LA MALÉDICTION DE LA MOUCHE (1965)

Cette seconde suite de La Mouche noire prend des libertés avec les films précédents pour mettre en scène de nouvelles mutations monstrueuses…

CURSE OF THE FLY

 

1965 – GB

 

Réalisé par Don Sharp

 

Avec Brian Donlevy, George Baker, Carole Gray, Yvette Rees, Burt Kwouk, Mary Manson, Michael Graham, Rachel Kempson, Jeremy Wilkins, Charles Carson

 

THEMA MUTATIONS I SAGA LA MOUCHE

Pour bénéficier d’un certain nombre d’avantages fiscaux, le producteur Robert L. Lippert (Le Continent perdu, Le Monstre, Je suis une légende) initia plusieurs films en Angleterre. C’est donc là qu’il mit sur pied cette seconde suite de La Mouche noire en réunissant deux membres clés du film d’horreur WItchcraft dont il s’occupa en 1964 : le co-producteur Jack Parsons et le réalisateur Don Sharp (qui signa Le Baiser du vampire pour la Hammer). Officiellement, La Malédiction de la mouche prend la suite de La Mouche noire et du Retour de la mouche. Mais le scénario de Harry Spalding prend beaucoup de libertés avec la continuité des deux films précédents, se contentant d’emprunter les éléments qui l’arrangent en laissant de côté les autres. L’inspecteur de police Charas, initialement incarné par Herbert Marshall, est ici joué par Charles Carson. Vincent Price, pour sa part, est absent de la distribution car il est alors sous contrat chez American International Pictures. Restent donc de nouveaux personnages, dont un Henri Delambre qu’incarne Brian Donlevy (le professeur Quatermass de La Marque) là où Don Sharp aurait largement préféré Claude Rains (L’Homme invisible). Sharp s’avouera par ailleurs déçu par le scénario de ce film, auquel il accorde cependant le crédit d’une scène d’ouverture très réussie.

En effet, La Malédiction de la mouche démarre de manière très intrigante. Une vitre se brise d’abord en mille morceaux. Puis une mystérieuse jeune femme en sous-vêtements (Carole Gray) sort par la fenêtre et s’enfuit au ralenti dans la forêt. Elle s’échappe de l’institut psychiatrique Fournier puis court au milieu des bois pendant toute la durée du générique. C’est alors qu’elle croise la route de Martin Delambre (George Baker), un scientifique qui lui prête des vêtements et la conduit à l’abri sans lui poser de question. Il apprend tout juste son nom : Patricia Stanley. Tous deux finissent par tomber amoureux et se marient en toute discrétion. Mais Patricia et Martin ont des secrets qu’ils ne sont pas prêts à partager. Elle s’est évadée de l’institut qui la soignait de sa dépression nerveuse suite à la mort de sa mère. Lui, de son côté, pratique des expériences sur la téléportation avec l’aide de son père. Mais les essais effectués jusqu’alors ont laissé d’horribles séquelles aux cobayes du dispositif. Martin lui-même souffre d’un mal congénital qui prend la forme de crise brutales le pliant en deux de douleur. Seul un sérum de son invention peut le calmer, sans lequel sa peau se flétrit en accéléré. On ne peut donc pas dire que ce couple parte sur des bases très saines…

La révolte des mutants

Le motif de l’apprenti-sorcier (hérité de “Frankenstein“) nimbe tout le film, notamment à travers le personnage d’Henri Delambre, exalté, qui affirme « trois générations de Delambre ont dédié leur vie à cette œuvre » sans s’émouvoir outre-mesure des conséquences désastreuses de ces expériences. Mais une autre source d’inspiration jette son ombre sur le métrage : Rebecca d’Alfred Hitchcock, d’après le célèbre roman de Daphné du Maurier. Il est en effet difficile de ne pas penser au classique de 1940 lorsque la nouvelle épouse de Martin Delambre cherche à trouver ses marques dans cette grande demeure encore hantée par la présence de la première femme du savant, se heurtant à l’accueil glacial d’une gouvernante qui fait tout pour accroître le malaise. « Vous êtes tous contre moi » finira par s’exclamer Patricia, développant une paranoïa bien compréhensible. Le grand moment de La Malédiction de la mouche est la révélation des mutants contrefaits victimes des expériences ratées des Delambre. L’un est une sorte de catcheur au visage partiellement effacé, l’autre un être malingre et gémissant. Quant à Judith, la fameuse ex-femme, elle est affublée d’affreuses malformations sur la moitié de son corps. Les maquillages conçus par Harold Fletcher (Les Innocents) ne sont pas d’une folle subtilité, mais l’effet perturbant reste efficace. La Malédiction de la mouche n’attira guère les foules au moment de sa sortie. Il faut dire que la promesse était mensongère, dans la mesure où aucune mouche ne montre le bout de ses mandibules dans le film. Nous connaissons donc la réponse à la question qu’affiche le générique de fin : « Is this the end ? » Oui, c’est bien la fin de la saga, jusqu’à sa résurrection par David Cronenberg. On note d’ailleurs que La Mouche 2 de Chris Walas emprunte plusieurs de ses idées narratives et visuelles à La Malédiction de la mouche. Car au pays des mutants, rien ne se perd, tout se transforme.

 

© Gilles Penso


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