre le rachat de la Fox par Walt Disney et la création de 20th Century Studios pour que le projet de Trachtenberg et Aison, alors baptisé Skulls, redémarre. Skulls devient finalement Prey et installe son action dans les grandes plaines en 1719, sur un territoire Comanche. Naru (Amber Midthunder), une jeune femme promise à un avenir de guérisseuse, rêve de devenir une grande chasseuse comme son frère Taabe (Dakota Beavers), ce que sa mère et les membres masculins de la tribu ne voient pas forcément d’un très bon œil. Alors qu’elle traque des cerfs avec son chien Sarii, elle assiste à un phénomène étrange dans le ciel : une formation nuageuse inconnue de laquelle émerge une lueur surnaturelle. À travers cet « oiseau-tonnerre », elle voit le signe de la future épreuve qu’elle va devoir affronter pour devenir enfin une chasseuse. Elle ne croit pas si bien dire : « l’oiseau-tonnerre » est en réalité un vaisseau spatial transportant un redoutable prédateur extra-terrestre…
Dans un premier temps, il est difficile de considérer Naru autrement que comme une nouvelle déclinaison de la princesse Disney moderne, celle qui veut échapper aux normes établies par le patriarcat ancestral pour affirmer sa capacité à rivaliser avec les hommes sur leur propre terrain. On pense bien sûr à Mulan ou à Rebelle, et une série de lieux communs inhérents à ce motif bien connu ponctuent la première partie du métrage. Naru veut chasser comme les garçons pour prouver sa valeur, face au regard amusé des siens qui préfèrent la voir s’occuper de la cueillette et des tâches ménagères. Mais elle est pugnace, têtue et douée de capacités qui prouvent finalement qu’elle avait raison. Rien de bien neuf à priori, dans ce qui s’annonce comme une sorte de « Pocahontas contre Predator ». Si ce n’est que la tournure que prennent les événements et la maestria avec laquelle Dan Tratchenberg les met en scène créent un sentiment d’immersion évacuant peu à peu les clichés pour nous ramener à une brutalité primitive qu’on n’espérait plus. En ce sens, Prey retrouve par moment la force élémentaire du tout premier Predator.
Pocahontas vs. Predator
Située dans un contexte résolument différent de celui des autres films de la franchise, Prey ne convoque donc pas la même imagerie tout en se montrant respectueux du caractère primordial de l’affrontement entre l’humain et l’extra-terrestre. Et s’il pouvait sembler incongru de remplacer la montagne de muscle d’Arnold Schwarzenegger par la silhouette frêle d’une jeune femme qui donne le sentiment de sortir à peine de l’enfance, le face à face surprend par sa crudité et son animalité. Naru s’affirme bien vite comme une force de la nature, faisant corps avec ses armes et avec la forêt pour mieux se mesurer au monstre. Filmé dans de somptueux décors naturels canadiens, construit comme un survival empruntant parfois quelques éléments à The Revenant, constellé de morceaux de bravoure (la scène de l’ours, le premier combat entre les hommes et le Predator), Prey ne lésine ni sur la violence, ni sur le sang. Cerise sur le gâteau : les géniaux artistes de l’atelier ADI, déjà en charge de la créature sur plusieurs opus précédents de la saga, déploient une fois de plus leur savoir-faire animatronique pour donner corps à cet alien agressif qui n’a décidemment pas « une gueule de porte-bonheur ». Certes, Prey ne parvient pas à se soustraire pleinement au réflexe du « fan-service » (la reprise de la réplique « s’il saigne on peut le tuer », la réapparition d’une arme vue dans Predator 2) ni à éviter les maladresses (le français incompréhensible dans lequel s’expriment des trappeurs caricaturaux). Mais son audace et son absence de concessions, alliées à un emploi de la langue Comanche qui n’est pas sans évoquer le travail de John McTiernan sur les langues étrangères (notamment dans À la poursuite d’Octobre Rouge et Le Treizième guerrier), emportent l’adhésion. Dommage qu’un tel spectacle n’ait pas pu s’apprécier sur un grand écran, au lieu d’atterrir directement sur les plateformes de streaming.
© Gilles Penso
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