Derrière ses débordements ultra-violents, le premier film de Julien Maury et Alexandre Bustillo cache une sensibilité à fleur de peau
A L’INTERIEUR
2007 – FRANCE
Réalisé par Julien Maury et Alexandre Bustillo
Avec Alysson Paradis, Béatrice Dalle, Nathalie Roussel, François-Régis Marchasson, Jean-Baptiste Tabourin, Dominique Frot
THEMA TUEURS I SAGA BUSTILLO & MAURY
« Ouvre-moi ta porte… que je t’ouvre le ventre ». Si le slogan d’A l’intérieur joue volontiers la carte de l’autodérision et du second degré, le premier long-métrage de Julien Maury et Alexandre Bustillo ne prête pas franchement à rire. La noirceur de l’œuvre est même étonnamment intense, engloutissant le spectateur dès les premières minutes pour ne le lâcher que longtemps après le générique de fin. C’est par un accident de voiture que commence le film. Deux voitures sont imbriquées l’une dans l’autre après un violent choc frontal. Derrière un pare-brise ayant volé en éclats, Sarah (Alysson Paradis), enceinte, a le visage ensanglanté, mais elle vit encore. Ce n’est pas le cas de son époux, dont le cadavre écarlate gît sinistrement à ses côtés. Quelques semaines plus tard, la veille de son accouchement, Sarah décide de passer seule le réveillon de Noël, dans la tranquillité un peu morose de son pavillon isolé. Son sommeil est agité par des cauchemars effrayants dignes d’Alien, jusqu’à ce qu’une inconnue (Béatrice Dalle) sonne soudain à sa porte, prétextant une panne de voiture. Sarah refuse d’ouvrir, mais il en faut bien plus pour stopper la détermination de cette étrangère qui semble en savoir long sur Sarah…
En dire plus long risquerait de déflorer une intrigue en forme de train fantôme éprouvant, mais il faut savoir que le sang coule dès lors par hectolitres, et que le visionnage du métrage est à déconseiller résolument aux femmes enceintes. Car en comparaison avec A l’intérieur, Rosemary’s Baby passerait presque pour un épisode de Winnie l’ourson ! Certes, l’histoire du film tient finalement à peu de chose, mais la précision d’écriture de Bustillo rend son déroulement implacable, et la mise en scène qu’il co-signe avec Maury s’avère redoutablement efficace. On sent bien l’influence d’un Carpenter et d’un Argento, mais A l’intérieur ne cède pas pour autant à la tentation de l’hommage appuyé, défaut souvent imputable aux premiers films de cinéphages devenus cinéastes.
Béatrice Dalle déchaînée
Sur la forme, ce slasher sans concession s’avère impeccable : le design sonore y est remarquable, les images de synthèse qui visualisent les réactions du bébé in utéro bénéficient d’un étonnant hyperréalisme (à cette occasion, les infographistes de Mc Guff Ligne recyclent le fœtus virtuel qu’ils avaient conçu pour le docu-fiction L’Odyssée de la vie de Nils Tavernier), et les innombrables effets gore de Jacques-Olivier Molon n’en finissent plus d’éclabousser l’écran. Mais le film n’aurait jamais eu un tel impact sans l’implication illimitée de ses deux comédiennes principales. Béatrice Dalle glace le sang à chacune de ses apparitions, mue par une folie meurtrière obsessionnelle dont nous ne comprendrons la genèse qu’à la faveur d’une habile révélation finale, tandis qu’Alysson Paradis impressionne par sa prestation à fleur de peau. Certains rebondissements d’A l’intérieur ne sont pas éloignés des mécanismes du Vaudeville, et le climax lui-même bascule dans le grand guignol le plus outrancier. Mais le film est loin de se limiter à un étalage de boucherie. Les sévices les plus atroces y côtoient en effet les émotions les plus fortes. C’est bien là la gageure et la singularité de cette œuvre définitivement hors du commun.
© Gilles Penso
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