CLOUD ATLAS (2012)

Une épopée vertigineuse au cours de laquelle s’entremêlent les destins de personnages appartenant au passé, au présent et au futur…

CLOUD ATLAS

 

2012 – USA

 

Réalisé par Andy Wachowski, Lana Wachowski et Tom Tykwer

 

Avec Tom Hanks, Halle Berry, Jim Broadbent, Hugo Weaving, Jim Sturgess, Doona Bae, Ben Whishlaw, Susan Sarandon, Hugh Grant

 

THEMA FUTUR

Les frères Wachowski sont des cinéastes hors du commun. Ce ne sont d’ailleurs plus des frères depuis 2009, époque où Larry a décidé de changer de sexe pour devenir Lana, avant qu’Andy ne suive la même démarche quelques années plus tard. L’ambiguïté sexuelle de Bound ou les crises identitaires et métaphysiques de la trilogie Matrix ne seraient-elles donc pas de simples prétextes scénaristiques mais des questionnements très personnels transfigurés par l’écriture cinématographique ? Probablement. Avec Cloud Atlas, inspiré du roman « La Cartographie des nuages » de David Mitchell et co-réalisé par Tom Tykwer (qui se charge aussi de composer la bande originale du film), les duettistes continuent à se soustraire au conformisme généralement de mise à Hollywood. Très audacieux, le film entremêle six intrigues situées dans des espace-temps bien distincts. Malgré le prestige de ce trio de réalisateurs, aucun grand studio n’est prêt à s’embarquer dans une aventure aussi atypique, aussi risquée et aussi coûteuse. Cloud Atlas sera donc l’un des films indépendants les plus chers de l’histoire du cinéma, financé par de nombreux investisseurs autonomes, principalement allemands, pour une somme de plus de 100 millions de dollars. Il n’en faut pas moins pour porter à l’écran les folles idées qu’Andy, Lana et Tom ont en tête.

Pour pouvoir absorber la gigantesque quantité de travail qui les attend, les réalisateurs se répartissent les segments à mettre en scène. Tom Tykwer prend ainsi en charge les récits situés respectivement en 1936, 1973 et 2012, tandis que les Wachowski s’occupent de ceux de 1849, 2144 et 2321. Ainsi s’enchaînent les histoires d’un avocat du 19ème siècle qui sympathise en plein Océan Pacifique avec un esclave auto-libéré dont il sauve la vie, d’un jeune compositeur anglais des années 30 qui quitte son amant pour s’engager comme copiste auprès d’un célèbre musicien, d’une journaliste américaine des seventies qui enquête sur un problème de sécurité majeur lié à une centrale nucléaire, d’un éditeur britannique de 2012 menacé par de redoutables créanciers, d’une serveuse-clone de 2144 qui rejoint un jeune révolutionnaire de l’Union rebelle et d’un peuple primitif post-apocalyptique qui se heurte à une tribu cannibale et à une visiteuse venue de la civilisation avancée des « Préscients »… Au départ, un peu déstabilisés, il nous semble visionner six courts-métrages indépendants mélangés entre eux de manière aléatoire. Mais petit à petit, quelque chose de plus grand se dessine…

Les remous du destin

Car ces récits hétéroclites finissent par se relier les uns les autres à travers des points communs infimes, des détails, des clins d’œil, des échos et des résonnances. Rien d’ostensible ni de trop appuyé, mais des petites choses insolites comme par exemple cette tache de naissance en forme de comète. La virtuosité du montage entremêle progressivement les séquences de suspense, les moments lyriques, les joies et les tristesses, les élans d’espoir ou de découragement. Enivrants, ces va et vient incessants d’une époque à l’autre tissent donc une fable à grande échelle sur le croisement des destinées. En plaçant le karma et les vies antérieures au sein de sa narration, Cloud Atlas n’est pas sans évoquer les expérimentations de Mr Nobody ou même de Cours, Lola, cours dans lequel Tom Tykwer bâtissait déjà des variantes sur les caprices du destin. « La mort n’est qu’une porte », affirme à ce titre le clone Sonmi incarné par Donna Bae. « Lorsqu’elle se ferme, une autre s’ouvre. » Pour aller jusqu’au bout du concept, les acteurs principaux jouent plusieurs rôles au fil des univers et des époques. Tom Hanks nous apparaît ainsi sous les traits du membre d’une tribu sauvage, d’un médecin véreux, d’un tenancier d’hôtel patibulaire, d’un ingénieur, d’un écrivain ou d’un comédien… La plupart des autres membres du casting jouent aussi la carte du « caméléon », notamment Hugo Weaving qui se positionne en antagoniste universel, comme s’il déclinait le personnage de l’agent Smith de Matrix. Ce fascinant exercice de style aura du mal à rencontrer son public, ne remboursant que difficilement sa mise de départ. Paradoxalement, beaucoup le considèrent comme une pièce maîtresse de l’histoire du cinéma.

 

© Gilles Penso


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