INCUBUS (1981)

Dans une petite ville américaine, plusieurs femmes sont attaquées et violées par une entité dotée d’un force phénoménale…

INCUBUS

 

1981 – CANADA

 

Réalisé par John Hough

 

Avec John Cassavetes, John Ireland, Kerrie Keane, Erin Noble, Helen Hughes, Duncan McIntosh, Harvey Atkin, Harry Ditson, Mitch Martin, Matt Birman

 

THEMA DIABLE ET DÉMONS

Vétéran des séries TV Chapeau melon et bottes de cuir et Poigne de fer et séduction, le réalisateur John Hough a toujours eu une prédilection affirmée pour le fantastique et l’horreur, comme en témoignent Les Sévices de Dracula et La Maison des damnés qu’il signa en début de carrière. Même lorsqu’il s’attela à des productions Disney (La Montagne ensorcelée, Les Visiteurs d’un autre monde, Les Yeux de la forêt), le surnaturel et l’épouvante n’étaient jamais loin. Il était donc tout disposé à mettre en scène Incubus, écrit par George Franklin d’après le roman publié par Ray Russell en 1976. Il fut pourtant un temps question que David Cronenberg se voit confier le projet. La production étant canadienne et le sujet du film tournant autour d’agressions sexuelles d’origine inconnue, le choix du réalisateur de Frissons, Rage et Chromosome 3 avait du sens. Mais Cronenberg s’attaquant au début des années 80 à Scanners, John Hough eut le champ libre et put apposer sa patte et son style très britannique sur Incubus. En tête d’affiche, on trouve John Cassavetes, qui venait alors de réaliser Gloria et s’était déjà frotté par le passé au fantastique en jouant dans Rosemary’s Baby et Furie. L’acteur/réalisateur accepta le rôle à condition de réécrire la grande majorité de ses dialogues, puis s’embarqua avec l’équipe du film pour un tournage en Ontario étalé sur une dizaine de semaines.

Cassavetes incarne le docteur Sam Cordell, fraîchement débarqué avec sa fille dans la petite ville de Galen. Veuf taciturne et chirurgien brillant, il se retrouve bientôt confronté à une série d’agressions sexuelles qui dépassent l’entendement. La police lui confie en effet le corps de victimes laissées dans un état pitoyable. Leur anatomie est profondément altérée et certaines sont souillées par une quantité impressionnante de semence qui, après étude au microscope, n’a visiblement rien d’humain. Alors que Sam et les autorités se perdent en conjecture et que la journaliste Laura Kincaid (Kerrie Keane) commence à fouiner au grand dam de la police, un jeune homme qui a grandi dans la bourgade, Tim (Duncan McIntosh) est en proie à des cauchemars réguliers liées à une séance de torture d’allure médiévale. Or chaque fois que ce rêve traumatisant l’assaille, une nouvelle victime est découverte à Galen. Aucun lien logique ne semble pouvoir s’établir entre Tim et les agressions. Et pourtant…

Sexcrimes

Pour s’inscrire dans l’air du temps et traiter frontalement la violence inhérente au scénario, John Hough ne recule ni devant la nudité, ni devant les meurtres brutaux et l’horreur graphique. L’affiche française d’Incubus ne jouera d’ailleurs pas la carte de la demi-mesure, reprenant la même idée visuelle que celle de L’Avion de l’apocalypse : une femme qui hurle tandis que la peau de son cou et de son visage se déchire. La musique oppressante de Stanley Myers contribue beaucoup au malaise qui s’instille régulièrement dans le film (clignant de l’œil vers le Bernard Herrmann de Psychose au moment d’une scène de douche) et s’adapte aux effets de mise en scène parfois perturbants adoptés par Hough : cadrages complètement obliques, contre-plongées vertigineuses, caméra embarquée sur un fauteuil roulant… Le cinéaste tente aussi des choses surprenantes du côté du montage, comme ce prologue déroutant dans lequel plusieurs séquences qui semblent n’avoir aucun rapport entre elles de déroulent en même temps, cette scène étrange où la caméra avance sur le visage de John Cassavetes en l’accompagnant du tictac lancinant d’une horloge juste avant un baiser langoureux, ou encore ces flash-back très furtifs qui viennent contaminer le présent. Cette réalisation à la lisière de l’exercice expérimental et ce scénario en forme d’énigme dotent Incubus d’une atmosphère très curieuse, d’autant que la prestation de Cassavetes est insaisissable. Dégingandé, les traits tirés, le visage souvent défait, il semble un peu ailleurs, comme en pilotage automatique. « Vous avez une mine terrible ! » lui dira d’ailleurs la journaliste Laura Kincaid. Quant au final, abrupt et sanglant, il clôt le film sur une note un peu frustrante, comme si le scénario n’avait pas eu le temps d’aller au bout de ce qu’il voulait nous raconter.

 

© Gilles Penso


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