RE-ANIMATOR (1985)

Stuart Gordon éclabousse l'écran de gore, d'humour noir et d'érotisme à l'occasion de cette adaptation très libre de l'univers d'H.P. Lovecraft

RE-ANIMATOR

1985 – USA

Réalisé par Stuart Gordon

Avec Jeffrey Combs, Bruce Abbott, Barbara Crampton, David Gale, Robert Sampson, Gerry Black, Carolyn Purdy-Gordon 

THEMA ZOMBIES I MEDECINE EN FOLIE I SAGA RE-ANIMATOR CHARLES BAND

Porter à l’écran l’écrivain H.P. Lovecraft, réputé « maître de l’indicible », n’était pas une tâche aisée. Le réalisateur Stuart Gordon, le producteur Brian Yuzna et les scénaristes Dennis Paoli et William Norris ont relevé le défi avec culot, en reprenant les personnages et les événements décrits dans le roman à épisodes « Herbert West, réanimateur », publié en 1921. Afin d’adapter le récit initial aux goûts de l’époque, Gordon et son équipe ont resserré les péripéties dans le temps (la nouvelle s’étale sur 16 ans) et les ont transposées en 1985. Pour couronner le tout, le cinéaste a insufflé à son film deux éléments résolument étrangers à l’univers lovecraftien : la comédie et le sexe. Même si, convenons-en, l’humour est ici très noir et l’érotisme plutôt morbide. Le style de l’écrivain n’est donc pas fidèlement restitué, mais le résultat est une vraie réjouissance, accommodée de surcroît aux débordements du gore cher aux années 80, via une accumulation de séquences d’horreur trop excessives pour ne pas être drôles. La réussite de Re-Animator est d’autant plus remarquable qu’il s’agit du premier long-métrage de cinéma de Stuart Gordon, jusqu’alors connu pour ses activités théâtrales au sein de l’Organic Theater Company de Chicago.

Le personnage central, Herbert West, jeune étudiant en médecine, débarque fraîchement à l’université d’Arkham. Il a trouvé le moyen de ressusciter les morts mais préfère pour l’instant en garder le secret. Assez rapidement, West se choisit une demeure qu’il va partager avec Dan, un autre étudiant, et couve déjà d’un œil cupide la cave qui servira à ses hérétiques expériences. Il s’en prend d’abord au chat de la maison qui, de cadavre conservé au frigo, se transforme bientôt en bête meurtrière avant d’être écrabouillé. Devant Dan, West démontre l’efficacité de son produit fluorescent qui, par simple injection, fait revenir à la vie le cadavre mutilé. Bien qu’il soit effrayé, Dan accepte d’aider West. Un corps robuste est donc réanimé à la morgue de l’université et se jette frénétiquement sur Alan Halsey, père de la fiancée de Dan et administrateur de l’école. West élimine le mort-vivant avec un trépan électrique et ressuscite aussitôt Halsey. Mais les morts, après leur résurrection, n’ont plus du tout le comportement qu’ils avaient de leur vivant. D’où une cascade de situations virant du vaudeville au cauchemar le plus intense. 

La folie d'Herbert West

Dans la peau de l’ambigu Herbert West, personnage très sombre mais qui, peu à peu, gagne la sympathie des spectateurs, Jeffrey Combs révèle un grand talent, trouvant là indiscutablement le rôle de sa vie. Pour Stuart Gordon, Re-Animator est également une œuvre d’exception, sans doute la plus aboutie de toute sa carrière. La compagnie Empire produisant le film, Charles Band eut son mot à dire sur plusieurs aspects du long-métrage, imposant notamment le chef opérateur Mac Ahlberg et le compositeur Richard Band (son propre frère). Autre familier des productions Empire, John Buechler agrémente le film d’effets spéciaux gore particulièrement spectaculaires. Au cours du climax, sommet de frénésie et de démesure, West est carrément attaqué par les entrailles d’un cadavre qui tentent de l’étouffer comme un anaconda ! « Le premier montage de Re-Animator montrait un film très sérieux, sans humour du tout », nous explique Brian Yuzna. « Mais dès que Richard Band a composé la bande originale, certaines séquences ont pris un second degré comique, lorgnant même parfois du côté du cartoon. » (1) Quant au thème du générique, c’est un hommage très appuyé à celui de Psychose. Le sujet du film évoque irrésistiblement Frankenstein, et la suite, réalisée par Yuzna en personne, officialisera quasiment cette parenté. 

 

(1) Propos recueillis par votre serviteur en février 1994

 

© Gilles Penso

Partagez cet article